Miss Konfidentielle fait partie de la génération qui a toujours apprécié échanger avec les « anciens » comme on aimait les appeler autrefois. Ils étaient bien souvent les « sachants » pour les jeunes, ceux qui avaient vécu la guerre, qui nous racontaient leurs vies et partageaient avec nous un bout de l’histoire de France. C’était l’époque de la transmission du savoir. Et celle du respect des jeunes à leur égard. Les jeunes étaient leurs enfants, leurs petits-enfants et même arrière-petits-enfants … des villages aussi.
L’évolution de la société fait que ce que les « anciens » que l’on nomme aujourd’hui les « seniors » a bien changé. Il n’est pas question d’évoquer si c’est positif ou négatif, blanc ou noir. Simplement d’esquisser un état des lieux sous forme de témoignages (vécus et ressentis) recueillis à l’approche de Noël au sein de clubs mixtes seniors alsaciens en zones urbaine et rurale.
En écoutant attentivement les seniors, il en ressort 4 points qui les tracassent, du plus important au moins important :
- Le sujet urgent : problématiques de la gestion administrative
Les seniors reconnaissent qu’avançant dans l’âge, ils sont de plus en plus perdus.
Téléphone : appeler un service administratif … devoir « taper 1 pour.., taper 2 pour … « au bout d’un moment, on se perd ».
Internet : les seniors n’ont pas tous un ordinateur, surtout ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter un, et ils n’ont pas tous un entourage qui leur permette d’accéder à l’outil et ainsi gérer en ligne leurs obligations administratives. En cela, certains disent « souhaiter que leurs mairies mettent à disposition des ordinateurs et pouvoir être conseillés dans le cadre d’un club informatique d’une association, par exemple ».
Les assistantes sociales ne sont pas assez nombreuses surtout en zone rurale, elles ont trop de dossiers en attente et les urgences ne sont pas toujours traitées rapidement. L’inquiétude est surtout liée aux cas de seniors isolés qui ne sont pas soutenus par leur famille et qui se retrouvent en grande difficulté. « Certains sombrent, d’autres ont la chance d’avoir des amis ou des voisins qui s’en occupent. Mais cela ne peut durer qu’un temps. Lorsque surviennent les problèmes de santé du type alzheimer, alcoolisme .. tout devient très compliqué. »
Lorsque l’assistante sociale a un dossier complet, elle l’envoie à l’administration compétente et là encore les délais sont très longs .. surtout si dans les deux étapes, la famille ne s’investit pas.
On en arrive aux soucis de transports, lorsque les seniors ne sont plus en état… « qui les accompagnent dans les lieux administratifs, fait leurs courses, les emmène chez le coiffeur, chez le médecin … malheureusement bien trop peu souvent les enfants ou la famille. » On en revient aux amis et voisinage qui sont surtout des seniors et qui ont leurs propres difficultés à gérer et pour autant prennent le soin de les aider au mieux.
- Le sujet de la santé
Grande crainte d’attraper le Covid-19 car nombreux sont ceux qui ont vu partir des proches depuis le début de la pandémie.
Certains n’ont pas les moyens d’aller en maison de retraite, ils doivent rester seuls à domicile. « C’est bien de décider que des patients restent à domicile mais si le malade n’est pas en état, ca ne va pas ».
Un point important aussi, celui de la mutuelle. Les plus modestes n’ont pas de mutuelle ce qui les empêchent de se soigner correctement, aggravant leur état de santé. Ils constatent entre eux que les couples ont des mutuelles et les veuves/veufs n’en ont pas. Cela tracasse.
Un problème pointé aussi celui des prix des médicaments non remboursés et pour autant importants pour leur santé, et grand sujet autour de la table, le prix des appareils auditifs. « Les appareils auditifs gratuits sont de très mauvaise qualité, ceux de bonne qualité sont trop chers pour les seniors aux petites retraites, ce qui provoque souvent un isolement des plus modestes qui n’arrivent pas à entendre la télévision correctement ou simplement échanger au téléphone et discuter avec les voisins, les commerçants .. ».
En même temps, nombreux sont les seniors qui ont constaté depuis de le début du Covid-19, ce que les médecins appellent « le glissement de terrain » et qui sont décédés suite à cette profonde tristesse d’être enfermés chez eux ou en maison de retraite et de ne plus recevoir de visite, et de fait, d’embrasser la famille, d’être pris par la main.. (le contact physique est indispensable pour les personnes âgées). Ils ont perdu beaucoup d’amis et éprouvent une grande tristesse pour ceux qui les ont quittés dans ces conditions. Et ce d’autant plus lorsque les familles ne se préoccupaient pas de leur état de santé.
- Le sujet des hôpitaux, des personnels soignants
« Tout se fait presque par internet.. on en revient au problème déjà évoqué. Les prises de rendez-vous, les ordonnances se transmettent de plus en plus par mails. »
Selon eux, les hôpitaux, les médecins ont depuis le début de la pandémie priorisés les patients du Covid-19 aux autres patients (cancers..). En conséquence, ces derniers ont souffert de ne plus poursuivre correctement leurs traitements à l’hôpital. Nombreux ont vu leur état se dégrader d’autant que les infirmières à domicile étaient débordées. « Elles n’avaient plus le temps d’échanger avec nous ce qui a été d’autant plus difficile pour les patients isolés ». Les seniors insistent sur le grand respect qu’ils éprouvent pour les infirmièr(e)s à domicile et les aides-soignants qui ont fait de leur mieux.
- Le sujet du pouvoir d’achat
Il a été évoqué précédemment. A cela s’ajoute un constat général, l’augmentation des prix de l’alimentation, des vêtements, de l’essence … Cela fait beaucoup. Une prime de Noël aurait été appréciée pour les plus démunis, tout comme ceux qui ont le RSA.
D’autant plus que depuis la pandémie, de nombreux enfants sont sans travail dont certains sont retournés vivre chez leurs parents et ce au frais des parents. « Dans le temps c’était les enfants qui accueillaient et prenaient soin de leurs parents, maintenant c’est l’inverse ».
Miss Konfidentielle est triste en écoutant ces seniors qui sont un peu perdus, il faut bien le reconnaître, dans un monde qui bien souvent les dépassent et les inquiètent.
Ils sont pudiques en évoquant leur famille, leurs enfants qui ne donnent plus ou si peu de nouvelles alors qu’ils s’entendent bien. Les plus modestes se voient désolés de ne pouvoir soigner leur animal de compagnie, seule famille, parce que manquant de moyens, ils ne sont pas en capacité de payer les frais de vétérinaire bien souvent comme ils disent trop élevés. Les animaux sont endormis… et eux restent, seuls.
Une conclusion un peu triste qui traduit la réalité de la vie de beaucoup, beaucoup de seniors que ce soit en Alsace ou sur tout le territoire français. A méditer alors que Noël approche …