Interview du Major Jean-Pierre Passemard, Commandant de la B.D.R.I.J du Var

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Miss Konfidentielle a l’honneur d’interviewer le Major Jean-Pierre Passemard, Commandant de la Brigade Départementale de Renseignements et d’Investigations Judiciaires du Var (B.D.R.I.J), expert en branche « criminalistique informatique » près la Cour d’Appel d’Aix en Provence, et chargé d’enseignements dans les domaines de la cybercriminalité, de l’analyse criminelle comme de l’intelligence économique.

Major Jean-Pierre Passemard, votre parcours va encore plus loin que celui que je viens d’énoncer. Nos lecteurs seront intéressés d’en savoir davantage.

Quelles formations avez-vous suivi ?

Je suis rentré en Gendarmerie, en 1987, avec un bac B option « gestion d’entreprise » avant de reprendre, en 2003, des études universitaires et d’obtenir successivement trois Master 2.
Le premier, en économie appliquée « Prévention et Répression de la Délinquance Economique et Financière et de la Criminalité Organisée » auprès de l’université d’AIX MARSEILLE III. Le second, en Information et communication spécialité « Intelligence Economique et Territoriale » auprès de l’université de TOULON et le dernier en sciences et technologies de l’information spécialité « Sécurité des Systèmes Informatiques » auprès de l’université de technologie de TROYES (11).

Actuellement, je travaille sur une thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication ayant pour thème « les apports des sciences de l’information et de la communication dans le service quotidien de la Gendarmerie Nationale ».

Et pourquoi ces choix ?

Ces choix ont été une série de phases de travail, de concours de circonstances et d’opportunités professionnelles.
Après avoir servi douze années, en qualité d’enquêteur généraliste, en brigade territoriale, en 1999, en raison d’un plan de réorganisation des services de la Gendarmerie, mon unité se trouve dissoute.
Ayant satisfait  deux ans auparavant, aux épreuves du diplôme « d’Officier de Police Judiciaire » je demande alors à réorienter ma carrière pour rejoindre la Brigade des Recherches Départementale de TOULON (83).
Ce désidérata est accepté, à condition que je renforce la cellule « Délinquance Economique et Financière », en manque flagrante de personnel.
Me voilà donc enquêteur ECOFI et rapidement je suis la formation adéquate au Centre National de Formation à la Police Judiciaire de FONTAINEBLEAU (77).
En 2002, la Gendarmerie proposant à ses enquêteurs financiers de pouvoir bénéficier d’une formation universitaire diplômante, sous forme d’un D.U, je poursuivais ces études, à mes frais, en Master 2, avec pour sujet de mémoire « Le blanchiment à travers l’immobilier sur le littoral varois ».
Une fois ce diplôme obtenu, je poursuis ma spécialisation dans le spectre de la lutte contre la délinquance en « col blanc », en postulant, puis suivant successivement la formation d’enquêteur en technologies numériques en 2003, puis celle d’analyste criminel opérationnel en 2005.
En 2007, compulsant un magazine édité par le Conseil Général du Var, je découvre un article exposant la procédure de validation des acquis de l’expérience auprès de l’université de TOULON.
Après avoir assisté à une réunion d’information, je m’engage dans cette voie, passe les différentes étapes de validation, jusqu’au jury final, pour finalement obtenir en validation totale, un master 2, spécialité « Intelligence Economique et Territoriale ».
Enfin, en 2012, la Gendarmerie autorisant certains de ses enquêteurs en technologies numériques à suivre une formation universitaire en master 2, en sciences et technologies de l’information spécialité « Sécurité des Systèmes Informatiques » auprès de l’Université de Technologies de TROYES (11), je m’inscris et valide ce diplôme en juin 2013.

Quel a été votre parcours professionnel ?

Issu d’une famille de militaires, mon grand-père, sous-officier d’infanterie puis résistant a été torturé et fusillé par les troupes allemandes en Auvergne, il sera d’ailleurs décoré de la légion d’honneur à titre posthume, pour ses faits d’arme. Mon frère et ma belle-sœur, occupant des postes de Lieutenant-Colonel dans le Commissariat des armées, je me dirige tout naturellement vers le Ministère de la Défense.
Cependant étant attiré par la chose judiciaire, je trouve en la Gendarmerie une force d’essence militaire, œuvrant pour la protection des populations civiles, et correspondant plus à mes attentes que les métiers de l’armée de terre..
Afin de confirmer ce choix, je demande donc à faire le service militaire, à l’époque obligatoire, dans cette arme. Après une période de formation initiale, je suis affecté à la brigade de Gendarmerie des Transports Aériens de l’aéroport de MARSEILLE-MARIGNANE(13). C’est au cours de cette période de conscription, que je prépare le concours de sous-officiers, que je réussis et après une nouvelle période de formation de huit mois à l’école de Gendarmerie de MONTLUCON, je choisis la Brigade Territoriale de BERRE L’ETANG (13), puis pour convenances personnelles celles de BANDOL (83), jusqu’à sa dissolution.

Après douze années à servir en brigade territoriale je rejoins à ma demande les unités de « Police Judiciaire » où j’œuvre depuis maintenant vingt ans, ayant occupé successivement les fonctions d’enquêteurs spécialisés, de chef de groupe d’enquêteurs et depuis juin 2018 de commandant d’unité.

Aujourd’hui, quelles sont vos spécialités ? 

Je suis actuellement commandant de la B.D.R.I.J, une unité de Police Judiciaire de la Gendarmerie Nationale de compétence départementale qui est composée pour le groupement du Var de vingt-cinq spécialistes répartis en quatre composantes à savoir une cellule observation-surveillance, une cellule renseignements et rapprochements judiciaires, une cellule « criminalistique – police technique et scientifique » et enfin une cellule d’appui judiciaire (enquêteurs ECOFI, enquêteurs cyber, analystes criminels opérationnels et enquêteurs santé publique et environnement).
Mon travail au quotidien outre le management administratif de l’unité consiste non seulement à coordonner l’action des différents techniciens, mais également à servir de conseiller technique en matière de Police Judiciaire spécialisée, tant du commandement que des magistrats des juridictions avec lesquelles, je travaille.
En parralèle depuis 2012, je suis expert près la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE dans le domaine de la criminalistique informatique ou informatique légale et mon rôle consiste à analyser l’ensemble des scellés numériques découverts sur les scènes de crime ou d’infraction.

Souhaitez-vous en acquérir de nouvelles ?

En matière de technologie numérique on estime qu’actuellement une année calendaire correspond à l’équivalent d’une période de sept années technologiques.
Aussi, curieux et soucieux d’être en permanence dans une démarche de veille technologique, j’aime à me remettre en question cherchant sans cesse à acquérir de nouvelles connaissances et faire de nouvelles rencontres avec les experts métiers de mes différents domaines de compétences.
Par ailleurs, les experts inscrits près les Cours d’Appels ayant une obligation de formations, je m’astreins régulièrement à suivre des formations techniques ou juridiques afin d’être pleinement en phase avec cette demande.
Cette année, outre une formation technique sur les méthodes d’essai en criminalistique informatique ainsi que sur les problématiques forensiques d’acquisition de données sur les différents systèmes d’exploitation comme sur les appareils de téléphonie mobile, j’ai participé à différents séminaires ou forums universitaires afin de maintenir ou parfaire mon niveau de connaissance.
Enfin, j’ai participé, il y a peu au salon « Acces Security » de Marseille comme intervenant à une table ronde sur l’intelligence artificielle appliquée, dont ma thématique propre était « Comment gérer la délinquance à l’appui du big data ». Cette manifestation a été pour moi l’occasion de réaliser de belles rencontres et d’échanger avec d’autres experts dans de riches réflexions sur les thématiques d’avenir de la sécurité comme de la sûreté.

Pour quelles raisons enseignez-vous ? 

Chargé d’enseignements à l’université de TOULON, auprès du département Ingémédia, comme à l’Institut de Criminologie Méditerranéen d’AIX EN PROVENCE, je dispense auprès des étudiants mon expérience et mes connaissances en particulier dans le domaine de la sécurité informatique et plus largement de l’intelligence économique défensive (Toulon) comme de l’enquête judiciaire spécialisée (Aix en Provence).
A TOULON, il s’agit de Master 2 en Intelligence Economique et Territoriale et à AIX EN PROVENCE d’un diplôme universitaire (D.U) de criminologie générale.
Ces échanges avec de futurs professionnels, comme avec les différentes équipes pédagogiques des deux diplômes, présentent plusieurs avantages.
Ainsi outre, le fait d’être très enrichissants et de s’inscrire dans une politique de « gagnant-gagnant », ils  permettent également de rester toujours en prise directe avec nos jeunes élites et leur vision souvent novatrice de l’évolution de nos métiers et des entreprises.
Nous avons ainsi formé de nombreux étudiants, dont certains étrangers en particulier originaires des pays africains, qui occupent maintenant des postes à responsabilité dans leurs états respectifs.
D’autres ont intégré l’administration française (Police-Gendarmerie, Justice, Armée) ou la sphère des grandes entreprises, créant ainsi un réseau naturel de correspondants et de sachants, sur lequel je peux occasionnellement m’appuyer, lorsque j’ai besoin d’un sapiteur dans une compétence particulière.

Et avoir intégré des associations comme le CLUSIR  Toulon ? 

J’ai intégré le CLUSIR « Territoire de Toulon » à sa création en 2017. Cette association permet aux professionnels comme aux passionnés de sécurité informatique de partager des savoirs faire comme des bonnes pratiques dans l’objectif d’améliorer nos connaissances communes en matière de sécurisation des réseaux et services informatiques.
Nous nous réunissons régulièrement en soirée sur une thématique telle que l’application du Règlement Général de Protection des données, ou la mise en œuvre de la méthode agile dans un environnement informatique, dans un véritable esprit de brainstorming et d’intelligence collective.
L’association participe également à des événements de sensibilisation à la sécurité informatique ou à des forums des métiers en partenariat avec des acteurs économiques majeurs comme les Chambres de Commerce et d’Industrie ou les groupements d’entreprises.

Racontez-nous vos loisirs, vos passions.

Mes loisirs portent essentiellement sur la lecture d’ouvrages historiques, scientifiques ou liés aux différentes pratiques de Police Judiciaire, tant franco-française qu’internationales.
Mais j’aime également les jeux de stratégie depuis Age of Empire ou Command and Conquer jusqu’à Fortnite. Sur le plan sportif,  j’essaie de m’astreindre quand mon service me le permet à jouer au squash, deux fois par semaine et je pratique depuis trente ans, le tir sportif, plus particulièrement les parcours de tir en mise en situation. Je fais d’ailleurs parti du conseil d’administration de mon club de tir où de par mon expérience en ECOFI,  on m’a confié le poste de trésorier.

Avec votre expérience, quelle est votre philosophie de vie en 2019 ? 

À la lumière de mes expériences de vie et de l’enrichissement de mon parcours professionnel, j’ai surtout appris qu’il nous est impossible de maitriser tous les domaines de compétences.
De fait, dans le cadre de mon activité quotidienne où je suis confronté à des problématiques nombreuses et souvent d’ordre criminel, il me faut pouvoir compter sur un riche réseau de professionnels. Un réseau sur lequel je peux m’appuyer, afin d’obtenir des informations pertinentes dans un domaine précis.
Ce réseau s’entretient par un partage de savoirs faire et de savoirs être, et je cherche toujours à faire preuve d’empathie, de disponibilité aux autres et à m’inscrire dans les pas des grands humanistes à la française.
Enfin, sur le plan personnel, à la lumière des différentes situations que j’ai rencontrées au cours de mes trente trois années d’activités, dont de nombreuses situations dramatiques ou dangereuses, je relativise particulièrement sur les petits tracas quotidiens de la vie. Généralement quoi qu’il arrive, je reste calme et posé, cherchant toujours à trouver la meilleure solution pour répondre au mieux à la problématique rencontrée.
Cependant, cela ne m’empêche pas d’aimer la vie et les saveurs qu’elle nous offre, de vivre pleinement les petits instants du quotidien ou d’une belle rencontre et je conclurai donc cet entretien, sur cette citation de Jean-Paul SARTRE « Dans la vie on ne fait pas ce que l’on veut, mais on est responsable de ce que l’on est ».

Un grand remerciement à vous pour le temps accordé à cet entretien constructif et sympathique.

1 commentaire
  1. Sylvain Kerviel dit

    Bonjour,
    Merci beaucoup Major Passemar pour votre engagement et l’exemplarité de votre parcours.
    Cdt Sylvain Kerviel

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