Second épisode de l’interview de Madame Sylvie LE CLECH, Directrice adjointe des Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères

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Le 16 septembre 2023, je publiais le premier épisode de l’interview de Madame Sylvie LE CLECH, Directrice adjointe des Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères. 

Nous sommes à l’automne 2024 de nouveau sur le site de la Courneuve qui est le siège de la Direction des Archives diplomatiques.

« Il s’agit d’un bâtiment construit par Henri GAUDIN, un grand nom de l’architecture, inauguré en 2009 par Bernard KOUCHNER, alors ministre des Affaires étrangères. C’est un bâtiment qui est le résultat d’un effort très long de rassemblement de tous les fonds des archives diplomatiques de l’administration centrale. Ces fonds étaient conservés dans les anciens bâtiments du Quai d’Orsay, et également dans plusieurs endroits dans Paris. Ils ont tous été déménagés dans ce très beau bâtiment qui a une capacité de stockage de plus de 100 km linéaires. Nous disposons à Nantes d’un deuxième site qui accueille les archives de l’état civil des Français nés à l’étranger, les archives historiques des anciens protectorats français du bassin méditerranéen et les archives des postes diplomatiques. Au total, un peu plus de 138 km linéaires de documents sont conservés à Nantes et à la Courneuve. » précisait Sylvie LE CLECH dans le premier épisode.

Je suis avec Sylvie LE CLECH, et Michaël GEORGES dont le métier est cartographe à la Direction des Archives au ministère de l’Europe. Une belle initiative de Sylvie LE CLECH de me présenter Michaël GEORGES qui permet une mise en lumière passionnante d’un métier méconnu.

Ce rapport rend compte pour un large public d’un progrès fondamental que nous avons pu réaliser à la Direction des Archives diplomatiques, celui de l’ouverture de notre portail en ligne Inventaires et archives qui permet désormais à tout à chacun d’avoir connaissance des inventaires et également d’un certain nombre de documents d’archives numérisés (au total 4000 fiches descriptives, 2700 inventaires et plus de 2 millions d’images). 

Concrètement cela sert à deux choses. Tout d’abord, cela sert à des internautes qui vont faire des recherches à distance. Comme dans tous les autres services d’archives, tout n’est pas numérisé, car tout ne peut être numérisé. Pour autant, plus de 2 millions d’images sont déjà mises à disposition et accessibles grâce à un moteur de recherche. Ensuite une première consultation à distance sert à préparer la venue de personnes dans l’une de nos deux salles de lecture qui sont situées à la Courneuve pour la première, et à Nantes pour la seconde.

Au-delà de l’accès en ligne, la direction des Archives, au cours de l’année 2023, a continué à démontrer qu’elle était une ressource importante pour le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), fournissant un appui certain dans le domaine de l’action diplomatique et du travail quotidien de nos collègues. 

Ces actions sont les nôtres depuis de nombreuses années, mais il est vrai qu’en 2023 nous avons été encore plus près des utilisateurs tant internes qu’externes. 

Par exemple, pour le cycle des hautes études de l’Institut diplomatique (CHEID) intégré dans l’Académie diplomatique et consulaire (ADC) depuis le 19 juin 2024, il est apparu lors de la clôture de la session 2022-2023 que nous pouvions proposer un dossier documentaire composé de reproductions de documents d’archives qui allaient être utilisés dans le cadre d’un module sur les négociations internationales. Donc nous avons composé avec nos collègues du CHEID, un dossier sur la conférence internationale pour le Cambodge organisée à l’initiative de la France en 1989 où nous reproduisons des documents depuis l’invasion du Cambodge en 1975 jusqu’à cette conférence de 1989. On rentre dans le dur du sujet avec de la pédagogie pour les auditeurs et auditrices du CHEID qui viennent du monde associatif, du monde politique, des grandes sociétés. L’étude des séquences diplomatiques permet de se familiariser concrètement non seulement avec l’histoire, mais aussi avec ceux qui la vivent, négociateurs, rédacteurs de notes et de télégrammes. 

Et puis, nous avons considérablement développé les missions d’appui sur site ou à distance (12 nouveaux plans d’urgence, 78 récolements, appui aux inspections) au bénéfice des postes diplomatiques en renforçant notre présence dans les postes quand il s’agit d’aider à résorber des arriérés d’archives systématiquement, et cela a été particulièrement visible cette année, qui a vu la collecte en provenance des postes se maintenir à un rythme soutenu (596 mètres linéaires). 

Nous arrivons à faire en sorte que les postes puissent avoir un soutien de personnel de renfort sous forme de vacation et un soutien de notre part sous la forme de mission (une moyenne de 12 par an) où nous venons à une ou deux personnes et nous avons réussi, grâce à cela, à rentrer des fonds d’archives de postes prestigieux et étonnamment anciens. Par exemple, pour certains postes d’Amérique du Sud, comme Lima, nous avons identifié des fonds remontant aux années 1840.

Il est impossible de parler de tout mais je ne serais pas complète si j’oubliais la Bibliothèque diplomatique numérique (BDM) qui est une opération un peu plus ancienne, qui vit sa belle vie, et qui mûrit bien, puisque l’on met en ligne des ouvrages et des collections grâce à un partenariat avec la Bibliothèque nationale de France (BnF) la marque blanche Gallica.

Aux Archives diplomatiques, nous avons une petite équipe projet qui se mobilise pour mettre en ligne des documents provenant des collections de la bibliothèque mais aussi rédiger des articles historiques grand public permettant de mieux comprendre un personnage, un pays. Et donc aujourd’hui, pour récapituler, on a en ligne aussi bien des documents d’archives, des inventaires qu’une partie des collections de la bibliothèque et selon deux portails d’accès, très complémentaires l’un par rapport à l’autre.

L’un est le portail de la Bibliothèque diplomatique numérique, et l’autre est le portail Inventaires et archives

Un dernier axe très positif. Nous avons étendu sur l’année scolaire 2023-2024 l’engagement des élèves à participer au 7ème Concours des jeunes ambassadeurs et ambassadrices

Cette année, on est passé de deux régions participantes au concours à huit régions participantes et on a touché 4400 élèves, ce qui est un vrai bond en avant avec le thème: Mexico 1968. Les Jeux Olympiques au cœur des crises.

Je m’arrête là pour les points positifs les plus saillants, et il y en a d’autres, en particulier dans le domaine de notre investissement vis-à-vis de la collecte d’archives nativement numériques, de notre veille active sur le marché de l’art ou des liens originaux noués avec de grandes institutions de la photographie, telles que la galerie du Jeu de Paume..

Ils sont liés aux conditions d’exercice de l’action diplomatique, et c’est pour cela que c’est difficile. Nos collègues sont au premier chef concernés par les crises dans le monde : et nous que pouvons-nous faire ?

D’abord jouer collectif et proposer un accompagnement concret quand il s’agit de gérer les crises avec eux à distance. Soit la situation se rétablit après la crise c’est-à-dire que la situation revient à la normale, soit l’ambassade est mise en sommeil ou obligée de déménager ses archives dans un pays voisin. Évidemment, la priorité des priorités, c’est l’évacuation des personnes et la sécurité physique des personnes évacuées, que ce soit la communauté française vivant là-bas, voire des communautés d’autres pays. 

Mais ces postes produisent beaucoup d’archives souvent anciennes et leurs volumes importants sont un handicap quand tout s’accélère. Nous avons intensifié notre présence aux côtés des postes qui sont en Afrique. Pourquoi ? La zone sahélienne a connu des épisodes de crise sur un laps de temps court, et on a eu à gérer à distance des rapatriements d’archives en urgence, voire des destructions nécessaires dans le cadre de plan d’urgence puisque si une ambassade ne peut pas rapatrier ses fonds d’archives, il y a certaines archives qui doivent être détruites pour ne pas tomber dans des mains qui risqueraient d’en faire mauvais usages vis-à-vis de personnes qui, elles, restent encore vivre dans le pays. Ce travail se fait avec l’appui des autres services du ministère, chacun joue son rôle.

Cela a nécessité de gros investissements de la part de l’équipe et nous avons été capables, en fin d’année 2023-début 2024, d’écrire un vrai Retex. Cela ne nous était jamais arrivé, c’est-à-dire que, dans le vivant de la crise, les gens ont des réflexes qui s’acquièrent sans forcément transmettre. On pense assez peu à capitaliser ces informations et à savoir, par exemple : quels ont été les modèles de crise qu’ont vécu les postes africains et si nos pratiques professionnelles, à la lumière de ce Retex, doivent être adaptées. Qu’est-ce qui a manqué aux postes dans ces crises et qu’on aurait pu faire ? Qu’est-ce qu’on aurait pu faire de mieux, qu’est-ce qu’eux-mêmes estiment n’avoir pas fait ou aurait dû faire plus rapidement pour anticiper certaines choses ? 

Cela a abouti à la création de deux fiches réflexes simplifiées et à une présentation du Retex à la communauté professionnelle en dehors du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au comité interministériel aux archives de France, à nos collègues des finances, des armées et du réseau culture des archives. Y avait-t-il un schéma de crise, avec des crises qui commencent à bas bruits, qui ont un pic très rapide, et qui reviennent à la normale, ou, au contraire, des crises qui surviennent en dix jours, où on passe du stade d’hostilité niveau 1 à évacuation au niveau 3.

Et qu’est-ce qui nous paraît important, selon le schéma de la crise, comme action à privilégier ? Parce que l’on a une panoplie d’actions et d’indications déjà diffusées mais dans la crise, on ne peut pas toutes les mener en même temps et il faut tenir compte de nos interlocuteurs sur place à ce moment-là ou de la difficulté à maintenir le contact et à obtenir des informations. Et on ne s’adresse pas de la même manière à des gardes de sécurité qui vont devoir pendant une semaine faire des opérations de destruction, mais qui viennent là pour la première fois en renfort de leurs collègues qui sont là alors que le personnel lui-même, qui est habitué à avoir des contacts avec nous et qui partage notre vocabulaire professionnel. Mais nos contacts habituels ne sont plus là. Et donc il faut pouvoir expliquer à des personnes dont ce n’est pas le métier les actions à mener dans des temporalités qui parfois ne se comptent pas en semaines ni en jours mais en heures dans les cas extrêmes. On parle de circonstances qui sont assez difficiles, mais professionnellement, on apprend beaucoup.

Pour conclure et couvrir l’ensemble des sujets, nous avons calé le rapport d’activité 2023 de la Direction des Archives diplomatiques sur 5 axes : garantir nos missions ; assurer l’accès à nos fonds ; renforcer la place du numérique ; protéger les agents, les fonds et les collections ; agir au service des savoirs et l’ouverture du ministère. 

Sylvie LE CLECH et Michaël GEORGES aux Archives diplomatiques (ministère des Affaires étrangères) © Miss Konfidentielle

Et on a besoin de ce type de représentation pour l’action diplomatique, pour se faire une connaissance précise de ce qui se passe en France et à l’étranger et de se faire une idée des évolutions et des risques que cela peut engendrer. 

La cartographie se fait via des logiciels dédiés, notamment des systèmes d’information géographique (SIG). 

L’un des enjeux essentiels de la cartographie, c’est la notion de frontière, puisque de bonnes frontières, c’est ce qui permet de maintenir la paix entre deux pays voisins. Cela fait partie des éléments qui contribuent à la paix. 

D’autre part, ce sont aussi parfois des enjeux de sécurité, notamment au niveau des actions du ministère des Armées. 

Néanmoins, ici, au sein de la direction des Archives, on ne réalise pas de carte dont l’accès est restreint par la notion de secret Défense. On fait des cartes qui sont simplement des cartes de communication, de transfert d’informations qui permettent de façon synthétique d’avoir accès à de l’information sans avoir à lire des notes entières. Souvent, une carte accompagne d’ailleurs une note diplomatique. On en fait beaucoup dans le cadre des réseaux de coopération et d’action culturelle, qui permettent de contribuer à l’action d’influence de la France dans tous les pays du monde. On fait également des cartes de situation, notamment dans le cadre de tensions et de crises.

On pense par exemples à l’Ukraine, à la Syrie et au Sahel. Et puis on fait notamment des cartes à chaque fois qu’il y a un déplacement du président de la République à l’étranger puisqu’il est intéressant que la délégation présidentielle sache où elle se rend et puisse disposer de plans de villes avec indication des points d’intérêt qui seront visités par la délégation présidentielle.

Un remerciement appuyé pour la qualité de nos entretiens et le temps accordé à la visite des archives diplomatiques à la Courneuve par vos soins. Une expérience inoubliable.

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