Bonjour Stéphane,
Nous sommes à la DCIS aujourd’hui à Nanterre et nous sommes dans votre bureau. Je vous remercie pour l’invitation sachant votre agenda contraint. Le 16 décembre 2024 ouvre le Colloque annuel de la DCIS rassemblant les Attachés de sécurité intérieure (ASI) de la France.
La DCIS, c’est quoi ? « La DCIS est la Direction de la Coopération Internationale de Sécurité. C’est une Direction centrale qui est placée sous l’autorité du directeur général de la Police nationale et du directeur général de la Gendarmerie nationale » précise Mme Sophie HATT, directrice de la DCIS dans son interview publiée le 04 mai 2023.
Quelle est votre feuille de route de chef de la Division des partenariats à la DCIS ?
Avant de vous définir ma feuille de route, dans un premier temps, je vais vous expliquer qui on est.
La division des partenariats est une division assez composite qui est organisée autour de deux grands bureaux :
– un bureau des stages internationaux et de la coopération thématique,
– un bureau des partenariats entreprises et réseaux.
Au sein du Bureau des stages internationaux et de la coopération thématique, on va trouver quatre métiers différents :
Le premier métier, c’est l’organisation des scolarités pour des commissaires de police, des officiers et des sous-officiers étrangers en France, au sein des structures de la gendarmerie et de la police nationale. On va y trouver des scolarités à l’Académie militaire de la gendarmerie nationale et des scolarités au sein de l’École Nationale Supérieure de la Police, au niveau de la police nationale.
Le deuxième métier, c’est l’organisation de stages thématiques au profit de partenaires étrangers qui viennent se former sur différentes thématiques françaises qui vont du maintien de l’ordre à l’intervention spécialisée au sein du GIGN ou du RAID, en passant par le pilote drone, la lutte contre la fraude documentaire… et depuis deux ans au sein de la Sécurité civile en gestion de crise interministérielle, en gestion des feux de forêts, chef de colonne…
Le troisième métier c’est l’organisation de visites de haut niveau en France de partenaires étrangers sur les thématiques de la sécurité routière et de la gouvernance.
Le quatrième métier de ce bureau est l’accompagnement des services de sécurité intérieure dans le montage et la gestion de projet internationaux de lutte contre les trafics de stupéfiants financés par le fonds de concours Drogue géré par la MILDECA qui est la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
Au sein du Bureau des partenariats entreprises et réseaux, on va trouver trois métiers :
Un premier métier qui est le soutien à l’export des solutions techniques françaises de sécurité intérieure et de sécurité civile (travail en articulation avec la DEPSA du ministère de l’Intérieur). On soutient les sociétés du privé vers nos partenaires institutionnels des pays avec lesquels nos services de sécurité intérieure coopèrent. Ce rôle de facilitateur exclut toute forme de participation à une négociation commerciale et s’inscrit dans le respect des règles de la concurrence.
Deuxième métier, c’est le conseil / assistance sécuritaire aux directions sûreté des grandes entreprises françaises qui ont soit des intérêts à l’étranger, soit qui projettent des voyageurs d’affaires à l’étranger.
Le troisième métier de cette division est la gestion de deux réseaux d’influence. RESOPOLIS qui est un réseau des attachés de sécurité intérieure et officiers de liaison étrangers en poste en France, auquel on va faire découvrir notre Institution, le ministère de l’Intérieur, dans toutes ses composantes, de façon à favoriser ensuite la coopération opérationnelle entre les services des forces de sécurité intérieure de ces pays et la France.
Le deuxième réseau est FRANCOPOL qui est une association de droit canadien. C’est le réseau international francophone de formation policière qui compte des centaines de membres, onze comités techniques sur des thématiques comme les violences faites aux femmes, le maintien de l’ordre…
Sophie Hatt, directrice de la coopération internationale de sécurité, est présidente de ces deux associations. Voilà rapidement dressé le tableau de la division des partenariats.
Quand j’ai pris mes fonctions de chef de la Division des partenariats à la DCIS, j’ai trouvé une situation très intéressante et je me suis donné quelques pistes de travail pour dresser ma feuille de route.
Cela a été dans un premier temps un travail de modernisation avec un élargissement du catalogue des actions de formation qui étaient proposées. Nous proposons à nos partenaires institutionnels tout un ensemble de formations très intéressantes, sur un spectre très large. Mais nous avions des demandes de l’étranger pour développer de nouvelles formations qui correspondaient à des nouveaux besoins. Je pense au stage de télépilote de drone par exemple que nous n’avions pas au catalogue. Avec la gendarmerie nationale, nous avons travaillé sur la mise en place d’un cursus de formation à l’Enseignement militaire supérieur du deuxième degré (EMS 2), qui est, en quelque sorte un équivalent École de guerre pour les étrangers. Nous avons mis en place une formation dédiée aux officiers étrangers avec lesquels la gendarmerie française pourrait être amenée à développer des interactions futures.
Le deuxième temps portait sur l’optimisation et l’organisation des actions de formation et des scolarités. Nous avions des process de sélection qui étaient très lourds, très exigeants, très compliqués à mettre en œuvre par la DCIS et ses services de sécurité intérieure, en particulier. Nous avons travaillé sur ces process en lien avec les académies de police et de gendarmerie, de façon à fluidifier la sélection tout en gardant des candidats de très bon niveau pour les formations d’officiers et de commissaires.
Le troisième temps a été d’optimiser l’accompagnement des services de sécurité intérieure dans le montage des projets MILDECA. Nos process étaient quelque peu compliqués. Donc nous avons œuvré avec l’ensemble de nos partenaires (SSI, OFAST, OFAC, MILDECA) afin de présenter de meilleurs projets pour pouvoir bénéficier de fonds et être en pleine concordance avec les besoins.
Le point suivant portait sur la partie partenariat entreprises, que ce soit en SOUTEX ou en conseils / assistances sécuritaires aux directions sûreté. Nous avons recherché des nouveaux partenaires et réactivé d’anciens contacts, notamment à cause de la période du Covid. Nous avons progressivement repris contact avec l’Agora des Entreprises, le Club des directeurs sûreté des entreprises, par exemple. Nous nous sommes diversifiés en créant des synergies avec certains clusters d’entreprises ou pôles de compétitivité.
Nous nous sommes également investis dans le groupe de travail export cyber mis en place par le Secrétariat général pour l’innovation du cabinet du Premier ministre. Nous faisons désormais partie intégrante de ce GT. Nous nous sommes efforcés de développer notre champ d’actions en matière de partenariat avec les entreprises. Après, nous avons porté un effort sur la communication. J’interviens assez régulièrement au profit de différents groupes. Nous nous rendons et participons régulièrement aux réunions, AG, tables rondes de nos partenaires afin de maintenir un contact direct avec leurs adhérents, avec les sociétés, avec les directeurs sûreté et autres, de telle sorte qu’ils sachent ce que l’on fait. Nous travaillons actuellement sur la mise en place d’un événement au profit des membres du CDSE, portant sur la gestion des crises cyber internationales. Nous y inviterons des experts du MI, du MEAE et du monde civil de l’entreprise autour de tables rondes thématiques en lien avec ce que peuvent vivre les entreprises à l’étranger.
Nous avons également recherché de nouveaux modes d’accompagnement des entreprises françaises de sécurité intérieure et civile en matière de SOUTEX (soutien à l’export). Nous avons développé, en lien avec Business France et BPI, les « journées acheteurs », plus communément appelées French Security Days ou French Cyber Days en fonction des thématiques. Nous avons vraiment porté un effort sur ce mode d’accompagnement des entreprises à l’étranger, alors que, traditionnellement, l’accompagnement se faisait dans le cadre des grands salons internationaux (Milipol, Eurosatory, FIC, Expodefensa, Intersec, etc). Sur un grand salon international, il y a tellement de monde que nous pouvons difficilement effectuer un travail ciblé sur les besoins des partenaires institutionnels et les demandes d’ouverture de marchés internationaux des sociétés françaises. A contrario, dans le cadre des FSD / FCD, nous partons des besoins ou demandes des partenaires étrangers, auxquels nous faisons correspondre des entreprises françaises, qui, pour la plupart, ont déjà été éprouvées sur le marché national français de la sécurité intérieure ou civile.
Si vous deviez choisir les grands marqueurs de votre parcours professionnel, quels seraient-ils ?
En premier lieu, je penserais à ma bascule de l’armée de Terre vers la Gendarmerie nationale, ce qui a constitué un changement radical, parfois surprenant.
Quand j’étais à l’école d’officier (École militaire interarmes – EMIA), et que je me projetais à dix ans, je voyais un horizon assez bouché en termes de commandements. Et quand on est officier, on n’est pas là pour uniquement effectuer un travail de bureau. On est surtout là pour commander des hommes. Et donc cela s’est bien vérifié puisque beaucoup de mes camarades de promotion de l’armée de Terre n’ont pas commandé de compagnie de combat. En gendarmerie, on commande à tous les étages, à tous les grades. Voilà le pourquoi du changement d’Armée, du changement d’Institution.
Le deuxième grand marqueur a été mon premier commandement en Gendarmerie, en tant que jeune lieutenant, dans une unité de gendarmerie mobile. J’étais habitué à une certaine population au sein de l’armée de Terre. Et là, j’ai découvert une population en gendarmerie mobile qui fonctionnait comme une petite fourmilière. On avait à peine fini de donner des ordres, voire même souvent on n’avait même pas encore fini de les donner, que la fourmilière se mettait en marche. C’était une mécanique de combat qui m’a fasciné dès que je suis arrivé en gendarmerie mobile.
Où était-ce ?
J’étais à l’escadron 13/6 de gendarmerie mobile de Narbonne et je commandais le peloton d’intervention.
Le troisième marqueur a été mon passage au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (CNEFG) en tant qu’instructeur à la division Intervention professionnelle où là, j’ai vraiment découvert l’international, puisque le CNEFG avait tout comme aujourd’hui une très forte orientation internationale. Et là, j’ai goûté à l’international, aux premières missions à l’étranger sur une zone pour laquelle j’ai un tropisme assez marqué.
Laquelle ?
Il s’agit de la zone post-soviétique puisque je suis russophone. Et cela m’a vraiment donné goût à l’international.
Le dernier grand marqueur a été mon affectation dans le service de la sécurité intérieure de la DCIS en Russie avec une compétence sur l’Asie centrale. Ce fut une expérience des plus enrichissantes.
Et votre expérience sur des théâtres de guerre ?
Je dirais trois temps forts qui donnent une saveur un peu particulière à une carrière d’officier de Gendarmerie.
Ce sont trois projections sur trois théâtres de guerre :
– en Géorgie, au sein de la mission européenne EUMM d’observateurs du respect des accords de cessez-le-feu pendant la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008,
– en Afghanistan, en 2011, lors de ma projection au sein de la mission OTAN ISAF en qualité de chef du cours des commandants de compagnie de l’ANCOP sur le RLC de Mazar-e-Sharif, bien évidemment,
– enfin en Ukraine au printemps 2022, lorsque j’ai y remplacé l’ASI en poste pour une durée déterminée.
Je pense que ce sont des marqueurs assez forts parce que, dans une carrière d’officier de gendarmerie, je ne pense pas que l’on soit projeté aussi souvent sur des théâtres de guerre, dans des missions aussi intenses.
Je vous sens passionné et épanoui. C’est formidable. Quelle prise de hauteur prenez-vous aujourd’hui sur votre parcours professionnel et personnel ?
J’ai eu la chance de rentrer dans une Institution qui m’a fait vivre des choses merveilleuses et qui va m’en faire vivre encore.
J’ai eu la chance de m’épanouir, mais j’ai aussi, et c’est le revers de la médaille, été beaucoup absent de chez moi.
Donc le moteur de ma vie aujourd’hui, c’est vraiment ma famille.
Mon épouse, qui est une femme merveilleuse, et mes enfants, que j’admire tous les jours et que j’essaie d’accompagner maintenant au plus près dans leur développement. D’ailleurs, le jour où je serai à la retraite, j’accélérerai le mouvement sur les voyages en famille avec des destinations prioritaires.
Lesquelles ?
Je rêve de voyager en Écosse, de découvrir notamment les vieux châteaux écossais. Ce pays me fascine. Et puis de vivre des choses que je n’ai pas pu faire pendant la période Covid avec mon épouse comme une traversée de la Russie en Transsibérien parce que je veux absolument ou une expédition dans le Grand nord et l’Extrême-Orient russe.
Après, j’aimerais aller vers des pays que je connais un peu moins. J’aimerais visiter le Japon, pas le Japon de Tokyo, mais plutôt le Japon un peu reculé, et puis la Corée du Sud. J’ai beaucoup lu sur ces pays parce que j’aime lire, et je souhaite voir sur place, ce qui s’y passe, ce qu’on y mange et ce qu’on y écoute. Après j’aimerais bien aller en Australie, mais je ne sais pas si mon épouse sera très heureuse parce qu’il y a beaucoup de bestioles !
Je la comprends.
J’aime beaucoup voyager en ayant été projeté aussi souvent et aussi loin. Il est vrai qu’en gendarmerie mobile aussi, on est projeté très loin de ses bases, donc cela donne un goût pour la découverte d’autres cultures, coutumes, cuisines, musiques…
Tout un programme en perspective ! Les voyages forment la jeunesse dit-on. Donc je vous souhaite des merveilleux voyages à vivre en famille et vous remercie pour notre entretien fort sympathique !
Note importante : il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article sur un autre support.