Interview de Sophie Malherbe, Chef de service de la brigade fluviale à la DOPC – Préfecture de Police de Paris

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Le samedi 25 septembre 2021 – Miss Konfidentielle est ravie de partager avec vous l’interview de Sophie Malherbe, Chef de service de la brigade fluviale à la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la Préfecture de Police de Paris. Notre rencontre date de cet été au sein des bureaux de la brigade fluviale située sur la Seine au coeur de Paris. Un cadre qui sort de l’ordinaire avec une prise de note réalisée au gré des vagues. Un souvenir bien sympathique qui nous a conduit à nous revoir en vue de parcourir avec deux membres de son équipe une partie de la Seine et mieux comprendre son quotidien.  

Bonjour Sophie, parlez-nous de vous …

Je suis née à Charleville Mézières, par hasard car mon père, médecin militaire effectuait une formation au centre de commandos de Givet. Par la suite, j’ai grandi dans le sud de la France et j’ai eu la chance de beaucoup voyager pour rejoindre mon père qui soignait les populations civiles sur le continent africain (Algérie, Cameroun, Sénégal..).

Plutôt que de choisir la voie militaire, j’ai préféré m’orienter vers la police. Peut-être avais-je envie de voir autre chose (sourire). C’est ainsi que j’ai passé le concours d’inspecteur de police que l’on pouvait concourir à l’époque dès la sortie du bac. A ce moment-là, j’étais en licence de chimie-physique à la faculté Paul Sabatier à Toulouse, j’ai tenté et ça a matché, j’avais 22 ans !

Diplôme en poche, j’ai été affectée au commissariat du 15ème (quartier Vaugirard) à Paris.

Je faisais des enquêtes et travaillais avec une machine à écrire OLYMPIA.
Le jour où on nous a annoncé que l’on aurait un ordinateur, on était étonné (sourire).
Nous étions peu de femmes à l’époque et les collègues masculins étaient bienveillants. Il y avait beaucoup de convivialité. On se disait les choses, on pouvait avoir des discussions franches et puis cela passait.

Aujourd’hui la génération a changé, il y a quelques années les jeunes rentraient dans la police par conviction, des étoiles plein les yeux, c’est un peu moins le cas aujourd’hui et je le regrette.

J’ai été maman en 2000, j’ai alors repensé mes priorités.

J’ai eu l’opportunité de rejoindre le 2ème secteur DPUP (direction de la police urbaine de proximité) en tant que capitaine de police pendant 3 ans. Je travaillais dans l’équivalent d’un « petit état-major » sur une zone de compétence composée des 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 10ème, 18ème et 19ème arrondissements.

Puis j’ai décidé de rejoindre l’état-major de la DPUP qui est ensuite devenue la DSPAP (Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne de la préfecture de police de Paris).

Ma fonction était celle d’adjoint chef de salle. C’était l’époque des premières manifestations importantes comme le CPE (Contrat Première Embauche), l’arrivée des caméras vidéos sur la capitale…
Il y avait une très bonne dynamique, je garde un très bon souvenir de ces années durant lesquelles j’ai eu le plaisir de travailler avec Jérôme Foucaud, alors chef d’état-major qui est maintenant le Directeur de la DOPC (Direction de l’ordre public et de la circulation).

Au moment où j’ai ressenti une certaine lassitude, j’ai fait le choix de retourner dans un commissariat. J’étais adjoint chef de circonscription de Vanves-Malakoff (Hauts-de-Seine) à la DSPAP.

Durant cette expérience, qui a duré 16 mois, un événement me marquera. Celui de la découverte de Clarissa, policière municipale, mortellement touchée sur la commune de Montrouge par un terroriste après l’attentat de Charlie Hebdo. Ce jour-là j’étais arrivée plutôt que prévu au commissariat quand l’appel est tombé, à 7h00, avec un de mes collaborateurs nous nous sommes précipités sur la commune limitrophe. Ce n’est que le lendemain que j’ai réalisé ce qui s’était passé.

Le commissariat a été très marqué par cet événement. Une expérience courte, très intense, très humaine avec mes collaborateurs.

Puis j’ai décidé de changer de métier de manière inattendue !

J’ai eu l’opportunité de rejoindre la DRH de la Préfecture de la Police (dite PP) de Paris. Les six premiers mois ont été compliqués car il a fallu apprendre le métier des Ressources Humaines, j’ai eu la chance d’être soutenue dans ce nouveau challenge par mon équipe. Je les remercie. J’ai beaucoup appris pendant ces quatre ans et puis, une nouvelle fois, je me suis sentie dans une zone de confort et j’ai souhaité partir…

C’est alors que vous avez candidaté au poste de
Chef de service de la brigade fluviale à la DOPC
– Préfecture de Police de Paris

Tout à fait. Pour l’anecdote, je suis marathonienne, je ne suis pas plongeuse.

J’ai eu envie de renouer avec l’opérationnel sur ce poste à hautes responsabilités et avec des objectifs à tenir.

Je l’ai obtenu et pris mes fonctions le 1er septembre 2020. Cela fait déjà un an.

C’est un milieu très complexe et j’ai appris les premiers mois avec un surplus d’informations.

Ce fut une énorme remise en cause mais les effectifs passionnés de cette brigade ont facilité mes premiers pas dans ce milieu même si pour certains l’arrivée d’une femme (encore une…) suscitait quelques interrogations…voire des commentaires ! Ils ont rapidement appris à me connaître…bien qu’un peu déstabilisés par mon omniprésence et ma personnalité franche mais bienveillante !

Je suis ainsi repartie de zéro à 49 ans.

Diplôme de plongée de Sophie Malherbe, Chef de service de la brigade fluviale à la DOPC – PP de Paris © Valérie Desforges

Quelle est l’organisation de la brigade fluviale ?

J’ai 81 personnes sous mes ordres :

  • Les brigades nautiques

Cela représente 55 personnes réparties en 6 brigades qui travaillent jour et nuit 7/7.

  • Une unité judiciaire

3 fonctionnaires veillent au bon respect de la réglementation fluviale.
Ils ne traitent pas le droit commun mais renvoient aux commissariats concernés.

  • La logistique

5 agents dont 3 mécanos chargés du suivi, de l’entretien du matériel et notamment des 13 embarcations.

  • La cellule d’appui opérationnel

Il s’agit d’une cellule de planification chargée du suivi des formations continues de l’ensemble des effectifs affectés en brigades nautiques. 2 instructeurs de plongée veillent aux formations des 30 plongeurs de la brigade.

Comment faire pour intégrer la brigade fluviale ?
Et recrutez-vous actuellement ?

Les policiers sont recrutés uniquement par concours proposé aux policiers de l’Ile-de-France, avec des épreuves théoriques, en piscine, face à un jury..

Je recherche avant tout des policiers que nous allons spécialiser à la Brigade Fluviale (BF).

La formation dure 3 mois, elle permet aux policiers de passer divers diplômes de secourisme nécessaires à leur activité future et de faire connaissance avec le milieu.

A ce jour, nous avons une plongeuse ! Anne. La seule de la police nationale. On serait ravie d’accueillir d’autres femmes.

Si vous deviez énumérer les missions de la brigade fluviale,
quelles seraient-elles ?

La Brigade Fluviale a une zone de compétence exceptionnelle à savoir Paris-la Petite Couronne-la Grande Couronne, soit 8 départements, 1281 communes, 12035 km², 97 cours d’eau, 3510 kms de voies, 56 écluses, 606 kms de voies navigables (1 fleuve, 5 rivières, 6 canaux).

Nous intervenons soit sur initiative, soit sur réquisition.

Les missions de la brigade fluviale sont très diversifiées :

Le secours aux personnes, il s’agit d’une mission partagée avec les pompiers.

En terme d’activité, nous gérons plus de 200 interventions pour des personnes vivantes dans la Seine. Ce sont souvent des mineurs qui vont se baigner, des personnes alcoolisées, des (tentatives) suicides …

Ce qui est étonnant c’est qu’il est mentionné nulle part au bord de la Seine que la baignade est interdite
sachant que la Seine est très dangereuse à cause des courants, de sa température, des obstacles, de la vase …

Lorsqu’une personne est dans la Seine, il faut immédiatement appeler le 112. Un opérateur dirigera l’appel vers les pompiers ou la police et guidera le bateau vers la personne en danger. Une zone est particulièrement dangereuse, le Val-de-Marne. Dès que les conditions climatiques sont favorables, nous sommes souvent sur place pour faire la prévention et des sauvetages.

La police technique subaquatique (la PTS sous l’eau).

Depuis 2009, on collabore avec les services judiciaires. C’est ce que l’on peut comparer à un travail d’archéologie. Nous retrouvons des objets appartenant à des victimes, des armes qui ont tué… Et lorsque l’affaire est résolue, je peux dire que cela est vraiment très gratifiant.

La patrouille, la sécurisation des biens et des personnes.

L’hiver en période crue, on fait des maraudes afin de nous assurer que les sans-abris soient déplacés si la Seine venait à être trop haute. L’été, on est sur les bases de loisirs avec bien souvent des problèmes de vitesse de Jet Ski.

Les missions de maintien de l’ordre ou sur des dispositifs particuliers comme la fête de la musique, le passage d’un cortège, d’une manifestation à proximité du fleuve.

Le respect de la réglementation fluviale, avec les contrôles aux écluses, aux ports, en navigation.

Le vecteur nautique. Avec le transport de troupes de services spécialisés.

Avec le recul, comment s’est passé l’été à la brigade fluviale ?

L’été a été plutôt calme au vu des conditions climatiques plutôt moroses et de la reprise progressive de l’activité économique sur le fleuve.

Des messages vous semblent-ils importants à faire passer ?

Oui, j’ai UN message : Ne vous jetez pas à l’eau ! Afin de sauver votre vie et faciliter le travail des sauveteurs. Il est nécessaire de développer la prévention, surtout auprès des jeunes. 

Si on peut éviter qu’un adolescent se jette à l’eau, ne serait-ce qu’un, ce sera bien !

Vous êtes tournée vers les autres dans votre travail,
est-ce de même dans votre vie privée ?

Bien sûr ! Je suis bienveillante dans ma vie privée et je dépense beaucoup d’énergie pour cultiver le bonheur, qui se traduit par des choses simples. J’essaye surtout, et le plus longtemps possible, de garder des « étoiles plein les yeux » aussi bien au travail que dans ma vie privée.

Je terminerai par une citation africaine « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous».
Autrement dit, tout seul, on ne peut pas vraiment avancer.

Un grand remerciement Sophie pour votre accueil enthousiaste et votre bienveillance !
Et une sortie sur le terrain bien sympathique.

Sophie Malherbe, Chef de service de la brigade fluviale à la DOPC – Préfecture de Police de Paris © Valérie Desforges

Note importante

Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges avant de reproduire sur un autre support
1/ tout ou partie du contenu de l’interview,
2/ un ou des photos publiées dans l’interview.


Miss Konfidentielle ne se lasse pas de Paris …

Vue de la Seine à bord de la brigade fluviale avec Sophie Malherbe © Valérie Desforges
4 commentaires
  1. Gérard VALLE dit

    Bonjour à tous les lecteurs et lectrices de cet article pour lequel je remercie et félicite Valérie DESFORGES, tant pour l’intérêt qu’elle porte au sujets qui me sont chers que pour la qualité, la profondeur et le “sens vrai”, de ses parutions.

    Bravo, aussi Miss K, pour le choix des personnes que vous interviewez.

    Commandante MALHERBE, vos origines (fille de militaire, médecin), votre parcours, vos engagements, votre bienveillance et celle que vous inspirez, etc., m’incitent encore d’avantage à commenter vos propos.

    Je me qualifie volontiers d’atypique… un tantinet, d’engagé, aussi….

    Je vous attribuerais volontiers ce qualificatif, Commandante MALHERBE, en ce que nous portons un intérêt majeur et fort à tout ce que nous faisons. Nous sommes “cash”, directs… ce que, comme bon nombre de nos concitoyens, j’apprécie. Nous sommes enthousiastes, francs, honnêtes, transparents, clairs. Nous “y croyons” ! et c’est bien là le plus important… !

    Les résultats de nos engagements ne dépendent pas que de nous et de nos actes, nous en sommes conscients. Cependant nous faisons tout notre possible pour obtenir le meilleur, le meilleur pour tous, pour la collectivité…. Bravo ! Continuez…. C’est tous ensemble que nous parviendrons à mobiliser les individus dans une démarche de changement favorable à nos générations futures (et actuelles).

    Tant qu’à faire un métier, autant le faire entièrement, bien, avec “ses tripes” même, avec ses valeurs et des principes, en tous cas. Nous sommes au service de la population ; nous devons informer, renseigner, éduquer, former, assister, et parfois, réprimer, sanctionner….

    La brigade que vous dirigez a plusieurs un points communs avec l’office central dans lequel je sers, dont l’un qui est d’actualité : nous avons à lutter contre ces rebuts, déchets, ferrailles, bois, ordures ménagères, qui sont disséminés par des “indélicats” ou bien par des délinquants qui trouvent fort à propos la présence d’un fleuve, d’une carrière désaffectée, d’un bois, etc., pour y abandonner les “encombrants” ou les “objets divers qui les importunent” pour diverses raisons.

    Ma “maison” s’occupe des abandons et trafics de déchets…. dont ceux qui, par décision de leurs détenteurs ou producteurs, sont exportés licitement ou non, par voie fluviale et maritime vers des pays éloignés pour y connaitre un sort souvent peu amène et respectueux de l’environnement.

    Nous étions, mercredi 22 dernier, à GENNEVILLIERS (Port) pour y partager nos process d’action avec nos partenaires européens des services de police dédiés à la lutte contre les atteintes à l’environnement.

    Nous inspections des containers de transport (des “boites”…) ; des containers qui par la voie maritime ou fluviale étaient sensées transporter des marchandises quelconques, dont des déchets…. à destination de pays lointains… si… tout était bien fait…..

    Votre unité, à laquelle je n’ai pas pensé, aurait trouvé sa place parmi tous les services réunis (DOUANE, Gendarmerie des Voies Navigables, Pôle National des Transferts Transfrontaliers de Déchets, DREAL, autorités portuaires…) car, comme vous, je suis totalement convaincu que ” nous sommes, individuellement, qui nous sommes, grâce à ce que nous sommes tous ».

    Je suis, aussi, certain que ” tout seul, on ne peut pas vraiment avancer “.

    Bon vent, Commandante MALHERBE !

    Je vous cite, encore une fois, tant je partage votre vision de la vie :

    Gardons toujours des étoiles plein les yeux !

    Je complète vos propos de mes pensées : “elles sont notre seule et vraie richesse, ces étoiles…. qui nous motivent et nous poussent à aller de l’avant durant toute notre vie d’éphémères occupants de la planète Terre”. Le bonheur est fait de choses simples, se construit, se cultive et s’entretient….

    1. Valérie Desforges dit

      Merci Gérard Valle pour votre commentaire très sympathique ! Miss K

  2. Malherbe dit

    Merci Gérard…au plaisir de se croiser sur les flots.

  3. Daniel K. dit

    Bonjour,
    j’ai par le passé côtoyé professionnellement vos homologues de la Gendarmerie qui sont plus particulièrement implantés dans les régions et j’ai pu apprécier leur aide lors d’interventions particulières.
    J’ai avec cet interview de MissKonfidentielle, toujours aussi captivante, découvert votre action dans la capitale et les couronnes. Je suis persuadé que vos missions sont primordiales et indispensables pour garantir une sécurité fluviales.
    Il ne faut pas également oublier les dangers pour votre unité dans leurs interventions et entrainements. J’ai d’ailleurs en mémoire, un accident d’un personnel féminin de votre unité avant votre arrivée qui lui a couté la vie.
    Comme le souligne Gérard dans ses commentaires, vous êtes une femme engagée et passionnée par votre profession, avec ce parcours individuel riche en évènements.
    Bravo à vous Sophie Malherbe, je vous souhaite plein de satisfactions dans votre vie professionnelle et personnelle.
    Bien cordialement
    Daniel K..

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