Je suis avec Monsieur Jérôme DURAIN, sénateur de Saône-et-Loire (Bourgogne-Franche-Comté), Vice-Président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, et membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
En matinée, j’étais au Sénat avec M. Etienne BLANC, sénateur du Rhône et rapporteur sur le Rapport Narcotrafic. Et l’après-midi, j’étais avec M. Jérôme DURAIN, président du Rapport Narcotrafic. Chacun a sa vision sur la lutte contre le narcotrafic.
Le mercredi 22 janvier 2025, la commission des lois du Sénat adopte la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et les élus adoptent la proposition de loi organique visant à créer le Pnaco, parquet national anticriminalité organisée.
A partir du mardi 28 janvier 2025 les deux textes seront examinés en séance publique. Un sujet majeur du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Justice 2025.
Bonjour Monsieur le sénateur. Bonjour Madame. Première question : quelle est votre contribution au rapport narcotrafic ?
Une contribution directe puisque j’étais président de la commission d’enquête.
A la genèse du rapport, j’avais fait un déplacement à Marseille avec Marie-Arlette CARLOTTI qui est sénatrice des Bouches-du-Rhône et qui est désormais Questeure du Sénat. Elle souhaitait rencontrer un certain nombre d’acteurs à Marseille sur les questions de lutte contre le narcotrafic.
Et je crois qu’à la faveur de ce déplacement, elle a découvert des choses qu’elle-même ne connaissait pas et elle a déposé une première demande de commission d’enquête avec deux autres parlementaires marseillais de gauche. À l’époque, c’était Guy BENARROCHE et Jérémy BACCHI.
La majorité sénatoriale n’a pas souhaité s’associer à cette première partie de l’année 2023. La majorité sénatoriale Les Républicains a redéposé une demande, une commission d’enquêtes sur le même thème. Et c’est cette commission d’enquête qui a prospéré. Et comme la présidence revient au premier groupe d’opposition auquel j’appartiens puisque je suis parlementaire socialiste, j’ai eu la présidence de cette commission d’enquête. Je m’occupe pour mon groupe des questions de sécurité au sein de la commission des lois dont je suis Vice-Président, et donc la présidence m’est revenue.
Quelles lignes directrices du rapport portez-vous en priorité ?
La première ligne, c’est de poser des mots sur l’état de la menace.
Ce que notre commission d’enquête a réussi à faire et à diffuser dans l’espace public, dans le débat public. De souligner la gravité de la situation et des circonstances de la menace du narcotrafic qui pèse directement sur les intérêts fondamentaux de la nation. Un lourd poids. Et je pense qu’il faut continuer à dire quelle est la situation chaque jour pour que tout le monde prenne conscience de la gravité des choses.
La seconde ligne, c’est la question du blanchiment.
C’est à dire que tous les sujets renvoient à l’argent parce que c’est une question d’argent. C’est un business criminel, une économie criminelle qui est organisée autour du profit. Les organisations criminelles sont dépositaires de moyens illimités et on n’arrivera pas à entraver ce crime sans s’attaquer aux avoirs criminels des narcotrafiquants.
Donc ce sujet est central et il détermine en cascade tout le reste de la capacité d’agir. On parle aujourd’hui des prisons avec les propositions de GÉRALD DARMANIN. En fait, il n’y a pas de problème spécifique en prison. Le problème, c’est l’argent qui permet à ceux qui sont en prison d’activer des activités criminelles, des actes de barbarie commandités, des meurtres pilotés.
Et la troisième ligne directrice est le miroir du constat partagé de la menace, la nécessité d’une meilleure organisation, comme on l’a fait sur le terrorisme.
C’est une formule que j’avais utilisé assez tôt dans la commission d’enquête et qui a prospéré depuis, et c’est tant mieux.
On n’est pas suffisamment structurés collectivement et on a de bons professionnels à tous les étages : les policiers, les douaniers, les magistrats, les gendarmes, évidemment.
Mais on voit que l’on a une insuffisante coordination, avec plus particulièrement un défaut de transmission de l’information. Cela n’est pas l’essentiel, mais malgré tout on a des concurrences entre services ou en tout cas une méconnaissance de ce que fait l’autre. Donc il faut que l’on soit beaucoup plus solides. Ce sont les premières mesures que nous proposons.
Donc, je pense que ces trois priorités sont essentielles pour comprendre ce que l’on veut faire.
Très bien. Avez-vous des messages autres à faire passer alors que le prochain rendez-vous du gouvernement sur la lutte contre le narcotrafic est daté du mardi 28 janvier 2025 ?
Le premier point, je pense qu’il faut agir, il faut agir fermement.
Donc il ne faut pas se brider dans ce que l’on a envie de faire pour lutter contre le narcotrafic. Et comme il est de rigueur, on a souvent des services juridiques qui tempèrent un peu. Je pense qu’il faut que l’on soit un peu créatifs.
Le second point est qu’il ne faut pas faire n’importe quoi dans le champ des libertés publiques parce qu’il faut que ce soit acceptable. Et la fermeté républicaine doit s’accompagner d’un respect scrupuleux des règles de l’État de droit. Cela me paraît essentiel.
Je pense en troisième point qu’il est urgent de discerner plus finement les narcotrafiquants. Les criminels ne sont pas les consommateurs. J’entends des discours qui criminalisent les criminels réels comme les consommateurs de drogue. Cela n’est pas la même chose. Je pense qu’il faut que l’on clarifie un peu le sujet pour que ce soit acceptable, pour que ce soit juste et pour que ce soit davantage efficace. Donc il faut qu’on soit précis sur le genre sur cette question.
Si vous aviez à vous définir pour mieux vous connaître, que diriez-vous ?
Je me suis toujours senti un médiateur. Et il y a des pilotes.
Je pense que je suis plus dans une fonction de représentation parlementaire.
Je trouve parfaitement ma place parce que c’est ce que je sais bien faire, c’est à dire écouter ce que les gens ont à dire et puis essayer de le transformer pour que ça aille dans le sens des attentes.
J’ai une vision très personnelle et je ne m’efface pas devant la parole des citoyens que je représente. Mais je pense que c’est extrêmement important d’entendre le besoin de la société, des citoyens. Et je suis très attaché à la question de la qualité de la représentation démocratique du débat démocratique, que je trouve très altérée.
Donc, ce sujet de la représentation efficace, honnête, scrupuleuse, est pour moi prioritaire.
A vous écouter, vous êtes parfaitement à votre place.
Je suis tout à fait à ma place et notamment dans une démarche du type de la commission d’enquête, parce que je pense que je suis un animateur.
Je suis président de groupe dans ma collectivité. J’ai été longtemps responsable du parti politique qui est le mien dans mon département. J’étais délégué de classe en sixième sans avoir été candidat. Donc cela vient de loin et je me sens à l’aise dans ces fonctions.
Dernière question hors les murs du Sénat – Qu’est-ce qui vous anime ?
Je suis un passionné de montagne. Dès que j’ai un peu de temps, je pars faire de la randonnée. De l’alpinisme. C’est la bouffée d’oxygène qui me permet de conduire mes autres activités en ayant le sentiment d’être bien aligné. Et c’est vraiment pour moi une nécessité. Donc je pratique depuis une trentaine d’années.
Vous avez un souvenir particulier ?
J’ai un petit niveau d’alpinisme. C’est plutôt en France et en Europe, dans le massif alpin. En revanche, j’ai quelques souvenirs émus d’escalade en Californie avec un site que j’apprécie tout particulièrement. Donc je suis effectivement désireux d’y retourner poser mes chaussons d’escalade un de ces jours.
Je vous remercie d’avoir pris le soin de me recevoir. Notre échange était fort instructif et agréable.
En souhaitant que sécurité et justice avancent davantage ensemble et durablement pour mieux lutter contre le narcotrafic, narcobanditisme, narcoterrorisme en France. Un enjeu sociétal.
(l’interview est datée du 14 janvier 2025, après-midi)

Jérôme DURAIN – Sénateur de Saône-et-Loire (Bourgogne-Franche-Comté) en interview au Sénat sur le Rapport Narcotrafic avec Miss Konfidentielle, journaliste sécurité-défense-justice © Miss Konfidentielle
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