Femmes de justice : interview de Gwenola Joly-Coz

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Le 12 septembre 2022 se tenait à la Grand’chambre de la Cour de Cassation sous la direction scientifique de Madame Gwenola Joly-Coz, la troisième conférence du cycle 2022 « Justice : Figures de femmes » sur le thème L’accès des femmes aux postes à responsabilités.

Un honneur d’assister à la conférence à la Cour de cassation en présence de Madame Gwenola Joly-Coz, première présidente de la cour d’appel de Poitiers; Monsieur Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation; Madame Isabelle Rome, Ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances; Madame Catherine Fillon, professeure d’histoire du droit et des institutions à l’Université Jean Moulin Lyon III.

A l’issue de la conférence, j’ai interviewé Madame Gwenola Joly-Coz afin de vous éclairer plus avant sur ses sujets.

Bonjour Madame, 
Bonjour Miss Konfidentielle, 

Le sujet de la conférence Femmes de Justice le 12 septembre 2022 à la Grand’chambre de la Cour de Cassation, quel est-il ?

Il s’agit d’évoquer des figures de femmes de justice qui ont pris des responsabilités dans la magistrature. Cette troisième conférence achève un cycle qui avait pour objectif de rendre visible des femmes pionnières.

Nous avons commencé le 11 avril 2022, jour du 76è anniversaire de la loi qui a permis à l’un et l’autre sexe de rendre la justice. Cela nous a permis d’évoquer la figure emblématique de la première femme magistrate : Charlotte Béquignon-Lagarde. Cette femme avait été totalement oubliée et aucune trace d’elle n’était conservée par l’institution. C’est à l’issue d’un long travail de recherches et de contacts avec sa famille que j’ai pu reconstituer son parcours jusqu’à son audience d’installation le 16 octobre 1946.

Nous avons poursuivi le 13 juin 2022 autour du thème de l’engagement des femmes, ce qui nous a permis de nous remémorer en leur présence, la première garde des sceaux : Elisabeth Guigou, la première directrice de cabinet d’un garde des sceaux : Noëlle Lenoir, et la première présidente d’un syndicat de magistrats : Simone Gaboriau.

Pour cette troisième conférence, le 12 septembre 2022, 3 ans après l’installation de Chantal Arens en qualité de première présidente de la Cour de cassation, deuxième femme seulement à accéder à ce poste, nous avons travaillé sur la question de la prise de responsabilités des femmes dans l’institution judiciaire.

J’ai ainsi pu avec plaisir dresser les portraits des femmes que j’ai eu tant de mal à retrouver, les unes après les autres. La première femme présidente d’un tribunal : Michèle Giannotti, la première femme première présidente d’une cour d’appel : Suzanne Challe, la première femme première femme première présidente de la Cour de cassation : Simone Rozès.

J’ai aussi voulu montrer qu’au-delà des juridictions, les femmes ont aussi pris des postes très importants en administration centrale, par exemple Myriam Ezratty, première directrice de l’administration pénitentiaire et Dominique Lottin, première directrice des services judiciaires.

Des messages ont-ils été adressés lors de la conférence ? 

J’ai reçu de nombreux messages à propos de mon travail de recherches sur ces femmes invisibles. Je remercie surtout les familles qui m’ont ouvert leurs portes et surtout leurs greniers.

J’ai ainsi pris le thé rue Jacob, avenue Lecourbe ou boulevard Raspail, déjeuné dans un château du Bordelais, partagé un repas dominical dans une propriété de Fontainebleau, diné à Valmondois.

J’ai eu de nombreux entretiens téléphoniques, avec un fils sur son bateau à Alger ou un autre notaire en Bourgogne, avec des filles, des tantes, des nièces, des cousines de ces femmes. On m’a envoyé des photos, expliqué les époques, découpé les journaux, adressé des souvenirs. Toute une magistrature a émergé devant moi, autour de ces figures féminines.

Partout j’ai été accueillie avec générosité. Perplexité parfois lors des premiers échanges et ensuite reconnaissance pour le retour dans la lumière de mères, restées dans les mémoires des familles mais pas dans l’histoire de la magistrature.

J’ai reçu de nombreux remerciements. Ce travail m’a beaucoup apporté humainement, des rencontres, des souvenirs, des moments inattendus, des surprises.

Bien souvent je me suis reprochée de ne pas avoir entamé ce travail de mémoire plus tôt, tant il est vrai que je suis frustrée par la découverte du décès des femmes dont je recherchais la trace quelques années seulement avant mes enquêtes.

Je découvre parfois que les enfants sont eux-mêmes âgés, ont vidé les greniers, jeté les papiers défraichis. Au contraire je regarde avec excitation une valise jaunie remplie de souvenirs bien classés, de photos annotées. J’ouvre avec intérêt les cartons cabossés où la collègue retrouvée a rangé sagement ses notations, sa progression indiciaire et ses demandes de mutation.

J’en nourri un grand respect pour toutes ses vies, qui ressemblent tant à la mienne en réalité.

Des intervenants, Christophe Soulard, Catherine Fillon et Madame la ministre Isabelle Rome. Il serait pertinent de nous préciser pourquoi le choix de ces intervenants.

Je remercie avant tout Monsieur le premier président de la Cour de cassation Christophe Soulard pour accepter d’ouvrir la conférence. C’est un symbole de voir le premier magistrat de France introduire les débats sur la question des prises de responsabilité dans la magistrature, tant pour sa figure de primus inter pares que pour son rôle de président du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel chargé du choix des présidents et présidentes des tribunaux judiciaires et des premières présidentes et premiers présidents des cours d’appel.

Je suis très reconnaissante à Madame Catherine Fillon, professeure d’histoire du droit et des institutions à l’Université Jean Moulin Lyon III, d’être intervenue pour dresser un panorama des conditions d’entrée des femmes dans la magistrature et des résistances importantes qui se sont fait jour pour empêcher leur accès aux postes de responsabilités. Elle nous a ensuite dressé un constat, permettant la comparaison avec les autres professions juridiques : avocat.es, commissaires de justice, notaires ….

Bien sûr je ne pouvais achever ce cycle inédit, entièrement consacré aux femmes pour la première fois sans offrir la parole à Madame Isabelle Rome. En effet, son exceptionnel parcours de magistrate à ministre est un exemple pour toutes les générations suivantes de femmes magistrates.

Après avoir été haute fonctionnaire à l’égalité entre les femmes et les hommes au Ministère de la justice, elle a été nommée en juillet 2022, Ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.

L’association Femmes de Justice est soutenue par les partenaires AFHJ et l’ENM. Madame Gwenola Joly-Coz, souhaitez-vous dire un mot ?

Bien sûr il faut saluer, tout au long des trois conférences l’excellence des interventions de toutes les personnes sollicitées, chacune au nom de leur institution :

  • L’association Femmes de justice avec Ombeline Mahuzier et Sonya Djemi-Wagner
  • L’association pour l’histoire de la justice avec Jean-Paul Jean
  • La faculté avec Catherine Fillon
  • La cour de cassation avec Sandrine Zientara
  • Ma dyarchie avec Eric Corbaux
  • Le gouvernement avec Madame la ministre Isabelle Rome

Il me faut aussi remercier très sincèrement l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) qui m’a fait l’honneur de me remettre une mention spéciale au grand prix pour le corpus de portraits de femmes pionnières, publiés grâce au fidèle soutien du Journal Spécial des Sociétés.

 

Un remerciement appuyé pour votre engagement que Miss Konfidentielle soutient au nom de toutes ces femmes qui ont eu le courage et l’intelligence de vivre des expériences dites extraordinaires dans un monde traditionnellement masculin.

Femmes de justice : Interview de Gwenola Joly-Coz, Cour de cassation, Grand’chambre © Valérie Desforges

Note importante 

Il est strictement interdit de copier tout ou partie du contenu de l’article.

 

2 commentaires
  1. Souvira anne dit

    Très intéressant et tellement humain! Merci Miss de ce retour sur nos vies.. .

    1. Miss K dit

      Un remerciement Anne pour ce bel encouragement à poursuivre !

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