Interview du Général de division Louis-Mathieu GASPARI, Secrétaire général de la Garde nationale et Secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM)
Le 19 juin 2024 – La loi de programmation militaire 2024-2030 invite à la mise en lumière du général de division Louis-Mathieu GASPARI, Secrétaire général de la Garde nationale et Secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM). Nous sommes à l’École militaire, Paris.
Bonjour général,
Quelle était la feuille de route à votre prise de fonction ?
J’ai pris mes fonctions de secrétaire général de la Garde nationale le 1er août 2022.
J’ai une chance inouïe lorsque je prends mes fonctions puisque le président de la République a exprimé cette décision de doubler les effectifs des réserves opérationnelles qui composent la Garde nationale.
Aujourd’hui, il y a 80 000 réservistes opérationnels dans la Garde nationale.
En 2030, à la fin de la loi de programmation militaire 2024-2030, il y en aura 160 000.
Et donc dans ce nouveau contexte de montée en puissance, le secrétariat général de la Garde nationale a tout un rôle à jouer pour accompagner cette montée en puissance, notamment par le biais de développement de partenariats avec les entreprises.
Quelles sont les actions menées depuis votre arrivée ?
Il y a deux axes.
Un premier axe : c’est un axe de communication, de rayonnement.
Comment valoriser et mieux faire connaître l’engagement au sein de la réserve.
Le deuxième axe, c’est l’axe de développement des partenariats avec les entreprises, les employeurs au sens large, qu’ils soient publics ou privés.
Pourquoi ? Sur l’ensemble des 80 000 réservistes opérationnels, un sur deux travaille dans une entreprise. Donc aujourd’hui, on ne peut pas penser qu’on va doubler les effectifs de la réserve opérationnelle sans travailler de manière très proche avec les employeurs.
Pourquoi ? Parce que ce sont les employeurs qui permettent à leurs salariés qui font de la réserve de concilier leur activité principale dans l’entreprise avec leur engagement dans la réserve.
L’idée du partenariat, c’est donc de créer des conditions favorables pour que le salarié qui décide de faire de la réserve puisse faire cette période dans de bien meilleures conditions.
Comment s’organise la Garde nationale pour signer des partenariats avec les entreprises ?
Dès qu’une occasion se présente, je la saisie pour présenter la politique partenariale et l’action du secrétariat général de la Garde nationale.
Je m’appuie également sur un réseau territorialisé de correspondants-garde nationale-employeurs (CGNE) en France et dans les outre-mer, qui sont les pivots de la stratégie partenariale de la Garde nationale. Je travaille avec eux de manière étroite afin de pouvoir développer et créer des relations durables avec les employeurs publics ou privés.
De nombreux processus de discussion sont engagés également avec des entreprises du CAC40 et des grands groupes. A ce titre, nous avons signé récemment des signatures de convention avec la SNCF, Naval Group, Thalès, Renault Group, dont le soutien indéfectible présente un véritable effet levier sur l’augmentation des effectifs de réservistes.
Ces discussions sont renforcées par notre présence particulièrement accrue aux différents rendez-vous du calendrier économique, culturel, mémoriel national : Salon des Maires et des Collectivités Locales (SMCL), le Your Future, le Salon Carrières Défense, les commémorations des 80 ans de la Libération et le Salon Eurosatory.
Depuis le début de mon mandat, j’ai effectué une itinérance dans les territoires pour aller présenter l’engagement au sein de la réserve opérationnelle. Avec mon équipe mais aussi tout l’écosystème que nous avons fédéré autour de cette ambition, nous avons été à l’écoute des besoins des différents partenaires de la Garde nationale et particulièrement de la jeunesse afin de façonner une Garde nationale qui répond aux attentes de toutes et tous et prête à affronter les défis de demain.
Très enthousiasmant. Vous évoquez des événements avec les entreprises à Paris et en Ile-de-France. Vous déplacez-vous aussi en territoires pour aller à la rencontre des entreprises ?
Évidemment. Les réserves qui constituent la Garde nationale sont également territorialisées. Elles ne valent que parce que les réservistes sont présents partout dans nos territoires, en France métropolitaine, mais aussi dans les outre-mer.
Et donc je me déplace très régulièrement pour aller à la rencontre des acteurs sociaux et économiques, tous les acteurs de la réserve qui peuvent nous aider à progresser en quantité et en qualité, la réserve opérationnelle.
Au mois de janvier j’étais en Auvergne-Rhône-Alpes, fin du mois de février je me suis rendu dans le Gard, au mois de mars j’étais en nouvelle Aquitaine, en juin je suis allé à Poitiers et en Corse pour promouvoir l’engagement dans la réserve et expliquer que tout le monde peut s’engager pour soutenir les réservistes opérationnels qui sont dans les entreprises.
Si vous aviez un mot à faire passer aux employeurs, là tout de suite, qui pourrait les convaincre d’avoir envie de vous rencontrer, quel serait-il ?
J’observe depuis que j’ai pris mes fonctions que le contexte national, le contexte international, sont un peu compliqués. Aujourd’hui, on a un contexte national qui est maillé par une succession de crises qui ont la particularité non plus de s’enchaîner mais de se superposer. On a un contexte international qui est incertain avec le retour de la dynamique du rapport de force pour régler les différends entre les États.
Tout cela fait qu’aujourd’hui j’observe vraiment que les employeurs estiment avoir un devoir, c’est de soutenir leurs salariés qui ont décidé de donner de leur temps et de leur énergie à leur pays pour lui être utile.
Et cela est une tendance assez forte que j’observe et c’est la raison pour laquelle, en 2023, on a signé un nombre de conventions de partenariat qui est beaucoup plus important que la moyenne signée chaque année depuis 2016.
La Garde nationale, chaque année, signe en moyenne 120 conventions de partenariat. En 2023, on en a signé plus de 160 et en 2024 la tendance est vraisemblablement aussi à la hausse d’après les premiers résultats que je peux avoir. Et donc tout cela me rend très optimiste !
A l’échelle de l’entreprise, je leur dis « Rejoignez-nous ! Engagez-vous pour soutenir ceux qui s’engagent » et ils le font.
Ils le font de plus en plus et ils le font mieux parce qu’ils accordent un nombre de jour d’absence à leurs salariés de réserve qui est bien supérieur au minima imposé par la loi. La loi dit qu’un salarié a le droit de faire dix jours de réserve sur une année et avec le système de convention, on arrive à doubler pratiquement ce nombre de jours de réserve, des choses aussi importantes, qui atteste l’engagement des employeurs. Pendant que les réservistes effectuent leur période de réserve, les employeurs maintiennent tout ou partie de la rémunération de leurs salariés. C’est un vrai engagement citoyen de la part des employeurs. Et cela, c’est quand même assez extraordinaire, assez remarquable ! Et, vous avez raison, il faut le dire, il faut l’expliquer.
Si vous aviez à raconter l’histoire de la Garde nationale dans ses étapes majeures, que diriez-vous ?
La Garde nationale a été créée en 2016 suite aux attentats terroristes qui ont frappé notre pays.
Tout d’abord l’attentat contre Charlie Hebdo le 07 janvier 2015 et les attentats du 13 novembre 2015 (Bataclan…) à Paris. Puis l’attentat de la promenade des Anglais à Nice le 13 juillet 2016.
La Garde nationale a été créée pour fédérer toutes les énergies qui se sont manifestées puisqu’il y a vraiment eu un gros élan de solidarité suite à ces drames.
Le président de la République François HOLLANDE a décidé de créer le réceptacle de toutes ces énergies et il a créé la Garde nationale.
Aujourd’hui la Garde nationale, c’est 80 000 réservistes opérationnels. Ce sont des hommes et des femmes, comme vous, comme moi, qui ont envie de servir leur pays.
Sir Winston CHURCHILL disait « Être réserviste, c’est être deux fois citoyen ».
Ils le font parce qu’ils ont un métier qui est prenant, mais ils ont envie d’un petit supplément d’âme.
Donc les 80 000 réservistes opérationnels de la Garde nationale sont pour moi des citoyens augmentés, des gens qui s’investissent dans leur quotidien, dans leur entreprise, mais qui aussi arrivent à dégager du temps pour être utiles à leur pays.
Jean BODIN, disait « Il n’y a de richesse que d’hommes ».
La Garde nationale est faite d’hommes et de femmes auxquels je rends hommage vraiment, parce que l’engagement est remarquable, et ce sont eux qui font la richesse de la Garde nationale.
Pourquoi le choix de la Gendarmerie nationale ?
Mon parcours est très simple. Mon père était officier des troupes de marine (TDM), et donc j’ai emboîté son pas en choisissant de passer le concours de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, que j’ai réussi en 1990.
A l’issue de mes trois années de formation initiale à Saint-Cyr, j’ai choisi de rejoindre la Gendarmerie nationale. Et cela fait 30 ans que j’y suis !
Je suis totalement épanoui, totalement heureux, parce que la gendarmerie c’est aussi une force humaine alors qu’il y a énormément de travail sur le territoire national ou ultramarin. La gendarmerie est au service des autres.
Pour être gendarme, il faut aimer les gens.
Il faut avoir l’envie d’aider la société, de lutter contre la délinquance, la criminalité.
Cela a beaucoup de sens pour moi que de me sentir utile à mon pays.
Et j’ai choisi de l’être en servant la Gendarmerie nationale.
Comment définiriez-vous la carrière d’officier de gendarmerie ?
Dans une carrière d’officier de gendarmerie, on alterne des temps de commandement de responsabilité opérationnelle avec des temps d’état-major.
Le cœur du métier, c’est d’être sur le terrain, pour un chef, c’est d’être en position de commandement pour commander les hommes et les femmes que vous avez sous vos ordres et qui font fonctionner au quotidien la gendarmerie, le service public de la gendarmerie dans les territoires.
Il y a le commandement d’une compagnie qui est une étape marquante pour un officier de gendarmerie parce que vous êtes vraiment au contact de vos unités, au contact de la population, et vous avez une mission, c’est de produire de la sécurité. Cela est évidemment un temps marquant parce que vous faites énormément de choses : vous lutter contre la criminalité, vous lutter contre les violences intrafamiliales, vous lutter contre l’exclusion et contre les discriminations.
Il y a un panel d’activité qui est extrêmement riche et au terme de ces 3 ans de commandement, on est beaucoup plus riche. Et puis, on comprend mieux comment la société marche, on comprend mieux le poids des autorités administratives ou judiciaires et finalement on comprend qu’on est tous au service de notre pays.
Cela serait sympathique au fil de l’eau de partager des faits marquants de votre parcours avec des anecdotes, des belles rencontres
Oui, bien sûr ! Entre 1998 et 2001, j’ai commandé les escadrons motocyclistes de la Garde républicaine. C’est une unité chargée de faire des missions d’escortes de sécurité et d’honneur pour tous les chefs d’État qui viennent en visite officielle.
Donc j’ai escorté de mon guidon de motocyclette quelques chefs d’État importants. Je pense au président Jacques CHIRAC avec la remontée des Champs-Élysées. De la portière de la voiture présidentielle le président Chirac agitait sa main pour saluer la foule. Cela donnait l’impression de participer à l’histoire, c’est extrêmement riche.
Et puis, cette unité aussi avait la vocation à escorter les grandes courses cyclistes de notre pays dont une qui fait partie de notre patrimoine national et qui est le Tour de France !
J’ai eu la chance d’escorter le Tour de France cycliste avec l’escadron moto pendant 4 années successives : de 1998 à 2001, avec des grands départs du Tour de France à Dublin, des étapes qui arrivent à l’Alpe D’Huez avec la pression de la foule que vous imaginez. Évidemment, il faut protéger les coureurs, la population. C’est une vraie mission de sécurité. Le Tour de France, c’est une ville qui se déplace tous les jours d’un point A à un point B avec 5 000 personnes et peut être même plus aujourd’hui avec les gens qui se déplacent sur les routes. La mission de l’escadron motocycliste est en liaison, évidemment, avec toutes les forces de police et de gendarmerie pour assurer la sécurité de cette bulle. Donc, forcément, il y a des jours où ça se passe moins bien. Les étapes alpestres ou celles qui se déroulent dans les Pyrénées, les étapes de montagne, sont des soucis particuliers, parce qu’il y a vraiment un monde qui est assez important.
Excellents souvenirs !
Et puis le deuxième fait marquant c’est le commandement de la Section de recherche de Paris entre 2015 et 2018 où j’ai pu faire, avec mes gendarmes, de très belles enquêtes judiciaires.
La Section de recherche travaille sur le haut de la délinquance, la criminalité organisée et donc j’ai notamment le souvenir d’avoir démantelé un trafic de produits stupéfiants international.
On a décidé de s’attaquer à l’argent qui était issu du trafic et on a fait des saisies dans 4 pays différents : la Belgique, les Pays-Bas, la France, le Maroc avec une équipe commune d’enquête.
L’enquête a duré des mois avec la SR de Marseille et nous avons saisi plus de 7 millions € en numéraire.
Quittons ces souvenirs sympathiques pour revenir à ce qui vous attache aujourd’hui : la Garde nationale. Quels messages souhaitez-vous faire passer ?
Je m’adresse aux réservistes, mais surtout aux candidats à la réserve qui ont envie de s’engager.
Je pense vraiment qu’il ne faut pas hésiter parce qu’aujourd’hui la réserve opérationnelle peut être celle du ministère des Armées ou celle du ministère de l’Intérieur qui propose 300 métiers différents.
Un jeune qui a envie de donner son temps, il peut être utile à son pays.
Si vous avez envie d’être utile à votre pays, vous pouvez rejoindre la Garde nationale ! Si vous avez envie de vous engager, rejoignez la Garde nationale ! Vous ferez des choses que vous n’avez pas l’habitude de faire dans votre quotidien et ce sera autant de souvenirs marquants.
Comment candidater à la réserve de la Garde nationale ?
Des sites internet permettent aux candidats volontaires qui sont intéressés par la réserve de pouvoir se renseigner, de pouvoir effectuer les premières démarches pour matérialiser leur volontariat.
Et puis, après, il y a tout un processus qui est fait. Il y a la constitution du dossier, il y a la visite médicale, il y a l’engagement, il y a la formation initiale du réserviste, il y a l’emploi du service dans une unité opérationnelle, parce que c’est cela la finalité mais avec toujours ce système de parrainage : un ancien parraine un jeune pour l’aider à parfaire sa formation continue. Et donc le réserviste n’est jamais seul, il n’est jamais livré à lui-même. La réserve partage les mêmes valeurs que l’armée d’active.
Le site de la Garde nationale propose un lien pour se renseigner.
Vous avez des enjeux majeurs à respecter à l’horizon 2030. Prenez-vous aussi le soin de vous détendre ?
Ma passion numéro un, c’est ma famille.
Ma femme et mes enfants qui ont toujours été à mes côtés.
Et aujourd’hui, si vous voulez un point d’intention c’est vraiment de respecter les équilibres entre l’univers professionnel, qui vous prend beaucoup, et puis la famille qui vous apporte tant. Et aujourd’hui, il faut absolument essayer de rétablir cet équilibre et je dirais que sans une famille solide, sans le mur porteur, pour prendre l’expression d’une chanson bien connue, je serais certainement moins équilibré, moins performant dans mon travail, parce que je sais que j’ai des murs porteurs qui me soutiennent et qui m’aident à avancer.
Que partagez vous avec la famille ?
On aime beaucoup marcher le week-end.
Et puis faire des courses en montagne parce que c’est reposant, c’est inspirant.
Pour visualiser les paysages, il faut transpirer un peu, c’est un effort que l’on fait ensemble. Quand on est en haut du sommet, on profite de la vue, de la sérénité, du calme.
Et puis, faire des choses ensemble, c’est extrêmement intéressant. C’est bien.
On aime aussi aller au théâtre, plutôt la Comédie Française. On va voir régulièrement des pièces de théâtre qui sont des moments de respiration.
Tout cela contribue à l’équilibre.
On essaie une fois par an de partir à l’étranger tous les quatre. On est allé à Madrid, on est allé dans les pays du nord, à Stockholm, on est allé à Londres. Évidemment, on est allé à Venise, on est allé à Rome et, à chaque fois, on découvre d’autres civilisations.
Aujourd’hui, si vous voulez, je pense que, notamment pour les jeunes, c’est extrêmement important d’avoir le cerveau divisé en deux, avec une partie internationale, une partie nationale, et on essaie, avec ma femme, d’apporter cette ouverture à nos enfants vers les autres, vers le monde.
Un remerciement appuyé général pour l’entretien sympathique.
Un remerciement au LCL Christophe POUJOL pour l’accompagnement à la réalisation de l’entretien et son équipe.
J’encourage à découvrir plus avant les réserves en prenant connaissance de l’interview du commissaire général de police Stéphane FOLCHER (Police nationale).
Une dédicace au général de division Didier FORTIN (Gendarmerie nationale), et au général de brigade Bruno GARDY (ministère des Armées) qui ont pris soin de développer les réserves de 2021-2023.
Note importante : il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article sur un autre support.
Louis-Mathieu GASPARI, un gendarme avec un grand G.
pour l’avoir côtoyé à une période où nous représentions ensemble les officiers comme membres du CFMG,
il a été cet homme du dialogue et de la concertation qui a toujours été à l’initiative pour faire bouger l’institution.
Une carrière également bien remplie dans de nombreuses activités, mais aujourd’hui à la tête de la Garde Nationale…
Je suis persuadé que l’avenir dans la maison Gendarmerie lui ouvrira d’autres portes..
Avec toute mon amitié cher Louis-Mathieu, et bravo encore à Miss KONFIDENTIELLE pour cette belle mise en lumière de cet homme, officier Général, discret mais très efficace dans tout ce qu’il a fait …
Un remerciement Daniel K pour votre commentaire fort sympathique à l’endroit du général Louis-Mathieu GASPARI.Miss K