C’est au pot de départ du GBA Christophe MICHEL, directeur du BEA-É, le Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité aéronautique de l’État, situé sur la base aérienne 107 Villacoublay au mois de juillet 2025 que j’ai eu l’honneur de rencontrer le général David CRUZILLE. Un entretien fort instructif qui me mène aujourd’hui au COMALAT avec ses actualités.
Bonjour général. Où sommes-nous aujourd’hui ?
Bonjour, nous sommes au COMALAT, au Commandement de l’aviation légère de l’armée de Terre, sur la BA107.
Le COMALAT est organiquement rattaché au major général de l’armée de Terre qui est à Balard.
Très bien. Quel est l’objet du COMALAT ?
Je vous propose d’abord de vous dire en quelques mots ce qu’est l’ALAT, l’Aviation légère de l’armée de Terre.
L’ALAT a fêté ses 70 ans l’an dernier, elle a été créée officiellement en 1954. Et pour être très concret, l’ALAT aujourd’hui, c’est 300 aéronefs de l’armée de Terre, 280 hélicoptères et 14 avions.
L’ALAT est l’héritière de ce qu’on appelait l’Aviation légère d’observation d’artillerie. Donc notre histoire remonte à la Seconde Guerre mondiale, elle s’est poursuivie en Indochine, puis en Algérie, et toutes les opérations auxquelles l’armée française a participé depuis.
A ces 280 hélicoptères et 14 avions s’ajoute la richesse humaine aujourd’hui dans l’ALAT. On a 4 600 hommes et femmes d’active et 1000 réservistes, et parmi nos 4 600 personnes d’active, nous avons la moitié de mécaniciens. Puisque la clé de l’ALAT, la clé du succès, c’est la mise en œuvre de ses aéronefs, et pour cela, il nous faut des mécaniciens, donc cela représente à peu près la moitié de notre personnel. Voilà en quelques mots ce qu’est l’ALAT.
Nos missions principales.
D’abord, la première mission, c’est que nous sommes au service de l’armée de Terre. Notre mission générique, c’est ce que l’on appelle l’aérocombat. L’aérocombat, c’est l’intégration des hélicoptères de l’ALAT dans la manœuvre terrestre, en étroite coopération avec les autres forces de l’armée de Terre. Une fois que l’on a dit ça, on peut citer des exemples pour illustrer nos missions : on est dans des missions de reconnaissance, des missions de destruction, des missions de transport, transport de troupes, transport de commandos, des missions d’évacuation sanitaire. Voilà ce qu’est le grand panel de nos missions.
Que ce soit en opérations extérieures, comme toute l’armée de Terre, on a été très engagés ces 15 dernières années, que ce soit en Afghanistan ou au Mali, dans la bande sahélo-saharienne, où on a fait de la reconnaissance, de la destruction, du transport de commandos, on a fait beaucoup d’évacuations sanitaires. Toutefois, une partie de notre mission également, c’est d’intervenir sur le territoire national. Donc, on a des composantes qui sont spécialisées dans les opérations sur le territoire national, et on a des exemples très concrets. En 2010, par exemple, on a participé, avec d’autres composantes étatiques, au secours aux personnes victimes des inondations dans la région de Draguignan. Donc, on a également cette capacité de mise en œuvre de nos moyens au profit du territoire national. Le territoire national, c’est également la Nouvelle-Calédonie. Au moment des troubles en Nouvelle-Calédonie, on a mis en œuvre des hélicoptères sur place.
On a également des opérations qui ont lieu encore aujourd’hui, avec des opérations d’alerte. L’an dernier, on a mis en œuvre deux détachements en Méditerranée orientale compte-tenu de l’instabilité de cette région du monde. Donc, ce sont aussi bien des missions d’opérations extérieures (OPEX) que des missions sur le territoire national avec des hélicoptères qui sont très souples d’emploi. Voilà en quelques mots ce que sont les missions de l’ALAT.
Pour répondre à votre question, qu’est-ce que le COMALAT.
Le COMALAT, c’est un état-major qui dépend du major général de l’armée de Terre. Si j’essaie de résumer en quelques missions principales la mission de cet état-major, tout d’abord c’est un état-major d’un peu plus de 100 personnes. Actuellement à Vélizy-Villacoublay, nous basculerons à Metz au 1ᵉʳ août 2025. Nous quitterons donc le département des Yvelines pour le département de la Moselle en région Grand Est.
Les missions principales.
Tout d’abord, la mission principale, c’est la sécurité aéronautique. Mon rôle de commandant de l’aviation légère de l’armée de Terre, c’est d’apporter une référence en termes de sécurité aéronautique pour l’armée de Terre. Pour faire simple, je suis exploitant des 300 aéronefs de l’armée de Terre. Exploitant, cela veut dire que je suis responsable de la mise en œuvre, et en particulier sous l’angle de la sécurité aéronautique. Quand on met en œuvre 300 aéronefs, il faut tout un corpus réglementaire, tout un système de surveillance, de gestion des événements, c’est ce qu’on appelle un système de gestion de la sécurité aéronautique, et ça, c’est ma responsabilité en tant qu’exploitant au profit de l’armée de Terre. C’est le gros volet sécurité aéronautique.
Il y a un autre sujet qui nous occupe beaucoup, c’est la doctrine. J’ai des hélicoptères, j’ai des avions : Comment est-ce que je les utilise, Comment est-ce que je fais évoluer leur emploi en fonction de la situation géopolitique du moment ? Puis, je suis garant également de la soutenabilité RH. Je vous le disais tout à l’heure, on a beaucoup de mécaniciens, on a évidemment des pilotes, on a des contrôleurs aériens, on a des préparateurs de missions, on a des pompiers aéronautiques. Tout cela, il faut le planifier, il faut faire évoluer cette ressource humaine en liaison avec la direction des ressources humaines de l’armée de Terre. Donc, je suis également responsable de la cohérence et de la soutenabilité du modèle des ressources humaines de l’ALAT.
Puis le dernier point, pour être volontairement un peu schématique, c’est évidemment l’aspect maintenance qui est le cœur du sujet de mon travail. Je suis responsable de la mise en œuvre des directives de maintien en conditions opérationnelles fixées par les états-majors de niveau supérieur et en liaison, bien évidemment, avec la DMAé. Il me semble que vous êtes allée à la DMAé récemment rencontrer le colonel Laurent SAVIO.
Je schématise volontairement, mais mes responsabilités principales sont la sécurité aéronautique, la doctrine, la soutenabilité RH, et le maintien en condition opérationnelle. J’ai d’autres responsabilités également, mais je pense qu’on peut schématiquement faire effort sur ces quatre aspects.
En synthèse, je suis à un échelon de cohérence au profit de l’armée de Terre sur le sujet action dans la troisième dimension, avec les aéronefs habités, les hélicoptères, et avec les drones certifiés, en clair, les drones les plus lourds, les plus complexes.
Quels sont vos liens avec la gendarmerie de l’Air et de l’Espace, dirigée par le GBR Jérôme BISOGNIN, située aussi sur la BA107 ?
On a des liens d’amitié, on peut dire, on a évidemment une connaissance mutuelle qui est assez régulière.
L’ALAT, il y a un certain nombre d’unités, il y a des forces conventionnelles, il y a des forces spéciales.
On a évidemment une école de formation, on a également un organisme responsable de tout ce qui est évolution capacitaire, c’est le GAMSTAT, le centre d’évaluation technique et tactique des matériels et des aéronefs de l’Aviation Légère de l’armée de Terre (ALAT) qui est à Valence.
Au sein de ces unités, on a le GIH, le groupe interarmées d’hélicoptères, dont une des missions est de mettre en œuvre des détachements des forces de sécurité intérieure, que ce soit police ou gendarmerie, pour des actions de contre-terrorisme par exemple.
C’est ce lien, si vous voulez, ce trait d’union entre l’ALAT et la gendarmerie. Après, au-delà de nos connaissances mutuelles et de notre estime réciproque, on n’a pas de mission directe avec nos camarades des forces aériennes de la Gendarmerie nationale.
Vous avez évoqué le déménagement du COMALAT au 1er août 2025.
Alors, effectivement. nous sommes d’ailleurs un peu dans les cartons aujourd’hui puisque nous déménageons le 1ᵉʳ août 2025.
On quitte Villacoublay, on va à Metz, dans le centre-ville de Metz.
En fait, on est à Villacoublay depuis 58 ans sur la BA107 avec d’excellentes relations avec l’ensemble des organismes qui sont présents, et je souligne la qualité du soutien dont l’ALAT a toujours bénéficié ici à Villacoublay.
La décision a été prise, il y a une demi-douzaine d’années, d’alléger la présence de l’État sur la région parisienne, et dans ce cadre-là, il y a un certain nombre d’organismes des armées pour lesquels il a été décidé un déplacement vers la province. C’est une décision qui a été prise il y a un certain nombre d’années qui voit son aboutissement cette année. Donc dans deux semaines, puisque nous sommes à deux semaines de notre déménagement, nous occuperons une ancienne caserne du XIXᵉ siècle, parfaitement rénovée et très bien située dans le centre-ville de Metz. Donc nouvel environnement, nouvelle aventure si j’ose dire.
Comment vous sentez-vous ? Alors on quitte la base de Villacoublay avec une certaine pointe de nostalgie, parce que cela nous rappellera de très belles années, de très belles coopérations.
Pour autant, on est ravis d’aller à Metz où on va pouvoir développer un lien particulier avec la municipalité qui, je ne vous le cache pas, est très heureuse de nous voir arriver.
Votre déménagement suscite-t-il des envies de faire passer des messages ?
Le premier message que je veux faire passer, et j’en parlais tout à l’heure, c’est la richesse humaine. On est assez peu nombreux dans l’ALAT, on est moins de 5 000 personnels d’active, et pourtant, on arrive à mettre en œuvre 300 aéronefs. Donc, je pense qu’on a une vraie qualité humaine, et ce qui nous caractérise, c’est la part d’autonomie et la valorisation des compétences de chacun.
Le premier message que je fais passer, c’est qu’on a la chance d’avoir une richesse humaine de très belle qualité. Cette richesse humaine est forte dans l’ALAT. C’est vraiment une de nos fiertés. J’ai un personnel qui est inventif, qui est innovant, et c’est ce dont on a besoin.
J’ai coutume de dire que : “ Si l’ALAT est ce qu’elle est aujourd’hui après 70 ans, c’est que nos prédécesseurs ont toujours eu ce regard tourné vers l’avenir, cette capacité d’innovation qui est vraiment une de nos richesses. On a aujourd’hui cette capacité, cette richesse humaine qui nous permet d’entretenir ce regard porté vers l’avenir, cette capacité d’innovation”.
Donc le premier message, une très belle richesse humaine et on travaille pour la garder, pour la faire venir à nous. Cela m’intéresse que des jeunes hommes et des jeunes femmes nous rejoignent s’ils ont envie de participer à une belle aventure, s’ils sont intéressés par l’environnement de la troisième dimension et par le métier de soldat dans l’armée de Terre. Alors ils sont les bienvenus chez nous.
Le deuxième message, c’est que l’ALAT, dans la dynamique actuelle des armées, et de l’armée de Terre, prépare ce virage vers la haute intensité. Bien évidemment, on en parle depuis plusieurs années maintenant, mais c’est une bascule intellectuelle qui n’est pas innée. C’est-à-dire que depuis des années, on a été engagé en opérations et on a fait de très belles choses, on a remporté de très beaux succès tactiques en opérations, mais dans un environnement qui n’est plus forcément celui dans lequel on pourrait être engagé dans les prochaines années. Donc, il y a une véritable bascule intellectuelle.
Alors, ce n’est pas nouveau, on a toujours travaillé aussi sur cette capacité à l’engagement à haute intensité, mais là, on a des équipages, un personnel qui vraiment a cette capacité à faire une bascule intellectuelle, à reporter son effort sur un engagement possible en haute intensité tout en maintenant les savoir-faire. Parce que si demain je suis engagé sur une opération de contre-rébellion, comme on l’a fait pendant de nombreuses années, il faut évidemment qu’on sache toujours le faire. Donc, on a cette capacité à faire les deux, et dans cette dynamique de préparation de la haute intensité, mon objectif, quand je suis arrivé à la tête de l’ALAT il y a un an, c’était de me dire Comment est-ce que j’intègre dans mes modes d’action et mon organisation la plus-value technologique désormais disponible avec les drones.
Dans le monde de la troisième dimension, on a évidemment cette connaissance de la mise en œuvre des drones, mais ce n’est pas complètement naturel de faire voler côte à côte des hélicoptères et des drones. Donc ce défi, je considère que l’objectif politique que j’avais défini, est aujourd’hui atteint, c’est-à-dire qu’on est prêt à le faire. On est pour cela aidé par les industriels qui sont très actifs pour développer de nouveaux matériels. On est aidé aussi par le commandement du combat futur au sein de l’armée de Terre, qui est très dynamique sur la logique d’innovation, la STAT, la Section technique de l’armée de Terre.
Donc, on a tout un environnement extrêmement favorable qui fait qu’en un an, on a beaucoup avancé sur ce dossier. Il y a encore de la mise en œuvre à faire. Je veux dire, techniquement, il y a des défis qu’il faut accompagner, mais je considère qu’on a “ remporté l’objectif politique de la dronisation. Aujourd’hui, on a des régiments qui sont capables de mettre en œuvre des drones à partir de leurs hélicoptères, et c’est ça le vrai sujet, c’est : Comment est-ce que l’ALAT a accompagné ce mouvement qui est inéluctable d’intégration de nouveaux outils technologiques ? Il y a 15 ans, on avait déjà élaboré des documents de doctrine sur la coopération entre les hélicoptères et les drones. Donc cette bascule en termes de doctrine, elle n’est pas nouvelle. Le fait nouveau, c’est qu’aujourd’hui les outils sont là, ils sont disponibles, immédiatement disponibles. C’est ça le sujet.”.
En synthèse, mes deux messages sont une satisfaction par rapport à la richesse humaine dont on dispose et qui reste un objectif en termes de recrutement, donc on doit rester attractif et on doit évidemment fidéliser cette ressource une fois qu’elle est formée, puis le deuxième sujet, c’est de regarder devant et de continuer à faire ce que j’appelle la dronisation de l’aérocombat, qui est le défi aujourd’hui et qu’il est important de relever et qu’on est en train de relever.
Que dire de votre présence au Salon du Bourget et au défilé du 14 juillet à Paris ?
L’ALAT était présente au salon du Bourget en particulier par des présentations dynamiques du Tigre et du Caïman. La qualité des prestations de nos équipages, leur disponibilité et leur sens relationnel ont été très appréciés.
Nous en sommes très heureux. Je me réjouis également de la qualité des échanges avec nos partenaires industriels, lors du salon du Bourget et également tout au long de l’année.
Le 14 Juillet, on avait 20 hélicoptères qui défilaient à Paris donc cela reste pour nous un rendez-vous majeur.
Je note que depuis quelques années, on met en place notre détachement sur l’aérodrome de Chartres. On est remarquablement accueilli par la commune de Chartres, et on défile à partir de Chartres.
Et je note, c’est un très bon rendez-vous en termes de communication et que l’hélicoptère fait rêver, fait beaucoup rêver.
Donc, on accueille bien évidemment le public qui le souhaite, des journalistes, des influenceurs. Enfin pour nous, c’est une grosse opération de communication au profit de l’armée de Terre et des armées en général, et évidemment, c’est un rendez-vous extrêmement important, très valorisant pour les équipages de défiler au-dessus des Champs-Élysées.
Et puis l’après-midi, il y a les Invalides. Nous avons quatre hélicoptères qui se sont posés sur l’esplanade des Invalides et qui, avec les autres matériels des armées présentes, ont pu aller au contact du public. C’était une très belle opération de communication.
Excellent ! Je vous remercie. Dernière question, un peu indiscrète, celle de savoir ce que vous appréciez en dehors de votre passion travail
Comme tout militaire, j’entretiens ma condition physique, ça fait partie du métier.
Mes loisirs sont portés vers la lecture et le cinéma. Pour vous illustrer cela avec une comparaison : j’ai d’un côté Les Frères Karamazov, et de l’autre, les frères Coen. Donc d’un côté, si vous voulez, la littérature, plutôt russe du XIXᵉ siècle, mais pas uniquement, bien évidemment, puis pour la partie cinéma, un certain type de cinéma.
J’habite à Nancy depuis de très longues années, je peux vous dire qu’à titre personnel, si vous aimez le cinéma, je vous recommande le cinéma Le Caméo à Nancy, qui est un très beau cinéma d’art et essai où l’on peut passer vraiment de bons moments.
C’est bon à savoir, lorsque je passerai à Nancy. En attendant, je vous souhaite un bon déménagement, et j’espère à bientôt à Metz, pourquoi pas !
Vous êtes la bienvenue, on sera heureux de vous accueillir sur place.
J’en serai ravie !
C’est le moment de vous quitter afin de vous permettre de rejoindre l’équipe. J’observe une stèle en quittant le COMALAT. Que symbolise-t-elle ?
Après 58 années de présence du COMALAT à Villacoublay, nous avons souhaité laisser un témoignage symbolique de notre présence avec une stèle réalisée par une équipe du 9e régiment de soutien aéromobile de Montauban. Je remercie le Colonel Pierre CORNETTO, commandant la BA 107, d’avoir spontanément donné son accord pour sa mise en place.

Témoignage symbolique de la présence du COMALAT avec une stèle réalisée par une équipe du 9e régiment de soutien aéromobile de Montauban © Miss Konfidentielle
Note importante : il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article sur un autre support.