Le 31 juillet 2025 marque celui du départ du GBA Christophe MICHEL de sa fonction de dIrecteur du BEA-É, le Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité aéronautique de l’État, situé sur la base aérienne 107 Villacoublay commandé par le colonel Pierre CORNETTO.
Pour les curieux : les interviews précédentes vous permettront de suivre l’évolution du BEA-É. Cela permet de prendre une prise de hauteur intéressante.
Bonjour général,
Tout d’abord, quel est votre RETEX du BEA-É au salon du Bourget 2025 ?
Le salon du Bourget ou SIAE 2025 pour le BEA-É a été, j’allais dire traditionnellement, l’occasion de mettre en place une équipe d’astreinte et d’alerte.
Le directeur adjoint, le colonel Laurent LE GOFF, le développera à l’issue, sachant que cette équipe est habituellement mise en place en cas d’accident aérien, de façon à pouvoir enquêter dans les meilleurs délais. Je n’en dis pas plus.
Ce qu’il y a eu de nouveau pour nous en matière de retour d’expérience, c’est la tenue d’un stand durant les trois journées publiques, donc vendredi, samedi et dimanche. Un stand qui nous a permis de faire la publicité de nos métiers, de notre mission, de la plus-value que l’on apporte dans nos rapports d’enquête au bénéfice de l’aéronautique d’État. Ce stand a été tenu par du personnel du BEA-É à tour de rôle, qui m’ont tous dit de façon soit individuelle, soit collégiale, qu’il y avait eu une forte affluence, je ne vais pas dire record, mais une affluence assez exceptionnelle sur ce stand.
Ils ont pu rencontrer un public intéressé, curieux et avec des questions très pertinentes, notamment autour des enregistreurs de vol, ce que l’on nomme les boîtes noires (qui sont oranges en réalité), qui ont suscité de nombreuses questions telles que : À quoi ça sert ? Comment ça marche ? Pourquoi celle-ci est différente de l’autre ? On a ainsi eu une réelle chance de pouvoir interagir avec la population.
Si mes chiffres sont bons, je crois que durant les journées publiques, il y a eu 80 000 personnes par jour. Je n’ai pas la prétention de dire que nous avons rencontré quotidiennement 80 000 personnes, mais néanmoins, l’affluence était très élevée pour une première.

SIAE 2025, Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace à Paris Le Bourget – Stand du BEA-É © BEA-É, LTN Lucas Pierron
Alors à quoi contribue cette opération de communication ?
Elle contribue à faire connaître nos métiers, notre mission, mais aussi, cela contribue à susciter des vocations, tant dans les emplois de personnel civil que l’on a chez nous que dans l’appel à la réserve. Nous nous appuyons sur les réservistes du BEA-É qui nous permettent d’avoir plus de rayonnement d’un point de vue régional. De Nancy à Toulouse, en passant par Cognac, ils diffusent l’esprit « sécurité aérienne » du BEA-E et font au besoin, partie intégrante d’une équipe d’enquête. .
Nous avons au BEA-É plusieurs postes de personnel civil, dont un qui est tenu par un ingénieur motoriste qui travaillait avant chez Airbus et ce poste, un jour ou l’autre, se libèrera.
Comment différencier le BEA-É et le BEA : la question a-t-elle été posée sur le Salon du Bourget ?
Absolument ! On a vraiment eu affaire à des gens curieux qui voulaient savoir ce que l’on faisait et pourquoi on mettait BEA-É avec un É et non pas un BEA tout court. Nous l’avons expliqué.
Nous avons eu des questions sur l’accident d’Air India qui s’était produit la semaine d’avant et qui n’était pas de notre ressort. Donc cela illustre bien la différence de responsabilité que l’on peut avoir avec le BEA.
Pour conclure sur le Salon du Bourget, j’ai la faiblesse de penser que l’on a passé un excellent moment, chaudement accueilli par un public curieux. C’est vrai, il a fait très chaud sur le tarmac, mais néanmoins, à renouveler dans deux ans lors du prochain salon du Bourget.
Je me tourne vers le colonel de gendarmerie Laurent Le GOFF pour parler de ce côté opérationnel. Qu’est-ce qui motive avant tout votre présence sur place aux côtés du BEA ?
Je suis le directeur adjoint du Bureau enquêtes accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État et j’ai pris mes fonctions le 15 janvier dernier aux côtés du général Christophe Michel.
Le BEA-É était impliqué bien en amont de la préparation du salon du Bourget, Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace (SIAE), qui est un événement majeur. C’était la 55ème édition cette année et nous avons été associés dès le temps de la planification, puisque l’on a un officier chargé de projets inclus dans l’ensemble des réunions préparatoires. Et le but pour le BEA-É est d’être effectivement totalement intégré dans le PCO, le poste de commandement opérationnel, en synergie totale avec le BEA et conjointement avec tout ce qui est direction des vols et planification des vols.
Donc nous avions tous les jours la présence de deux personnels de l’unité avec une répartition des responsabilités entre le BEA et le BEA-É sur les différentes démonstrations aériennes qui étaient conduites à l’occasion de ce salon. L’intérêt pour nous, c’est d’être effectivement informés en temps réel de ce qui se passe, afin d’avoir un petit temps d’anticipation. Nous avions l’ensemble de nos matériels qui étaient pré-positionnés sur place grâce, là encore une fois, à l’accueil du BEA. Puis la capacité à réagir à tout incident aérien ou accident qui, fort heureusement et on s’en félicite tous, ne se sont pas produits au cours de ce salon. Nos enquêteurs qui étaient présents du matin au soir sur le salon ont également participé durant les journées publiques à la communication via le stand que le général vient d’évoquer.
Et donc c’est une 55ème édition qui est pour nous une réussite en tous points et encore une fois, sans événement aérien à gérer, ce qui est le meilleur des résultats pour nous.
Que dire du métier d’EPI, d’enquêteur de première information ?
Nous avons reçu sur notre stand beaucoup de jeunes qui sont intéressés par le métier d’enquêteur de première information.
Le métier d’EPI est à la fois aéronautique et celui d’un enquêteur. C’est ce qui, je pense, attire.
On a la chance, dans cette unité unique et atypique, d’avoir à la fois une casquette effectivement très aéronautique, totalement intégrée auprès de l’ensemble de ce que l’on appelle les autorités d’emploi de l’aéronautique d’État. Pour les citer : les trois armées, la DGA, la gendarmerie nationale, la sécurité civile, la douane et la police nationale. Et puis dans cette unité on a la chance d’avoir la casquette d’enquêteur qui est passionnante pour tous les personnels qui servent au sein de notre unité.
Je peux témoigner de ce métier passionnant pour avoir participé à une journée de formation avec les EPI sur la BA107 en 2021 alors que le général Jérôme RABIER était le directeur du BEA-É, le colonel Emmanuel SILLON son adjoint. Le souvenir aussi d’avoir publié l’interview émouvante du général Jérôme RABIER le 31 août 2021 que je cite « Aujourd’hui, je quitte mon poste de directeur du BEA–É mais également l’institution militaire. C’est donc l’occasion, je pense, de m’exprimer à la fois auprès de ceux qui me connaissent et de tous ceux qui n’ont pas encore pris connaissance des missions du BEA–É. »
Je reviens vers le général Christophe MICHEL. Le Salon du Bourget est un lieu stratégique pour signer des protocoles.
On a pu aussi, lors du SIAE, mettre en lumière la signature de trois protocoles que l’on a passés.
Le premier protocole a été signé avec l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA, ou en anglais EASA) dont le siège est à Cologne. Ce protocole permet de mettre sur le papier les processus de travail et d’échanges entre eux et nous. Cela peut paraître étonnant. L’EASA est une agence civile, donc on pense tout de suite aviation commerciale et aviation générale, mais pas du tout. Nous sommes aussi compétents sur des aéronefs d’État régis par une réglementation civile potentiellement. Je pense notamment aux avions et aux aéronefs qui sont loués en l’occurrence. Donc on a établi ce protocole avec le directeur de l’EASA, Monsieur Florian GUILLERMET, et on l’a signé au Salon du Bourget.

Salon du Bourget 2025 – Signature du protocole BEA-É (GBA Christophe MICHEL) et EASA (Florian Guillermet) © BEA-É, LTN Lucas Pierron
Non content d’en avoir fait un, on en a fait un second, celui-là, avec Monsieur Richard THUMMEL la Direction de la Sécurité et de l’Aviation Civile, la DSAC qui relève de la DGAC et dans le même ordre d’idées. Là aussi, pour pouvoir caler les méthodes de travail avec eux dès lors que nos recommandations sont dans le domaine de la réglementation civile, on a passé ce protocole de façon à pouvoir mieux travailler entre nous et que ce soit fluide, surtout au niveau des points de contact et des sujets communs d’intérêts. Donc dans le même ordre d’idée que l’EASA, si ce n’est que c’est au niveau national.

SIAE 2025 – Signature du protocole BEA-É (GBA Christophe MICHEL) et DSAC (Richard THUMMEL) © BEA-É, LTN Lucas Pierron
Enfin, le dernier protocole est beaucoup plus technique. On l’a passé avec Monsieur Bruno SAINJON de l’Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales, l’ONERA. On est dans le champ technique parce que sur certaines enquêtes, on a besoin d’une expertise particulière de pointe. Je pense notamment aux matériaux composites, à la modélisation du flux d’un rotor, etc. Cela s’est fait récemment. Donc on sollicite l’ONERA et on a besoin à nouveau de caler le comment, le qui fait quoi, qui contacte qui et quelle est la forme contractuelle que doit prendre cette sollicitation de notre part au regard de nos attentes.

SIAE 2025 – Signature du protocole BEA-É (GBA Christophe MICHEL) et ONERA (Bruno SAINJON) © BEA-É, LTN Lucas Pierron
Voilà donc trois protocoles signés mardi après-midi.
Général, ensuite, quel est votre RETEX de la fête nationale, du 14 juillet 2025 pour le BEA-É ?
Le 14 juillet 2025, trois militaires du BEA-É ont été directement engagés dans le défilé. Tout d’abord à pieds, un officier de l’Armement a défilé dans le bloc DGA sur les Champs-Élysées. Puis en vol, le directeur adjoint y a participé à bord d’un hélicoptère de la Gendarmerie Nationale et enfin, un officier pilote de chasse du BEA-E a assuré une alerte au sol dans un Mirage 2000D au cas où il aurait fallu remplacer un pilote titulaire du défilé aérien.
Donc, le BEA-É a été d’une certaine façon représenté dans le défilé du 14 juillet parisien ce qui met en lumière nos personnels, bien qu’affectés chez nous, ils restent avant tout militaires et je trouve cela assez intéressant en matière de message. De manière plus large, nous nous efforçons de rester au contact des entités aéronautiques de l’Etat. Bien connaitre les missions des autorités d’emploi est la meilleure façon de formuler des recommandations de sécurité pertinentes. C’est pour cette raison que les pilotes affectés au BEA-E continue à voler, les contrôleurs contrôlent, et que tous, toutes spécialités confondues, vont passer des temps d’immersion dans les unités opérationnelles.
Général, enfin, nous sommes le 31 juillet 2025, et ce jour est important puisque vous quittez vos fonctions.
Le 1ᵉʳ août, donc demain, je quitterai mes fonctions de directeur du BEA-É. Le Général Jean Paul Besse prendra ses fonctions à la même date et je lui souhaite la meilleure réussite possible. Je pars avec un sentiment de fierté, celui d’avoir eu l’opportunité de diriger des femmes et des hommes passionnés par leur travail, convaincus du bien-fondé des enquêtes qu’ils mènent afin d’améliorer la sécurité aérienne, et experts de haut niveau chacun dans leur domaine de compétences. Après ces deux années passées au BEA-E, je quitte la direction de ce service à compétence nationale avec la conviction de la plus-value de sa contribution dans l’amélioration permanente de la sécurité aérienne. Lorsque j’étais en escadron de chasse, nous avions coutume de dire que « La sécurité aérienne est l’affaire de tous » : le poste de Directeur du BEA-E est au cœur de la sécurité de l’aéronautique d’Etat.
Le colonel Jean-Paul BESSE, qui sera général au 1ᵉʳ août, prendra les mêmes fonctions que moi à la suite.
Je me tourne vers le colonel Laurent Le GOFF
Pour la première fois, le séminaire, cette année, a été fait au sein des infrastructures de la Direction générale de la Gendarmerie nationale, DGGN. C’était une première et c’est bien d’aller voir les autres autorités d’emploi.
Effectivement, tous les ans, le BEA-E fait un bilan de l’année précédente. Durant ce bilan, des sujets prospectifs sont abordés à travers des tables rondes et des témoignages de personnalités de haut niveau. Le bilan de 2025 sera réalisé début 2026. La date sortira quand elle sera un peu plus consolidée, mais je peux déjà dire que nous serons accueillis par le ministère de l’Intérieur au titre de la sécurité civile qui fait partie des aéronefs sur lesquels on peut enquêter au besoin.
Lieutenant Lucas PIERRON, un petit mot de communication ?
Effectivement, sur le salon du Bourget, ce que je voulais ajouter, c’est que cela a été un vrai challenge pour le Bureau parce que c’était une grande première au-delà du salon.
Le BEA-É est un bureau indépendant, donc cela s’est aussi reflété dans la préparation du salon travaillé en totale indépendance, même si cela a été fait en bonne organisation avec le SIAE.
Au-delà de cela, il y a eu toute une préparation de nos équipes et je pense qu’effectivement, les gens étaient très contents de rencontrer des vrais enquêteurs et de savoir sur quoi ils avaient travaillé. Cela les a beaucoup intéressés et c’est une expérience que j’espère, voir se renouveler dans deux ans.