Regards croisés sur les jeunes et les forces de sécurité intérieure du préfet honoraire Pierre Lambert et de Mohamed Douhane
Attachée aux sujets de l’éducation et des forces de sécurité intérieure, je suis au café Montparnasse à Paris en présence du préfet honoraire Pierre LAMBERT, membre du Conseil d’administration du Think Tank Continuum Lab, et de Mohamed DOUHANE, chef de projet sécurité et membre du Continuum Lab en tant que personne qualifiée.
Bonjour Mohamed,
Aujourd’hui, quels sont les rapports entre les jeunes de 16 à 24 ans et les forces de sécurité intérieure ?
Bonjour Miss Konfidentielle.
Je voudrais d’abord préciser que ce sujet d’une grande actualité est régulièrement relancé à l’occasion d’émeutes urbaines, de faits divers dramatiques ou d’actes de violences dont sont trop souvent victimes les forces de l’ordre.
Nul ne peut contester qu’il existe en effet une certaine méfiance, voire une défiance, d’une partie de la jeunesse vis-à-vis des forces de l’ordre, en particulier de la police nationale dont il faut rappeler qu’elle intervient dans les quartiers les plus sensibles.
Les policiers expriment souvent leur désarroi face à l’accueil parfois hostile qu’on leur réserve dans certains quartiers avec cette impression de ne pas être acceptés comme les représentants d’un service public, mais plutôt comme une bande rivale, voire une troupe d’occupation.
Mais gardons-nous d’avoir une vision un peu trop caricaturale. Préservons nous également des jugements réducteurs et stigmatisants qu’on entend ici et là, car ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre ne représentent en réalité qu’une extrême minorité de notre jeunesse et heureusement !
Je m’explique. Il n’y a pas d’un côté la police, et de l’autre côté la jeunesse. Nous ne sommes pas dans un conflit de générations quoi qu’en pensent certains. Il y a la police de la République, une institution qui protège et assure la sécurité des Français, première des libertés, et en face certains jeunes -souvent des délinquants- qui d’emblée rejettent les lois et dont la violence s’inscrit dans un cycle de défiance vis-à-vis de l’autorité de l’Etat et une logique de territoire favorisant les trafics les plus divers.
Par ailleurs, il faut rappeler qu’une grande partie des policiers, notamment ceux qui exercent dans les quartiers sensibles, sont aussi jeunes que ceux qui s’en prennent à eux.
La réalité c’est que les jeunes dans leur grande majorité comprennent et soutiennent les forces de l’ordre parce qu’ils savent qu’elles jouent un rôle essentiel dans la société et que sans leur action, le pays serait soumis au chaos et à une anarchie destructrice.
Oui, cette délinquance qui pourrit la vie de millions de gens est devenue insupportable, encore plus pour ceux qui vivent dans les quartiers qui concentrent les principaux maux de la société française : la précarité, le chômage, l’échec scolaire et les discriminations en tout genre etc.
Il faut également préciser que les jeunes ne constituent pas une catégorie homogène, car l’origine sociale, géographique et le niveau d’instruction qui est le leur, impactent souvent le rapport qu’ils entretiennent avec les représentants de l’autorité.
Il y a ainsi la jeunesse qui habite les grandes métropoles, celle des quartiers prioritaires, et celle issue des zones rurales, dont on parle relativement peu et dont les rapports avec les forces de l’ordre sont plus fluides et moins conflictuels.
L’hostilité que manifestent certains jeunes vis-à-vis des forces de l’ordre s’appuie aussi sur les nombreux fantasmes entretenus autour des contrôles d’identité. C’est une thématique forte sans aucun doute, ces jeunes étant persuadés qu’ils sont contrôlés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font, associant ainsi les contrôles d’identité à du harcèlement, voire de l’injustice.
Peu savent en réalité que les contrôles d’identité sont soumis aux règles du code de procédure pénale, beaucoup d’entre eux étant d’ailleurs effectués sur réquisition du procureur de la République et dans des secteurs criminogènes où la population exprime une forte demande de sécurité.
Ainsi, lorsque le contrôle d’identité est effectué de façon professionnelle et dans le respect de la loi, il doit être accepté car il s’agit d’une procédure essentielle à l’action policière en faveur de la répression et la prévention de la délinquance.
Pour conclure, j’ajouterais que l’image de marque de la police nationale dépend aussi beaucoup du contexte social. Le rapport avec les jeunes et la population de façon générale a atteint son plus haut niveau de satisfaction après les attentats de Charlie Hebdo et celui du Bataclan. En 2015 et 2016, nous avons tous assisté à des manifestations d’admiration, de soutien et de sympathie pour les forces de l’ordre, dont on ne pouvait que se réjouir. Les candidatures aux concours de la police nationale ont atteint à cette occasion des records inégalés par leur nombre !
Bonjour Monsieur le préfet,
Quelles sont les pistes d’action pour que les jeunes se tournent vers les forces de sécurité intérieure ?
Nous avons réfléchi à un certain nombre d’actions concrètes à conduire pour rapprocher les jeunes et les services de sécurité intérieure, notamment la police et la gendarmerie. On peut aussi aller vers les métiers de la justice.
Mais avant cela, je souhaite dire que le Continuum Lab (Think tank sécurité, société, justice) auquel je participe en tant que personne qualifiée, a conduit une enquête de BVA sur un panel de 3000 jeunes représentatifs de la population âgés de 16-24 ans, coordonnée par la sociologue Anne MUXEL, et qui montre que la plupart des jeunes ont une appréciation plutôt positive des forces de sécurité à hauteur de 65 % en moyenne avec certes, dans certains milieux ou certains quartiers, des taux moins élevés. Cela peut tomber à 50%. Et comme le dit Mohamed DOUHANE, les chiffres peuvent évoluer en fonction des périodes de crise.
Au-delà de ce constat, ce qu’il faut comprendre c’est que la plupart des jeunes considèrent que les policiers ou les gendarmes ont un métier difficile, exigeant et qu’il est rare que quand il y a un problème relationnel, le tort soit uniquement le fait des policiers ou des gendarmes.
La plupart des jeunes considèrent que les torts sont partagés et qu’une partie de la jeunesse elle-même est en cause.
Donc l’objectif des propositions coordonnées au sein du Continuum lab est d’essayer de voir en quoi, par des pistes concrètes, on peut rapprocher les jeunes dans leur diversité vers les métiers de la sécurité.
Concrètement, des propositions ont été faites à partir d’auditions d’une dizaine de partenaires qualifiés sur ces sujets, en particulier RAID Aventure Organisation (RAO) présidée par Bruno POMART, l’Agence du Service Civique, Graines de France, et l’association Jeune et engagé.
Ces auditions nous font penser que des pistes de travail peuvent être expérimentées sur le terrain, et je vais vous en donner quelques-unes.
Il y en a huit qui ont été effectivement retenues et publiées. Mais, pour aller à l’essentiel, l’idée de rapprocher jeunes et services de sécurité peut se faire, par exemple, dans le cadre scolaire, par la mise en place de classes dédiées à la sécurité intérieure, dans les collèges, voire les lycées. Cela est déjà expérimenté, par exemple au collège Albert Camus de Brunoy dans l’Essonne, où une « classe de sécurité intérieure » a été mise en place à la dernière rentrée. Cela consiste à dégager du temps au sein des classes de quatrième ou troisième pour que des jeunes s’intéressent aux métiers de la sécurité, rencontrent des policiers, des gendarmes, des pompiers, voire des magistrats ou des élus et considèrent qu’effectivement les métiers régaliens sont des métiers intéressants vers lesquels eux-mêmes peuvent se tourner par la suite.
L’idée est également de mettre en place des référents sécurité-justice au sein des collèges et des lycées pour qu’effectivement les enseignants ou des élèves puissent avoir des référents, des correspondants au sein de ces métiers, qu’ils puissent répondre à des questions, participer à des stands d’information sur les métiers de la sécurité ou assister à des exercices en situation.
Des propositions ont été faites pour que des services civiques soient en plus grand nombre mis en place dans les commissariats ou les brigades de gendarmerie car la présidente nationale de l’Agence du Service Civique considère qu’ils sont seulement 3000 jeunes à se tourner vers les services de sécurité ou vers les préfectures pour 150 000 places ouvertes chaque année par le Service civique. L’idée est de voir en quoi et comment des jeunes de 16 à 24 ans pourraient être intéressés à faire leur service civique de 6 à 8 mois dans ces services.
On a aussi une ambition plus ambitieuse et plus large. A 18 ans, on devient majeur au regard de l’état civil et de la loi électorale.
Or, il faut bien considérer qu’aujourd’hui à 18 ans, c’est une fête de famille, ce n’est pas une fête républicaine. À 18 ans, il n’y a rien qui change vraiment dans la vie citoyenne du jeune. On a tous connu ce moment. On a peut-être reçu des cadeaux et puis c’est tout. Par contre, on devient électeur. Et notre proposition, et çà a un sens par rapport à l’ idée de Nation, c’ est d’ organiser en mairie à l’ attention des jeunes qui ont eu ou vont avoir 18 ans au cours de l’ année, une cérémonie républicaine présidée par le maire en présence de ses adjoints mais aussi des représentants locaux de la police, de la gendarmerie, voire des pompiers. L’objectif est d’initier le jeune citoyen à ses devoirs civiques, mais aussi aux responsabilités qui l’appellent dans sa vie future et l’aider à découvrir l’intérêt que peut présenter certains métiers de la sécurité : comment devenir gardien de la paix, officier de police, gendarme ou s’engager dans le volontariat du SDIS.
Voilà pour l’essentiel des propositions qui sont encore en gestation c’est-à-dire qu’elles ont été posées, publiées, annoncées. Maintenant, il faut les mettre en œuvre.
Pour cela, nous travaillons avec Gilles BACHELIER, président de la mutuelle INTÉRIALE et président du Think Tank Continuum Lab, et son directeur Laurent MICHEL afin de mettre en place cette idée d’une rencontre citoyenne pour les jeunes qui ont 18 ans dans l’année civile et, naturellement, développer ces « classes de sécurité intérieure », développer le service civique dans les commissariats et gendarmeries, voir comment on peut faire assister des jeunes à des procès dans l’institution judiciaire.
C’est un élément important puisque la justice est souvent mal perçue par les jeunes. L’armée fait référence et le rapport à la police-gendarmerie est médian. Par contre, il y a une vraie défiance, par manque de connaissance des jeunes par rapport à l’institution judiciaire. Et c’est pour cela que je parlais tout à l’heure de l’association Jeune et Engagé qui met en situation des jeunes dans des procès fictifs où chacun a un rôle à jouer : procureur, avocats de la défense et de la partie civile, magistrats du siège…
Pour résumer, le maître-mot de toutes ces propositions, c’est mieux se connaître pour mieux se comprendre et pour aller les uns vers les autres jusqu’à des recrutements de policiers, de gendarmes ou de pompiers, en plus grand nombre de la part des jeunes décidés à servir leur pays.
Mohamed, souhaitez-vous apporter des précisions à ce qui a été dit ?
Oui, merci. Pour compléter mes propos, je souhaiterais apporter quelques éléments chiffrés supplémentaires issus de l’enquête BVA évoquée par le préfet Lambert ; leurs résultats sont significatifs car ils montrent clairement que parmi les jeunes de 16-24 ans interrogés sur toute la France, deux tiers d’entre eux ont confiance en la police nationale, et ce chiffre est encore plus important dans les communes de moins de 20 000 habitants où il atteint 75 % de confiance.
Ces chiffres contredisent donc clairement la vision caricaturale et outrageante véhiculée par certains milieux extrémistes qui laisserait penser que « tout le monde déteste la police ! ».
Non, tout le monde ne déteste pas la police. Ce slogan immonde, qu’on entend parfois dans les manifestations ne correspond pas du tout à la réalité.
Autre point à préciser au sujet de l’enquête BVA que nous avons déjà évoqué.
L’image que les jeunes ont de la police peut aussi, comme je l’expliquais tout à l’heure varier selon les contextes et l’origine géographique.
Le rapport difficile que certains jeunes ont vis-à-vis de la police est plutôt concentré dans les zones sensibles, cela on ne peut le nier, même si on ne le répètera jamais assez, la grande majorité d’entre eux respecte la loi et n’aspire qu’à une autre chose : s’épanouir et trouver leur place dans la société française, qui quoi qu’on en dise, permet de belles réussites sociales et professionnelles pour qui s’en donne les moyens. A ce titre, elles sont nombreuses !
Et puis il y les autres…cette partie de la jeunesse ancrée dans la délinquance et les trafics en tous genres, qui a forcément un rapport conflictuel avec la police nationale. Est-ce bien étonnant ? Ce sont ces jeunes qui le plus souvent manifestent les préjugés et les stéréotypes les plus négatifs et la défiance qu’on connait. Ce sont eux également que l’on retrouve en première ligne dans toutes les émeutes urbaines qui secouent les quartiers en France depuis 40 ans et qui commettent majoritairement les délits de rébellion, de refus d’obtempérer et les actes de violences toujours plus graves causés à l’encontre des forces de l’ordre.
L’urgence aujourd’hui c’est donc de soutenir et renforcer l’action des différents acteurs de la chaîne d’autorité que sont les forces de l’ordre (police, gendarmerie, polices municipales), la justice, l’école et bien entendu mieux impliquer les parents, clé de voute de la famille, laquelle reste le principal lieu d’éducation des enfants et de transmission des valeurs indispensables à la vie en collectivité et la cohésion nationale.
Et n’oublions pas la prévention de la délinquance, pilier essentiel de toutes les politiques de sécurité dignes de ce nom. La prévention de la délinquance à travers notamment les actions de renforcement du lien police/ jeunesse, concourt non seulement à la tranquillité publique mais contribue aussi à assurer la cohésion sociale dans les quartiers. Nous en avons besoin !
Attachons-nous à plus d’éclairage sur le Continuum Lab et le Continuum de sécurité pour bien comprendre de quoi on parle
Monsieur le préfet, qu’est-ce que le Continuum Lab ?
Je pense que c’est important de parler de cet organisme, parce que c’est lui qui a coordonné un certain nombre de propositions évoquées ensemble.
Continuum Lab est un Think Tank qui est né en 2021 à l’initiative de la mutuelle INTÉRIALE, première mutuelle du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer mais pas que, puisqu’elle s’adresse aussi à la Justice et à la fonction publique territoriale. Elle compte 300 000 adhérents dont la plupart sont des représentants de l’administration territoriale ou de la police nationale, puisque cette mutuelle a été créée par la fusion de l’ancienne mutuelle MGPAT et d’une mutuelle de policiers, la SMPPN.
Continuum Lab est né de INTÉRIALE et d’un certain nombre de partenaires du monde de la sécurité, notamment l’École nationale supérieure de la police (ENSP), l’Association des hauts fonctionnaires de la Police nationale (AHFPN) présidée par Christian SONRIER, Femmes de l’Intérieur en particulier, pour donner une vision et faire des propositions d’action qui s’inscrivent pleinement dans le Continuum de sécurité dont a parlé Mohamed DOUHANE.
Continuum Lab essaie de contribuer à faire en sorte que, par ce rapprochement entre les différents acteurs de la sécurité, on puisse être plus efficace pour protéger les Français et intéresser, notamment des jeunes, aux métiers de la justice et de la sécurité intérieure.
Dans ce cadre, Continuum Lab a lancé depuis 2021 un certain nombre d’actions parmi lesquelles la fameuse enquête de BVA, coordonnée et analysée par la sociologue Anne MUXEL sur la perception qu’ont les jeunes des services et des métiers de la sécurité. Elle en a tiré un ouvrage commenté par les responsables et spécialistes nationaux de la sécurité intérieure et de la sécurité civile.
L’actualité est aussi le colloque du continuum des acteurs de la sécurité civile et du rôle du préfet qui devrait se tenir à l’automne à la Sorbonne.
Le Continuum Lab décerne également des prix annuels à certains lauréats des masters consacrés à la sécurité intérieure.
Celui-ci s’élargit à de nouveaux partenaires, j’en ai cité certains.
Plus récemment : l’Académie de police, Orphéopolis qui s’adresse aux orphelins de la police nationale, l’École nationale de l’administration pénitentiaire qui est très importante puisque, encore une fois, la justice est également présente dans cette démarche, en tout cas de plus en plus, ainsi que l’association nationale des directeurs de SDIS (ANDSIS).
Moi, je suis personne qualifiée du sein du conseil d’administration du Continuum Lab.
J’ai accepté d’y siéger il y a deux ans et je crois vous avoir dit l’essentiel des représentants ou des partenaires, en dehors des membres fondateurs, des membres adhérents de ce conseil d’administration de ce Continuum Lab qui est composé aujourd’hui de 17 administrateurs.
Mohamed, comment définir Le Continuum de sécurité ?
Le continuum de sécurité, qu’on appelle aussi parfois coproduction de sécurité, est un principe qui repose sur la coordination et l’articulation optimale des acteurs de la sécurité. Ceux-ci sont divers et variés : l’État en premier lieu, avec la police et la gendarmerie nationale, mais également les maires via leur police municipale et les représentants des autres collectivités territoriales, en particulier la région qui est compétente en matière de sécurité dans les transports et dans les lycées ainsi que les départements qui concourent aux actions de prévention de la délinquance dans le cadre de l’exercice de leurs compétences en matière d’action sociale et de prévention spécialisée.
Les bailleurs sociaux sont également partie prenante du continuum de sécurité car ils jouent un rôle important en matière de tranquillité résidentielle au bénéfice de leurs locataires, les opérateurs de transport comme la SNCF, la RATP ou le groupe TRANSDEV, qui a une large compétence, notamment dans la petite et grande couronne parisienne; les entreprises privées de sécurité, qui constituent un élément essentiel du continuum de sécurité, on le voit, et on va le voir encore plus à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP2024). Et enfin les associations qui peuvent aussi contribuer à ce continuum de sécurité, notamment en matière de prévention de la délinquance, je pense en particulier au Forum français de sécurité urbaine (FFSU), à l’association Graines de France ou l’association RAID Aventure organisation.
Voilà ce qu’est le continuum de sécurité. Lorsqu’on a compris de quoi il s’agit, il faut ensuite le mettre en œuvre et cela se fait différemment selon les secteurs – zones de compétences de la police ou de la gendarmerie- car on ne travaille pas tout à fait de la même façon selon qu’on exerce en zone rurale, péri-urbaine ou dans les quartiers prioritaires de la ville.
A ce titre, les nombreuses études sur la géographie de la délinquance effectuées par le service statistique du ministère de l’Intérieur (SMSSI) sont intéressantes à analyser et montrent clairement que la délinquance se répartie inégalement selon le territoire.
La majorité des crimes et délits commis sur le territoire national se répartit aujourd’hui sur 1% des communes. Ce sont en général les villes de plus de 100 000 habitants, situées en zone police. Ce qui n’exclut pas bien entendu que la délinquance enregistrée en zone rurale doit être traitée avec la même énergie car c’est le rôle de l’Etat de maintenir la cohésion nationale et assurer le même niveau de sécurité à tous nos concitoyens.
Le continuum de sécurité s’inscrit donc dans une logique d’adaptation permanente aux réalités de terrain. Les questions soulevées sont traitées et résolues dans le cadre de la Police de sécurité du quotidien (PSQ) et notamment avec les groupes de partenariat opérationnel, (GPO), qui permettent sous l’autorité du chef de circonscription de mettre autour de la table les principaux acteurs locaux afin de trouver des solutions concrètes à des problématiques précises. On est vraiment ici dans une logique de résolution de problème, qui commence à donner de bons résultats sur le terrain.
Le continuum de sécurité n’est donc pas qu’un principe, c’est aussi une méthodologie d’action en faveur de la lutte contre la délinquance, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV)
Qui est à l’origine du continuum de sécurité ?
La démarche de co-production de sécurité est en réalité assez ancienne puisqu’elle remonte à une vingtaine d’années, mais elle était organisée de façon assez embryonnaire autour de la loi du 15 avril 1999 qui définissait le rôle des polices municipales comme complémentaire à l’action de la police nationale et la gendarmerie et un décret de 2002 qui instituait les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance –CLSPD.
Le véritable acte de naissance du Continuum de sécurité pour être précis, c’est le rapport rédigé en 2018 dans le cadre d’une mission parlementaire, par deux députés, Jean-Michel FAUVERGUE (ex chef du Raid) et Alice THOUROT. Intitulé « D’un continuum de sécurité. Vers une sécurité globale » ce rapport riche et précis de 180 pages a permis de formuler 78 propositions novatrices et a insisté sur la nécessité de construire un continuum de sécurité devant s’adapter à la diversité des territoires: ruraux, urbains, périurbains et métropole.
Celui-ci repose sur une approche sécuritaire sur-mesure, à partir de diagnostics territoriaux précis et partagés par les principaux acteurs de la sécurité.
C’est ce rapport FAUVERGUE/THOUROT qui a d’ailleurs inspiré la « loi sécurité globale » de 2021, loi qui a largement renforcé les prérogatives des polices municipales et mieux encadré le secteur de la sécurité privée.
Un remerciement appuyé pour cet entretien fort instructif. Place maintenant à un café.
💡 Pour aller plus loin, je vous invite à prendre connaissance des articles :
Le Guide sur la sécurité dans la politique de la ville avec le préfet honoraire Pierre LAMBERT et Mohamed DOUHANE, chef de projet sécurité et tranquillité publique à l’ANCTerritoires (2022),
Interview du préfet honoraire Pierre LAMBERT (2022),
Interview de Mohamed DOUHANE, chef de projet sécurité et tranquilité publique (2021).
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