Le 8 octobre 2024 – Un plein enthousiasme de rencontrer au Fort de Charenton le général de corps d’armée Xavier DUCEPT, commandant de la région de gendarmerie d’Ile-de-France, commandant de la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité de Paris, pour une mise en lumière de ses missions sur les JOP2024.
Bonjour général, quelle était votre feuille de route pour les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ?
En réalité, les Jeux Olympiques commencent dès mon arrivée au sein de la région de gendarmerie d’Île-de-France en septembre 2021. Mais la seule certitude que j’ai à ce moment-là, c’est que les JOP se dérouleront en 2024 et qu’ils se dérouleront hors les murs, c’est à dire hors des enceintes sportives, dans Paris, dans une agglomération extrêmement dense, extrêmement peuplée, extrêmement touristique avec un objectif affiché pour la France, valoriser à la fois ses capacités d’organisation, ses capacités sportives, mais aussi son patrimoine. Je sais donc que nous serons confrontés à un triple défi à la fois sécuritaire, opérationnel et logistique.
Un défi sécuritaire, d’abord, en raison de la menace terroriste permanente, mais également en raison des menaces que représentent la délinquance et les risques de conflits sociaux. Donc un vrai challenge ! Et face à ce challenge, je sais devoir mobiliser un nombre très important de gendarmes sur une longue période. Je pressens qu’il s’agit d’une opération qui sera sans doute l’opération la plus importante pour la gendarmerie en termes de volume d’effectifs mobilisés et de durée.
Ensuite, c’est un défi opérationnel. J’avais reçu mandat du directeur général de la gendarmerie de conduire la manoeuvre JOP pour l’Île de France. Placée sous l’autorité du préfet de police de Paris Laurent NUÑEZ, il fallait que la gendarmerie s’intègre totalement dans sa chaîne de commandement et que nous montions en puissance, en confiance avec la préfecture de police de Paris pour apporter sur le terrain le meilleur service aux populations tout en valorisant les capacités des gendarmes et leurs compétences.
Enfin, il s’agissait d’un véritable défi logistique, celui de mobiliser un volume très important de forces dans un temps long. C’est ce défi qui nous a occupé dès 2021. Trois années durant lesquelles nous avons valorisé notre patrimoine, c’est à dire nos capacités d’hébergement propres, nos capacités d’alimentation, mises à niveau et renforcées. Il a fallu trois années pour que nous puissions valoriser toutes nos opportunités internes et les augmenter pour le temps des JOP sans surinvestir. En parallèle, nous avons recherché des solutions alternatives nous permettant de répondre aux besoins pendant le temps des Jeux en veillant à optimiser les coûts.
Au-delà de nos capacités propres, nous avons donc cherché des solutions locatives et des constructions temporaires répondant à nos besoins.
Nous avons d’abord fait ce travail avec une toute petite équipe qui s’est étoffée avec le temps et qui nous a permis de nous adapter à la fois à la commande de la préfecture de police et aux arbitrages successifs ministériels et présidentiels ainsi qu’aux exigences d’accueil dans les meilleures conditions de l’ensemble des gendarmes. Cela représentait un volume énorme, à savoir 12000 gendarmes pendant le temps des Jeux Olympiques avec des pointes à 18 000 et près de 10 000 pendant les Jeux paralympiques, là aussi avec des pointes au-dessus de 12 000. Ces effectifs venaient à la fois d’Ile-de-France, mais aussi de tout le territoire métropolitain, des personnels d‘active et de réserve de la gendarmerie départementale, la gendarmerie mobile et la Garde républicaine.
Cette manœuvre était guidée par la volonté d’offrir aux gendarmes déplacés les meilleures conditions en termes d’hébergement, d’alimentation mais également la volonté d’associer le personnel à l’élaboration de cette manœuvre pour répondre au maximum de problématiques dans cette phase de préparation.
La toute petite équipe s’est étoffée sous forme d’équipe projet puis sous forme d’état-major. On a modifié toute notre organisation pour y répondre.
Parallèlement, la commande opérationnelle s’est précisée dans le temps avec des grands blocs missionnels comme la sécurité des sites et de leurs abords, la sécurité des transports collectifs, la sécurité des zones touristiques et plus généralement de l’agglomération parisienne. Mais aussi des missions plus spécialisées : les escortes de convois et d’autorités, la lutte anti-drones, les reconnaissances et détections de matières d’explosives, pour lesquelles, nous avons déployé des capacités d’expertise spécifiques. Ce sont de belles missions que la gendarmerie a reçu, de vrais challenges à relever en forte visibilité.
Progressivement, au fur et à mesure que le besoin se précisait avec la préfecture de police de Paris, nous avons réparti nos forces non seulement par mission, mais aussi par secteur pour assurer un commandement efficace, garantir une logistique de qualité et une capacité à s’inscrire dans la durée.
Ainsi, la sécurisation des transports collectifs a été entièrement confiée aux gendarmes du début à la fin des JOP, mission qu’ils ont exercé bien entendu, aux côtés des personnels de la préfecture de police de la RATP et de la SNCF qui mènent cette mission tout au long de l’année.
Ainsi également, les sites et abords de sites, len particulier dans Paris ont, pendant toute la durée des Jeux, été sécurisés par des forces de gendarmerie. Pas toujours par les mêmes forces, certes, mais toujours par des forces de gendarmerie avec un commandement interne qui permettait d’avoir une interaction, de qualité avec le commandement de la préfecture de police. Pour faire simple, le commandement global de l’opération était assuré par la préfecture de police, le commandement des hommes était assuré par des officiers de gendarmerie, pour les missions confiées à la gendarmerie.
Ce que je retiens, c’est que durant cette phase de préparation, c’est une structuration opérationnelle qui s’est construite dans la durée avec la préfecture de police en très bonne coopération. Et cela a payé.
Comment avez-vous structuré vos forces ?
Les escadrons de gendarmerie mobile ont l’habitude d’être mobilisés sur Paris sous l’autorité du préfet de police. Mais dans le contexte des JOP, nous les avons placés sous le commandement de groupements opérationnels (GOMO) et de groupements tactiques (GTG), our que la force gendarmerie soit simple à diriger à la fois pour moi, mais aussi pour le préfet de police.
Nous avons parallèlement structuré les unités de gendarmerie départementale, actifs et réservistes, en Compagnie de marche. Ainsi nous sommes montés jusqu’à 150 compagnies de marche ce qui est énorme puisqu’une compagnie de marche regroupait 72 personnels.
Ce sont des effectifs colossaux, soit plus de 10 000 personnels qui sont venus nous renforcer dans la durée et qu’il a fallu organiser dans des structures des commandement. Nous avons été aidés par les régions et les différents services de la gendarmerie qui ont équipé les effectifs déplacés selon un cahier des charges que nous avions demandé.
L’idée pour nous était que ce soit le plus simple possible pour les unités qui arrivaient, afin qu’elles puissent répondre aux besoins de manière le plus fluide possible. C’est grâce à cette fluidité dans la question opérationnelle à la qualité du soutien que nous avons tous pu assurer cette mission avec le sourire dans un excellent état d’esprit qui a rejailli sur l’ambiance générale. Je me suis rendu à la rencontre des forces engagées, plusieurs fois accompagné par le directeur général, qui supervisait la manœuvre en Île-de-France mais aussi sur l’ensemble du territoire, et nous avons pu mesurer cette belle ambiance.
Si on a réussi à avoir cette bonne ambiance c’est parce qu’il y a eu cette volonté d’apporter une logistique de qualité, d’apporter un cadre missionnel qui soit compréhensible pour tous et qui soit adapté aux capacités de chacune des unités.
Excellent. Quel bilan faites-vous aujourd’hui des JOP2024 ?
Au-delà du bilan quantitatif, une grande satisfaction, la satisfaction d’abord du public, des sportifs, des organisateurs. La satisfaction de nos autorités, mais aussi plus largement, de la population française et de la population parisienne. Il y a une vraie fierté de l’avoir fait.
Et puis, en interne, la satisfaction des gendarmes qui ont été engagés sur le terrain, qui ont contribué aux JO et qui en ressortent eux aussi plein de fierté, celle d’avoir participé à cet événement, d’avoir contribué à sa réussite et d’avoir fait que ce soit une vraie belle fête du sport dans un cadre merveilleux, celui de Paris. Donc oui, c’est une immense fierté pour tous, une grande satisfaction.
Et si on revient sur les conditions de succès, en effet, c’est une préparation méthodique depuis trois ans, une logistique extrêmement solide dans tous les domaines et une coordination opérationnelle pour que chacune des missions soit bien comprise afin d’être bien réalisée.
Nous l’avons fait. J’en tire une grande fierté et je mesure le travail réalisé par mes équipes.
J’en ai tiré une vision de la gendarmerie, celle d‘un corps militaire dynamique et polyvalent, un corps qui s’adapte à la société et aux besoins. J’ai toujours eu à cœur, quel que soit mon commandement, de faire évoluer cette gendarmerie pour qu’elle soit pleinement efficace par rapport à ce qui était attendu d’elle en termes de sécurité, mais aussi en termes de contact avec la population, de contact avec les élus. C’est cela est mon premier identifiant : celui de l’opérationnel, celui de l’adaptabilité et celui de la cohésion.
Mon deuxième marqueur, c’est celui de l’expérience en cabinet ministériel, d’abord au sein du ministère de la Défense, puis dans les fonctions de directeur de cabinet à deux reprises, au ministère de l’Outre-mer et au ministère de la Mer.
Le souvenir de la gestion de la crise COVID au sein du ministère de l’Outre-mer était une expérience forte parce qu’il s’agissait de répondre très vite à des problématiques lourdes et qui engageaient la vie des populations.
Au ministère de la Mer, je garde le souvenir de la création d’un ministère, un ministère de plein exercice, avec une administration, un budget, la construction d’une ligne politique et d’outils orienté vers le développement économique, social et environnemental d’un secteur d’activité primordial. Tout cela dans le contexte très sensible du Brexit où nous avons eu à gérer pour la France la négociation dans les domaines de la pêche et du transport maritime. Donc de très beaux challenges. J’en ai tiré à la fois la connaissance des outils de l’État dont la gendarmerie fait partie, mais aussi la compréhension des attentes de l’autorité politique et des populations.
Parce que on ne fait pas cela pour nous. Tout cela est fait pour les populations, pour leur apporter la réponse de l’exécutif à leurs besoins. C’est une belle expérience.
Ce sont véritablement ces deux aspects de ma carrière qui m’ont construit.
Un remerciement appuyé général pour notre entretien instructif. Un agréable moment partagé.
Un remerciement à Aurore RIGAIL-DEDIEU avec laquelle j’ai toujours plaisir à collaborer ! Le souvenir des interviews du colonel Frédéric POULAIN, Chef de la Division Régionale des Réserves pour la Région de gendarmerie d’Ile-de-France (RGIF) et 8 mars 2024 : honneur aux femmes de la Gendarmerie nationale.
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