Interview du lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck, officier supérieur de la Gendarmerie nationale, Conseiller référendaire en service extraordinaire de la Cour des comptes

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Le 24 octobre 2023 – Très honorée de rencontrer le lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck, officier supérieur de la Gendarmerie nationale, Conseiller référendaire en service extraordinaire de la Cour des comptes.

Une visite exceptionnelle de la prestigieuse Cour des comptes dont M. Pierre Moscovici est aujourd’hui le Premier président.

Un entretien de belle qualité avec le lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck qui s’est attaché à nous éclairer sur ce qu’est la Cour des comptes, son objet, son histoire, et également à partager sur sa mission, ses actualités  de Conseiller référendaire en service extraordinaire de la Cour des comptes, sans omettre de présenter son parcours et ce qui le motive.

Un remerciement appuyé au lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck pour la qualité de la rencontre, le sens de l’écoute et de la pédagogie. La rigueur dans nos échanges et les valeurs humaines. Un remerciement au service communication de la Cour des comptes pour l’accompagnement dans la démarche.

Cour intérieure du Palais Cambon, Cour des comptes, Paris © Valérie Desforges

Bonjour Edouard-Nicolas,

Au préalable, pouvez-vous présenter la Cour des comptes ?

Si je devais résumer brièvement, je dirais que la Cour des comptes est l’institution supérieure de contrôle chargée, en France, de vérifier l’emploi des fonds publics et de sanctionner les manquements à leur bon usage. Avec les chambres régionales et territoriales des comptes, elles constituent ensemble les Juridictions financières dont la mission centrale prend racine dans l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

La Cour des comptes se présente comme le plus ancien des « Grands corps » de l’État. Pour aller plus loin, je peux rappeler que cette Cour est l’héritière de la chambre des comptes, fixée sur l’Île de la Cité dès la fin du XIIème siècle par le Roi Philippe-Auguste. Elle s’y établit officiellement en 1319 à la suite d’une ordonnance du Roi Philippe V. Elle y restera jusqu’à sa dissolution lors de la Révolution française. Par la suite, l’empereur Napoléon Ier promulgue la Loi du 16 septembre 1807 créant la Cour des comptes en corps unique et centralisé afin d’assurer le contrôle des comptes publics. La Cour des comptes siège au palais d’Orsay jusqu’à la Commune de Paris. Incendiée en 1871, elle est hébergée temporairement au Palais Royal, puis s’installe en 1912 au Palais Cambon, où elle demeure encore aujourd’hui. Le mouvement de décentralisation de 1982 a fait naître les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Actuellement, 1 812 personnes travaillent dans les juridictions financières, dont près de 45% sont à la Cour.

Depuis mon arrivée, j’observe que la Cour des comptes a toujours su s’adapter aux évolutions du temps. Aujourd’hui, elle poursuit dans cette dynamique grâce au projet JF2025, lancé en 2021 par Monsieur Pierre Moscovici, Premier Président de la Cour des comptes. Ce dispositif participatif vise à répondre aux enjeux actuels.

Dans ce contexte, j’apprécie particulièrement les démarches d’ouverture de la Cour des comptes à l’égard des citoyens. Par exemple, je suis sensible à la seconde édition de la campagne de participation citoyenne, au succès grandissant des journées européennes du patrimoine permettant un échange direct avec les visiteurs et à l’augmentation du nombre de publications rendues disponibles au grand public. Depuis le 1er janvier 2023, la Cour des comptes renforce la transparence de l’action publique par la mise en place du « 100 % publication ».

Fronton de la Grand’Chambre de la Cour des comptes, sur lequel est gravé l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » © Valérie Desforges

Quelle est la signification du titre de conseiller référendaire en service extraordinaire ?

Un conseiller référendaire en service extraordinaire, ou CRSE, est un magistrat financier. Son rôle est de contrôler les collectivités territoriales, les entreprises et organismes publics sur leur gestion. Il est aussi juge des comptes et les certifie. Il est compétant pour évaluer les politiques publiques et assurer le commissariat aux comptes de certaines instances internationales, notamment aujourd’hui auprès de l’Organisation des Nations Unies. Il formalise ses travaux en rédigeant des rapports et en formulant des recommandations.

La fonction de conseiller référendaire en service extraordinaire s’exerce aux côtés des auditeurs, des conseillers référendaires et des conseillers maîtres qui composent le corps des magistrats financiers. Viennent s’adjoindre des conseillers référendaires « en service extraordinaire » et des conseillers maîtres « en service extraordinaire ». Cette expression de « service extraordinaire » indique que le magistrat a pour origine une autre administration de l’État. Il peut s’agir par exemple de membres du corps préfectoral, de magistrats judiciaires, d’ingénieur des ponts, d’administrateurs civils, d’administrateurs territoriaux, de directeurs d’hôpitaux, de professeurs des Universités, etc. Je pense que ces profils hétéroclites, issus de la haute fonction publique, et le panachage des carrières de ces magistrats financiers, forment la richesse des équipes de contrôles et contribuent à la pertinence des rapports.

La Cour, qui s’inscrit dans une démarche d’attractivité, propose ce parcours très valorisant de CRSE qui peut aussi permettre, à terme, de candidater pour intégrer le corps des magistrats financiers.

Dans mon cas précis, je suis mis à disposition de la Cour des comptes par la Gendarmerie nationale dans le cadre d’une affectation en mobilité extérieure. Je suis lieutenant-colonel de gendarmerie et j’ai vocation à retourner au sein de mon administration d’origine à l’issue de ma période d’exercice en tant que CRSE de la Cour des comptes.

Je trouve que cet emploi de haut niveau m’offre une expérience unique. Il me permet d’acquérir une approche transverse du fonctionnement des administrations et des structures de l’État tout en développant une vision stratégique et un sens politique sur de nombreux sujets de gouvernance et de gestion publique. Cette riche expérience s’avérera particulièrement utile dans mes responsabilités futures au sein de la Gendarmerie nationale.

Quel parcours vous a mené à demander de faire une mobilité extérieure ?

J’ai un parcours de formation et un parcours de carrière dans lesquels s’entrecroisent des compétences opérationnelles, acquises dans mes commandements en gendarmerie départementale, et des compétences en économie et en finance, capitalisées dans le secteur privé et en administration centrale.

Je suis docteur ès sciences économiques et ma thèse portait sur l’offre de sécurité publique dans les territoires ruraux et périurbains. Je suis diplômé de l’enseignement supérieur agricole, de l’école supérieure de gestion de Paris, des Universités Paris-Panthéon-Assas et Paris Dauphine-PSL dans les sciences économiques et les sciences de gestion. Je suis diplômé de l’école des officiers de la gendarmerie nationale et breveté de l’enseignement supérieur de la gendarmerie.

Après avoir occupé des fonctions de cadre dans la finance d’entreprise du secteur privé, notamment au sein de la holding du groupe LVMH, puis à la banque d’investissement de la Société générale, j’ai rejoint la Gendarmerie nationale en 2007 par le concours sur titres dans la spécialité finance.

J’ai ensuite évolué à des postes opérationnels en communauté de brigades dans les Pyrénées-Atlantiques, en opération extérieure au sein de la mission EULEX au Kosovo et en compagnie de gendarmerie départementale dans le Sud-Ardèche. J’ai assuré des fonctions d’officier concepteur à la direction générale de la gendarmerie nationale, au bureau du pilotage de la masse salariale, puis de contrôleur interne au bureau de la synthèse budgétaire. J’ai par exemple travaillé à la préparation des auditions parlementaires du directeur général dans le cadre des constructions budgétaires pluriannuelles. En outre, j’ai assuré le suivi budgétaire des politiques transversales interministérielles conduites par la gendarmerie.

Ce parcours m’a amené à solliciter une mobilité extérieure parce que je voulais ouvrir mon champ de compétence. Ma curiosité m’incitait à voir autre chose. Mon but était de revenir en gendarmerie, doté d’une valeur ajoutée singulière. Je voyais trois bénéfices à la mobilité extérieure : l’apprentissage de nouvelles choses et de méthodes de travail dans un contexte d’ouverture qui enrichit inévitablement le vivier des officiers de la Gendarmerie nationale ; la capacité à étendre son réseau professionnel avec l’opportunité de créer des synergies et des partenariats ; la faculté de faire rayonner la Gendarmerie nationale dans les grands Corps de l’État, les ministères ou le secteur privé auprès de qui nous sommes envoyés.

J’ai ainsi accepté avec enthousiasme la proposition faite par mon gestionnaire RH de pouvoir entamer la procédure de recrutement auprès de la Cour des comptes dans le but de la rejoindre en septembre 2021.

Aujourd’hui, quelles sont vos missions à la Cour des comptes ?

Le lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck, conseiller référendaire en service extraordinaire de la Cour des comptes, dans la salle Lebrun qui est réservée aux séances de délibérés de la troisième chambre © Valérie Desforges

Aujourd’hui à la Cour des comptes, je suis affecté au sein de la troisième chambre compétente pour les politiques relatives à l’éducation, la jeunesse et sports, l’enseignement supérieur, la recherche, la culture et la communication, ainsi que pour les entreprises et organismes publics relevant de ces secteurs. Ma mission consiste à contrôler les comptes et la gestion de ces entités.

Je me permets de rappeler ici que pour mener à bien sa mission, la Cour des comptes est organisée autour d’un secrétariat général, d’un Parquet général et qu’elle est divisée en sept chambres. Chacune est en charge du contrôle dans leurs secteurs ou leurs domaines dédiés. J’ai expliqué le champ d’action de la troisième chambre. La quatrième chambre est par exemple vouée au contrôle des fonctions régaliennes de l’État, notamment les sujets relevant de la sécurité et de la défense. La septième chambre est plus particulière, car elle s’occupe du contentieux. C’est-à-dire qu’elle vient en appui des autres chambres lorsque nous décelons une irrégularité entrant dans le champ des infractions financières. Elle assure une montée en puissance lors du lancement d’un déféré et aide à la procédure d’enquête plus approfondie en lien avec le Parquet.

  • Que pouvez-vous partager de plus concret sur vos missions ?

Je suis arrivé à la Cour des comptes durant l’été 2021. J’ai d’abord participé à une formation destinée aux nouveaux arrivants. Après ma prestation de serment et mon installation à la Cour par le Premier président, à l’occasion de l’audience solennelle du 7 septembre 2021, j’ai été accueilli par le président de la troisième chambre.

C’était alors Monsieur Louis Gautier, conseiller maître, ancien secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), aujourd’hui devenu Procureur général près la Cour des comptes. Il m’a suggéré d’être intégré à la deuxième section de la troisième chambre, chargée des secteurs « Enseignement scolaire, jeunesse et sports ».

Il m’a ensuite proposé de travailler sur l’organisation des futurs Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Il s’agissait de répondre à une commande du Parlement conformément à l’article 29 de la Loi olympique. Ce texte charge la Cour des comptes d’une mission de contrôle des comptes et de la gestion des personnes morales de droit public et des personnes morales de droit privé ayant leur siège en France qui concourent à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et bénéficient à ce titre d’un financement public.

J’ai pu intégrer la formation inter-juridictions « JOP 2024 ». J’ai travaillé sur une série d’enquêtes permettant à l’Assemblée Nationale et au Sénat de disposer de rapports s’inscrivant dans la mission de suivi et d’alerte in itinere. Cet objectif contribue, par les constats et recommandations établis à attirer l’attention des pouvoirs publics et des organisateurs pour permettre le bon déroulement de la préparation et de la livraison des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Dans ce cadre, j’ai traité un gros volume de contrôles qui ont abouti à deux rapports de synthèse relatifs à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
– un rapport qui a été déposé au Parlement en janvier 2023,
– un autre rapport d’actualisation qui a été publié en juillet 2023.

Je me suis impliqué dans ces contrôles auprès des différents ministères ; de la délégation interministérielle aux jeux olympiques et paralympiques (DIJOP) ; du comité d’organisation Paris 2024 (COJOP) ; de plusieurs collectivités territoriales qui accueilleront les Jeux en 2024… J’ai également contribué aux deux enquêtes thématiques ciblées sur les questions de sécurité d’une part et les questions de sécurité dans les transports d’autre part.

Par ailleurs, j’ai participé à l’évaluation du contrôle interne de l’État visant les ministères de l’Éducation nationale et de la jeunesse (MENJ), de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et du ministère des Sports et des jeux olympiques et paralympiques (MSJOP).

Je suis actuellement sur la conduite d’un contrôle portant sur un opérateur du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Je traiterai d’autres sujets en rapport avec l’enseignement scolaire, la jeunesse et les sports dans le cadre du rapport public annuel (RPA) 2025.

J’espère enfin avoir le temps de participer, avant mon départ, à un contrôle d’audit international si cela peut s’inscrire dans la programmation de mes travaux au sein de la troisième chambre.

Grand’Chambre de la Cour des comptes où se déroule la prestation de serment des conseillers référendaires en service extraordinaire. Le lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck (1er rang à droite) est ainsi installé à la Cour des comptes lors de l’audience solennelle du 7 septembre 2021, présidée par Monsieur Pierre Moscovici, Premier président © Cour des comptes
  • Que retenez-vous finalement de ces contrôles ?

Il ne m’appartient pas de commenter les conclusions émises par la Cour des comptes dans ses rapports, y compris ceux qui sont rendus publics et auxquels j’ai pris part. Ce principe est important à comprendre, car il repose sur celui d’indépendance du magistrat financier. Ce dernier, après avoir déposé au greffe son rapport d’instruction et d’observations provisoires (RIOP) resté confidentiel, participe au délibéré. Il présente ses conclusions qui sont reprises et ajustées par la collégialité. Après une procédure contradictoire, le rapport devient définitif. Il sera celui de la Cour des comptes, et non celui de l’auteur initial du rapport.

Je retiens qu’un rapport de la Cour des comptes doit garder une vision objective et se tenir au-dessus de la mêlée du débat politique. Il est là pour éclairer le décideur et le citoyen sans entrer dans une logique partisane. Ainsi, j’aime retenir cette citation de Monsieur Pierre Moinot, Procureur général honoraire près la Cour des comptes, qui résume bien la posture que doit conserver le magistrat financier : « Tout pouvoir exige un Trésor, tout Trésor exige un compte, tout compte exige un juge désintéressé ».

Pour poursuivre, je peux partager mes impressions personnelles sur mes réalisations au sein de la Cour des comptes.

J’ai en effet eu le privilège de travailler sur l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Cet événement sportif mondial mobilise un nombre considérable d’acteurs qui ont collectivement le souhait de réussir. L’interaction que j’ai eue en entrant dans l’analyse de l’écosystème des organisateurs m’a fait travailler sur les questions de sécurité, d’aménagement du territoire, de santé publique, d’éducation, d’héritage, etc. J’ai rencontré un nombre important de dirigeants. Ce positionnement au plus haut niveau m’a permis de comprendre les enjeux et les préoccupations auxquels nous devions répondre en proposant des solutions concrètes dans des délais brefs.

J’ai retrouvé dans ma fonction de magistrat l’ADN du gendarme enquêteur. Rencontrer l’ensemble des acteurs dans la phase d’instruction d’un contrôle s’apparente à des investigations telles qu’elles peuvent être conduite lors d’enquêtes judiciaires en gendarmerie. Nous consultons, nous interrogeons, nous écoutons, nous percevons le rôle de chacun. A partir de cela, nous comprenons les sous-jacents qui sont à l’origine d’orientations politiques et stratégiques. La Cour des comptes peut alors les appuyer ou les questionner grâce aux recommandations qu’elle formule.

Mes autres travaux au sein des ministères de l’Éducation nationale me permettent également de connaître un fonctionnement totalement différent de celui que je fréquente habituellement au sein du ministère de l’Intérieur. S’ils me sont moins familiers, j’ai appris à m’adapter. J’irai, dans les semaines à venir, rencontrer des recteurs de région académique et je suis très sensible à leurs préoccupations.

J’ajouterai que mon arrivée à la Cour des comptes s’est faite avec beaucoup de bienveillance et je remercie sincèrement les magistrats et les personnels qui m’ont offert cet accueil. Depuis, j’ai appris à évoluer avec une forte autonomie et je m’investis pleinement dans les missions confiées en gardant à l’esprit le degré d’exigence attaché aux publications de la Cour auquel j’ai dû m’habituer. J’ai véritablement appris sur les fonctionnements de l’État et j’ai ouvert mon horizon de manière transverse sur la conduite et l’évaluation des politiques publiques.

Je souhaite que mon retour au sein de la gendarmerie me permette de proposer des idées utiles à l’évolution et à l’adaptation continue de la Gendarmerie nationale, et plus largement à celle du ministère de l’Intérieur, en m’inspirant de mon expérience à la Cour des comptes.

La “Galerie Philippe Seguin ” de la Cour des comptes, Paris, inaugurée par M. François Fillon, Premier ministre, M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et M. Jean-François Bernard, Procureur général le 06 janvier 2011 © Valérie Desforges
  • Comment les contrôlés vivent-ils l’expérience ?

Il m’est arrivé d’entrevoir qu’un contrôlé peut ressentir une forme d’appréhension lorsqu’il reçoit une notification de contrôle de la Cour des comptes. Tout d’abord, il va devoir s’organiser pour permettre le bon déroulement du contrôle en intégrant cet imprévu dans son plan de charge. Il devra ensuite dévoiler sa stratégie, son fonctionnement, ses comptes, etc. avec le risque qu’un manquement aux règles d’emploi des fonds publics puisse être décelé. Je pourrai comparer cela à la sensation qu’éprouverait une personne qui se fait contrôler par un gendarme ! Pour autant, je n’ai eu que des relations fluides et constructives avec les contrôlés.

A mon sens, il faut voir les rapports de la Cour des comptes comme un processus d’accompagnement pour les administrations contrôlées. La Cour leur apporte un regard extérieur qui leur permet d’évoluer positivement, de devenir plus performantes, parfois en aidant au déclenchement de certains arbitrages ministériels. Les rapports de contrôle sont de véritable outil de pilotage stratégique. Les contrôlés comprennent parfaitement ce bénéfice, car selon le rapport d’activité 2022, ils ont mis en œuvre 74% des recommandations formulées.

La Cour des comptes garantie au citoyen la bonne gestion et le bon usage de l’argent public et sanctionne les écarts de conduite des gestionnaires et comptables publics. Nous sommes tous concernés par ce service que nous rend la Cour des comptes, car même si nous ne sommes pas tous assujettis à l’impôt de la même façon, chacun paye des taxes. Pour rappel, en France en 2023, la taxe sur la valeur ajoutée, que nous payons à chacun de nos achats, devrait atteindre 38% des 470 milliards d’euros de recettes fiscales brutes prévues. Il est donc intéressant de connaître la destination des crédits qui viennent directement ou indirectement de notre portefeuille.

  • Avez-vous connaissance de la date de votre départ de la Cour des comptes ?

Je suis nommé à la Cour des comptes pour une durée de trois ans. Je devrais donc quitter la Juridiction financière l’été prochain, en 2024. Il est probable qu’un autre officier de la gendarmerie soit proposé pour me succéder. Je l’encourage déjà à accueillir ce poste sans retenue, car l’aventure vaut sincèrement la peine d’être vécue !

D’autres officiers de gendarmerie ont pu, avant moi, vivre cette expérience. Je pense par exemple au colonel Sébastien Thomas, en poste à la Cour de 2013 à 2016. Il commande aujourd’hui le groupement de gendarmerie départementale des Alpes-Maritimes. Il y avait avant lui, le général Samuel Machac, présent à la Cour de 2010 à 2013, qui assure actuellement la fonction de sous-directeur de la politique des ressources humaines à la DGGN.

Il arrive également que des militaires, au même titre que des fonctionnaires, fassent le choix de demander une intégration comme magistrat financier à la Cour des comptes ou au sein des chambres régionales et territoriales des comptes. Ce n’est pas mon choix, car mon métier d’officier de gendarmerie a pour moi une résonnance « vocationnelle ». Il est lié à l’idéal de notre statut militaire, à la cohésion de notre force armée et à ma passion pour le commandement de femmes et d’hommes d’exceptions.

Le lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck (à droite) est fait chevalier de l’ordre national du mérite. Nommé par décret du 1er juin 2023, il est récompensé pour l’ensemble de ses mérites distingués. Cette distinction lui est remise par le général de corps d’armée Xavier Ducept, commandant de la région de gendarmerie d’Île-de-France et commandant la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité de Paris © Bcom RGIF

A vous écouter la mission est passionnante. Prenez-vous du temps pour vous ?

En effet, je choisis de prendre du temps pour moi en décidant de le donner aux autres !

Pour bien comprendre, je voudrai rappeler que je suis militaire parce que la notion de service est ancrée en moi. Le service de mon pays ou le service d’autrui, tel que l’exige l’état militaire, signifie un engagement pouvant aller jusqu’au don de sa vie. Ce concept reste fondamental et m’invite sans cesse, y compris dans ma vie privée, à répondre présent pour m’y préparer (sans le désirer). Le don total ne pourrait-être possible que si ce don s’inscrit déjà dans chacune de nos actions quotidiennes. Ainsi, je me suis toujours habitué à faire de mon mieux pour être toujours prêt à rendre service !

Tout d’abord, avec mon épouse, nous avons une grande famille de six enfants uniques ! C’est un autre travail à temps plein ! Il me paraît essentiel d’être consacré à ma famille, car elle est l’essence de ma joie et de ma fierté. Elle sera toujours ce qui demeure. La famille est source d’avenir et d’espérance. D’ailleurs, en ces temps difficiles, si certains lecteurs se demandent encore ce qu’ils peuvent faire pour promouvoir la paix dans le monde. Qu’ils méditent sur cette réponse de Mère Thérèsa : « Rentrer chez vous et aimer votre famille ! »

Par ailleurs, je donne chaque semaine un après-midi aux pensionnaires et aux anciens combattants de l’institution nationale des Invalides pour les accompagner lors de sorties, pour organiser des jeux de société, passer du temps auprès d’eux, pour les écouter, ou les aider dans des tâches du quotidien. Je participe à ces actions avec l’Ordre de Malte France où je suis bénévole depuis l’âge de 13 ans. Cette association, agrée de sécurité civile, s’engage auprès des personnes fragilisées par la pauvreté ou la maladie en France et dans le monde. J’ai également exercé des responsabilités de délégué départemental au sein de l’Ordre de Malte.

Dans le prolongement de mes engagements en faveur des plus fragiles, j’accompagne cette année un étudiant de Science Po Paris en situation de handicap afin de l’aider à réussir et à affiner son projet professionnel. Ce mentorat est rendu possible grâce à un partenariat conclu avec la Cour des comptes dans le cadre du programme Sciences Po Accessible.

Je prends aussi le temps de partager mes expériences et de transmettre mes connaissances auprès d’étudiants de l’Université Paris-Panthéon-Assas. Depuis trois ans, j’ai rejoint l’équipe enseignante du Master 2 « économie et management publics » et je dispense les cours de politiques publiques appliquées à la sécurité et à leurs évaluations. J’assure aussi le tutorat d’étudiants alternants de Panthéon-Assas-Université effectuant leur apprentissage en entreprises ou dans des administrations. La transmission du savoir m’apparaît essentielle pour bâtir le futur.

Cérémonie de remise des diplômes aux étudiants de la promotion 2023 du Master 2 économie et management publics de Panthéon-Assas-Université auprès de qui le lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck enseigne les politiques publiques appliquées à la sécurité et leurs évaluations © Valérie Desforges

Souhaitez-vous adresser des remerciements ?

Si l’occasion m’est enfin donnée d’adresser des remerciements, je les destine d’abord aux femmes et aux hommes qui m’ont été confiés dans l’exercice de mes commandements. Ce sont eux qui m’ont véritablement appris le métier de gendarme et à qui je dois les succès collectifs auxquels j’ai pris part.

Je pense aussi souvent à mes camarades de promotion. Nous avons découvert et forgé ensemble un esprit de camaraderie qui préfigure, pour le reste de notre vie, notre esprit de corps.

Enfin, le destin m’a placé sous la responsabilité de chefs qui ont toujours favorisé mon épanouissement professionnel en me faisant confiance et me donnant une vraie liberté d’action pour innover, adapter et faire évoluer certains concepts dans le but de répondre encore mieux aux attentes des citoyens aux côtés d’élus et de personnalités attachés à la Gendarmerie nationale.

De manière plus élargie, qu’il me soit permis de remercier les femmes et les hommes du ministère de l’Intérieur, M. Gérald Darmanin ; de la Gendarmerie nationale, le général d’armée Christian Rodriguez (DGGN) ; de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici. Ces institutions sont celles auprès de qui je m’efforce d’œuvrer professionnellement en faveur du bien commun.

Enfin, merci Miss K d’être venue me rendre visite à la Cour des comptes !

Lieutenant-colonel Edouard-Nicolas Derinck et Miss Konfidentielle à la Cour des comptes (Cercle des magistrats) © Valérie Desforges

La découverte du Cercle des magistrats

Il s’agit d’un espace convivial. Il abrite le fonds Pierre Moinot, collection des œuvres écrites à titre privé par les magistrats depuis la création de la Cour des comptes en 1807. Il comporte environ 2 000 ouvrages. Pierre Moinot (1920-2007) est un ancien magistrat de la Cour des comptes, Procureur général et membre de l’Académie française.


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