Il y a 80 ans, le 29 avril 1945, les femmes pouvaient voter pour la première fois en France, un événement historique qui a marqué un tournant décisif dans l’histoire de notre démocratie et de la conquête des droits civiques et de l’égalité femmes-hommes. Un anniversaire pour lequel le CESE et l’ONG A Voté ont décidé de s’associer à travers une exposition, visible du 29 avril au 12 mai.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) que j’ai pris le soin de vous présenter le 30 janvier dernier, et A Voté s’associent pour mettre en lumière les femmes ayant œuvré pour rendre l’accès possible aux urnes et aux postes politiques dans une exposition dédiée au sujet. Celle-ci est née du souhait de rendre hommage à l’engagement civique pour l’égalité des droits civiques et politiques et faire redécouvrir les visages des suffragettes françaises qui se sont mobilisées pour le droit de vote et obtenir le droit d’être élues.
Un combat qui débute dès 1916
En effet, en 1916, Maurice Barrès dépose une proposition de loi pour accorder le droit de vote aux veuves et mères de soldats tués à la guerre, au nom du « suffrage des morts ». Une loi qui ne sera pas adoptée…
En dépit de plusieurs propositions de loi dans les années 1930, le Sénat s’oppose à tout élargissement du droit de suffrage. Pourtant, les mouvements féministes continuent de se mobiliser, comme l’association « La femme nouvelle » fondée en 1934. Sa présidente, Louise Weiss, se présente symboliquement aux élections municipales de Montmartre en 1935 puis aux législatives de 1936. En 1944, le droit de vote des femmes fait partie des évolutions nécessaires pour tourner la page du régime de Vichy et renouer avec la République. Le général de Gaulle déclare l’égalité des droits politiques entre hommes et femmes. Par ordonnance du 21 avril 1944 prise par le Gouvernement provisoire du général de Gaulle à Alger, les femmes deviennent électrices et éligibles. Ce droit, désormais inscrit dans la Constitution, sera mis en application pour la première fois le 29 avril 1945, il y a 80 ans.
Les Suffragettes étaient aussi françaises
La mémoire collective retient aisément les suffragettes britanniques ou américaines. mais oublie trop souvent les féministes qui, en France, ont ouvert la voie par leur courage et leur détermination. Cinq d’entres elles sont mises à l’honneur dans cette exposition.
Marie Denizard
Pétition, manifestation, Marie Denizard milite pour que les femmes soient dispensées de taxes et d’impôts tant qu’elles seront privées de tout droit politique, car les femmes « n’ont pas à subir les lois ni payer les impôts qu’elles n’ont pas consentis ».
En 1912, un journaliste explique que les aspirations des femmes politiciennes ne peuvent recueillir l’assentiment de la souveraineté populaire car aucune d’entre elles n’est candidate. En réponse, Marie Denizard relève le défi et devient la première femme française à candidater à une élection présidentielle. Inspirée du mouvement des suffragettes anglo-saxonnes, elle mène campagne à l’occasion du scrutin du 17 janvier 1913 et va jusqu’à imprimer des bulletins de vote à son nom.
Hubertine Auclert
Hubertine Auclert a consacré sa vie à l’égalité complète entre les femmes et les hommes sans pouvoir la connaître de son vivant.
Elle est aujourd’hui considérée comme une figure centrale dans l’histoire du mouvement des droits des Françaises.
À son époque, elle innove en réclamant la féminisation de certains mots (témoin, avocat, électeur, député, etc.). Alors que le mouvement féministe de l’époque lutte pour libérer les femmes de l’autorité des hommes dans la famille, Hubertine Auclert pense que leur présence à l’Assemblée leur permettra de résoudre ces problèmes en votant les lois elles-même.
Pour médiatiser son combat pour le droit de vote et d’éligibilité, elle se présente, en 1910, avec Marguerite Durand, comme candidate aux élections législatives, suscitant une large couverture des médias.
Louise Weiss
Journaliste, agrégée de lettres, responsable associative et femme politique, Louise Weiss a consacré sa vie à deux combats : la paix et la construction européenne, ainsi que le féminisme.
Activiste de la lutte pour le droit de voter et d’être élue, elle est candidate symbolique aux élections municipales de Montmartre en mai 1935 et transforme des cartons à chapeaux en urnes pour recueillir 18 000 bulletins en sa faveur. L’année suivante elle se présente aux élections législatives à Paris et continue de mener des actions spectaculaires et ironiques pour attirer l’attention de la presse : lâcher de ballons transportant des tracts pendant la coupe de France de football, manifestation sur la piste du Grand Prix de Longchamp…
On dit qu’elle aurait refusé d’intégrer le gouvernement Blum en répondant « j’ai lutté pour être élue, pas pour être nommée ». En 1979, pour la première élection au suffrage direct du Parlement européen, elle est élue eurodéputée. Doyenne du Parlement européen, elle prononcera, à 86 ans, un discours d’ouverture qui restera gravé dans l’histoire.
Madeleine Pelletier
`
Première femme médecin diplômée en psychiatrie de France, Madeleine Pelletier est considérée comme l’une des féministes les plus radicales de son époque.
Via ses écrits et ses actions, elle réclame une égalité complète entre les deux sexes, prône le service militaire pour les femmes, défend le droit à l’avortement et veut détruire l’institution du mariage et de la famille.
Elle est l’une des premières à parler de la notion de genre. Convaincue que l’émancipation des femmes passera également par le costume, elle porte des cheveux courts et s’habille comme un homme. Grande défenseuse du droit de vote des femmes, elle se présente comme candidate aux élections législatives et municipales de 1910.
Marguerite Durand
Journaliste, actrice et femme politique, Marguerite Durand défend ses idées féministes à travers les journaux qu’elle créée, notamment : La Fronde et Les Nouvelles. Parmi ses nombreux combats, elle s’investit dans la campagne pour le vote des femmes et défend le droit d’élire et d’être élues.
En vue des élections législatives de 1910, elle lance l’idée d’organiser des candidatures féministes aux élections législatives de 1910 et présente la sienne dans le 9e arrondissement de Paris. Celle-ci est toutefois rejetée par le préfet de la Seine.
Cette exposition fait suite à la campagne « Parce qu’on est femmes, notre voix ne compte pas ? » menée par l’ONG A Voté et le Service d’Information du Gouvernement (SIG) en 2023 en partenariat avec Happn, la Confédération des Buralistes, L’Oréal France, la Banque Postale, la Fédération nationale des Centres d’information aux droits des femmes et familles (FNCIDFF).
« Cette exposition s’inscrit aussi dans le prolongement de l’engagement de notre assemblée pour les droits des Femmes et l’égalité Femmes-Hommes », précise le CESE.
Les informations pratiques de la visite
L’exposition est ouverte du 29 avril au 12 mai 2025 :
– Visite libre en extérieur sur l’Avenue Albert de Mun
– Visite gratuite de 9h à 18h (dernière entrée à 17h30) au sein du Palais d’Iéna du lundi au vendredi (hors vendredi 2 mai et jours fériés)