La base aérienne 107 « sous-lieutenant Dorme » de Vélizy-Villacoublay située dans les Yvelines est un site stratégique de l’armée de l’Air et de l’Espace et j’ai l’honneur d’être reçue par son commandant, le colonel Pierre CORNETTO. Je vous transmets notre entretien en aparté.
Bonjour colonel,
Tout d’abord, un remerciement appuyé de me recevoir sur la BA107, veille des commémorations du 8 mai 2025. La Patrouille de France est à l’entraînement et nous sommes au calme dans votre bureau.
Racontez-nous vos missions de commandant de la base aérienne 107 « sous-lieutenant Dorme ».
J’ai coutume de dire que je suis un peu le maire d’un petit village avec au milieu un aéroport.
Une base aérienne, c’est d’abord une plateforme aéronautique.
Une de mes responsabilités premières est d’assurer que cette plateforme soit utilisable H24 pour les différentes missions des unités stationnées sur le site.
Ensuite je suis le commandant d’une base aérienne d’environ 2000 personnes qui ont des métiers très variés.
Mon rôle est d’administrer l’ensemble de ces personnels, de faire en sorte qu’ils aient de bonnes conditions de travail, qu’ils aient les moyens de réaliser leur mission, qu’ils soient gérés au quotidien et qu’ils soient félicités pour le bon travail qu’ils font.
Il y a ainsi tout un volet de sécurité, parce que Villacoublay est un point d’importance vitale qui accueille des missions sensibles mais également un volet soutien alimentation, soutien transport, soutien santé.
Et pour cela, j’ai une équipe de commandement autour de moi. Mais également de nombreux autres organismes, autres unités qui viennent aider à faire le travail de tous les jours et contribuer aux actions des armées.
Cela est globalement mon métier et je considère que la base de Villacoublay est une base stratégique.
C’est-à-dire ? Je dis que c’est une base stratégique au sens où c’est la seule base opérationnelle en Ile-de-France. Elle est située à une vingtaine de minutes du centre de Paris, ce qui fait que c’est une base très utilisée pour des opérations en rapport avec nos très hautes autorités.

Arrivée du général de Gaulle sur la base aérienne de Villacoublay
C’est dans les années 1960 que le général de Gaulle a décidé d’attribuer à l’armée de l’Air et à la base aérienne de Vélizy la mission de transport des hautes autorités du gouvernement. Dès lors c’est dans ce cadre que la base accueille l’escadron qui a la charge du transport du président et des différents ministres. C’est notre mission principale.
Et donc pour cela, la base est prêt à fonctionner en permanence et dès que le président en a besoin afin qu’on puisse le transporter un peu partout dans le monde.
Recevez-vous aussi des chefs d’État ?
On a aussi cette responsabilité effectivement de pouvoir accueillir des chefs d’État lorsque le président le souhaite.
En l’occurrence, il va y avoir le sommet Choose France le 19 mai qui va se passer à Versailles, et on sait que l’on va recevoir un certain nombre de participants. Donc, c’est très utile. Cela permet d’être moins exposés que dans les grands aéroports parisiens.
Au-delà de cette mission, la base participe également à la posture permanente de sûreté air (PPS-Air), donc la protection du ciel parisien. Il y a un escadron d’hélicoptères avec des équipages prêts à décoller H24 pour aller intercepter un petit aéronef ou un drone et pour sécuriser le ciel de Paris. Là encore, la position stratégique de notre base à côté de Paris garantie qu’un hélicoptère puisse arriver en dix minutes au-dessus de la Tour Eiffel. Cela peut nous éviter des situations comme on a pu connaître en 2001.
Je suis à vos côtés en pleine préparation des commémorations du 8 mai. Que pouvez-vous en dire ?
On a de la chance parce que l’on est un peu la deuxième maison de la Patrouille de France.
Comme vous le savez, la Patrouille de France est basée à Salon-de-Provence sur la BA701, là où elle s’entraîne. Mais elle vient très souvent sur la base aérienne de Vélizy Villacoublay pour faire des meetings ou des présentations en Ile-de-France, que ce soit sur Paris pour le 14 juillet ou pour d’autres événements comme le salon du Bourget.
Donc aujourd’hui la Patrouille de France est posée chez nous et se prépare aux commémorations du 8 mai 2025, une date particulière cette année puisque l’on fête le 80ème anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945.
C’est une période forte de commémorations depuis déjà un an où l’on fête les anniversaires de la libération de la France et puis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
C’est une occasion pour les armées et pour l’armée de l’Air et de l’Espace en particulier, de se reconnecter et de rappeler à l’ensemble de la société et de la nation les efforts qui ont été réalisés par les armées à l’époque et dans le monde actuel, où on voit resurgir un peu les tensions entre les grandes puissances.
On sent la dangerosité du monde, mais aussi la dangerosité du quotidien dans les sociétés. Je pense que c’est un moment important que de réunir les armées et la nation autour de ces célébrations pour montrer qu’on est là, qu’on est prêt et qu’il y a des gens qui s’engagent, notamment des militaires, pour continuer de défendre l’État français.
Donc demain, la plupart de mes officiers seront dans les mairies des communes de proximité depuis Vélizy jusqu’à Issy-les-Moulineaux. Et on célèbrera avec les gens qui seront présents cette victoire dans les cérémonies qui seront organisées.
Donc un lien armée-nation fort ce 8 mai. Et avez-vous d’autres actualités à annoncer ?
J’avais commencé à en parler dans la Tribune Base aérienne 107 : dynamisme et Engagement au Service de la France (10 avril 2025).
On est mobilisé sur le projet Air Raid 2025, un raid dédié à nos réservistes dont on fête le 25ème anniversaire et qui est un exercice incontournable.
C’est un événement dimensionnant pour la base, parce qu’il mobilise énormément de monde. On attend jusqu’à 200 réservistes et personnels d’active et on a presque autant de personnes pour l’encadrement. C’est quelque chose qui va occuper la base pendant trois jours, quasiment en temps complet. Air Raid 2025 est du jeudi 5 juin au dimanche 8 juin.
On accueille les réservistes le jeudi soir. Et puis à partir du vendredi, on lance Air Raid 2025 à proprement parler.
Cette édition est un peu particulière puisque les raideurs vont profiter d’une course de nuit exceptionnelle pour s’affronter.
Et pour fêter le 25ᵉ anniversaire, on va lancer cette course depuis le château de Versailles. Cela va être un moment un peu fort pour tout le monde.
Quels sont les profils des réservistes de l’armée de l’Air et de l’Espace aujourd’hui ?
Les réservistes aujourd’hui sont d’anciens militaires évidemment mais également des gens de la société qui décident de s’engager, qui décident de donner de leur temps au profit des armées.
Et nous avons la chance à Villacoublay d’avoir des réservistes très actifs, avec beaucoup de jeunes, de toute cette génération qui était tant décriée, mais qui aujourd’hui, dans le contact que j’ai avec eux, cherchent à rendre service, à s’engager, à donner de leur temps.
Air Raid 2025 sera un bon moment de valorisation de cette réserve.
Le recrutement des réservistes se fait-il avec la mairie de Vélizy ?
Cela se fait en collaboration avec le maire de Vélizy, la maire de Bièvres et le maire de Jouy-en-Josas puisque la base aérienne 107 Villacoublay est située sur trois communes et deux départements. On travaille aussi avec les préfets et les responsables de département.
Nous avons des réservistes qui viennent vraiment d’un peu partout. Plutôt des départements limitrophes parce qu’il faut pouvoir conjuguer son activité professionnelle avec le fait de venir sur la base.
Le ministre des armées a fixé des objectifs élevés en matière de recrutement et le président de la République a chargé le chef d’état-major des armées et nos chefs d’état-major de réfléchir à la manière de canaliser cette envie de servir qu’on voit naître dans la société. Nous travaillons avec le ministère de l’Éducation nationale pour essayer de galvaniser et de sensibiliser la jeunesse au travers de nombreuses initiatives. Mais dans les faits, il y a des réserves dans les armées, mais aussi dans la Gendarmerie Nationale et au ministère de l’Intérieur, dans la police, il y en a un peu partout et tout le monde a besoin de ces gens qui ont envie de servir.
Nous aurons je l’espère une prochaine occasion de mettre en lumière les activités de la base aérienne 107.
En attendant, je vous propose de passer sur un mode plus personnel et de nous partager qui vous êtes.
Je suis un globe trotter.
J’ai passé les 20 premières années de ma vie en mouvement parce que j’avais un père qui voyageait beaucoup pour son travail.
J’ai vécu en Afrique et quand je suis rentré en France et me suis engagé dans l’armée, j’ai beaucoup déménagé en France au travers de ma formation militaire.
Donc vous dire que j’ai des racines ne serait pas exact.
Aujourd’hui je m’attache à créer des racines parce que je considère que c’est important pour la famille.
Quelles sont les étapes marquantes de votre parcours ?
J’ai fait une carrière de pilote de chasse sur la base aérienne 133 Nancy-Ochey « Henry Jeandet ». C’était sur Mirage 2000 D.

En vol © Pierre CORNETTO (AAE)
J’ai fait beaucoup de missions et d’opérations extérieures en Afrique, Irak, Syrie à différents moments.
J’ai pu faire un échange aux États-Unis une année un peu décisive puisque c’était en 2001 au moment où il y a eu le World Trade Center.
Cet événement a marqué le sens de mon engagement et la manière dont j’ai compris la façon dont j’avais décidé d’orienter ma vie.
Et puis après, j’ai eu la chance de faire trois ans en Espagne en tant qu’officier d’échange.
C’est toujours intéressant de regarder la France de l’extérieur puisque j’étais vraiment intégré dans une unité espagnole. C’est aussi intéressant de découvrir un autre avion.
Après avoir commandé à Nancy, je suis entré à l’École de Guerre à Paris. Ensuite, j’ai fait de l’interarmées puisque je suis allé au CPCO [1]. Et là, j’ai vécu une étape un peu marquante de ma carrière : j’ai fait trois ans en tant qu’assistant militaire du chef d’état-major des armées, donc d’abord le général François Lecointre, puis ensuite le général Thierry Burkhard.
Ce fut une période d’apprentissage énorme, parce qu’on a des chefs qui sont des meneurs d’hommes et des gens avec des expériences très fortes et qui nous apprennent beaucoup.
Et aussi bien le général François Lecointre que le général Thierry Burkhard sont des chefs qui ont le souci de la transmission et de l’apprentissage. C’est une expérience d’autant plus intéressante dans des périodes complexes, avec le COVID ou l’invasion en Ukraine.
Être au contact de ces autorités qui sont directement en lien avec les décideurs de l’État, le ministre ou le président, et de façon assez régulière, travailler pour eux, les aider dans leur réflexion et dans leur compréhension du monde m’a beaucoup ouvert et élevé dans ma perception de nos forces et faiblesses et de l’environnement dans lequel on évolue ainsi que dans la compréhension des grands enjeux auxquels sont confrontées les armées.
Je suis donc content après de revenir sur une base aérienne pour la commander, agir pour répondre à ce qui est demandé et essayer de changer les choses qui ne vont pas pour aller vers les choses qui vont mieux. Une très riche expérience.
Vous connaissez la tradition et la dernière question.
Comment occupez-vous votre temps libre ?
Je l’occupe à créer, à construire mes racines.
Donc j’ai investi à la montagne, j’aime beaucoup tout ce qui est randonnées.
Que vous inspire la montagne ? C’est surtout le fait de s’autoriser une bulle de décompression, de sortir un peu de ce monde inquiétant pour aller vers quelque chose de beaucoup plus naturel. Beaucoup plus proche des valeurs qui sont importantes, qui sont la simplicité, le calme, la famille.
Lorsque j’aurai le temps, cela me ferait plaisir de faire du planeur ou du parapente, car c’est vraiment l’aéronautique au sens pur du terme, c’est à dire le vol sans moteur.
Je consacre aujourd’hui mon temps libre à enraciner ma famille. Elle est notre carburant, c’est ce qui nous motive. Si elle va bien, on est capable de faire n’importe quoi. Si elle ne va pas bien, il faut y consacrer du temps pour qu’elle se porte mieux.
Colonel, un excellent parcours ! Je vous remercie pour notre entretien sympathique et le plaisir de collaborer avec le cabinet. Je propose une photo ensemble ! Ce lundi, place à Choose France !

Le mercredi 7 mai 2025, sur la base aérienne 107 « sous-lieutenant René Dorme » de Villacoublay, une photo de groupe est réalisée devant le PC base. Elle réunit le cabinet pilotage et le colonel Pierre Cornetto, commandant de la base.
[1] Centre de Planification et de Conduite des Opérations
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