JOP2024 – L’interview exclusive de Simon Riondet, chef de la BRI

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Bonjour Simon,
A l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, je suis heureuse de m’entretenir avec vous dans les locaux de la BRI au 36 Quai des Orfèvres à Paris !

Quelle est la mission et les moyens de la BRI dans le cadre des JOP2024 ?

Les JOP2024 sont avant tout les Jeux de Paris, même si des épreuves sont organisées partout en France, et c’est pour cela que le préfet de police Laurent NUÑEZ s’est vu confier la mission très sensible de l’organisation et de la sécurité des Jeux Olympiques 2024, avec l’extension de sa zone de compétence à la grande couronne. 

On a donc très vite compris le rôle central qui serait confié à la BRI. 

La majorité des épreuves, et notamment une grande partie des épreuves spectaculaires et la cérémonie d’ouverture se dérouleront dans Paris ou en petite couronne. Par conséquent, on savait que ça nous impacterait fortement et qu’il y avait toute une phase de préparation à mettre en place qui allait bien au-delà d’une intensification des entraînements classiques.

On a formulé une première vision de nos besoins en matériels et équipements qui a été validée à l’époque par le préfet de police de Paris Didier LALLEMENT et dont la livraison est arrivée à son terme. 

C’est une remise à niveau complète en termes de moyens avec la recherche des meilleurs matériels possibles, donc des nouveaux armements, des nouveaux robots de détection, des drones de détection, des solutions logicielles, des éléments techniques qui nous permettent de transmettre de la donnée même en l’absence de réseaux 4G/5G, la recherche des boucliers balistiques plus performants… 

Une volonté d’être à la pointe de la technicité.

La deuxième vision était la recherche de mobilité accrue et maximisée avec des meilleurs véhicules : un nouveau véhicule PC, des véhicules pour transporter du matériel lourd, des véhicules pour transporter les troupes, des nouveaux véhicules blindés…  On est passé d’un parc classique à un parc qui nous permet une projection rapide sur des crises multi-sites pour faire face à tous les scénarios envisageables.

La troisième vision était tournée vers l’amélioration des moyens de communication avec la recherche d’une interopérabilité totale avec nos camarades du RAID et du GIGN qui nous mènera vers le deuxième axe de préparation, qui sera le travail en commun.

Mais tout d’abord on avait besoin de pouvoir se parler. 

Assez schématiquement on dispose de deux moyens de communication :

1° Le premier, c’est STORM que le RAID, la BRI et le GIGN ont co-développé avec la société CROSSCALL (gagnant du marché NEO) pour le hardware et l’application Team On Mission qui permet les communications en conférence, via les réseaux 4/5G avec des outils modernes (envoi d’images, géopositionnement, etc.). Ces outils de communication très innovants sont actuellement en cours de déploiement au profit de l’ensemble des policiers et gendarmes.

2° Le second est un moyen radio « classique ». Le GIGN était passé depuis quelques années sur les nouveaux systèmes MOTOROLA et le RAID venait de basculer sur ce système radio tactique. Nous étions encore sur le système ACROPOL. Donc on a souhaité passer avec nos camarades sur MOTOROLA pour avoir cette double interopérabilité. C’est à dire que STORM pour nous est un moyen de communication, notamment sur l’activité de Police judiciaire (PJ) et pour les liaisons Inter-PC. Et, de l’autre côté, on a un réseau MOTOROLA, qui est de la radio tactique. Un moyen de communication protégée qui permet un fonctionnement en mode « DIR » c’est-à-dire même en l’absence de couverture par un relais, afin de répondre aux besoins d’une opération tactique en situation dégradée. Cela pour nous, c’était essentiel. On est les seuls à être sur MOTOROLA au ministère de l’Intérieur et des outre-mer et cela est important pour nous, que l’on puisse se parler et que l’on soit aussi, quelque part, étanches et pas audibles comme nous pouvions l’être sur ACROPOL.

J’ajoute enfin un point essentiel : l’importance des recrutements parce qu’on avait eu des départs. Travailler sur un grand événement suppose des moyens, et requiert les meilleures ressources possibles pour  répondre efficacement aux sollicitations.

Nous avons par conséquent organisé plus de sessions de recrutement afin de pouvoir tester un plus grand nombre de candidats. En 3 ans et demi, c’est presque 30% de la section opérationnelle qui a été renouvelée. On a aussi recruté des spécialistes (communications, technique, renseignement) de haut niveau pour la section d’appui, des alternants ainsi qu’une contractuelle chargée de mission pour les jeux.

Cela était le premier axe : la mission et les moyens.

J’ai entendu parler des blocs missionnels. De quoi s’agit-il ?

J’ai dit au chef du RAID Jean-Baptiste DULION de l’époque et au chef du GIGN Ghislain RÉTY -parce que l’on peut bien faire les choses seul mais qu’on les fait souvent mieux ensemble : « Discutons, réfléchissons et proposons un partage des missions de manière intelligente et efficace, plutôt que d’attendre une injonction de nos autorités qui, immanquablement souhaiteront que tout le monde soit sur la photo. Faisons-en une réalité opérationnelle et pas un affichage. »

On a décidé d’un commun accord, parce que l’on a cette excellente relation -on n’est pas en compétition, on n’est pas en concurrence-, de s’organiser autours des missions et des blocs missionnels.
Et donc on a travaillé et proposé à nos autorités notre idée des blocs missionnels, et en schématisant à l’extrême cela donne : les airs le GIGN, le fleuve le RAID, la terre la BRI même si cela est bien plus complexe que cela. Il y a beaucoup d’autres responsabilités confiées aux uns et aux autres et elles ont été présentées, notamment par le ministre de l’Intérieur Gérald DARMANIN lors de l’installation du nouveau chef du RAID, Guillaume CARDY.

Avec ces blocs missionnels, on va être dans l’efficacité pure puisque l’on démultiplie notre présence avec un nombre d’opérateurs spécialisés qui n’a jamais été vu dans aucun pays sur un seul événement.

Cette proactivité a surpris tout le monde, et nous avons ainsi aisément convaincu nos chefs pour qu’ils proposent le projet au ministre qui a dit « Oui », et c’est je pense l’avenir. C’est comme cela qu’il faut faire les choses.

Je pense que cette envie de mutualiser vient de ma carrière qui est influencée par la coopération, tant au niveau national qu’international, et cette idée qu’on obtient de meilleurs résultats lorsqu’on ne travaille pas seul.

Et puis vous savez, la BRI porte un ADN collaboratif. La BRI, ainsi que toutes les unités d’interventions sont je pense d’abord des unités de soutien, d’appui. Rechercher une autonomie pure, parfaite, n’a pas forcément de sens. 

Je m’explique. On s’entraîne de manière hebdomadaire à intervenir sur une prise d’otages sur la Seine, que ce soit sur un bateau-mouche ou une péniche. J’ai deux possibilités pour cela. Soit j’achète des bateaux, je forme des gens à être pilotes de bateaux et ça me coûte cher. Et je vais avoir du mal à maintenir la capacité de mes pilotes, parce qu’il faut que je les fasse naviguer fréquemment sur la Seine pour qu’ils la connaissent… ou alors je pense Préfecture de police de Paris, et j’ai une unité qui s’appelle la Brigade fluviale de la DOPC, dont la chef est Sophie MALHERBE, qui est tous les jours sur la Seine, qui connaît la Seine.  Et tout ce dont ils ont besoin, c’est ce petit plus de formation sur ce qu’est l’assaut nautique. C’est ce que nous organisons avec la fluviale et des anciens commandos marine en poste à la BRI (anciens des forces spéciales de la Marine nationale).

Entrainement à l’assaut nautique avec la Brigade fluviale (DOPC) dont la chef est Sophie Malherbe avant les JOP 2024 © BRI

De fait, j’ai un rendu qui est plus efficace et moins coûteux. Et c’est d’ailleurs un rendu qui parle énormément à l’étranger où, finalement, il y a peu de forces nationales. Beaucoup de forces de police sont des forces locales, régionales qui recherchent l’efficacité budgétaire, c’est-à-dire que, encore une fois, on peut tout faire, mais tout a un coût.

Si on se dit « je suis l’alpha et l’omega, cela ne fonctionne pas ».

Par contre, si on se dit « je suis le 3ème niveau de l’intervention, donc j’ai deux niveaux en dessous qui appartiennent à la PP que je vais aider à former, avec qui je vais m’entraîner, et bien on a cette interopérabilité qui fait qu’on ne sera pas seul pour une intervention ».

Cela avait été le cas au BATACLAN et on travaille en permanence avec les niveaux 2 et les niveaux 1. Plus on est dans un dispositif immergé, intégré (qui est celui de la Préfecture de Police), plus on est efficaces parce que les niveaux 1 vont faire un bon périmètre, ils vont parfois pouvoir stopper la menace et savoir bien désigner et transmettre les bonnes informations. Les niveaux 2 vont bloquer, contenir, neutraliser, s’ils peuvent le faire et appuyer l’intervention de la BRI, qui en tant que niveau 3 va venir mettre la couche finale avec son expérience et ses moyens spécifiques (négociation, varappe, tireurs haute précisions, robots et drone de détection) et c’est ainsi ensemble que nous allons résoudre la crise à laquelle nous faisons face.

On travaille également à la BRI  sur les dossiers d’interventions, donc nous serons présents sur tous les sites des JOP2024 mais aussi sur les sites sensibles pour anticiper ce dont nous aurions besoin en cas de crise dans ces lieux (plans, accès à la vidéo, process des services de sécurité internes à ces lieux). Je pense aux gares de la SNCF et aux stations de métro de la  RATP, aux musées, aux lieux de culte majeurs, à certains hôtels.

On a créé avec le RAID et le GIGN une matrice commune sur les dossiers d’aide à l’intervention RAID-BRI-GIGN. On fait les mêmes demandes et on produit la même chose pour pouvoir s’échanger nos dossiers, travailler ensemble. Le travail réalisé ensemble est phénoménal. 

Ce sont des centaines de sites qui ont été fait en prévision des JO dont certains seront actualisés à la dernière minute, dès leur mise en exploitation. Je prends l’exemple du Grand Palais où nous nous sommes beaucoup entraînés et qui sera actualisé au dernier moment en fonction de l’organisation réelle des choses.

On s’entraîne maintenant ensemble, RAID-BRI-GIGN, notamment via des exercices de PC de coordination pour avoir un vocabulaire qui soit le même, parce que si on fait le même métier, on le fait avec des styles différents, mais nous avons les mêmes qualités, le même engagement.

On est tous capables de faire l’intervention. On a mis en place, parce que l’on s’entend bien, des immersions croisées de nos effectifs, qui permettent justement aux opérateurs de se connaître. Cela fédère.

J’ai souvent cette image qui est de dire « Manchester United, PSG et le Barça : on est tous des grands clubs de foot mais on peut avoir des styles de jeu différents. »

Ghislain RÉTY a des chuteurs opérationnels que je n’ai pas, Guillaume CARDY des plongeurs. Je connais ces capacités et ce qu’elles peuvent apporter si nécessaire.

Le GIGN fait les trois métiers de manière séparée : intervention, observation-recherche et protection, avec trois opérateurs différents, trois forces différentes.

Le RAID fait la protection et l’intervention avec les mêmes opérateurs et nous, à la BRI on fait l’intervention et la surveillance avec les mêmes opérateurs.

Néanmoins, notons une particularité dans le cadre de la surveillance filature, à la différence du GIGN, on ne fait pas seulement de la « prestation » de surveillance. On a nos dossiers d’initiative qu’on insuffle nous-mêmes, et on utilise les techniques de renseignement. Nous  initions nos propres dossiers, avec nos propres informateurs, on va jusqu’au bout, jusqu’au flag. Parfois, on fait judiciariser avant avec un service porteur, mais on n’est pas seulement une unité de surveillance et de filature. C’est très différent et c’est ce qui fait toute l’excellence de la BRI. On est des policiers de PJ avant tout et cela n’existe nulle part ailleurs.

Donc on a des styles différents mais lorsque l’on se met en situation, on est capable de faire la même chose en intervention.

Donc le RAID, la BRI et le GIGN ont des compétences d’excellence et une envie de travailler ensemble

Et cette envie se traduit par une photo des 3 chefs RAID-BRI-GIGN prise sur le pont Alexandre III et devant le ministère de l’Intérieur.

Ghislain RETY, GIGN - Guillaume CARDY, RAID - Simon RIONDET, BRI © Ministère de l'Intérieur
Ghislain RETY, GIGN – Guillaume CARDY, RAID – Simon RIONDET, BRI © Ministère de l’Intérieur

Cela fait près de trois ans que l’on travaille ensemble, que l’on a des groupes de travail, que l’on affine nos positionnements. L’expérience est hyper positive et enrichissante. Ce sont des échanges de bonnes pratiques, de retex opérationnels croisés qui nous nourrissent.

Et puis, on a engagé tous nos collaborateurs, c’est-à-dire qu’il y a le groupe au niveau des 3 chefs, et en dessous, il y a le groupe de travail avec mon adjoint le Commissaire Divisionnaire Pierre LE COZ, et la numéro trois, la Commissaire Chloé PASCAL.

Au RAID, on a le directeur adjoint Thierry SABOT, et maintenant on va avoir Joël-Patrick TERRY qui vient de prendre ses fonctions.

Et puis au GIGN, on a Benoit l’adjoint au chef du GIGN et Cédric Chef de la Force Intervention qui sont impliqués dans ces groupes de travail.

Enfin il y a des groupes thématiques avec nos experts. Par exemple, il y a un groupe qui travaille afin que le PC commun qui sera monté au 36 Quai des Orfèvres pour toute la durée des jeux dispose des fonctionnalités nécessaires pour chaque unité.

En fait, tout le monde est impliqué dans cette préparation qui monte en puissance actuellement

Pour être prêts, parce que c’est un enjeu, et un objectif unique !

Il y a La cérémonie d’ouverture qui relève un fort enjeu sécuritaire, ensuite nous mettons en place des dispositifs de réaction qui n’ont jamais été mis en place. On sera en H24 dans Paris, prépositionnés dans plusieurs endroits, et en H24 au siège de la BRI.

Cela n’existe pas en temps normal au sein des unités intervention (on fonctionne avec des astreintes dont les temps de réaction sont très rapides), on n’est pas des unités qui ont vocation à être présentes H24. Le GIGN et le RAID feront la même chose sur leurs sites pendant les JO.

Le RAID, la BRI et le GIGN avons mis en place, en termes de moyens, de ressources et d’investissement quelque chose d’ « extraordinaire » au sens littéral, et qui a permis d’engager les gens dans une aventure où ils se sentent concernés.

C’est fou de le dire mais on se prépare, on n’aura pas de congés cet été, on travaillera 14 à 16 heures par jour, tout cela est extrêmement impactant pour nos vies personnelles, et pourtant on a l’adhésion totale des femmes et hommes de nos unités.

Alors que dans un monde normal, les gens diraient « Je n’ai pas de congés cet été et je vais devoir peu dormir », ici on est fiers de participer à cet événement mondial unique.

Comment voyez-vous la BRI post-JOP2024 ?

Ce projet un peu fou qui rassemble les 3 forces nous aura rapprochés. C’est une certitude.

Nous aurons travaillé trois ans ensemble sur la préparation des JO ce qui va au-delà de l’aspect purement professionnel. Il y a l’aspect humain.

Les JOP2024 auront apporté des bases différentes, je trouve.

C’est bien parce que cela permettra post-JO aussi, d’avoir je dirais, acté, tous ces liens, toutes ces décisions, toute cette expérience, et ce qui permettra au quotidien, de travailler peut-être plus sereinement, plus facilement, avec plus de fluidité, et puis d’être prêts pour des événements qui, de fait, seront mineurs au regard de ce que vous allez vivre de plus complexe, de plus sensible, de plus politique.

Il est certain que les JOP2024 seront plus complexes que la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France qui s’est très bien passée.

Il n’y a rien de comparable aux JOP. Comme le dit souvent Chloé « Les JOP cela arrive une fois dans une vie et parfois pas ».

Notre niveau d’entraînement est extrêmement haut, nos moyens sont les plus performants qui existent et nous sommes unis pour faire face à toute menace donc pour moi tout est au vert.

Entrainement avant les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 de la BRI avec Simon Riondet © BRI
Entrainement avant les JOP2024 de la BRI avec Simon Riondet © BRI

Je veux saluer le rôle préventif de nos camarades des services de renseignement et celui essentiel des policiers de la sécurité publique au sens large, plus particulièrement au sein de la Préfecture de police, la DSPAP et la DOPC et enfin des militaires de la Gendarmerie nationale qui font un travail remarquable de préparation et qui sont essentiels à la réussite de ces jeux. Il y a un tel niveau d’implication, de préparation, de motivation que l’on ne peut que réussir.

C’est un très beau challenge !

Un remerciement appuyé aux 3 unités de se préparer au mieux pour protéger la sécurité des JOP2024.

Simon Riondet, chef de la BRI (brigade de recherche et d’intervention) et Miss Konfidentielle (journaliste) © Valérie Desforges


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