Lancement de l’Association Française des Magistrats pour la Justice Environnementale – A.F.M.J.E

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Le 19 juin 2023 – Lors d’un entretien fort sympathique au café Marly à Paris avec Madame Florence GALTIER, Procureure de la République d’Avignon dans le département de Vaucluse, je prends connaissance du lancement de l’Association Française des Magistrats pour la Justice Environnementale – A.F.M.J.E fondée le 1er novembre 2022 par 25 magistrats et révélée le 05 juin 2023, journée mondiale de l’environnement.

J’ai la grande préoccupation de mettre en place des mesures pour préserver l’environnement dans le département du Vaucluse, du moins pour lutter contre les principales atteintes à l’environnement.
Nous souffrons en premier lieu de dépôt illégal de déchets, plus communément appelé
« dépôt sauvage », et également de la pollution des eaux. 

C’est grâce à l’initiative, l’investissement et l’expertise en la matière de Jean-Philippe RIVAUD, substitut général à Paris, que l’AFMJE a pu voir le jour. Il est président de l’association. Je précise que dans son actualité récente il a requis dans le procès du Mediator® en appel.

Jean-Philippe RIVAUD interviendra lors du séminaire sur l’environnement que je programme le 4 octobre prochain, accolé à la Nuit du Droit. En cela je vais faire venir des personnes qui sur le plan théorique et le plan pratique sauront sensibiliser les acteurs du département.

Florence Galtier, Procureure de la République d’Avignon.

Explication – Une association de juges et de procureurs : pour quoi faire ?

Inspirée par la satisfaction de l’intérêt général, cette association à but non lucratif, conçue selon les principes d’une « société savante » s’apparente à d’autres structures associatives rassemblant des magistrats qui ont souhaité réfléchir ensemble à l’évolution du droit et à leurs pratiques professionnelles.

La protection de l’environnement a connu un intérêt croissant depuis le début des années 1970, sans pour autant, à l’époque, susciter un intérêt marquant, ni de la part des autorités publiques, ni de la société civile.

Puis, au fil des ans, la prise de conscience a connu davantage d’ampleur, parfois relayée par des personnalités de premier plan, dont le président Jacques CHIRAC, qui le 9 septembre 2002, à Johannesbourg, déclarait : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Force est aujourd’hui de constater que, depuis lors, la « maison » n’a cessé brûler, au point de compromettre désormais très gravement les équilibres naturels, géopolitiques, économiques, et de générer de véritables enjeux sécuritaires.

Ce qu’il faut analyser comme un cumul de menaces sans précédents met à mal de manière durable nos modes de vie, raréfie les ressources en eau potable, met gravement en danger la survie des espèces végétales, animales et humaine.

Plus grand enjeu du monde contemporain qualifié par le président Emmanuel MACRON lui-même de « combat du siècle », lors d’un discours prononcé à Chamonix le 19 février 2020, c’est de l’urgence climatique et environnementale absolue dont il s’agit désormais.

Le concert des Nations peine toutefois à s’entendre, même si le retentissement de certains textes tel l’Accord de Paris sur le climat, adopté le 12 décembre 2015, a été considérable.

Les enjeux environnementaux, aux conséquences très larges, sont aussi très politiques, favorisant souvent des arbitrages économiques, stratégiques et militaires discutés.

Ils influent aussi sur la souveraineté des États, notamment en ce qu’ils imposent des choix cruciaux pour la production et la consommation d’énergie ou les réserves en eau potable, questionnant parfois l’intérêt général.

Ils ont aussi des effets sur la production agricole et donc l’alimentation de nos concitoyens du monde, la démographie évoluant à grands pas.

Le fait est que nombre de ces accords et conventions internationaux ne sont pas contraignants, au point même que l’on parle de « soft law ».

En d’autres termes, leurs dispositions doivent être appliquées volontairement, dans le cadre de discussions très politiques où la diplomatie a une large place, tout en étant confrontée à une faible volonté de nombreux États.

À défaut de cette « bonne foi contractuelle », les règles instituées restent souvent lettres pieuses.

Le droit français de l’environnement, quant à lui, trouve ses sources dans environ 500 conventions internationales.

Il est devenu totalement transversal, impactant non seulement notre droit administratif, mais aussi le droit civil, le droit commercial, le droit social, le droit de la santé et le droit pénal, pour ne citer que ces disciplines.

Sa complexité est telle que son application est rendue mal aisée, au point que la doctrine questionne sérieusement son effectivité.

Elle est également source de difficultés pour les instances de protection de l’environnement, les opérateurs économiques, les collectivités territoriales, comme pour les juges et les procureurs.

C’est ici le sujet de la sécurité juridique qui est également en jeu.

Si l’effectivité a aussi sa place en dehors des prétoires en valorisant notamment les techniques de finance durable ou en considérant le rôle des villes et de l’urbanisme, la justice doit mieux s’organiser.

Saisissant ainsi l’occasion de la réforme issue de la loi du 24 décembre 2020, relative à la justice pénale spécialisée, laquelle constitue une avancée notable, l’AFMJE souhaite contribuer à la réflexion et à la diffusion du droit de l’environnement, afin notamment de donner corps à la loi nouvelle.

Il ne s’agit pas de promouvoir « l’écologie punitive », évoquée par certains pour conjurer le mauvais sort que le respect du droit de l’environnement réserverait au développement, ce concept demeurant d’ailleurs totalement imprécis.

Il ne s’agit pas non plus de favoriser une répression aveugle, qui ignorerait les équilibres et les principes d’équité et de proportionnalité dont la justice doit s’inspirer.

Le fonctionnement de l’institution judiciaire ne doit pas toutefois pas donner lieu à un sentiment d’impunité, ainsi que le soulignait François MOLINS, procureur général près la Cour de cassation à la faveur d’un discours, prononcé le 23 mai 2021 à l’ouverture du colloque « l’environnement : les citoyens, le droit, les juges ».

Si, bien sûr la répression des atteintes à l’environnement doit être renforcée, selon leur gravité, il reste une large place pour les mesures alternatives.

À cette fin, l’application du droit de l’environnement suppose aussi des procédures juridictionnelles bien ordonnancées, permettant un accès aisé à une justice équitable.

La mise en route de la justice environnementale ne doit pas être cantonnée à la répression pénale, mais doit aussi envisager les régimes de responsabilité institués en matière civile, les contentieux liés à la responsabilité sociale et environnementale, au devoir de vigilance, ou les litiges en droit immobilier, en droit commercial, notamment celui des sols pollués, ou en droit social.

L’AFMJE devra aussi s’attacher à appréhender les conséquences juridiques et judiciaires des dérèglements climatiques.

N’est-il pas temps non plus, d’évoluer vers un droit international plus contraignant, qui pourrait notamment s’attacher à une définition concrète et dépourvue d’idéologie du « crime » d’écocide, voire de réfléchir à une juridiction internationale de l’environnement ?

Conçue comme une organisation à but non lucratif ayant vocation de « société savante », l’association ira à la rencontre de la société civile, des universitaires, des chercheurs, des scientifiques, des associations, des entrepreneurs, des décideurs publics, afin de débattre et d’imaginer ensemble des solutions juridiques et pratiques destinées à allier l’effectivité du droit de l’environnement, la protection de la nature, de notre cadre de vie et de notre santé, la préservation du droit des générations futures, en équilibre avec le nécessaire développement économique.

Au-delà du droit, cette démarche ouverte associera les sciences de la Terre, du climat, la médecine, la virologie, la zoologie, notamment, et les sciences sociales et économiques, qui sont d’un grand secours pour les praticiens du droit.

C’est la raison pour laquelle l’AFMJE, convaincue de la nécessité de dialoguer avec d’autres interlocuteurs que des juristes, sera dotée d’un conseil scientifique interdisciplinaire composée d’experts reconnus.

Dans l’attente d’une rencontre plus large avec la presse, à l’automne prochain, à l’occasion de l’assemblée générale ordinaire de l’association et de son colloque annuel, nous espérons vivement que nos travaux contribueront à dégager des solutions juridiques exécutables et donc efficaces, et à une justice environnementale effective, afin que la maison ne brûle plus.

 

Jus Lex Pax Planetae Mater ®

 

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