Depuis le passage du cyclone Chido qui a ravagé Mayotte, la course contre la montre pour sauver les habitants se poursuit. Ce mardi 17 décembre, le Parlement européen a donné son feu vert à une série de mesures exceptionnelles dans le cadre du règlement RESTORE.
Réuni en session plénière, le Parlement européen a approuvé ce mardi le déclenchement de mesures exceptionnelles pour venir en aide aux régions touchées par des catastrophes climatiques à travers un nouveau dispositif. Adopté par 638 voix pour (10 contre et 5 abstentions), le règlement RESTORE (Appui régional d’urgence à la reconstruction) vise à renforcer la réactivité des Etats membres face aux catastrophes naturelles, comme celle qui frappe actuellement Mayotte de plein fouet.
Dévastée par le cyclone Chido qui a charrié sur l’archipel des vents dépassant parfois les 220 km/h, l’île de 321 000 habitants est confrontée depuis le 14 décembre à une crise humanitaire et sanitaire d’une rare intensité.
Nous avons considéré avec la Commission européenne qu’il fallait des décisions urgentes. Ce règlement va permettre de prendre en charge de manière immédiate l’aide alimentaire et d’aider à la reconstruction des infrastructures”, a réagi depuis Strasbourg le vice-président du Parlement européen et co-rapporteur du texte, Younous Omarjee. Il sera “lancé demain [mercredi 18 décembre] par la Commission.
En réponse à ce sinistre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait rapidement assuré que l’Europe était “aux côtés des Mahorais dans cette terrible épreuve”, se disant prête à “apporter du soutien”. “Mayotte c’est l’Europe et l’Europe ne vous abandonnera pas”, avait pour sa part réagi la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, lors de l’ouverture de la session plénière.
L’ampleur du bilan humain reste encore inconnue, tandis que 85 % des foyers sont toujours privés d’électricité. Le président de la République Emmanuel Macron a présidé lundi une cellule interministérielle de crise. Il compte également décréter un “deuil national” et se rendra en territoire mahorais jeudi.
En parallèle, la chaîne de solidarité s’organise. Les présidentes et présidents de Régions ont acté la création d’un “fonds de solidarité pour Mayotte” afin de contribuer à l’aide d’urgence et à la reconstruction rapide de l’île. Une mesure également déclinée à l’échelle des municipalités.
Pour appuyer les secours, le Centre national d’études spatiales (CNES) a par ailleurs activé les satellites du programme Copernicus.
Comment le réseau spatial Copernicus aide les secours
Le service Copernicus de gestion des urgences est un dispositif européen qui englobe plusieurs satellites. Il permet d’utiliser des images pour les besoins de l’aide humanitaire en orientant les équipes de secouristes engagées dans les zones touchées. Initié à la fin des années 1990, le programme Copernicus peut être activé par tous les Etats membres, n’importe où dans le monde. Les autorités espagnoles l’ont par exemple utilisé après les inondations au mois d’octobre dans la région de Valence. La France l’a déjà mobilisé à de nombreuses reprises. Avant Chido, la dernière en date remontait à un épisode orageux dans le Grand-Est, à la fin du mois de juin.
Le règlement RESTORE, une réponse rapide aux catastrophes
Confronté à une crise inédite – il s’agit du cyclone le plus violent frappant le département depuis près d’un siècle – Mayotte satisfait aux conditions nécessaires pour bénéficier du dispositif RESTORE. Devenu de plus en plus pressant après les violents incendies au Portugal, les inondations dévastatrices à Valence et le cyclone destructeur en France, ce mécanisme entend accélérer le redéploiement des fonds européens, notamment pour l’aide humanitaire d’urgence, l’aide aux PME touchées, et la reconstruction.
Il introduit surtout davantage de flexibilité dans l’utilisation des fonds de la politique de cohésion (FEDER et FSE+) et vient compléter le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE), jugé insuffisant pour faire face à des crises de grande ampleur.
“A l’époque, les régions frappées par les catastrophes bénéficiaient du fonds de solidarité de l’UE [elles en bénéficient toujours] mais ce dernier n’était disponible qu’un an et demi après [leur déclenchement], laissant dans le désarroi les collectivités territoriales et les citoyens”, souligne Younous Omarjee qui a présidé la commission du Développement régional de 2019 à 2024.
Le règlement RESTORE peut être déclenché “immédiatement”. En ce qui concerne les montants qui peuvent être débloqués, ceux-ci correspondent à “10 % des enveloppes nationales FEDER/FSE”. Pour la France, “en mobilisant 10 %, nous arrivons à 1,5 milliards d’euros potentiellement utilisables pour les catastrophes de 2024 et 2025”, précise le vice-président du Parlement européen.
Les aides européennes allouées à Mayotte
Située dans l’ouest de l’océan Indien, Mayotte est à la fois une région et un département français. C’est aussi l’une des neuf régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne depuis 2014, ce qui lui permet de bénéficier de financements européens pour son développement économique, social et infrastructurel.
A ce titre, l’île a bénéficié pour la première fois cette année-là des fonds européens, notamment en ce qui concerne la politique de cohésion. Ces aides ont représenté plus de 280 millions d’euros pour une période de six ans, jusqu’en 2020, dont près de la moitié provenant du FEDER. Ce dernier a financé de multiples projets liés à l’alimentation en eau, au traitement des déchets, à la sécurisation de l’aéroport ou encore à la construction d’un nouvel hôpital.
Sur la période couvrant les années 2021 à 2027, le territoire mahorais doit percevoir 347 millions d’euros du Fonds européen de développement régional.
Lors de la 52ᵉ Assemblée générale de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) organisée à Gozo (Malte) en octobre 2024, Mayotte a réaffirmé son engagement au sein de l’Europe. La délégation insulaire a défendu les intérêts spécifiques de Mayotte en tant que RUP, en mettant l’accent sur des thématiques telles que la cohésion sociale et économique, les politiques maritimes et la lutte contre le changement climatique.
Pour faire face au drame qu’elle traverse, l’île pourrait bénéficier du mécanisme de protection civile de l’Union européenne, qui coordonne la réaction aux catastrophes naturelles ou d’origine humaine au niveau de l’UE. Déclenché à l’initiative de l’Etat concerné (la France dans le cas de Mayotte), celui-ci vise à promouvoir la coopération entre les autorités nationales de protection civile et à fournir une aide rapide et efficace aux pays touchés. Pour l’heure, le mécanisme n’a pas encore été actionné par la France.