Une excellente rencontre à la caserne Tournon nichée au cœur du quartier Saint-Germain à Paris avec le général de division Jean-Pierre GESNOT, commandant de la gendarmerie pour les réserves et la jeunesse (CRJ).
Nous sommes au commandement de la gendarmerie pour les réserves et la jeunesse et c’est la première fois que je m’entretiens avec le général de division Jean-Pierre GESNOT dans le cadre d’une interview puisque j’ai eu l’honneur d’interviewer les commandants précédents :
– le général Didier FORTIN, commandant aux réserves de la gendarmerie et secrétaire général de la réserve citoyenne (juin 2021-septembre 2023)
– le général Olivier KIM, commandant aux réserves de la gendarmerie et secrétaire général de la réserve citoyenne (août 2018-juin 2021)
– la générale Anne FOUGERAT, commandante et déléguée aux réserves (août 2017-août 2018).
Bonjour général,
Tout d’abord, quelle rétrospective des actions menées depuis votre prise de fonction ?
J’ai pris mes fonctions le 1ᵉʳ septembre 2023 au commandement des réserves et de la jeunesse.
Donc cela fait globalement une année et demie maintenant que j’ai pris la suite du général Didier FORTIN qui avait déjà fait beaucoup de choses pour la réserve, lui-même ayant pris la suite du général Olivier KIM, qui avait lui aussi été un commandant de la réserve très engagé.
J’ai pris des thématiques qui étaient déjà travaillées auparavant et que j’ai à mon niveau essayé de poursuivre, de finaliser au regard des contraintes.
A partir du moment où j’ai pris le commandement des réserves, l’échéance principale qui s’est tout de suite imposée était les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.
Les Jeux olympiques et paralympiques se déroulaient à Paris et sur certains sites de province. Je dirais que cela était le premier dossier d’importance que le commandement des réserves et de la jeunesse a eu à connaître en liaison avec les régions qui sont celles qui ont organisées la manœuvre de la réserve de manière opérationnelle.
Au CRJ, nous avons défini les règles d’emploi, la répartition des budgets. On a accompagné les régions qui commandent les réservistes qui travaillent à leur profit au niveau local. On a constitué des compagnies de marche qui sont montées de la province vers Paris avec des militaires d’active et des militaires de réserve. Et puis finalement, au bout du bout, la réserve a été tout à fait au rendez-vous des attentes, que ce soit encore une fois sur les missions qu’elle a l’habitude de faire localement, comme celles qu’elle a pu faire de manière plus « exceptionnelle » dans le cadre des Jeux Olympiques.
Donc la réserve opérationnelle a été très engagée sur ce premier dossier. C’était pour le CRJ un moment important.

GDI Jean-Pierre GESNOT en déplacement sur le dispositif GN des JOP2024 © Thomas Gillardin
Un autre dossier important est la montée en puissance de la réserve qui était le fil rouge de l’action de mes prédécesseurs.
L’objectif à l’horizon 2030 est d’atteindre 50 000 réservistes. A l’heure où je vous parle, début 2025, on est à 36 700. C’est bien. En 2024, ce sont 3 200 réservistes recrutés et formés dans les régions l’année dernière, ce qui est quand même un chiffre très important.
Et puis nous avons un peu plus de 250 réservistes opérationnels spécialistes recrutés dans des domaines de spécialités particulières pour remplir les missions de plus en plus nombreuses de la réserve.

Opération POSEIDON – Des réservistes opérationnels de la Gendarmerie nationale
En quoi consistent les modalités de recrutement, d’emploi et de gestion des réservistes de la Gendarmerie nationale ?
Le principe de la réserve est de donner le temps que l’on a de disponible au service des autres, au service de la nation.
Concrètement on a des gens qui sont très disponibles, d’autres qui le sont un peu moins. On prend la disponibilité de tout le monde. Donc plus on a de réservistes, plus on est en capacité de faire face à ces manœuvres d’ampleur comme les Jeux olympiques, et comme auparavant la Coupe du monde de rugby.
Au regard du contexte international actuel, la gendarmerie nationale, armée de défense du territoire, va engager sa réserve opérationnelle pour protéger notamment nos points d’importance vitale tout en continuant à assurer nos missions du quotidien de lutte contre la délinquance et de protection des populations. Avec cet objectif de montée en puissance à 50 000 réservistes, nous recrutons !
Nos réservistes sont un maillon important de la Gendarmerie nationale.
On a ce qu’on appelle des Ab initio c’est-à-dire des citoyens, des étudiants, des fonctionnaires, des employés du secteur privé qui décident de nous donner une partie de leur temps libre et que l’on forme dans des préparations militaires.
Et puis une autre partie est composée d’anciens de l’arme qui souhaitent, quand ils ont quitté l’institution, continuer à servir la gendarmerie. L’objectif recherché pour nous aujourd’hui est d’avoir 60 % de Ab initio et 40 % d’anciens militaires de l’armée. On n’en est pas très loin.
Les profils de candidatures de nos réservistes sont jeunes et j’observe de plus en plus des recrutements qui vont jusqu’à 45 ans. La moyenne d’âge au recrutement est autour de 25 ans. On peut être formé à la préparation militaire gendarmerie (PMG) jusqu’à 45 ans et même un peu au-delà dès lors que l’on a élevé plusieurs enfants. On peut servir dans la réserve depuis la Loi de programmation militaire 2024-2030 jusqu’à 72 ans. Les missions sont différentes, bien évidemment avec l’âge qui avance. Mais il y a des missions que l’on peut encore assurer avec un âge assez avancé. Je pense notamment à tout ce qui est du domaine de la formation et des métiers d’expertise en matière numérique-cyber.
L’idée, c’est de créer un parcours de formation tout au long de la carrière du réserviste qui sera jalonné par plusieurs étapes.
Des points sont-ils à améliorer pour une meilleure intégration des réservistes ?
La réserve reçoit énormément de dossiers de candidatures issus du monde civil. Là où on doit travailler, c’est sur le processus d’intégration de ces candidatures.
Les écoles de gendarmerie sont à flux tendu pour former les officiers et les sous-officiers d’active ne peuvent pas former des réservistes dans leurs murs.
Je me suis particulièrement investi depuis ma prise de fonction sur la formation des réservistes. J’ai voulu revoir le dispositif de formation initiale qui n’était pas toujours mis en œuvre de la même manière sur le territoire national. Donc, on a réuni un groupe de travail et les régions étaient représentées pour proposer une formation initiale qui soit un peu plus uniforme.
Et on a abouti à la conclusion d’avoir deux blocs : un premier bloc de quinze jours et un second bloc d’une semaine à exercer dans un délai de 18 mois ce qui permet de recevoir le « jeune » réserviste formé avec un peu d’expérience quelques jours et de lui rappeler un certain nombre de fondamentaux. La formation initiale et complémentaire, cela reste un vrai sujet.

Formation à la police de la route au camp de réservistes opérationnels de Beynes

Séance de tir sous l’encadrement de moniteurs d’intervention professionnelle (MIP)
Si on donne beaucoup de missions aux réservistes, si on les engage sur des missions de plus en plus nombreuses c’est parce qu’il en va de la sécurité de nos concitoyens et de la crédibilité de la réserve. Cela est très important.
Avec les régions, on est arrivé à concevoir un dispositif de formation initiale, à le revoir pour une mise en œuvre au premier trimestre 2025 dans les préparations militaires gendarmerie, selon le nouveau format de formation que nous avons défini.
Les Assises de la Réserve citoyenne 2024 : comment avez-vous vécu ce moment ?
Le point d’orgue de l’année 2024 a été la présentation de cette nouvelle politique que l’on a fait le 10 décembre aux Assises de la Réserve citoyenne qui se sont déroulées à l’université Paris Panthéon-Assas.
Près de 600 réservistes sur nos 2200 sont venus. On a pu exposer cette nouvelle politique et échanger avec eux. Le général d’armée Hubert Bonneau, Directeur général de Gendarmerie nationale est intervenu.
Cela a été un beau succès et on se propose de le reconduire tous les deux ans parce que ce moment a vraiment répondu aux attentes de nos réservistes citoyens.

2e Assises de la réserve citoyenne de la Gendarmerie nationale, 10 décembre 2024, sous l’autorité du GDI Jean-Pierre GESNOT © GEND/SIRPA

Arrivée aux 2e Assises de la Réserve Citoyenne (2024). En présence le GDI Jean-Pierre GESNOT, Commandant du CRJ
Voilà sur une année écoulée, quelles étaient les principales thématiques que j’ai eues à gérer avec mon équipe au CRJ dans les régions et les départements.
Je souhaite poursuivre avec une mise en lumière du projet des cadets de la gendarmerie.
Le projet des cadets est bien antérieur à mon arrivée.
On avait historiquement deux associations de cadets qui étaient l’Isère et la Haute-Savoie. L’Isère, c’est le début des années 2000, la Haute-Savoie dix ans plus tard.
Depuis les associations de cadets se sont globalement multipliées. A tel point qu’aujourd’hui on compte 106 associations de cadets : une par département métropolitain, et puis également sur les territoires et départements d’outre-mer. Exceptés Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, on a des classes de cadets partout.

Cadets de la Gendarmerie nationale
Aujourd’hui, nos classes de cadets s’appuient sur le service national universel (SNU) puisqu’on recrute la majorité de nos jeunes parmi ceux qui ont fait le séjour de cohésion. Les classes de cadets étaient ce qu’on appelle une mission d’intérêt général, la seconde phase du service universel. J’ignore ce que deviendra le SNU dans les années qui viennent, mais j’ai une certitude, c’est que les cadets vivront au-delà du SNU.
Comment se structurent les associations de cadets ?
On a choisi pour nos associations la loi 1901. Donc il y a un président de l’association qui est un réserviste citoyen le plus souvent et qui effectue sa sélection de cadets avec les membres de l’association. La gendarmerie est associée bien souvent sur décision de l’association. Dans ce cadre on accompagne l’association permettant à des réservistes opérationnels d’encadrer les activités. Les associations sont tout à fait libres de faire ce qu’elles veulent tout en respectant les contraintes d’organisation. Donc cela marche très bien.
On forme 2500 cadets par an et à des coûts très modiques pour l’Institution puisque les associations s’autofinancent quasi intégralement avec du mécénat. Néanmoins chaque année, j’octroie à toutes les associations de cadets une enveloppe financière prise sur le budget du CRJ. Donc concrètement, c’est un beau produit pour la gendarmerie dans la continuité de la volonté d’engagement au travers du service national universel, de la cohésion. Il fait découvrir la gendarmerie, et nous accompagnons des candidats potentiels à la réserve et aux concours de la gendarmerie. Et donc on commence aujourd’hui à avoir beaucoup de réservistes, de sous-officiers et des élèves officiers qui sont d’anciens cadets.
On essaie d’organiser un événement qui permettra de célébrer le 10 000ᵉ cadet. On espère qu’en 2025, on aura cette possibilité avec l’idée de réunir des jeunes cadets issus de toute la France.
Votre parcours est d’une expérience riche et je vous invite à la partager avec une prise de hauteur : des origines à aujourd’hui
Alors deux points pour commencer : je suis d’origine ardennaise – la partie la plus au nord. De l’autre côté de la frontière, on a les Ardennes belges. Et je vais probablement vous surprendre puisque je suis le premier de ma famille à être gendarme.
Donc j’ai grandi sur le territoire ardennais puis je suis parti faire des études de droit à Reims. J’y ai fait des études juridiques, j’ai décroché une maîtrise de droit suivi d’une année de gestion avant de faire le service national.
Le service national, je l’ai effectué en gendarmerie et j’ai un souvenir fort d’avoir fait partie de la première classe d’officier de réserve de la gendarmerie le 28 novembre 1990.
Donc d’une certaine manière, on peut penser que mon affectation au commandement de la réserve en 2023 est peut-être un juste retour de l’histoire. Cela me permet de boucler la boucle puisque le jeune officier de réserve que j’étais est d’abord resté à la réserve pendant un temps à l’encadrement des officiers de réserve, ce qui m’a permis de voir passer trois ou quatre promotions d’officiers de réserve, puis de vivre d’autres expériences au sein de l’institution gendarmerie. Beaucoup d’officiers sont aujourd’hui conseillers à la réserve dans les groupements et donc reviennent me parler du temps où on était effectivement à Melun. Ces moments sont très agréables.
Les expériences autres que la réserve de la gendarmerie : comment les décrire ?
J’ai fait dérouler le parcours classique d’un officier de gendarmerie. En gendarmerie mobile : J’ai commandé un peloton puis un escadron. J’ai commandé une compagnie en Bourgogne.
Après, j’ai fait beaucoup de Relations Humaines dans ma carrière. J’ai un parcours RH assez diversifié. J’ai été à la fois gestionnaire, officier et j’ai fait du juridique statutaire.
J’ai commandé mon groupement en Seine-Maritime qui est une expérience magnifique. Le groupement, comme pour tous les officiers, c’est un moment fort de ma carrière avec un très beau département, très vaste où il y a beaucoup d’activités.
Retour en RH où j’ai été chargé de mission du DRH, puis j’ai commandé le bureau du personnel Officier. J’ai été gestionnaire, officier pendant deux ans, puis j’ai commandé la gendarmerie des transports aériens, la GTA, et cela a été vraiment été un moment que j’ai beaucoup apprécié. Les transports aériens est une gendarmerie spécialisée qui travaille sur les aéroports. Si vous ne la connaissez pas, je vous invite à rencontrer son chef actuel, le général Philippe MIRABAUD, qui pourra bien vous en parler, mais comme je pourrais vous en parler aussi. C’était un moment très intéressant parce c’est une gendarmerie spécialisée qui est rattachée à la DGA budgétairement, mais qui travaille exclusivement au profit d’une autorité qui est la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC. Il s’agit d’une mission interministérielle en gendarmerie. J’ai découvert le monde de l’aviation civile qui est un monde passionnant. Et je pense que l’on ne se doute pas du trésor de technologie et d’engagement que cela représente pour les ingénieurs et tous ceux qui participent à l’écosystème de l’aérien. Je n’y suis resté que trois ans parce que c’était dans mon mandat. J’aurais facilement fait une quatrième, voire une cinquième année.
Pendant ces trois années où j’ai pu commander la GTA et c’était en pleine période COVID donc pendant 10 à 15 mois. Orly a fermé et j’ai rencontré des gendarmes spécialisés, très engagés. On a vraiment une variété de spécialités très importante : des maîtres-chiens en passant par les pilotes. La GTA est encore assez méconnue alors que l’on a dans le domaine de la sûreté aérienne de véritables experts. C’est vraiment une très belle gendarmerie spécialisée.
Après, je suis revenu à la DRH puisque finalement la DRH m’a rattrapée pendant une année. Et me voici en 2023 à la tête du CRJ. Aujourd’hui avec vous.
Vous avez une échéance : l’âge de la retraite à 60 ans. Comment envisagez-vous la suite ?
J’ai vu défiler ma carrière en gendarmerie comme un souffle. En fait, je ne l’ai pas vu passer.
J’ai l’impression que ma sortie d’école en 1995 était hier. Quels que soient les métiers que j’ai pu exercer, que ce soit en état-major ou bien dans le domaine opérationnel, je ne me suis jamais ennuyé ne serait-ce qu’un instant en gendarmerie.
Je ne saurais trop conseiller à celles ou ceux qui veulent s’engager de le faire. La gendarmerie permet de changer d’affectations et d’apprendre de nouveaux métiers régulièrement. Quand on arrive dans le domaine aérien et qu’on n’y connaît pas grand-chose, il y a un ticket d’entrée, forcément. Et c’est cela qui fait le sel du métier. Cela passe par la formation.
Souhaitez-vous poursuivre votre engagement en gendarmerie à l’été 2028 ?
J’aimerais avoir la chance d’exercer quelques responsabilités de commandement ou d’expertise dans un domaine qui pourra m’être confié.
Et si vous avez du temps, quelles passions vous anime hors les murs de la gendarmerie ?
J’aimerais reprendre sérieusement le cyclisme. Je suis un fana du vélo ! En 2017, j’ai subi deux blessures et j’ai perdu l’usage d’un bras le temps d’une année.
J’aime les voyages et j’aimerais retourner aux États-Unis 20 ans après.
Je suis beaucoup allé en outre-mer, mon épouse beaucoup moins et je pense que l’emmener visiter certains départements et territoires d’outre-mer que j’ai pu visiter serait bien.
A la retraite, on est maître de son temps. Une retraite, cela se prépare, cela s’anticipe.
Donc peut-être le projet d’écrire un livre ? Un livre, pourquoi pas.
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