Je suis avec Monsieur Étienne BLANC, sénateur du Rhône (Auvergne-Rhône-Alpes), membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et nous sommes au Sénat, dans son bureau.
Bonjour Monsieur le sénateur. Bonjour Madame. Je vais vous poser une première question. Donc on est sur la thématique du narcotrafic qui fait l’objet de l’actualité du ministère de l’Intérieur et de la Justice, tout particulièrement en ce début d’année 2025. Et première question je souhaite savoir quelle est votre contribution au Rapport narcotrafic ? Ce que j’entends par contribution, c’est le pourquoi et le comment.
D’abord, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la Constitution, dans son article 50-2, donne la possibilité aux assemblées parlementaires, que ce soit l’Assemblée nationale ou le Sénat de créer des commissions d’enquête. Ce n’est pas anodin parce que le président de cette commission d’enquête, Jérôme DURAIN, sénateur de la Saône-et-Loire et dont j’étais le rapporteur, dispose de moyens très importants. Ce sont des moyens d’investigation. Ce sont des injonctions, y compris données à un ministre. « Donnez-nous tel document, dites-nous quelle politique vous menez ». Très clairement, on a une liberté absolue et des moyens considérables pour aller au bout d’un sujet.
Alors pourquoi la commission sur le narcotrafic ? Les sénateurs Stéphane Le RUDULIER et Valérie BOYER dans les Bouches-du-Rhône, ont été, évidemment ébranlés par les meurtres et les crimes de sang qui se sont déroulés à Marseille sur l’année 2023 avec une amplification durant toute l’année. Ils ont donc demandé au président du groupe, à l’époque c’était Bruno RETAILLEAU, que soit lancée une commission d’enquête sur le narcotrafic. L’origine, c’est ça. Le groupe des Républicains a demandé qu’il y ait une commission d’enquête sur le narcotrafic et le Président Gérard LARCHER a décidé d’honorer cette demande en conférence des Présidents.
Quand le président d’une commission d’enquête est d’une couleur politique, le rapporteur est d’une autre couleur politique et c’est très important, surtout en contrepoint de ce qui se passe à l’Assemblée nationale actuellement. Au Sénat, on se parle. La tradition sénatoriale, c’est ça. On échange, on n’est pas d’accord. On a parfois des divergences mais on se parle et on cherche la voie commune. On cherche le consensus. C’est d’actualité avec ce qui se passe actuellement. Très objectivement, on va chercher la vérité sur un sujet. C’est Jérôme DURAIN pour le Parti socialiste qui a alors été désigné un rapporteur.
Alors pourquoi moi? En tant que Sénateur du Rhône et de la Métropole de Lyon, le président Bruno RETAILLEAU a pensé que je suis particulièrement concerné par ce sujet, les affaires de narcotrafic étant nombreuses sur la région lyonnaise : à Lyon, à la Duchère, à Villeurbanne, à Saint-Fons… On est sur une voie de communication Nord-Sud.
J’ai bien entendu immédiatement accepté sa proposition. Très clairement, c’est un sujet que je suivais mais je n’avais pas pris tout à fait la mesure de l’importance de ce sujet. Et c’est en entrant dans le dossier que j’ai compris le risque pour la société française et même de manière générale pour l’Europe. Je dis même pour l’Occident et le risque de voir le phénomène du narcotrafic s’amplifier. Et ces narcotrafiquants disposent de moyens illimités et peuvent avoir, le moment venu, les moyens de faire pression sur la puissance publique, comme cela se passe au Mexique, comme cela se passe en Colombie, comme cela se passe au Nicaragua, dans ces pays d’Amérique du Sud où on parle de narco-État, c’est-à-dire où il existe une réelle nfluence du narcotrafic sur la puissance publique.
Et puis après, une fois que vous rentrez dans un sujet, vous vous passionnez, donc vous lisez tout. C’est assez étonnant d’ailleurs, parce que quand vous lisez le journal, c’est la première information que vous allez chercher. Quand vous regardez la télévision, quand on vous dit « Tiens, il va y avoir une émission ou une série, allez voir ça ». Et c’est vrai qu’à ce moment-là, tous ces éléments rentrent dans le cerveau. C’est même un peu obsessionnel parfois, vous allez chercher tout ce que vous pouvez trouver d’informations sur ce sujet qui est essentiel en France mais aussi à l’étranger, pour comprendre l’ampleur du phénomène.
Très bien. Quelles sont les lignes directrices du rapport que vous portez en priorité ?
Alors d’abord, c’est un rapport qui est très complet, plus de 600 pages. Il a d’ailleurs été salué par la police, par la justice, par des observateurs, par des journalistes spécialisés, comme le premier rapport qui présente une vision globale du phénomène du narcotrafic en France.
On était d’ailleurs très heureux avec Jérôme DURAIN d’être reconnu à ce titre-là. Il y a eu des rapports sur le narcotrafic, mais souvent c’était sur des points particuliers. Il n’y avait pas cette vision d’ensemble. Donc, si on prend le rapport, on commence par parler de la production dans les différents pays du monde, des trois drogues : du pavot en Afghanistan et la région, du haschich en Afrique du Nord et de la cocaïne en Amérique du Sud. Puis après on étudie les voies de communication, donc on interroge les douanes, la marine française et les organismes de coopération qui surveillent à la fois l’océan Atlantique, mais aussi la mer des Caraïbes, les accords avec les États-Unis… Puis après on progresse. La drogue arrive dans les ports français, on a donc travaillé sur les ports français. Puis ensuite elle se répand sur le territoire, donc on a écouté, compris la gendarmerie, y compris dans les zones de campagne. Bien sûr, la police nationale, bien sûr, les services spécialisés, bien sûr, les magistrats également… Après, on fait l’inventaire des points faibles du droit français ou de l’organisation administrative française pour lutter contre le phénomène. Puis après on fait des propositions.
Alors elles sont très nombreuses ces propositions, cela va être difficile de toutes les reprendre. Il nous faudrait 3 heures d’entretien et même plus. Au fur et à mesure que nous avons avancé dans ce dossier, on a pris la mesure et on a compris ce qu’est l’organisation du narcotrafic. Et bien souvent, on juge le narcotrafic : « Tiens il y a un point de deal ». On le juge à travers l’affaire Pierre Palmade. Il s’est drogué, on parle de chemsex.. Il a pris sa voiture. On juge sur des opérations ponctuelles, mais si on veut vraiment lutter contre ce phénomène, il faut comprendre comment ça marche. Et très rapidement, on s’est aperçu avec Jérôme DURAIN que le narcotrafic fonctionne comme une entreprise libérale. Vous avez un consommateur qui est l’utilisateur de stupéfiant et vous avez au sommet une personne ou un groupe de personnes que l’on appelle « les têtes de réseau » qui vont organiser un système qui permet d’alimenter le consommateur. Alors, il faut produire. Ils sont parfois producteurs, ils ont des plantations de coca, ils ont des plantations de cannabis, ils ont des plantations de pavot. Ce n’est pas eux qui cultivent, bien sûr, mais ils ont des salariés, ils ont des entreprises. Ensuite ils transforment. Ensuite ils transportent par bateau, par avion, par sous-marin. Les produits arrivent sur le territoire français. Ils stockent. Après ils dispatchent, ils distribuent et ils organisent cette distribution. Pour bien organiser, il faut surveiller, transporter, il faut faire attention que la police ne suive pas… Puis on arrive au consommateur, on récupère l’argent, des petites coupures : 6 milliards et demi en 5 €, 10 €, 20 €, 50 €, rarement 100 ou 200. Et puis cet argent, il faut le blanchir, il faut le faire disparaître, il faut le transformer. Il faut acheter des entreprises, des sacs de luxe, des voitures, des immeubles… On dit qu’ils ont même des banques. Et on a compris cette organisation complexe. Et si vous me dites quelles sont les lignes directrices dans nos propositions que je porte en priorité ? Et bien je dirais que la première ligne directrice est comment rentrer dans cette entreprise pour comprendre comment elle marche. Si on veut détruire ces entreprises de narcotrafic, il faut rentrer dans l’entreprise. Il y a un directeur, il y a des vendeurs, il y a ceux qui approvisionnent des transports… Et derrière, il faut chercher des noms. Qui nous livre les produits? C’est telle entreprise qui les produit, c’est tel transporteur. Il faut comprendre cette entreprise et ensuite il faut rentrer dans l’entreprise. Et là, on fait deux propositions pour bien la comprendre. La première, c’est le repenti. Vous êtes proche du réseau en Colombie, en Espagne, au Maroc, mais vous êtes un des chefs. Vous êtes en haut, vous avez fait du transport, vous faites du blanchiment. Vous avez parfois commis des crimes. Et un jour vous dites « Stop, ça suffit » pour des raisons diverses, parce que votre famille a été touchée, parce que vous avez une conscience, votre niveau de conscience s’éveille et vous dit « ce n’est pas possible, je suis en train d’empoisonner des gamins, de favoriser le crime… ».
Nous voulons renforcer le statut de repenti afin d’obtenir des informations du haut du spectre, à même de permettre aux forces de l’ordre de faire tomber un réseau dans sa globalité.
Et la deuxième chose, c’est ce que nous avons appelé les infiltrés civils. Aujourd’hui en droit, vous êtes policier, on peut vous faire entrer dans un réseau avec une fausse identité mais c’est très compliqué et particulièrement risqué. Il faut créer la confiance. Pour être plus efficace il faut parvenir à obtenir des informations des personnes déjà dans le réseau. Ainsi, quand vous avez repéré un dealer et qu’il est dans le bureau des enquêteurs, il faut avoir la possibilité de lui dire : « Tu risques cinq ans, tu risques dix ans. Mais si tu restes dans le réseau et si tu me dis tout, tu continues ton trafic, tu récupères l’argent, tu achètes de la drogue, tu accueilles, tu surveilles, mais tu nous dis tout. Qui commande? Qui transporte? Où va l’argent? Où la drogue est stockée? D’où elle vient?… » C’est ainsi qu’on obtient des informations de première main à même de faire tomber un réseau.
Et aujourd’hui, ce n’est pas possible si vous êtes policier. Parce que si vous laissez se perpétuer l’infraction, vous pouvez être déclaré comme complice ou même coauteur de l’infraction puisque vous travaillez avec quelqu’un et vous avez un intérêt. En tout cas, la jurisprudence, elle, est très défavorable au policier. Vous pouvez même être suspecté d’incitation à la commission de l’infraction. Et si vous provoquez l’infraction en droit européen, la prévention tombe. Le juge considère que la personne n’était pas tout à fait libre puisque c’est vous qui l’avez instrumentalisée pour la pousser à commettre l’infraction. Donc dans un droit qui est un droit qui fait du libre arbitre l’essentiel de l’intention pénale, vous avez des affaires qui tombent. Et nous avons vu pendant notre commission d’enquête, ce policier jugé à Lyon, François THIERRY, qui était le chef de l’OCRTIS, l’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. L’OCRTIS était le prédécesseur de l’OFAST, office anti-stupéfiants qui favorisé la sortie de prison d’un indicateur qui va faire tomber et permettre de faire tomber un réseau de trafiquants en Espagne. Mais on à un moment de la procédure pénale, un avocat de la défense qui va dire « Attendez quand vous l’avez fait sortir de prison, c’était sur quel motif? » On va juger que ce motif était un motif artificiel, donc faux en écriture publique. C’est un délit jugé à la cour d’assises. Excellemment défendu par notre confrère Francis SZPINER. Il a été acquitté, mais tous les policiers nous ont dit « Écoutez, nous on a des informateurs, on a des indicateurs et c’est extrêmement fragile pour nous. On ne peut pas avoir pleinement recours à eux, on est pieds et mains liés ». Donc, il faut améliorer ce système pour rentrer dans l’entreprise de narcotrafic.
Et puis la deuxième chose, c’est évidemment l’argent. C’est quoi la motivation du narcotrafic ? C’est l’argent, il n’y en a pas d’autre.
Voilà donc l’expression « Il faut taper au portefeuille ». Il faut aller très, très loin.
Et on a prévu notamment ce que l’on appelle l’injonction pour richesse inexpliquée. Vous êtes dans un réseau de narcotrafic, vous avez une famille, vous avez de l’argent en espèces… le cousin. Le tonton. Vous lui avez permis d’acheter un appartement. Il a de l’argent en espèces, 30 000 euros de sacs Hermès, de montres Rolex, par exemple. Vous découvrez cela et en parallèle, les revenus déclarés par ces personnes ne correspondent pas à ce train de vie. C’est à ce moment que vous décidez de recourir à l’injonction pour richesse inexpliquée. On renverse la charge de la preuve et c’est à la personne de justifier comment elle a pu légalement obtenir les moyens lui permettant d’avoir ces richesses et ce train de vie.
Il faut que cette procédure soit rapide. Il y a des biens immobiliers, il y a des entreprises, il y a des biens mobiliers. Il faut aller sur les réseaux de cryptomonnaie, les entreprises de cryptomonnaie pour comprendre les flux. On a les moyens aujourd’hui de le faire. Les moyens techniques, notamment avec l’intelligence artificielle (IA). C’est la deuxième chose qui m’a passionné. Comment saisir cet argent.
Troisième question, est-ce que vous auriez des messages à faire passer, que ce soit aux élus, aux citoyens ou aux jeunes ?
Il y a un message tout simple en dehors du fait que l’on a tous, par des relations familiales, par des relations amicales, l’exemple de jeunes, mais pas seulement, des personnes de 40 ou 50 ans qui ne pourront plus jamais travailler et qui ne pourront jamais fonder une famille, qui ne pourront jamais s’installer dans la vie parce qu’ils ont eu le cerveau détruit par les drogues, notamment les terribles drogues de synthèse. C’est ces images terrifiantes de villes américaines où on a ces cadavres vivants couchés dans la rue. Et donc on a ça, on doit insister fortement sur les terribles conséquences pour la santé que produisent les drogues. Mais il y a pire.
Et le pire pour moi, c’est la dérive d’un pays vers ce que l’on appelle un narco-État, c’est-à-dire un pays dans lequel le narcotrafic a pris une telle importance et qu’il s’est doté d’une puissance et notamment une puissance financière qui est une puissance corruptible. Je peux tout acheter et je peux acheter sans limite. Je peux dire à un docker « Tu déplaces un container et je te donne 100 000 € en espèces ». Quand vous investissez 1 € en Amérique du Sud, vous pouvez faire 100 € à la vente. Cyniquement, on peut dire qu’aujourd’hui, que pour certaines personnes sans morale, il est bien plus rentable d’investir dans le trafic de drogue que d’acheter des titres en bourse. Et donc c’est une puissance énorme. Et cette puissance énorme, elle donne au crime, aux réseaux criminels, les moyens et les capacités, notamment cette capacité collective. Et après? Comme ils sont très puissants, ils peuvent créer des réseaux avec le trafic d’armes, avec le trafic d’êtres humains à travers la Méditerranée, parce qu’ils peuvent investir pour acheter des bateaux, organiser des go fast, la prostitution avec des moyens illimités. Donc ils mettent cela au service du crime. Pour eux, l’argent n’est pas un problème, il est blanchi, cela rapporte. Et c’est là qu’il y a un risque pour une nation. D’abord, elle se gangrène, elle s’affaiblit, elle se pourrit de l’intérieur. Mais surtout, elle donne une puissance à des narcotrafiquants qui peuvent faire pression sur elle, pression sur des juges, pression sur des gardiens de prison, pression sur la police, les policiers qui consultent illégalement des fichiers. Et tout cela est terriblement dangereux.
Donc pour moi, le message que je veux faire passer, c’est ça « Prenez conscience de ce risque. Vous avez fermé les yeux trop longtemps. Je le dis au ministre, il faut expliquer aux Français qu’il y a un risque majeur. La drogue, ça n’est pas quelque chose de « pas si grave et sans conséquence ». Aujourd’hui, on assassine des journalistes, des avocats, on fait pression sur la couronne de Hollande, sur la famille royale. En Espagne. on a arrêté le policier en charge de lutte contre le narcotrafic avec quinze ou 20 millions d’euros cachés dans les murs de son domicile. Il est soupçonné d’avoir été corrompu. Et pourtant, c’est un des patrons de la lutte contre le narcotrafic en Espagne. Il faut le faire comprendre aux politiques, le faire comprendre aux Français, pour changer de paradigme.
Je vous parlais de l’affaire Palmade. Quand on le présente comme un humoriste, je dis que c’est un consommateur qui, en achetant de la drogue, a financé ce système de narcotrafic. Il a permis à des criminels de s’enrichir. Après, il y a ce drame terrible avec cet accident de voiture. Et cette personnalité en vue, elle se livre à une consommation qui le fait complice de trafic. Donc c’est un délinquant. Vous voyez, c’est un criminel. Il faut le présenter comme tel et le dire aux Français. Ce n’est pas un humoriste que l’on juge.
Voilà donc pour moi le message à faire passer, c’est cette prise de conscience des Français, des politiques et de l’Éducation nationale.
Venons sur les étapes marquantes de votre parcours, ce qui vous définit pour mieux vous connaître.
J’ai une famille et j’ai trois frères. Mon père était industriel dans la région lyonnaise. Mon père était très libéral sur le plan économique. Il était catholique, très social. C’était le catholicisme social lyonnais. Du côté de ma mère, c’est une famille beaucoup plus conservatrice et mon grand-père maternel, qui est un personnage extraordinaire et qui était notaire, était un homme d’un autre siècle. Il était plutôt monarchiste. C’est un personnage et je suis né de ce milieu-là. Donc une droite plutôt conservatrice.
Alors les étapes importantes de ma vie, c’est le jour où je vais prêter serment à la cour d’appel de Lyon où je porte une robe d’avocat. Pour moi, cela voulait dire beaucoup. Les premières affaires. J’aime beaucoup les affaires criminelles. J’aime beaucoup plaider au pénal.
Puis ensuite, étape importante, c’est mon élection en tant que maire de Divonne-les-Bains dans l’Ain. C’est là que je commence une vie politique. J’aime Divonne-les-Bains. Pendant 28 ans, j’ai présidé une très grosse communauté de communes sur la frontière franco-suisse. Cela a été passionnant.
Bien sûr, mon élection de député en 2002, le souvenir de la première fois où vous vous exprimez devant l’Assemblée nationale et que vous montez à la tribune avec une émotion. Là, vous prenez une responsabilité, vous amplifiez les responsabilités politiques qui sont les vôtres.
Un sujet passionnant ? C’est avec Laurent WAUQUIEZ, dont j’étais le second. On gagne les élections régionales en 2015, on est élu en 2016, on s’installe en janvier 2016 et on va décider de remettre de l’ordre dans les finances régionales. C’est un sujet la question financière. Tout le monde dit « On n’y arrivera pas ». Nous, on est arrivé de manière très simple. On a dit « Ces dépenses ne sont pas utiles, on arrête et on se réorganise ». Je suis passé de 24 directeurs généraux adjoints à 5. Et en l’espace de trois ans, on aurait fait 300 millions d’économies dans un budget de 2 milliards. On va redonner une puissance financière colossale à cette région auvergnate. Et cela m’a passionné.
Et puis me présenter aux élections municipales de Lyon. J’aurais aimé être maire de Lyon. Je crois que j’aurais pu mieux faire, sans prétention, que les écologistes actuels.
Mais les circonstances ont été telles. Cela a été le confinement. Le vendredi est le jour d’élection et Édouard PHILIPPE annonce qu’on va confiner le lundi. Les Lyonnais ont quitté Lyon et sont partis à la campagne. Quand je regarde les listes d’émargement, j’ai des pages entières qui sont vierges. Les Lyonnais ne sont pas allés voter, ils ont eu peur. Ils sont partis comme dans un grand nombre de villes, comme Bordeaux. Donc cela a été pour moi une grande tristesse de ne pas parvenir à reconquérir Lyon.
Ce que je dis est un peu personnel, mais terminer sa vie sur un échec politique quand on a une vie politique bien remplie, c’est triste. Donc j’ai voulu jouer le challenge du Sénat. J’étais en marge puisque je n’avais pas été investi par les Républicains, donc j’ai gagné un peu contre ma famille politique. Mais je ne regrette pas. J’ai découvert une très belle institution de la République, très belle institution que je regardais avec un peu de défiance quand j’étais député. Mais quand on est au Palais du Luxembourg, on comprend mieux l’importance du Sénat. On se parle, c’est posé, on fait un travail sérieux, sans emportement. La politique, c’est une question de passion. Donc les emportements sont compréhensibles. Mais la politique, c’est aussi une question de pragmatisme. Et ici, on travaille de manière très pragmatique. On vient de le faire sur le narcotrafic et j’ai vraiment beaucoup aimé.
Et puis autrement, un événement personnel le 24 décembre 2023, la naissance de Joséphine qui est ma première petite-fille. Et à ce moment-là, vous pensez « J’ai 70 ans, donc je ne dis pas que vous pensez à l’éternité, mais vous pensez à la transmission, à la succession ». Ce sont des moments merveilleux. Quand pour la première fois, vous prenez votre petite-fille dans vos bras, c’est un moment exceptionnel que je souhaite à tout le monde.
Poursuivons hors les murs du Sénat – La politique s’accompagne-t-elle de passions autres ?
J’ai une passion pour la nature, pour la campagne. J’ai une maison dans le département de l’Ain dans un tout petit village de campagne. Donc j’ai la passion des arbres, je plante des pommiers, des framboisiers… J’adore ça. Je n’ai pas le temps d’entretenir un potager, il est aujourd’hui envahi par les herbes mais le jour où je serai retraité, si cela m’arrive un jour, je m’intéresserai à cela.
J’étais à l’Assemblée nationale le successeur de BRILLAT-SAVARIN. Vous avez des députés qui n’ont pas de chance et qui sont les successeurs de SAINT-JUST, de ROBESPIERRE, ils n’osent pas le dire.
Quand vous êtes le successeur de BRILLAT-SAVARIN, tout le monde vous aime. Donc je suis bien sûr passionné de gastronomie, de cuisine parce que je suis profondément physiocrates. Je n’aime pas les constructions politiques abstraites. C’est pour cela que je ne crois pas aux révolutions. Je crois que l’on transmet, on modifie une société, on l’adapte. Mais de temps en temps, il faut revenir aux réalités.
J’aime aussi beaucoup la chasse. Mais la vraie où vous êtes vraiment immergé dans la nature. Donc j’aime les chiens, mais je suis physiocrates, profondément physiocrates, je crois à la réalité physique. Et je pense que quand vous vous éloignez de ces réalités physiques, vous vous éloignez des réalités du monde, vous devenez un idéologue et à un moment ou à un autre, vous vous trompez parce que vous construisez quelque chose qui ne s’appuie pas sur des réalités. Et la première des réalités, c’est la réalité de la nature. Je crois au droit naturel et derrière cette nature, il y a des réalités humaines. Si vous n’êtes pas ancré dans ces réalités, vous êtes déshumanisé. Et je pense qu’aujourd’hui en politique française, on a des courants politiques qui se déshumanisent faute de comprendre les réalités du monde. Et je trouve qu’au Sénat, c’est une assemblée qui s’ancre dans une histoire française, une territorialité, les communes, les départements. Dans cette longue histoire qui fait qu’on est moins idéologue que ne le sont nos collègues de l’Assemblée nationale.
Un remerciement appuyé de me recevoir au Sénat pour un éclairage sur le sujet fort du narcotarfic en attendant le prochain rendez-vous gouvernemental fixé au 28 janvier 2025 ! Et de partager qui vous êtes hors les murs du Sénat. Un entretien passionnant et agréable (en date du 14 janvier 2025, matinée).
... L’après-midi, j’étais avec Monsieur Jérôme DURAIN, sénateur de Saône-et-Loire, président du Rapport Narcotrafic, en interview au Sénat. Une lecture instructive.

M. Étienne BLANC Sénateur du Rhône (Auvergne-Rhône-Alpes) en interview au Sénat sur le Rapport Narcotrafic avec Miss Konfidentielle, journaliste © Miss Konfidentielle
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