En janvier dernier je publiais l’Interview croisée de Gwenola JOLY-COZ et Eric CORBAUX, chefs de la cour d’appel de Poitiers sur les violences intrafamiliales (VIF).
Aujourd’hui, je suis à la librairie Fontaine-Haussmann dans le 8ème arrondissement de Paris à la séance de dédicaces de Gwenola JOLY-COZ pour la sortie du livre qui lui est consacré chez Memoring Éditions :
Gwenola JOLY-COZ, une haute magistrate, féministe et essayiste
rédigé par Frédéric CHAUVAUD, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Poitiers, spécialiste de l’histoire du crime, de la justice et de la violence,
préfacé par Michelle PERROT, professeure émérite des universités, historienne et militante féministe française.
La joie de vous partager les moments clefs 2024 avant son départ par décret du 28 octobre 2024 portant nomination (magistrature) pour… Papeete en Polynésie.
Bonjour Gwenola,
Que dire de l’année 2024 : les moments clefs à la cour d’appel de Poitiers ?
2024 a été une année vraiment très active pour nous, chefs de cour, avec le procureur général Eric CORBAUX à la cour d’appel de Poitiers.
Mais ce que je voudrais d’abord dire, c’est que c’est une année qui se finit par notre départ.
Nous parlions tous les deux en janvier 2024 et là maintenant, en décembre, c’est le dernier mois pour nous à Poitiers, parce que Éric CORBAUX a été nommé procureur général près la cour d’appel de Bordeaux et j’ai été nommée par le Conseil supérieur de la magistrature, première présidente de la cour d’appel de Papeete, en Polynésie française.
Donc pour nous, c’est vraiment une étape. Nous quittons la cour d’appel de Poitiers après plus de quatre ans à la tête de cette cour dont nous avons fait un véritable laboratoire en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Quatre années où nous avons d’entraîné toute la communauté judiciaire dans une véritable politique judiciaire.
La stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes, c’est d’abord passer par la formation. On ne cesse de le répéter, la formation sur les grands concepts psychosociaux, qui sont à l’œuvre en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Vous savez, nous nous sommes beaucoup investis sur la question du contrôle coercitif, mais aussi sur le psychotrauma, la mémoire dissociative, le sur-meurtre, le féminicide.
Tous ces sujets sont vraiment très importants et nous permettent d’envisager les violences faites aux femmes de manière très différente.
Donc on a pendant quatre ans beaucoup travaillé , beaucoup formé, beaucoup acclimaté. Les collègues du siège comme du parquet sur l’ensemble de la cour, c’est quatre départements, six tribunaux judiciaires et donc cela a entraîné une sorte de mouvement.
Nous sommes contents, car il s’est vraiment passé quelque chose au sein de la cour d’appel de Poitiers. C’est vraiment une grande satisfaction pour nous.
C’est d’abord, en termes de formation, la première formation CAVIF à l’École nationale de la magistrature, ENM, en mars 2024. Eric CORBAUX et moi-même avons dirigé pour la première fois l’inauguration du cycle d’approfondissement de la lutte contre les violences faites aux femmes. Cette session inaugurale, qui a connu un grand succès avec beaucoup de collègues qui sont venus en formation continue, et cela a vraiment été des journées importantes de partage avec la communauté judiciaire, des connaissances et aussi des pratiques en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Et puis en 2024, c’est la cour d’appel de Poitiers qui rend les premiers arrêts en France sur le contrôle coercitif. Sur réquisitions du procureur général Eric CORBAUX, ce sont les cinq arrêts du 31 janvier 2024 (*) qui ont pu être rédigés et constituer la première jurisprudence sur cette nouvelle notion. Et ils sont vraiment importants. La doctrine, d’ailleurs les a beaucoup commentés parce qu’il s’agit pour la première fois en France, d’intégrer le contrôle coercitif dans des décisions pénales.
Un autre arrêt le 6 novembre 2024, c’est tout récent qui, au sein du contrôle coercitif, intègre la notion de strangulation : strangulation à la main, non fatale, mais qui est une violence sexospécifique, très importante et qui est très représentative du processus de domination, du contrôle coercitif. Donc on peut dire que toute l’année 2024 est vraiment marquée pour nous par cette réflexion que nous avons menée sur le contrôle coercitif.
Finalement 2024 est une sorte de point d’orgue pour nous. Ces événements sont très importants.
Et puis le livre publié en cette fin d’année 2024, une belle nouvelle
Le travail des Éditions Memoring est intéressant puisqu’il vise à mettre en valeur des figures de Nouvelle-Aquitaine.
Évidemment, vous imaginez bien que j’avais à cœur que ces figures ne soient pas que masculines. C’est toujours la même question, c’est à dire comment faire pour créer des traces de femmes, travailler à la mémoire des femmes.
Et je suis si fière que Michelle PERROT la grande historienne française des femmes, ait accepté de rédiger la préface de cet ouvrage. Je pense que c’est tout un symbole. Si Michelle PERROT écrit dans ce livre, c’est bien pour dire : il ne faut pas que les femmes soient invisibles.
C’est cela que je trouve important dans cet ouvrage, c’est l’idée de créer des traces sur les femmes : les femmes sont invisibles, sont invisibilisées par l’histoire. Et donc je trouve vraiment important qu’il y ait tout simplement des ouvrages consacrés à des femmes.
Et puis c’est Frédéric CHAUVAUD, grand historien, qui enseigne à Poitiers, qui a écrit le livre et je le remercie de ce travail.Il m’a aussi propose un long entretien pour criminocorpus ce dont je lui suis aussi très reconnaissante, car de la même manière, il s’agit de créer de la mémoire de femmes, des images.
Je vous remercie Gwenola pour notre échange agréable. Je vous souhaite un bon vol pour Papeete et de belles fêtes de fin d’années. A bientôt pour la suite.
Un remerciement à Philippe de la librairie Fontaine Haussmann pour son accueil chaleureux.
—- En complément d’informations (*) :
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