15 août 2025 – Bonjour colonel, tout d’abord un remerciement appuyé de nous rencontrer à l’Observatoire de Paris. Nous prenons le temps de faire connaissance plus avant et je suis heureuse de mettre en lumière votre parcours, votre personnalité qui méritent toute l’attention de nos lecteurs.
Notre première rencontre date de quelques années, c’était à la DGGN dirigée à l’époque par le général Richard LIZUREY, pour lequel j’ai le plus grand respect.
J’en conserve un excellent souvenir et suis l’évolution de votre carrière au sein de la Gendarmerie nationale avec intérêt.
Et un intérêt particulier pour votre engagement sur le long terme à lancer et déveloper le projet Experts à l’École. Un projet à l’initiative de Jean-Yves DANIEL en partenariat avec l’Éducation nationale que je soutiens pleinement pour ce qu’il apporte de positif, constructif aux lycéens. Aînés nous avons la responsabilité de nos jeunes, et participer à son encadrement, son épanouissement est d’utilité publique.
Alors, première question pour les lecteurs qui vous découvrent. Comment définir votre parcours ?
Bonjour Miss Konfidentielle, tout d’abord je vous remercie pour cette introduction.
Je suis le colonel Grégory BRICHE, j’ai 53 ans et je suis originaire du Pas-de-Calais. J’ai un profil scientifique puisqu’après un bac maths-physique, C à l’époque, j’ai obtenu un DUT chimie option matériaux puis j’ai enchainé avec une école d’ingénieur en sciences et génie des matériaux.
J’ai effectué mon service militaire en qualité d’officier appelé dans l’artillerie. C’était une époque où la conscription se terminait et où les régiments de l’armée de Terre se professionnalisaient. Donc j’étais à cette période de transition, ce qui a fait que j’ai réalisé un service militaire intéressant. Cela m’a fait m’interroger sur ce que le ministère de la Défense proposait à des profils comme le mien. La Gendarmerie proposait alors un concours où il fallait à la fois être officier de réserve et détenir un diplôme d’ingénieur. C’est ainsi que j’ai passé intégré l’EOGN, aujourd’hui AMGN, puis que j’ai rejoint ma première affectation en 2001.
J’ai d’abord servi comme lieutenant en gendarmerie mobile pendant trois années. Je suis allé en Algérie pour la sécurisation des emprises diplomatiques, en Guyane, à Kourou pour sécuriser le CSG (Centre spatial guyanais) et où j’ai pu assister à des tirs de fusées. Durant ces trois années, j’ai fait tous les déplacements classiques d’un escadron de gendarmerie mobile, mais ensuite j’ai été rattrapé par mon profil scientifique. J’ai rejoint en 2004 l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) qui à l’époque se trouvait à Rosny-sous-Bois. C’est ainsi que j’ai intégré le département microanalyse.
Je vais presque dire que c’est là que tout commence parce que, au jour d’aujourd’hui j’ai passé quinze années à l’IRCGN. On peut dire que j’ai une carrière qui est assez marquée par ce profil science forensique.
Donc en 2004, j’intègre le département microanalyse. Et la particularité de l’IRCGN, c’est que quel que soit son profil scientifique initial, on continue à se former et que ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’on devient personnel qualifié puis expert.
Cela a exigé beaucoup de travail, notamment en retournant sur les bancs de l’Université parce que j’ai eu la chance, dans le cadre du cycle d’enseignement scientifique et technique, de suivre les cours d’un Master Recherche en Sciences des matériaux et nano-objets au sein de l’Université Pierre et Marie Curie.
J’ai également été formé comme TIC ce qui signifie Technicien en Identification Criminelle, ceux qui interviennent sur les scènes de crime, et suivi des formations utiles pour maîtriser les nombreux outils du laboratoire.
J’ai donc été amené à participer aux activités de recherche et de prélèvements techniques et scientifiques sur des scènes de crime ou dans des véhicules impliqués dans ce type de faits.
A cette époque, un dossier important sur lequel j’ai travaillé est l’affaire LAËTITIA PERRAIS, où j’avais été envoyé en hélicoptère à Pornic en Bretagne pour aller faire des prélèvements chez l’auteur des faits : Tony Meilhon. J’ai aussi contribué à d’autres affaires judiciaires, à des dossiers parfois un peu sensibles.
Puis ensuite, officier de gendarmerie et poursuivant ma carrière, en 2011, on m’a envoyé commander une compagnie de gendarmerie départementale. Ce que j’ai fait en Auvergne et que j’ai commandé pendant 4 ans.
L’alternance de temps techniques et de temps de commandement en gendarmerie départementale me plait. Elle a cette particularité pour nous qui avons des profils scientifiques et techniques d’apporter nos expertises complémentaires sur le terrain mais également de nous inspirer et de détecter des besoins du terrain.
En 2015, je suis revenu à l’IRCGN qui avait déménagé à Pontoise pour y être adjoint à la division Criminalistique Physique-Chimie. Et donc j’ai été l’adjoint de cette division de 2015 à 2018.
En 2017, je suis retourné sur les bancs de l’Université suivre un Master de Gestion globale des risques et des crises à la Sorbonne.
Et en 2018, je suis devenu le chef de la division Criminalistique Physique-Chimie de l’IRCGN jusqu’en 2023. Durant ce second passage à l’IRCGN, j’ai été impliqué dans divers projets innovants et j’ai participé à des missions opérationnelles comme l’identification de victimes de catastrophes ou envoyé en mission à l’étranger.
Depuis 2023, je suis officier adjoint en charge de la police judiciaire au sein de la Région de Gendarmerie Centre Val-de-Loire (RGCVL) à Orléans.
Comme évoqué, j’essaie de faire connaître lorsque c’est nécessaire, ou se développer, l’intérêt des aspects scientifiques et techniques dans les enquêtes judiciaires. En bref, je demeure un ambassadeur de l’IRCGN et de ce qu’il peut apporter aux enquêtes, qu’elles soient en lien avec la délinquance du quotidien ou pour des faits plus graves ou plus importants.
Je vous remercie colonel pour tout ce chemin qui vous honore. Parlons maintenant des Experts à l’École pour comprendre votre implication.
En 2017, je découvre le projet Experts à l’École.
Je sais un peu de quoi il s’agit et je reçois la sollicitation indirecte d’un établissement scolaire du Dauphiné par le biais d’une professeur qui s’appelle madame Fanny DEVOIX, qui est impliquée dans la sensibilisation de l’opération Experts à l’École dans son académie. La question qui m’est posée est d’essayer de donner une dimension plus crédible à son projet. Et donc nous convenons qu’elle fasse son scénario, sa scène de crime et qu’elle m’envoie des prélèvements en collaboration avec ses collègues professeurs qui se sont prêtés au jeu.
Et on a sorti le profil du suspect ! On a joué le jeu, on leur a établi un faux “vrai rapport” qu’on leur a envoyé pour conclure leur affaire. C’était la première fois que j’étais confronté à Experts à l’École et avec en retour une lettre, une belle lettre de remerciements des élèves.
A cette même époque, le général Patrick TOURON m’avait désigné comme “correspondant scientifique” du Musée de la Gendarmerie nationale pour une exposition “Les sciences du crime” ce qui m’avait déjà permis d’intervenir auprès de jeunes à Melun.
En 2019, j’ai donc assez logiquement rejoint le comité scientifique de “Experts à l’Ecole”.
Avec Régis DREXLER, nous avions pour ambition de relancer ce qui se faisait, mais rapidement 2020 est là et la période du COVID nous a obligé à nous adapter. Nous avons poursuivi sous forme de visio ce qui impliquait de revoir notre manière de travailler. C’était très plaisant parce que les professeurs et les lycéens étaient demandeurs. Donc cela a continué à vivre. Et des que cela a été possible, quelques experts et expertes de l’IRCGN ont pris le chemin des classes pour expliquer leur travail en lien avec les cours des enseignants. Nous, l’IRCGN, répondions présent auprès de l’EN et des élèves. Nous avons eu un peu de succès et des demandes nombreuses à gérer car le travail des experts est de produire des expertises pour les enquêteurs et les magistrats. J’y veillais.
Fort de ce succès, le général Patrick TOURON m’a demandé ce que je pouvais proposer de concret aux enseignants de l’Éducation nationale pour former les élèves avec un budget de 20 000 €. Et bien on a acheté les fournitures qui ont permis de fabriquer cinq mallettes Experts à l’École puis on a lancé un appel à candidatures aux régions de gendarmerie. C’est ainsi que cinq mallettes ont rejoint la région Auvergne-Rhône-Alpes, la région Centre-Val de Loire, la région Ile-de-France, la région des Pays de Loire, et une l’outre mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je vous raconte maintenant une anecdote post COVID. Une de ces mallettes Experts à l’École a rejoint la région Centre-Val de Loire, comme je le disais. J’avais fait la remise officielle de cette mallette à Chécy avec Régis DREXLER.
Et le hasard a fait que, en 2023, je suis affecté à Orléans, à quelques kilomètres de Chécy. Donc ayant toujours une appétence pour les Experts, j’ai bien évidemment suivi avec un oeil avisé le développement du projet Experts à l’École au collège Pierre Pierre Mendès-France de Chécy, notamment avec Jean-Yves DANIEL. Nous avons d’ailleurs eu la chance de signer en ce début d’année une convention de classe de défense et de sécurité globale (CDSG), la première pour une classe “experts”.
Je vous sens passionné.
C’est quelque chose qui est passionnant. C’est sympa et lorsque recevez une lettre d’une classe d’élèves qui vous remercie pour ce que vous avez fait, vous vous sentez utile.
Lorsque des enseignants vous disent que des élèves arrivent en retard le matin mais que quand Experts à l’Ecole arrive, ils sont à l’heure et assidus, on est heureux de participer activement à leur apprentissage et peut-être que nous leur ouvrons la porte de leur futur métier.
Et puis, avec la venue d’expertes dans les classes, nous disons aux lycéennes : Osez ! Nous avons besoin de profils féminins. Et elles sont rassurées, boostées à intégrer des voix professionnelles auxquelles elles ne pensaient pas avoir accès.
L’autre point est que la Gendarmerie nationale a su répondre présent pendant la période du COVID, elle a su accompagner l’Éducation nationale confrontée au confinement, aux jauges dans les classes …
A une époque, il était compliqué de faire rentrer des gendarmes dans les établissements scolaires. Je pense que c’est quelque chose qui est loin derrière nous maintenant. Et on a tout intérêt à se côtoyer parce que l’on a des sujets communs à developper. Les séries télévisées NCIS, les Experts à Miami… ont contribué à cet intérêt pour nos métiers et il faut savoir rebondir auprès des générations qui suivent.
C’est sympathique, il y a toujours les élèves qui veulent se faire remarquer dans les classes, il y a toujours le petit farfelu ou en tout cas celui qui sort un peu du rang. Mais au final, on s’aperçoit que les questions sont pertinentes, dans les classes de bon niveau comme dans les établissements situés en zone d’éducation prioritaire. Nous sommes en tenue et avons le comportement de scientifiques, ce qui rassure les élèves.
Je pense pour finir qu’une enquête ne se conçoit pas qu’avec les avancées scientifiques. Une enquête est un savant mélange d’investigations classiques, à l’ancienne presque, mais étayées ou confrontées aux aspects ou avancées scientifiques.
Vous avez dit beaucoup de choses très intéressantes. Avez-vous des messages autres à faire passer en ministères à l’approche de la rentrée scolaire ?
Tout d’abord le souhait que Experts à l’École que vous avez déjà mis en valeur, et nous vous en remercions, poursuive son développement. Nous avons beaucoup travaillé gendarmes et professeurs avec des résultats très positifs. Les élèves sont demandeurs et à l’heure actuelle où la question d’accompagner les jeunes vers la réussite se pose fortement, il sonne comme une évidence de poursuivre et surtout de déveloper nos actions.
Cela passe par le développement des partenariats avec l’Éducation nationale et le besoin en financements, parce que cela représente des dépenses avec notamment les mallettes Experts à l’École. Vous avez fait l’expérience et apprécié l’atout majeur des mallettes. Elles sont indispensables pour les professeurs qui prennent notre suite et forment les élèves.
Et puis il faut comprendre que nos gendarmes qui se déplacent dans les établissements scolaires et les personnels de l’Éducation nationale donnent beaucoup de leur temps, de leur énergie pour ces jeunes et le font avec conviction, passion. C’est important d’insister sur ce point.
Donc vous comprenez que je suis de près toujours aujourd’hui Experts à l’École avec ferveur. Ce qui explique ma venue spéciale depuis Orléans aujourd’hui pour nous entretenir et j’en profite pour remercier Jean-Yves DANIEL, le Lieutenant-colonel Guillaume COGNON et Régis DREXLER qui sont avec nous à l’Observatoire de Paris.
Note : Il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article sur un autre support.




