Le 23 janvier 2025 se tenait le Colloque de l’armée de l’Air et de l’Espace sur le thème majeur SOUVERAINETÉ AÉRIENNE ET MAÎTRISE AÉRIENNE. Le colloque était organisé par le Centre d’études stratégiques aérospatiales ou CESA dirigé par le général de brigade aérienne Jean-Patrice LE SAINT. Nous étions à l’École militaire à Paris à l’amphithéâtre FOCH. Un événement marquant pour la souveraineté de l’État français. Les partenaires de l’AAE, publics et privés, étaient attentifs aux constats, enjeux et perpectives avancés. Excellente lecture du programme du colloque et de mon Retex qui vous apportera un éclairage pertinent de ce qu’il faut retenir.
QUEL PROGRAMME DU COLLOQUE DE L’ARMÉE DE L’AIR ET DE L’ESPACE « SOUVERAINETÉ AÉRIENNE ET MAÎTRISE DE L’ESPACE ?
14h30 – Ouverture par Monsieur Jean-Michel JACQUES,
Député du Morbihan, président de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale.
14h45 – Table ronde n°1 « De l’importance de la supériorité aérienne »
Modérateur : Monsieur Elie TENENBAUM, directeur du Centre des études de sécurité près l’Institut français des relations internationales (Ifri)
Les intervenants :
– Lieutenant-colonel Adrien GORREMANS, chercheur détaché près l’Ifri ; d’études stratégiques (GMES) et Madame Heather PENEY, Senior Fellow près le Mitchell Institute – Enseignements stratégiques des conflits modernes
– Général de division aérienne Vincent CHUSSEAU, sous-chef plans-programmes de l’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace
16h30 – Table ronde n°2 « La conquête de la Très Haute Altitude, un critère de supériorité »
Modérateur : Colonel Jérôme CLECH, titulaire de la chaire « stratégies aérienne et spatiale appliquées » du centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA)
Les intervenants :
– Monsieur Franck LEFEVRE, directeur technique général près l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) et Monsieur Nicolas MULTAN, directeur général d’HEMERIA
18h30 Table ronde n°3 « L’Espace : opportunités pour l’AAE et facteurs de supériorité »
Modérateur : Lieutenant Anne MAURIN, doctorante du Centre d’études stratégiques aérospatiales
Les intervenants :
Général (2S) Philippe Steininger, conseiller militaire du Président du Centre national d’études spatiales (CNES)
Monsieur Joseph HENROTIN, rédacteur en chef du magazine Défense et sécurité Internationale (DSI)
Général de division aérienne Philippe ADAM, commandant de l’espace
20h00 : Clôture réalisée par le général de corps aérien Philippe MORALÈS, major général de l’armée de l’Air et de l’Espace (MGAAE)

Colloque de l’armée de l’Air et de l’Espace le 23 janvier 2025 organisé par le CESA sur la supériorité aérienne et la maîtrise de l’espace
LE RETEX SUR LE DISCOURS DE CLÔTURE DU COLLOQUE DE L’ARMÉE DE L’AIR ET DE L’ESPACE « SUPÉRIORITÉ AÉRIENNE ET MAÎTRISE DE L’ESPACE », LE 23 JANVIER 2025
Le discours de clôture est passionnant et en cela je vous adresse les points clefs
que je retiens :
Les 3 tables rondes et les échanges associés au colloque de l’AAE donnent corps à ce qui était un concept, et que l’AAE opérationnalise aujourd’hui à savoir un continuum de la 3D, du sol à l’espace en passant par l’atmosphère, THA comprise.
Quel constat de la 3D ? Du sol à l’orbite géostationnaire, la 3D est un champ de bataille.
Forts de ce constat, l’AAE pose les questions :
- Comment s’organise-t-on ?
- Comment prioriser des ressources comptées (RH, format des flottes, budgets) ?
L’important est de faire sans cesse un effort d’analyse et de savoir se remettre en question. Le CESA, Centre d’études stratégiques aérospatiales, anime le réseau de pensée stratégique de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Colloque de l’armée de l’Air et de l’Espace le 23 janvier 2025 organisé par le CESA
La supériorité aérienne
Tout d’abord, je rappelle des 2 principes fondamentaux de la puissance militaire aérospatiale. Le premier est la supériorité aérienne, le second est le déni d’accès.
L’actualité invite à la réflexion sur 2 cas d’école :
- la guerre aérienne des Russes en Ukraine,
- le raid israélien en Iran en octobre 2024
La guerre en Ukraine permet de constater une absence de supériorité́ aérienne durablement établie. L’avance actuelle de l’OTAN et de l’AAE en termes de savoir-faire opérationnel, de C2, par rapport à l’aviation russe dans la maitrise de la 3D doit être préservée.
Elle nécessite de s’interroger sur une nécessaire augmentation de la masse humaine et matérielle dans le cas d’un engagement futur de haute intensité.
Mickael KOFMAN, chercheur américain, expliquait que « La puissance aérienne
constitue l’un des principaux avantages de l’Occident, à condition que la supériorité
aérienne soit établie et maintenue ».
La guerre en Ukraine permet aussi de constater des contre-performances russes dans la 3D. Ces contre-performances sont le résultat d’une absence de coordination de patrouille, d’une incapacité à monter des opérations aériennes complexes, d’un manque d’intégration entre systèmes sol-air et chasseurs, et le faible niveau de subsidiarité et d’autonomie des unités.
Ces contre-performances russes dans la 3D sont des opportunités à exploiter.
Pour se faire, l’AAE a besoin de manœuvrer dans la 3D, pouvoir contrer les dispositifs de déni d’accès (type batteries sol-air S400). Il est impératif de retrouver des capacités de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD).
C’est aussi ce que montre le raid israélien du 25 octobre 2024, à savoir la combinaison des moyens et des effets dont la SEAD. Les dispositifs de déni d’accès ne sont ni infranchissables ni indestructibles.
Depuis le raid, on peut penser que le régime iranien est atone et ne peut riposter.
La destruction de leur système de défense aérienne intégré expose donc les Iraniens.
Ce que je retiens de cette partie est que l’AAE a un effort capacitaire à renouveler.
Elle sait regarder ce qu’elle possède et elle sait capitaliser et communiquer sur ses forces, en particulier sur le savoir-faire exceptionnel en termes de combat aérien de HI, et sa réelle interopérabilité avec les alliés – partenaires notamment F-35.
Les prépa ops prouve le savoir-faire de l’AAE au quotidien dans les escadrons de combat, qui n’ont jamais renoncé à l’entraînement à la HI, et qui en maîtrisent donc les fondamentaux.
L’exercice ORION est essentiel, il permet de s’entraîner en interarmées, à la guerre.
Enfin si on regarde vers le futur, la décennie 2030, parmi les grands déterminants technologiques du combat aérien je vois :
- Toujours la capacité à dégrader les défenses aériennes adverse (SEAD),
- Mais aussi concernant notre C2, nos moyens de ciblage et de frappe, Notre capacité à
combiner logique d’excellence et logique de saturation. Avec une attention forte sur la
soutenabilité économique de nos modèles, - Nous devons enfin considérer la question de la supériorité aérienne, pas uniquement
de manière offensive, mais au contraire selon une dialectique :
AVANT (capacité à percer) / ARRIERE (capacité à durer).
Avec en termes défensifs des capacités à construire, des organisations à repenser en termes de résilience, en particulier dans le bas du spectre face aux frappes de saturation, notamment par des vecteurs dronisés ou préprogrammés.
Un coup de projecteur sur la THA : la Très Haute Altitude
La Très Haute Altitude (THA ou HAO pour Higher Airspace Operations) désigne la zone
comprise entre l’espace aérien et le début de la zone orbitale.
Il est important de savoir que la THA fonde la notion de continuum de la 3D.
Elle est la couche des adhérences physiques mais aussi opérationnelles et stratégiques
avec l’espace. Et comme l’espace, la THA est un appui déterminant pour les opérations :
observation, télécom, écoute, liaison de données tactique et navigation.
La THA complète l’espace en apportant une réactivité accrue, des capacités
additionnelles, nouvelles ou redondantes, en apportant des capacités additionnelles,
nouvelles ou redondantes et demande une résilience accrue en cas de suppression
d’une capacité.
Le général de brigade aérienne Alexis ROUGIER, officier général « très haute altitude » de l’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace a parfaitement traduit dans ses interventions au colloque les constats, les enjeux et les perspectives de la THA.
Un sujet du futur à suivre de près.
Un focus sur l’espace
L’espace est un axe majeur de 2025, non seulement pour l’AAE, mais pour les
armées et pour la France.
Force est de constater que la conflictualité est croissante.
Donc il est essentiel de se doter de moyens de DEFENSE ACTIVE :
- DANS : patrouilleurs-guetteurs
- VERS (lasers) l’espace en stricte conformité avec
nos engagements internationaux (ce qui signifie qu’on ne se dote pas de moyens
d’actions cinétiques, ni vers ni depuis l’espace).

GCA Philippe MORALĖS, major général de l’AAE le 23 janvier 2025 au Colloque annuel de l’AAE
La conclusion que je retiens du colloque
Le 1er impératif du CEMAAE est que les Aviateurs soient, aujourd’hui comme demain,
en mesure d’exécuter leurs missions. Or ce que l’on voit dans le tableau de la conflictualité,
ce sont les caractéristiques de ce que certains nomment le « Darwinisme stratégique ».
Dans cette lecture des relations internationales, l’instinct de domination des États et
le recours à la force, dans un contexte de compétition, détermine dans le temps long
l’ascendant de modèles les plus adaptatifs, collaboratifs, capables d’intelligence collective.
La voie est tracée.
Le CEMAAE en appelle à mobiliser pour adapter l’AAE aux défis futurs.
Pour se faire, le CEMAAE annonce capitaliser sur 3 qualités propres aux Aviateurs :
– L’esprit pionnier (Conquête de l’air)
– L’agilité (Tempo combat aérien)
– L’ouverture interarmées, autres ministères, société civile…
Le mot de la fin de Miss Konfidentielle
La devise « Citius, Altius, Fortius » citée par le père Henri Didon et proposée par le baron Pierre de Coubertin à la fondation du Comité international olympique (CIO) en 1894 à la Sorbonne est parfaitement adaptée au colloque :
« Plus vite, plus haut, plus fort » !

Colloque de l’AAE le 23 janvier 2025 organisé par le CESA, Centre des Etudes Stratégiques Aérospatiales, sur la supériorité aérienne et la maîtrise de l’espace
Un remerciement appuyé au Centre d’Etudes Stratégiques et Aérospatiales pour l’organisation de l’événement passionnant. Une mention au GBA Jean-Patrice LE SAINT, directeur du CESA, Magali ANTEQUERA et l’équipe pour la haute qualité de l’événement ! Merci Benjamin pour les photos.
Une mention spéciale destinée à Marie DELAVAUD qui a fait preuve d’un engagement formidable pour le rayonnement du CESA et que je remercie avec émotions pour nos échanges toujours fluides et constructifs. Merci Marie !
Une photo souvenir prise au Séminaire De la surface à l’espace exo-atmosphérique : enjeux de souveraineté nationale dans la troisième dimension le 12 novembre 2024 à l’École militaire. J’étais avec le général de division aérienne Julien SABÉNÉ et Marie DELAVAUD.

Général de division aérienne Julien Sabéné, Marie Delavaud et Miss K à l’École militaire, AAE – CESA 2024 © DR
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