Nous sommes à la Garde nationale nichée au sein de l’École militaire à Paris et j’ai la joie de m’entretenir avec la générale Karine LEJEUNE, Secrétaire générale adjointe de la Garde nationale (SGGN), Secrétaire générale adjointe du conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM).
Un café sympathique informel un jour de printemps ensoleillé qui fait suite au PDSF2025 où j’avais pris le soin de participer à la table ronde animée par Catherine BOURDES-FAURY, Commissaire générale, Haute fonctionnaire à l’égalité des droits, Directrice de projet Mixité, au ministère des Armées sur la thématique Défense et sécurité : quelle (s) stratégie (s) pour le leadership féminin ?
Bonjour Karine,
Tout d’abord, quelles sont vos missions à la Garde nationale ?
J’ai rejoint la Garde nationale le 1ᵉʳ septembre 2024. Lors de mon passage au cabinet du ministre des Armées, comme conseillère gendarmerie, j’ai eu l’opportunité de suivre le sujet des réserves, notamment la réserve opérationnelle gendarmerie qui est une réserve militaire, et qui fait partie des dix composantes que labellise la Garde nationale.
La mission principale du Secrétariat général de la Garde nationale (SGGN) est de promouvoir l’engagement citoyen au sein des réserves opérationnelles du ministère des Armées et du ministère de l’Intérieur (pour la police et la gendarmerie), notamment en facilitant l’employabilité des réservistes par des signatures de conventions de partenariat.
Ces conventions avec les employeurs des réservistes leur permettent de réaliser des jours de réserve sur leur temps d’activité professionnelle, avec maintien total ou partiel de leur rémuneration. Cette mission est assumée par le SGGN depuis 2016 suite aux attentats qui avaient endeuillé la France. A noter que depuis sa création, la Garde nationale a signé près de 1 300 conventions de partenariats, dont près des deux tiers ont été passées avec des entreprises privées, qu’elles soient de petite ou de très grande taille.
Tous secteurs confondus ?
Tous secteurs confondus. Depuis 2022, le travail prospectif de la Garde nationale s’est recentré notamment sur des secteurs économiques qui apportent une manne particulière aux armées, directions et services. Ainsi, nous ciblons plutôt des entreprises qui sont sur des domaines de souveraineté: la logistique, l’énergie, les transports, l’alimentation,
les nouvelles technologies, l’Intelligence Artificielle, la santé…
Nous travaillons tout particulièrement ces filières professionnelles pour que les réservistes qui vont rejoindre les rangs des armées, de la police, de la gendarmerie aient des technicités, des compétences utiles si l’on devait rentrer en période de crise plus intense. Ils pourraient ainsi venir soutenir les forces de sécurité intérieure ou les forces armées.
Quelles sont vos actualités en 2025 ?
Les actualités du moment sont les annonces réitérées du président de la République en début d’année sur l’appel aux citoyens pour venir renforcer la défense et la sécurité de notre pays dans un contexte géopolitique qui est extrêmement mouvant.
La volonté affichée en 2022, de multiplier par deux les réserves opérationnelles, se retrouve à nouveau confortée par cet appel à tous les citoyens sur un engagement tous azimuts au profit du pays, notamment vis-à-vis des réserves opérationnelles. Nous sommes donc rentrés depuis quelques semaines dans l’accompagnement de cet appel citoyen et de la montée à nouveau rapide du nombre de candidatures.
Après les attentats en 2016, nous avions eu un volonté très forte d’engagement de la population, notamment des plus jeunes qui avaient fait des démarches vers les forces armées et les forces de sécurité intérieure.
En 2025, nous retrouvons cet élan citoyen, avec depuis le mois de janvier une augmentation assez significative du nombre de candidatures.
Nous assumons donc la mission, à la fois d’expliquer comment fonctionne le système des réserves opérationnelles, mais aussi celle d’accompagner les réservistes pour leur assurer cette triple conciliation d’une vie personnelle et d’une double vie professionnelle dans le monde civil et dans le monde militaire.
La campagne est-elle déployée aussi en outre-mer ?
Nous sommes naturellement très vigilants et très sensibles à mailler l’intégralité du territoire national, donc métropolitain, et également ultra marin. Nous avons des correspondants de la Garde nationale sur certains territoires d’outre-mer.
A ce propos, la Garde nationale espère très prochainement pouvoir se déplacer sur les départements et territoires d’outre-mer pour signer des conventions, dynamiser et expliquer que les réserves opérationnelles ont un intérêt tout particulier sur ces territoires.
La Garde nationale a t-elle un objectif à l’horizon 2030 ?
L’objectif qui a été fixé par le président de la République de doubler les réserves opérationnelles a été décliné ensuite, à la fois par la Gendarmerie nationale et par le chef d’état-major des armées, pour arriver à un réserviste pour deux militaires d’active.
Il y a une question que l’on me pose souvent et qui est de savoir l’âge limite pour intégrer la réserve.
Dans les réserves militaires, il est possible de servir de 17 à 72 ans.
Pour la Police nationale, qui a intégré la Garde nationale en 2022, l’engagement s’effectue entre 18 et 67 ans.
Pour ce qui est des réserves militaires, cette barrière de 72 ans a beaucoup marqué les esprits. Mais il y a une petite subtilité: lorsqu’on accueille des personnels qui ont déjà un passé militaire ou une expérience militaire, ou s’ils postulent pour une réserve de spécialistes, ils peuvent intégrer la réserve opérationnelle à n’importe quel moment, jusqu’à 72 ans. Par contre, pour les gens qui arrivent du monde civil et qui n’ont aucune expérience du monde militaire, ils doivent bénéficier d’une formation militaire initiale qui se réalise entre 17 et 45 ans.
Merci pour toutes les précieuses informations.. Est-ce qu’il y a des projets supplémentaires que vous pourriez évoquer ?
Les projets que porte la Garde nationale s’inscrivent dans cette volonté exprimée par le président de la République lors de ses vœux en janvier de créer une “réserve de professionnels”.
Nous avons donc un travail important à mener avec les différentes composantes de la Garde nationale pour bien identifier leurs besoins opérationnels et y faire correspondre l’engagement du citoyen. On parlait des départements et collectivités d’outre-mer, ces besoins doivent aussi pouvoir y être pris en compte.
On peut prendre l’exemple de Mayotte.
Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, les Antilles ont des dispositifs de réserve très proactifs.
La Garde nationale est par ailleurs en charge des Journées nationales des réservistes qui ont lieu chaque année au mois d’octobre. Nous sommes en cours de réflexion pour faire vivre ces journées nationales des réservistes de façon un peu différente sur les différents territoires.
C’est le moment de nous entretenir plus avant sur votre parcours.
Pourquoi le choix de la gendarmerie ?
Je dirais que je suis comme Obélix, je suis tombée toute petite dans la marmite de la gendarmerie puisque je suis la quatrième génération de gendarmes. Mon père, mes deux grands-pères et mon arrière-grand-père étaient tous sous-officiers de gendarmerie.
Après mes études de droit, j’ai repris le flambeau, presque par hasard, puisque quand je suis rentrée à la fac de droit, je n’avais pas du tout envisagée la gendarmerie. C’est pendant mes études que j’ai pris conscience que ce milieu qui m’avait toujours portée serait une belle perspective professionnelle.
Après avoir été toute mon enfance spectatrice de ce monde, il était temps pour moi d’en être une actrice. C’est la raison pour laquelle, à la fin de la faculté de droit, j’ai demandé à faire mon service national comme officière de réserve dans la gendarmerie. Puis, j’ai passé le concours d’entrée à l’École des Officiers de la Gendarmerie Nationale. C’était il y a déjà 25 ans.
Comment vivez-vous l’expérience de la Garde nationale ?
La Garde nationale a cette dualité, à la fois ministère des Armées et ministère de l’Intérieur, très renrichissante.
Elle permet de travailler en lien direct avec huit composantes de réserves opérationnelles telles que l’Armée de Terre, la Marine nationale, l’Armée de l’Air et de l’Espace, mais aussi des services qui assurent le soutien de nos armées : le service de santé des armées, le service des infrastructures de défense ou la Direction générale de l’armement (DGA).
Depuis 2022, les collègues de la Police nationale qui ont créé leur réserve opérationnelle ont rejoint également la Garde nationale.
Ainsi, nous avons au sein du secrétariat général de la Garde nationale des gendarmes et des policiers qui travaillent directement avec les camarades des armées pour assurer ce continuum sécurité-défense.
Dans les médias, vous avez été interviewée par Léa Salamé. Ça se vit comment, une expérience comme celle-là ?
C’était une expérience incroyable parce que je commandais le Groupement de gendarmerie départemental de l’Essonne, quand un matin, j’ai été contactée par l’équipe de Léa Salamé qui m’a proposé d’apparaître dans la série de podcasts Femmes puissantes (France Inter). Ce qui est quand même déjà en soi quelque chose d’assez extraordinaire car je ne me qualifie pas de femme puissante.
Je n’avais jamais rencontré Léa Salamé. Le jour J, je l’ai accueillie spontanément au portail du groupement de gendarmerie départemental de l’Essonne. Elle est descendue d’une voiture, elle a mis en « on » l’enregistrement et on est parti comme ça, sur une discussion assez informelle. Finalement on oublie très vite le micro et le fait que la rencontre soit enregistrée.
J’en garde un excellent souvenir, à la fois du podcast, mais aussi du fait que j’ai eu la très grande chance que l’entretien soit repris dans son livre et que nous organisions dans ce cadre avec le SIRPA une seconde rencontre pour faire une petite video de promotion. C’était une expérience incroyable. Je revois encore tous les gendarmes que l’on a croisés pour monter depuis le rez-de-chaussée du groupement dans mon bureau, qui ouvraient des grands yeux en disant : « Mais, c’est Léa Salamé, qu’est-ce qu’elle fait là avec la commandante de groupement ? » C’était à la fois surréaliste, très chaleureux et d’un abord facile. Un très beau moment.
Avez-vous des messages à faire passer aux lecteurs ?
Je dirais que j’ai deux messages.
Le premier tient à ma casquette de secrétaire générale adjointe de la Garde nationale. Le président de la République a rappelé le contexte dans lequel nous vivons actuellement, les menaces qui peuvent peser, ou en tout cas la vigilance que nous devons avoir vis-à-vis de la protection et de la défense de notre pays. L’appel que je porte est celui de la Garde nationale sur l’engagement citoyen au profit des réserves opérationnelles, quelles qu’elles soient, du ministère des Armées ou du ministère de l’Intérieur. Donc, que les jeunes et les moins jeunes n’hésitent pas à venir mettre leurs compétences, leur énergie et leur engagement républicain au profit des réserves opérationnelles pour la protection de notre pays.
Le deuxième message que j’aimerais faire passer est plus personnel. Il est de dire aux jeunes générations, jeunes filles et jeunes garçons:
N’hésitez pas à vous engager dans la protection de votre pays. N’hésitez pas à rejoindre les rangs de la gendarmerie, que vous soyez un homme ou que vous soyez une femme.
Plus spécifiquement pour les jeunes femmes: osez venir server dans ces métiers. On fait des magnifiques carrières en gendarmerie. Vous y trouverez votre place, vous y trouverez à vous épanouir. Ne vous dites pas : « Ce n’est peut-être pas pour moi, c’est peut-être un métier comme ci ou comme ça. ». dépassez les préjugés: Venez, osez ! Prenez votre place, toute votre place ! Vous verrez que vous pourrez vivre des expériences très valorisantes et vous sentir utile.
Peut-être que je peux mentionner les Cadets de la gendarmerie.
Les Cadets est un très beau dispositive. Il permet dès l’âge de 15 ans de découvrir les valeurs de la République, et l’esprit de cohésion et de défense qui sont aussi portées par les réserves opérationnelles, la connaissance de ce que sont les enjeux de protection et de défense de notre pays.
Donc, oui, c’est un dispositif très important pour assurer cette cohésion nationale et ce lien entre les forces de gendarmerie et les citoyens, notamment les plus jeunes.
On finit l’entretien avec la question plus personnelle que sont vos loisirs et passions ?
Depuis de nombreuses années maintenant, nous avons acheté avec mon mari, une ruine dans le sud de la France, que l’on retape.
Cela nous prend beaucoup de temps, beaucoup d’énergie. On est parti d’une maison où il n’y avait quasiment plus de toit, quatre murs et un sol en terre battue. Pas à pas, depuis près de 10 ans, nous restaurons cette maison en vieilles pierres. Le projet est passionnant.
J’ai beaucoup appris et je suis une vraie bricoleuse. Comme nos deux garçons grandissent, cela nous permet de les intégrer dans ce projet familial. Il nous reste encore quelques années de travaux à faire.
Est-ce que vous pouvez déjà y séjourner ?
On a commencé depuis deux ou trois ans à y vivre. La maison reste encore un peu spartiate, c’est la rusticité militaire qui s’applique. En tout cas, c’est un gros projet que l’on a mis en route et que l’on mène familialement. C’est important.
Un remerciement Karine pour ce moment spontané, agréable autour d’un café. A bientôt pour d’autres actualités ! Je vous quitte et rejoins les écuries de l’École militaire que j’aime tant visiter.

Écuries, École militaire © Miss Konfidentielle