Interview du général Louis PÉNA, Commandant en second du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA)

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Le 14 octobre 2022 – 3 mois jour pour jour, j’étais très honorée et heureuse de vivre l’expérience de la cérémonie du 14 juillet aux côtés du général Louis PÉNA, commandant en second du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), au sommet de l’Arc de Triomphe à Paris. Un souvenir inoubliable. Est née de l’expérience une interview filmée du général publiée cet été sur le réseau LinkedIn qui vous a beaucoup plu. Est née aussi une interview écrite que je vous invite à lire alors que le général Louis Pena occupe depuis le 1er septembre 2022 les fonctions d’inspecteur de l’Armée de l’air et de l’Espace (AAE). Félicitations général 🇨🇵 Un titre qui inspire le plus grand respect pour un homme de valeurs humaines inspirantes et de niveau de technicité remarquable.

Bonjour général,

Quel est votre titre et vos missions au CDAOA ?

Je suis le général Louis PÉNA, commandant en second du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes.
A ce titre, je supplée et j’aide le commandant du CDAOA à remplir ses missions qui sont des missions de protection de l’espace aérien national et de commandement des opérations aériennes à l’extérieur du territoire national.
Donc, à ce titre, je suis son numéro 2.

J’assume par ailleurs la fonction de général adjoint sur le territoire national qui couvre par exemple la protection de nos bases aériennes.

Voilà les deux pans de mes activités au sein du CDAOA.

Quelles sont vos responsabilités dans le cadre du défilé aérien du 14 juillet 2022 ?

Elles sont très vastes.

En préambule je souhaite préciser qu’il s’agit d’un effort collectif dans lequel j’aurais tendance à dire que j’ai le beau rôle ; je dois prendre des décisions qui ont été préparées par toute une équipe extrêmement compétente ce qui me facilite grandement la tâche.

En amont du passage des aéronefs, la phase de préparation est primordiale si l’on souhaite que l’événement soit un succès, préparation qui est comme je viens de le dire le fait de tout une équipe.

Cette préparation comprend l’installation que vous avez vu au somment de l’Arc de Triomphe jusqu’à l’ordre dans lequel vont défiler les avions le 14 juillet en passant par la coordination avec les autorités civiles de la circulation aérienne …

C’est extrêmement vaste, cela fait appel à beaucoup de compétences différentes de l’Armée de l’Air et de l’Espace ; de très nombreuses spécialités de l’AAE contribuent à cet effort de planification …

En ce qui me concerne, ma préoccupation permanente est la sécurité aérienne. Quoi qu’il arrive, même si le défilé lui-même n’est pas parfait, si la sécurité aérienne est respectée, j’ai rempli une partie importante de mon contrat.

Mais bien évidemment, mon objectif est que nous assistions à un beau défilé, en toute sécurité etc.

Pour cela, il y a toute une montée en puissance qui part d’une étude papier.
Très concrètement, on prend une carte et on se demande où l’on va placer les circuits qui vont permettre aux avions d’attendre tranquillement et en sécurité que le top soit donné.

On travaille beaucoup avec la Direction générale de l’aviation civile et les services de l’aéroport de Paris pour pouvoir s’insérer au mieux dans leur trafic et disposer des créneaux horaires pour nous entrainer en perturbant au minimum leur activité. Il faut savoir tout de même qu’en ce moment, pendant le défilé, il n’y a pas de trafic aérien sur Roissy et sur Orly ; c’est donc très contraignant et financièrement c’est un impact certain pour les aéroports. On travaille de concert de manière à minimiser les contraintes.

Après cette première étude sur papier, il y a un travail un peu plus concret qui commence par une reconnaissance aérienne des différents points de repères par tous les équipages ; cette reconnaissance s’effectue pour tous à bord d’hélicoptères.
Dans cette séquence, ils sont spectateurs. Ils survolent les points de repères afin de bien les visualiser pour le jour J.

Une seconde partie se déroule en juillet à Orléans où là les équipages sont acteurs. Ils sont présents avec leurs avions et répètent le jour J ; rejointe des circuits d’attente disposés comme pour le défilé, passage à l’heure donnée en formation au-dessus d’une tribune fictive, respect des procédures arrêtées avec les autorités civiles, etc.

Enfin, dernière étape avant le grand jour, la répétition du 11 juillet. Conditions quasi réelles, au-dessus de Paris, avec les contraintes aériennes parisiennes, l’alignement Défense – Arc de Triomphe – Concorde…  C’est le dernier rendez-vous que nous avons depuis le sol pour faire des corrections.

Le jour J, le 14 juillet, il n’y a plus de réglage ; les ordres sont donnés en temps réel, en conditions réelles.

Si par exemple la météo n’est pas favorable comme c’était le cas l’an passé, nous avons des plans de remplacement qui allègent le dispositif si besoin et permettent de respecter la sécurité aérienne.

En synthèse de cette longue description, c’est que la préparation, à partir d’une étude sur carte,  devient pour les équipages de plus en plus active et de plus en plus exhaustive. C’est le secret de la la réussite du défilé du 14 juillet.

Comment vous sentez-vous en ce 14 juillet 2022 ?

Concentré malgré tout même si je suis avec mon équipe un acteur un peu extérieur, n’étant pas dans les avions.

Extrêmement concentré parce qu’il y a beaucoup de choses à prendre en compte.
Quand tout va bien, c’est facile, si il y a un petit grain de sable, il faut le prendre en compte tout de suite. Extrêmement concentré donc, mais aussi très confiant parce que nous avons à faire à  des professionnels aussi bien au sol qu’en vol et donc tout ne peut que bien se passer.

  • Et au niveau des émotions ?

Les émotions sont assez variées car le 14 juillet demeure pour moi un événement assez particulier. Je dois confesser que je l’ai vécu de façon très différente depuis mon entrée à l’Ecole de l’Air en 1988. J’ai en effet défilé avec ma promotion en 1989 … Puis en vol en Mirage 2000D comme équipier tout d’abord, puis leader. J’ai ensuite défilé en vol lors de la première apparition des Rafale de l’AA pour un 14 juillet. J’ai enfin également défilé au sol en 2011 à la tête de CEAM (centre d’expertise aérienne militaire) comme ceux que vous avez vu ce matin à la télévision.

Donc me retrouver aujourd’hui ici, au sommet de l’arc de Triomphe, en tant que Directeur du défilé aérien, c’est une boucle qui se referme.

Avez-vous des messages aujourd’hui à faire passer …

  • aux citoyens ?

Je trouve que le slogan de cette année « Partager la flamme » est très riche.

Ce que je ressens dans le partage de la flamme avec les citoyens c’est ce lien Armée-Nation et j’aurais tendance à dire qu’en ce 14 juillet c’est un lien Nation-Armée si je peux me permettre d’avoir cette petite nuance, tant les spectateurs sont nombreux.

Le défilé le matin et l’esplanade des Invalides cet après-midi permettent la rencontre entre la population et les armées et on se rend compte finalement qu’il y a une très grande envie de la population d’aller vers son armée, d’échanger, de comprendre comment elle travaille ..

Ce lien est très riche et prend un relief très particulier en ce moment avec les événements qui se déroulent à 3000 km à l’Est.

La flamme que la population ressent pour son pays, sa culture, et son armée je l’ai toujours ressenti le 14 juillet et on le sent encore plus cette année. Donc c’est un moment très fort.

Et puis il faut dire aussi que nous les militaires somment extrêmement fiers de défiler en professionnels devant nos concitoyens dans un moment de fraternité, de paix. Ce sentiment de cohésion est très important pour nous.

  • aux militaires ?

Je n’ai pas vraiment de message à faire passer si ce n’est que j’ai pu assister aux répétitions des troupes au sol même si je n’ai pas de responsabilité en la matière puisqu’un général de l’armée de Terre s’en occupe. Il s’en dégage une grande force tranquille des militaires ; on sent que l’on a affaire à de grands professionnels, calmes et très en maîtrise ; c’est très gratifiant pour un général et vous remplit de fierté d’appartenir à cette élite.

J’évoque l’armée de Terre, il y a aussi la Marine Nationale, la gendarmerie, les directions et service. On ressent une véritable fraternité, une communauté de langage et de valeurs, même si on ne porte pas tous le même uniforme.

Pourquoi la décision de rejoindre l’Armée de l’air et de l’espace ?

Je vais tout vous dire ; en fait je voulais être vétérinaire (rire).

Je ne suis pas de la région, j’ai grandi au Havre en Seine Maritime, et on avait je crois le mercredi lecture lorsque j’étais petit.

Je voulais à l’époque être vétérinaire et je me souviens d’un mercredi alors que j’étais dans la petite bibliothèque de ma classe de CM2. Les étagères portaient des livres de la bibliothèque verte et parmi eux il y avait un livre qui s’appelait Le Grand Cirque.
Pour moi, le cirque c’était le cirque Pinder, on allait me parler d’animaux, de tigres, etc.
J’ai pris le livre et en fait c’était Le Grand Cirque de Pierre Clostermann. C’était en 1976 je crois, et ce livre, je ne l’ai jamais refermé depuis …

Quelles sont les étapes marquantes de votre parcours ?

Vous avez trois heures ? (rire)

Plus sérieusement, la première de ces grandes étapes c’est quand tu rentres à l’Ecole de l’air.
C’est par cette voie que je voulais rentrer dans l’armée de l’Air, c’est l’aboutissement de tes études.Tu as atteint ton objectif en tant qu’étudiant.

D’un point de vue de ma formation d’aviateur, j’ai été content lorsque je suis passé chef navigateur ce qui la qualification maximale dans un escadron.

Là professionnellement, je me dis que je venais de franchir un step ; et il se trouve que rapidement cette qualification de chef navigateur s’est transformée en chef de guerre car je suis parti au Kosovo dans le cadre de l’opération Trident..

Le baptême du feu est un moment unique, un autre moment unique.

Un peu comme en finale de la Coupe du monde, au moment de frapper le pénalty de la victoire, « est-ce que je vais le rentrer ou pas ? ». C’est t vraiment un moment fort que j’ai vécu en équipage en Mirage 2000D. En ce qui me concerne cela a créé des liens très forts avec mon pilote. Il est devenu le parrain d’un de mes enfants … Il est d’ailleurs aujourd’hui à Bordeaux et il combat le feu puisqu’il est à la Sécurité civile.

Autre moment fort en tant qu’officier et chef, c’est le commandement d’une base aérienne, et bien entendu l’accession au généralat, qui marque une étape très significative.

En récapitulant, des moments forts d’étudiant, d’aviateur et de chef.

Passionné d’aéronautique, quels sont vos autres centres d’intérêt, loisirs ?

Je lis beaucoup, c’est un plaisir même si on s’enferme dans la lecture et qu’il n’y a pas d’interaction avec l’entourage.

J’ai lu et lis beaucoup les auteurs aviateurs, tout ce qui est publié en général en français et en anglais sur l’aviation.

En littérature française, j’aime bien Victor Hugo parce que cela peut être très solennel et vivant en même temps.

Après j’aime la littérature, sans faire offense, plus distrayante comme les romans policiers et j’aime beaucoup les romans qui sont en lien avec la ville dans laquelle vous habitez. Les auteurs qui choisissent leur cadre, soit une région, soit une ville. Je trouve passionnant de lire des enquêtes policières qui se déroulent dans sa propre région. On se balade dans les rues et on se dit « tient cela se passait ici », c’est amusant.

Cela est pour la lecture.

Sinon j’adore la randonnée à pied, cela peut être très long, je peux faire des randonnées de 80 kilomètres. Je suis né à Lourdes dans une région de montagne, mais je ne déteste pas marcher au bord de la mer. Cela vide la tête.

Et puis je suis un mordu féroce de golf. Je pratique pas mal, avec 13 de handicap, du moins c’est ce que dit la licence (rire). Je trouve le golf intéressant parce qu’il y a une alliance entre la technicité et le mental, la concentration ; et puis cela m’a toujours sidéré de faire des kilomètres pour faire entrer une petite balle dans un trou à peine plus grand

Ces deux passions la marche et le golf, je peux les partager en famille, c’est donc un privilège.

  • Quelles sont les destinations marquantes ?

Pour moi, le voyage le plus marquant a été celui que nous avons fait l’an dernier dans le Pacifique, il s’agissait de la mission HEIFARA-WAKEA de l’AAE conduite depuis la métropole vers le Pacifique sud. En moins de 48 heures, nous avons déployé 3 Rafale 2 MRTT et 2 A400M à Pappete. Moins de 24 heures après être posés, nous réalisions les premières missions de défense de l’espace aérien français dans cette partie du monde.
Cela a été un vrai challenge, un point important dans ma carrière.

Des jeunes m’ont dit « mon général, c’était la mission d’une vie ! » et je leur ai répondu « j’espère que vous en aurez bien d’autres ! ».

Je n’étais jamais parti aussi loin et j’ai découvert nos concitoyens de la Polynésie française.
Au-delà de la beauté des paysages, on ne peut que tomber « amoureux » de la population dont  l’accueil, la gentillesse, la culture, les traditions et la gastronomie m’ont marqué, même si certains plats sont assez terribles pour les goûts métropolitains (rire) ! C’est un magnifique souvenir 🌞

 

Un remerciement appuyé général pour votre accueil fort sympathique, votre engagement et j’invite les jeunes à s’intéresser à l’Armée de l’Air de l’Espace qui recrute des militaires et des réservistes.

Une dédicace spéciale au CEMAAE, Stéphane MILLE 🇨🇵

Une dédicace à l’équipe de Centre d’études stratégiques aérospatiales-CESA, je pense au général de brigade aérienne Julien SABÉNÉ et l’équipe de communication, Marie DELAVAUD …
Félicitations au GCA Julien SABÉNÉ qui occupe depuis le 1er septembre 2022 les fonctions de Commandant des forces aériennes (CFA), de Bordeaux 🇨🇵

Une dédicace au GMP Christophe ABAD et son équipe de communication, Sandrine LAEBENS … 🇨🇵

Et mon plus grand respect pour le général Benoît DURIEUX, directeur de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) 🇨🇵


Note importante 

Il est strictement interdit de copier tout ou partie du contenu de l’interview.

 

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