Interview de Stéphane FOLCHER, commandant des réserves de la Police nationale

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Le 18 mai 2022 – Très honorée de rencontrer Stéphane FOLCHER, commandant des réserves de la Police nationale à Beauvau afin de partager avec vous l’évolution des réserves de la police et son actualité. Un sujet phare pour l’institution à l’initiative de son Directeur général Frédéric VEAUX et qui a pour objectif de porter à 30 000 le nombre de réservistes d’ici 2030.

Stéphane FOLCHER est l’homme de la situation, c’est une certitude. Doté d’une forte expérience au sein de la grande maison et des qualités requises, je ne peux que vous encourager à lire ses propos et à oser rejoindre la réserve !

Bonjour Monsieur,

Vous êtes commandant des réserves de la Police nationale. Que cela signifie t-il ?

La réserve de la police nationale était un sujet jusqu’à présent peu lisible et relativement confidentiel.
La réserve civile était numériquement inférieure aux réserves des armées et de la gendarmerie et sa représentation ne correspondait pas à l’importance qu’occupe la police nationale dans le spectre des administrations régaliennes.

La réserve de la police a été créée en 2003 et compte aujourd’hui 6 700 réservistes.
Elle évolue en 2011 en intégrant une part de la société civile mais cantonnée à des missions de renfort logistique et de soutien non opérationnelles.
Au lendemain des attentats de 2015, on constate une vague d’émotions et le souhait exprimé par beaucoup de citoyens de rejoindre les réserves régaliennes et celle de la police en particulier, aux côtés de nos retraités.

En 2020, le Directeur général de police nationale (DGPN) Frédéric VEAUX crée la fonction de Commandant des réserves de la police nationale et prend une  orientation décisive :

– Aligner la réserve de la police sur celle des armées et de la gendarmerie, ce qui signifie porter notre réserve à 30 000 effectifs, sachant que ces trois réserves sont regroupées sous la bannière de la garde nationale, crée en 2016.

Chacune de ces composantes est responsable de son recrutement, de son organisation, de la définition de ses missions et de son commandement.
Mais pour un certain nombre de politiques telles que la communication, l’attractivité, le partenariat en particulier, c’est le secrétariat général de la Garde nationale qui en donne l’impulsion pour les trois composantes

La police nationale fait partie intégrante de la Garde nationale depuis 2016, date à laquelle elle a été créée mais avec un format qui ne correspondait pas à celui des armées ni celui de la gendarmerie, comme je l’évoquais ci-dessus.
Notre réforme avec la transformation législative et réglementaire qui l’accompagne, permet de se mettre au niveau des deux autres réserves. La police prend ainsi toute la place qui lui revient.
Nous représentons actuellement 146 000 personnels dont environ 122 000 actifs. Pour vous donner un ordre de grandeur, la gendarmerie compte environ 100 000 effectifs, l’armée de Terre c’est 130 000 personnels, la Marine nationale environ 42 000 et l’Armée de l’Air et de l’Espace 51 000 personnels.
Nous pensons tous que les réservistes occupent maintenant une place croissante dans les dispositifs opérationnels et que leur place a vocation à s’affirmer encore plus dans les années à venir..

La 1ère année on va former 1 500 réservistes puis dès la 2de année 2 500 réservistes et cela jusqu’en 2030 afin d’atteindre l’objectif fixé par le ministre de l’intérieur.

– Parallèlement à cette réforme, le Directeur général a décidé de créer, dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine des détachements de réservistes affectés à cette mission aux frontières terrestres et maritimes. Nous avons déployé 6 détachements : Menton, Perpignan, Hendaye, Dunkerque, Calais, Montgenèvre. Les réservistes se relaient tous les 15 jours et accomplissent un travail remarqué, complémentaire des services actifs de la police aux frontières et de la sécurité publique.

La réserve opérationnelle répond donc à un besoin de renforcement de nos services opérationnels et au besoin sociétal qui nous anime tous, celui du renforcement du lien entre notre police et la population.

La police est au cœur des dysfonctionnements de notre société. Il est indispensable que ce lien, se renforce en dépassant le stade des clichés.

Il faut bien comprendre que la police nationale est et surtout doit être le reflet de la population.

C’est le gage de sa légitimité et de l’acceptation de son action.

Il arrive que nous ne soyons pas bien compris lors d’interventions délicates mais nécessaires pour garantir la paix publique par exemple.

La création de la réserve opérationnelle permettra d’asseoir cette compréhension mutuelle et de donner l’opportunité à nos concitoyens de participer à la mission de police, en renfort et sous la responsabilité de nos personnels actifs.

La 1ère session de formation débutera le 18 juillet 2022.

Les commissions de recrutement se réunissent depuis le début du mois de mai, en métropole et dans les départements et collectivités d’outre-mer..
La session de juillet se déroulera sur 15 jours en internat (en externat à titre exceptionnel) et sera une formation validante qui permettra aux volontaires de se familiariser, de  s’acculturer aux techniques de police, au tir de police, aux techniques d’interpellation parce qu’il n’est pas envisageable d’envoyer des personnels civils sur la voie publique dans le cadre de renfort avec les patrouilles de police s’ils ne sont pas formés avec le sérieux qui s’impose. C’est une formation contraignante et lourde parce qu’il faut intégrer beaucoup de connaissances en peu de temps.

Les candidats qui verront leur formation validée signeront un contrat de réserviste et ensuite ils suivront une 2de session de formation de 15 jours dans les services avec des policiers formateurs  qui débutera dès la deuxième quinzaine du mois d’août 2022.
A l’issue de la formation complète de 200 heures de théorie et de pratique, sanctionnée par une évaluation technique et comportementale, le réserviste pourra, consacrer le temps qu’il souhaite à sa vie de réserviste, dans la limite de 90 jours au maximum par année pour les civils.

Après leur affectation, les réservistes élaboreront un planning de leurs disponibilités, en relation avec le chef de service qui va les accueillir dans tous les services ou une relation avec le public peut être identifiée, les commissariats parisiens et de la petite couronne, tous les commissariats de province, dans les services de la police aux frontières, les ports, les aéroports, les compagnies autoroutières des CRS. Tout cela c’est du contact avec le public.

Notre maillage territorial est très conséquent, il innerve l’ensemble du territoire mais pas sur les mêmes territoires que la gendarmerie.

Les inscriptions à la réserve se font en ligne. Nous avons réceptionné plus de 6000 candidatures  à ce jour qui sont traitées au fur et à mesure.

Avez-vous des messages à faire passer aux lecteurs ?

Qu’ils écoutent leurs intentions profondes, leurs souhaits.
Qu’ils soient des acteurs de leur sécurité et de celle de leurs concitoyens et non des spectateurs.

De manière plus directe :

Franchissez le pas ! Déterminez-vous !

On va vous faire découvrir des situations auxquelles vous ne vous attendez pas.

C’est l’imprévu qui commande la mission de police. Rien n’est jamais arrêté, c’est ce qui fait son intérêt, la richesse du métier.

Vous serez toujours sous la responsabilité de policiers professionnels afin de vous guider, de vous conseiller et vous participerez à des missions de policier généraliste dans le cadre du renforcement du lien police-population.

Soyez au cœur de votre cité, c’est passionnant !

Avec le recul, que souhaitez-vous partager avec nous sur votre carrière ?

Avant, j’ai eu une longue carrière avec des expériences diversifiées dans l’institution policière.

Diversifiées car j’ai travaillé dans toutes les grandes directions en uniforme de la police nationale (sécurité publique, préfecture de police, compagnies républicaines de sécurité …) en qualité d’officier et de commissaire de police, je connais aussi le fonctionnement et le raisonnement des personnels car j’ai exercé des fonctions syndicales nationales plusieurs années.

Plus de 40 années de carrière forgent une expérience avec des points de comparaison…

J’ai également travaillé quelques années pour une société sous tutelle de l’Etat aussi en contact avec les milieux industriels dans un contexte international, la police recouvre des métiers inattendus parfois.

J’ai été auditeur de la 45ème session nationale de l’IHEDN, le plus jeune auditeur en 1993. Une expérience passionnante, un premier événement marquant.

Je pense au début de ma carrière en Nouvelle-Calédonie, c’était en 1984-1985, avec des faits d’une violence inouïe, de nombreux morts sur le territoire. Ma compagnie était sur place dans des conditions difficiles .
J’ étais officier CRS en début de carrière, à 22 000 KM de Paris, c’était très loin et on a passé deux mois et demi marquants sur place. Cela a été formateur. Ensuite, la vie a semblé tout de même plus douce même dans des missions parfois compliquées.

La vie syndicale pendant 5 ans m’a également beaucoup appris et marqué avec une vision de la police nationale décalée, au-delà du simple raisonnement administratif, avec tout le jeu des rapports syndicaux. Je ne vois plus les choses de la même manière depuis cette période.

A la Sofremi, j’ai représenté la police nationale pendant plus de trois ans et demi ce qui m’a apporté une expérience internationale avec différentes administrations. La société volorisait le savoir-faire français en matière de sécurité intérieure à l’international.

Tout ceci a été ponctué par des rencontres avec des hommes et des femmes intéressants, passionnants à tous niveaux.

J’en parle peu, j’ai également donné des cours pendant 14 ans de 2000 à 2014 à Paris XIII en Master 2 de Défense et de Politique de sécurité. Cela m’a permis d’avoir un lien permanent avec les étudiants et oblige à se maintenir à niveau pour répondre à leurs questions et suggestions.

Aujourd’hui je mets en place ou je participe à des réunions régulières avec les différents acteurs liés au dossier des réserves.

Je constate une évolution notable dans l’acceptation et l’intégration de ce dossier au fonctionnement de notre service public, c’est encourageant.

La police nationale est par nature assez méfiante et nous intégrons dans nos rangs des civils aujourd’hui. C’est un élément qui va se renforcer au fil du temps et il faut que ce soit fait de manière cohérente pour tous.

Cela serait sympathique de découvrir vos centres d’intérêt

Je ne peins pas et je ne suis pas musicien ! (sourire)

Travaillant en ville, j’ai des centres d’intérêt très basiques.
J’essaie de me ressourcer à la campagne.

La marche à pied me délasse beaucoup, en particulier la marche nordique.
C’est ce qui permet de me détendre le plus aujourd’hui.

J’ai fait beaucoup de sports violents dans ma vie mais à un moment il faut savoir les mettre de côté.

J’aime lire la politique, la géopolitique, tout ce qui est lié à l’histoire et l’actualité. Comprendre l’origine des conflits qui émaillent nos sociétés, comme l’Ukraine et tant d’autres…

Relire Georges Bernanos peut-être parce que mes origines sont du Nord Pas de Calais. Il exprime une vision de la vie et des rapports humains dans ses textes que l’on ressent clairement … ou pas.
Antoine de Saint-Exupéry est de la même veine …

Maintenant, il faut trouver le temps de concilier tout cela avec le travail ce qui n’est pas forcément évident.

Les voyages ? J’apprécie visiter les capitales européennes.
A l’époque où j’étais à la Sofremi en particulier, j’ai beaucoup  voyagé en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud…, dans des contextes professionnels et officiels. C’était des voyages très thématiques comme en Chine sur des périodes longues avec des industriels et des délégations ministérielles. Travailler à l’international permet de s’ouvrir au monde.

Un dernier mot avant de nous quitter ?

La réserve de la police nationale c’est aussi et avant tout l’ouverture à l’autre sous toutes ses composantes.

Un remerciement appuyé pour notre entretien qui permet de mieux comprendre la police. Une police qui n’a de cesse de s’ouvrir à la population pour le bien commun et que l’on ne peut que respecter pour le travail fait au quotidien. Autrement dit, « J’aime ma police ! ».


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