Interview de Florence Galtier, Procureure de la République d’Avignon

2

Le 26 juin 2023 – A l’heure où l’attractivité de la profession de magistrat du parquet connaît une baisse, il m’est apparu important de parler de cette fonction. Protéger les victimes, rechercher les auteurs et par la même contribuer à la sécurité des concitoyens, voilà ce qui constitue le socle de l’action de procureur.

C’est au Café Marly à Paris que j’ai donné rendez-vous à Florence Galtier, Procureure de la République d’Avignon qui me dit « avoir eu très tôt cette vocation ». Nous nous sommes entretenues en pleine confiance sur son métier, ses actualités et autres sujets passionnants.

Bonjour Florence,
Quelles sont les missions du Procureur de la République d’Avignon ?

Le Procureur de la République d’Avignon a des missions qui sont assez variées puisque d’une part il dirige les enquêtes de police et de gendarmerie et lorsqu’il estime qu’il a des preuves suffisantes, il engage des poursuites.

Il est également en charge de la prévention de la délinquance et donc à ce titre là il intervient dans de nombreuses instances auprès de la préfecture, auprès des élus et auprès des différents partenaires de l’institution judiciaire.

Il dirige avec le président et la directrice de greffe du tribunal judiciaire et à ce titre là il a un certain nombre de missions internes de cohésion, de gestion et d’organisation.

Parlons de votre cap depuis votre prise de fonction.

En 2022, je prends la tête du parquet d’Avignon dans une région à délinquance forte et je comprends l’urgence de fixer un cap.

Notre boussole est lourdement impactée par le narcobanditisme. Ma première mission est de mettre en place des outils pour lutter contre ce fléau, réorganiser les attributions des membres de mon équipe afin de gagner en efficience, privilégier les réponses pénales rapides et s’attaquer au patrimoine des délinquants en saisissant le produit de l’infraction. Comment ? En menant un travail d’investigation afin d’identifier et de démanteler les réseaux qui « tiennent » les différents points de deal en lien avec l’antenne de police judiciaire et la brigade de recherches d’Avignon. En travaillant de façon resserrée avec les partenaires du département : préfecture, mairie, FSI, bailleurs sociaux dans le cadre d’un groupement local de traitement de la délinquance (GLTD) depuis le mois de juillet à Avignon.

Je ne suis pas seule au parquet, je dirige une équipe de 10 personnes :
Un Procureur adjoint, des vice-procureurs, des substituts, des assistants de justice, des chargés de mission, des juristes assistants des greffiers.

J’ai la chance d’avoir une équipe extrêmement soudée qui est presque autonome puisqu’il y a une entente intrinsèque.
Les membres de l’équipe sont là depuis longtemps, certains sont des anciens juges d’instruction et ils ont toujours plaisir à exercer. Je pense qu’il est important de le dire à un moment où l’on parle du manque d’attractivité des fonctions du parquet.
Il y a cette très forte cohésion et j’ai beaucoup de plaisir à travailler avec les membres de l’équipe. A essayer de les renforcer, les aider, les soutenir et les écouter.

Je travaille également avec des procureurs de mon département et d’autres départements sur des affaires parce que nous avons des liens sur certaines thématiques.
C’est ainsi que sur le thème du narcobanditisme, j’ai été amenée à travailler avec le procureur de Carpentras (Vaucluse), le procureur de Marseille (Bouches-du-Rhône), le procureur de Nîmes (Gard) par exemple.

Enfin, j’ai aussi des réunions périodiques de tous les procureurs de la Cour d’Appel, et les magistrats de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille.

Dans le cadre de ces réunions sous l’égide de Madame la Procureure générale nous travaillons à la mise en œuvre des nouvelles réformes et à l’harmonisation de nos pratiques au sein de la Cour d’appel. Dans le cadre des relations avec la JIRS de Marseille nous évoquons les dossiers de narcobanditisme et nous nous dessaisissons à leur profit si des liens suffisants sont établis entre les réseaux sévissant dans nos juridictions respectives.

Après le cap, venons à vos actualités et projets !

Mes actualités sont fortes du fait que nous sommes dans une région impactée par les règlements de compte. Nous avons eu 7 décès à déplorer depuis le début de l’année 2023 dans le cadre des règlements de compte entre les différents points de deal qui gangrènent le ressort de la juridiction avignonnaise.
On travaille en lien avec Madame Violaine DÉMARET, préfète de Vaucluse, pour essayer d’éradiquer ce phénomène, en faisant appel notamment aux escadrons de gendarmerie mobile (EGM) présents dans les quartiers sensibles depuis deux mois.
Le 5 mai 2021 le commandant de police Eric MASSON était abattu en pleine journée dans le centre de ville d’Avignon alors qu’il intervenait sur un point de deal. Ce drame a profondément impacté notre cité : il y aura un avant et un après Eric MASSON.

J’ai aussi la grande préoccupation de mettre en place des mesures pour préserver l’environnement dans le département de Vaucluse, du moins pour lutter contre les principales atteintes à l’environnement.

Le département de Vaucluse est particulièrement impacté par ce type d’atteintes en raison de sa richesse environnementale et au cours de l’année 2022 j’ai souhaité sensibiliser les enquêteurs, les élus et les agents des différentes administrations sur cette thématique.

C’est dans cette optique que le conseil de juridiction qui s’est déroulé le 09 décembre 2022 a été dédié à la lutte contre les atteintes à l’environnement et à l’exposé des différentes actions, qui peuvent être menées tant sur le plan pénal que civil.

Le même jour, une convention entre le procureur de la République d’Avignon et la fédération France Nature Environnement de Vaucluse a été signée aux fins de mise en œuvre des stages de sensibilisation à la préservation de l’environnement dans le cadre des alternatives aux poursuites (avertissement pénal probatoire et composition pénale).

Ce stage payant (350 euros) se déroule sur une journée et nécessite la présence d’au moins huit personnes. Il comprend une phase théorique, une phase de ramassage de déchets et une sortie dans la nature afin de sensibiliser les contrevenants à la biodiversité. Il a été proposé aux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel, de pouvoir en bénéficier.

Nous souffrons en premier lieu de dépôt illégal de déchets, plus communément appelé « dépôt sauvage », et également de la pollution des eaux.

Je suis vice-présidente de l’Association Française des Magistrats pour la Justice Environnementale (AFMJE) et à ce titre je vais mettre en place un séminaire en date du mercredi 04 octobre 2023 autour de la Nuit du Droit. En cela je vais faire venir des personnes qui sur le plan théorique et le plan pratique sauront sensibiliser les acteurs du département : le président de l’AFMJE Jean-Philippe RIVAUD, un professeur de l’université de Marseille, des représentants de l’OFB (Office Français de la Biodiversité), de l’ONF (Office National des Forêts) et de l’OCLAESP.

J’ai constaté votre intérêt pour la thématique des violences conjugales et la justice restaurative.

Nous avons eu l’occasion lors du premier Festival du film judiciaire à Pertuis le mardi 16 mai 2023 d’accueillir le superbe film Je verrai toujours vos visages réalisé par Jeanne HERRY avec Adèle EXARCHOPOULOS et Dali BENSSALAH sur la justice restaurative.
Cet évènement était co-organisé par le Conseil Départemental d’Accès au Droit du Vaucluse (CDAD 84), la mairie de Pertuis et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
La projection du film ouverte à tous a été suivie d’échanges directs avec les professionnels du droit, des magistrats, des policiers des gendarmes.
Etait également présent un auteur d’infraction qui a pu partager son expérience de la justice restaurative et répondre aux questions du public.
Le succès de l’évènement a permis d’acter sa reconduction l’année prochaine à Pertuis.

L’histoire est issue de celle d’une personne qui vit sur Pertuis et nous avons dans le cadre du service de probation et d’insertion des actions importantes qui sont menées en la matière. Je prends l’exemple de la justice restaurative : des mesures sont mises en place en pré et post sentenciel, des groupes d’auteurs et de victimes (pas de la même infraction) se rencontrent, confrontent leur expérience dans le cadre de groupes de parole. Cela permet aux victimes d’évoquer leurs souffrances et aux auteurs d’en prendre conscience.

Nous avons beaucoup avancé sur ces deux sujets, les violences conjugales et la justice restaurative, mais il est vrai que nous avons encore beaucoup de choses à faire notamment à travers le projet que j’ai défendu au Conseil de l’Europe sur les plaintes des victimes à l’hôpital. Et je ne suis pas la seule, beaucoup de procureurs, d’acteurs ont fait des choses en ce sens.

Mais on constate que le phénomène reste, le nombre de violences conjugales est très important qui peut être aussi lié à la libération de la parole.

Donc on essaie toujours de toucher cette zone grise. Il s’agit d’un véritable défi que nous relevons avec les associations, les gendarmes de la Maison de protection des familles, une maison Mazarine a été inaugurée le 22 juin à l’hôpital de Carcassonne. Les enquêteurs ont également l’obligation y compris en cas de refus de plainte de requérir l’association locale d’aide aux victimes, l’AMAV, laquelle effectuera une évaluation individualisée de la situation qui souvent aide la victime à franchir le pas et à déposer plainte.
Et le département de Vaucluse est également site pilote pour la prise de la plainte des victimes de violences conjugales hors les murs depuis le mois de novembre 2021. Il s’agit d’éviter que la victime soit obligée de pousser la porte d’un service d’enquêtes et de privilégier la prise de la plainte auprès d’une association, à l’hôpital…

Votre intérêt est porté aussi sur la jeunesse et les concours d’éloquence.

Nous avons la chance lorsque l’on habite à Avignon d’être entourés de théâtres.

Et grâce au bâtonnier, j’ai présidé le concours d’éloquence des jeunes avocats. C’était un réel plaisir. Pour la petite histoire, le gagnant avait pour sujet « La justice est-elle une balance ? ». Un sujet intéressant et pas facile, le gagnant a été brillant et les 2 autres candidats en lice l’étaient tout autant.

J’ai régulièrement au cours de l’année présidé un concours d’éloquence des lycéens à Avignon inter-lycées et qui avait pour thème une citation de Victor HUGO sur les femmes. Je cite « une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme ».

Enfin dans le cadre des anniversaires des Maisons de justice et du droit (MJD), j’ai présidé le concours d’éloquence des étudiants de la fac de droit d’Avignon au TJ d’Avignon.

Avez-vous des messages complémentaires à faire passer ?

Je sais que l’on peut passer en institution judiciaire pour des gens qui se plaignent beaucoup. Et le message que je souhaite faire passer est que si on demande des choses, ce n’est pas pour nous, c’est pour protéger les victimes, poursuivre et juger les auteurs dans des conditions dignes et satisfaisantes.

Je souhaite dire que l’on fait ce métier par passion, parce que l’on croit à ce que l’on fait. Et d’ailleurs il y a de nombreux sacrifices personnels, je pense d’abord à la famille. On fait des choix.

Cela fait 28 ans que je travaille au ministère de la Justice et je pense intéressant de faire découvrir aux gens comment on fonctionne, notre réalité.

Je sais qu’il n’est pas toujours facile pour les jeunes de découvrir les juridictions alors j’ai organisé des stages lorsque j’étais au parquet général de Toulouse.

A la même période, j’ai eu l’occasion d’être magistrat référent presse pour le procès AZF. Un procès emblématique avec une organisation et une mise en place hors normes. C’était une expérience assez marquante.

Dans la même période, j’ai été aussi de permanence au parquet général de Toulouse au moment où Mohammed Merah commettait les attentats en mars 2012. La tuerie dans l’école juive, les attentats de Trèbes …et le 23 mars 2018, l’assassinat du colonel Arnaud BELTRAME. J’étais alors procureur de Carcassonne et il est vrai que cela a été je pense l’évènement le plus marquant de ma carrière puisque j’ai eu à gérer la situation jusqu’à l’arrivée de la section anti-terroriste (aujourd’hui PNAT).

Une question plus personnelle. Prenez-vous le temps de vous aérer l’esprit ?

Je pratique beaucoup le sport.

J’essaie de courir tous les matins avec mon jeune labrador de 3 ans. C’est important pour lui et c’est important pour moi.

Je pense que c’est aussi en lien avec ce que je vous ai dit sur mon engagement pour l’environnement. J’ai besoin d’être en contact avec la nature, la campagne, la forêt.

Est-ce en lien avec votre souhait d’être plus présente sur le thème de la protection animale ?
Oui, j’aimerais créer un pôle de maltraitance animale avec des jeunes du tribunal qui sont très motivés sur le sujet. On souhaite donner des réponses pénales rapides à des mauvais traitements sur les animaux. Que l’on puisse aussi faire passer le message que la maltraitance animale ne doit pas rester impunie. Je pense qu’il y a encore trop d’indifférence sur ce sujet. Le Covid a été le déclencheur d’un certain nombre d’abandons et à titre personnel j’ai adopté des animaux qui apportent beaucoup de bonheur à la maison. Je ne suis pas angélique et je sais que l’on n’arrivera pas à 0 cas de maltraitance et 0 abandon mais je pense qu’il y a un travail à faire. Je sais que ce pôle a été créé à Toulouse et qu’il marche bien alors je vais essayer de m’en inspirer.

Je fais aussi du padel, du golf et un art martial d’origine coréenne qui n’est pas connu, le Sonmudo, qui est un mélange de pilate, de yoga… C’est assez intéressant.

Et puis j’aime aller au théâtre, au Festival d’Avignon, rendez-vous incontournable des amateurs de théâtre. Il s’agit de l’une des plus importantes manifestations internationales du spectacle vivant contemporain qui se déroule du 5 au 25 juillet. Il comprend traditionnellement un « in » et un « off » et offre aussi bien des pièces connues que des spectacles de rue. La ville entière respire et vit au rythme de ce festival dans le cadre duquel les spectacles se découvrent par le bouche-à-oreille.

Nous nous quittons sur une citation ?
Dans les moments difficiles et ils sont parfois nombreux, j’essaie de me souvenir de la citation de Jean MONNET évoquant la construction européenne « ce qui est important ce n’est ni d’être optimiste, ni pessimiste, c’est d’être déterminé ».


Note importante – Il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article (contenu et photos).

2 commentaires
  1. Branger dit

    Bonjour madame la procureur voilà je vous envoie ce message parce que aujourd’hui j’avais fait une demande de de curatelle ça fait oui 4 ans maintenant que je suis sous cratère et c’est moi qui l’ai demandé je précise bien c’est moi qui l’ai demandé et je voudrais que tout ceci soit enlevé mais il y a l’UDAF d’Avignon qui me met dans des des bâtons dans les roues je vous remercie de bien vouloir me répondre si vous voulez ou une de vos collaborer et je suis monsieur Branger Cyril j’habite Vedène pas très loin de chez vous parce que c’est c’est le Grand Avignon je vous remercie et est-ce que vous pouvez faire quelque chose pour moi parce que là ça devient impossible mais sous je n’envoie aucune couleur j’ai 80 € par semaine alors que normalement avant j’avais 200 € semaine et que là-bas j’ai plus rien en fin de compte et je trouve pas ça normal merci de votre réponse

  2. COURBET Jacques dit

    Madame le procureure
    Je viens par la présente solliciter votre haute bienveillance afin que vous aillez la gentillesse de m’accorder une audience dans les plus bref délai car je suis pris dans l’urgence afin que je puisse vous raconter en détail tous mes problèmes qui seraient trop long à vous expliquer là en quelques ligne.

    Dans l’attente en espérant votre complaisance et toute votre compréhension, avec mes remerciements anticipés pour votre gentillesse, je vous prie d’agréer Madame le procureure l’expression de mes meilleurs sentiments les plus respectueux.
    Jacques COURBET

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.