#CBD – Note de synthèse 2023 publiée par la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives)

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Fidèle à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives depuis des années pour la qualité de son travail utile à l’information de la santé publique et dont le président est Nicolas PRISSE, je viens sur la Note de synthèse CBD 2023 publiée par la MILDECA. La première partie est technique et la seconde plus aisée à comprendre.

Un mot à l’endroit de Nicolas PRISSE pour le présenter rapidement. Nicolas Prisse est médecin qualifié en santé publique et médecine sociale, médecin général de santé publique. Actuellement conseiller en charge des politiques de santé publique au cabinet de la ministre des affaires sociales et de la santé, il a été nommé président de la MILDECA en conseil des ministres le mercredi 8 février 2017 sur proposition du Premier ministre. Il a pris ses fonctions à compter du 1er mars 2017. Plus de précisions sur le parcours de Nicolas PRISSE et les actualités de la MILDECA.

A noter que la vente et la consommation de cannabidiol (CBD) non médical sont autorisées en France. Grâce à cette fiche, trouvez les principaux textes et les interlocuteurs fiables sur le sujet. Quels textes encadrent la vente de CBD (cannabidiol) en France ?

Cannabidiol (CBD) : analyse de produits « CBD non pharmaceutiques »
disponibles en France

C. Chevallier1, L. Charuel2, C. Richeval3, L. Chaouachi2, L. Del Valle1, C. Eiden4, J.-M. Gaulier3, A. Batisse2 1CEIP-A de Lyon, 2CEIP-A de Paris, 3Laboratoire de toxicologie du CHRU de Lille, 4CEIP-A de Montpellier

Cette recherche a bénéficié du soutien de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Conduites Addictives (MILDECA)

Disponible sur Internet comme dans le commerce (bureau de tabac, pharmacie d’officine, boutique CBD ou vapotage etc..), le « CBD non pharmaceutique » appelé également « cannabis light » ou « cannabis bien-être » a pris son essor depuis près de trois ans en France. Les modifications de réglementation du CBD survenues en 2021 ont abouti à un déploiement exponentiel de ces produits, associé à un marketing agressif. L’utilisation du « CBD non pharmaceutique » concerne toutes les classes d’âge et toutes les classes sociales, allant du mineur expérimentateur de puff à la personne âgée douloureuse. Présentés avec des vertus thérapeutiques diverses et variées, le marché du CBD s’est entrechoqué avec l’arrivée du cannabis médical. Une confusion générale s’est installée dans l’hexagone entre le CBD dit « bien-être » et le CBD pharmaceutique à usage médical. En tant que structure de veille sanitaire sur les substances psychoactives, les Centres d’Addictovigilance ont vu émerger les risques liés à la consommation de ce « CBD bien-être », notamment du fait de la présence possible d’autres cannabinoïdes non attendus. Dans ce contexte, il est apparu important d’étudier la qualité des produits disponibles sur le marché afin d’informer les consommateurs de manière éclairée. Ce projet d’addictovigilance (pilotée par les CEIP-A de Paris, Lyon et Montpellier), en partenariat avec le laboratoire de toxicologie du CHU de Lille, vise à analyser la composition réelle d’un panel de produits « CBD non pharmaceutiques » afin d’évaluer notamment l’adéquation entre le contenu annoncé sur l’étiquetage du produit et celui réellement présent.

Après une étude de marché du CBD dans 3 régions françaises, un achat aléatoire a été réalisé sur l’ensemble des boutiques référencées en englobant la majorité des types de produits disponibles : fleurs, résine, wax, E-liquide, produits alimentaires ou cosmétiques. Une analyse toxicologique spécifique et sensible des échantillons achetés a été réalisée par différentes techniques de chromatographies liquides (CL-SM/SM et CL-SMHR). Celles-ci étaient à la fois qualitative et quantitative, à la recherche de cannabinoïdes naturels ou d’hémisynthèse (Δ9-THC, Δ8-THC, CBD, CBN, THCA, CBDA, HHC et H4-CBD) mais également de toutes autres substances actives qui ne seraient pas mentionnée dans la composition des échantillons telles que médicaments, drogues traditionnelles, nouvelles drogues de synthèse ou produits de coupe.

Au total, 223 échantillons de CBD ont été achetés sur 2 périodes d’achat distinctes (juillet 2022 et avril 2023), et analysés. Les produits étaient majoritairement à inhaler (85% : fleur, pollen, résine, crumble, wax, POD, E-liquide), ou à ingérer (14% : bonbons, sucette, gélule) ou à appliquer en topiques (1% : crèmes cosmétiques). Les filières d’achat étaient des sites internet de vente en ligne (66%), des boutiques spécialisées de CBD (15%), des bureaux de tabac (11%), des pharmacies d’officine (4%) ou des boutiques de vapotage (4%).

L’étude de marché sur 33 sites de vente en ligne a mis en évidence que de nombreux vendeurs ne respectaient pas la réglementation et alléguaient des vertus thérapeutiques de leurs produits CBD. Seul 1/3 des sites internet précise que le CBD n’est pas considéré comme un médicament. Seul 1 site sur 2 préconise l’usage uniquement chez les personnes majeures.

ANALYSES TOXICOLOGIQUES A LA RECHERCHE DES CANNABINOIDES NATURELS OU D’HEMISYNTHESE

1. Concernant les taux de Δ9-THC (principal constituant psychoactif du cannabis) contenu dans les échantillons de CBD : près de 90% des produits vendu dans la filière « CBD bien-être » de l’échantillonnage de l’étude (n=195/223) présentent un taux de Δ9-THC < 0,3%. 28 échantillons (12,5%) ont un taux de THC > 0,3%. Très loin des taux de Δ9-THC retrouvés habituellement dans le cannabis récréatif, les taux retrouvés varient avec un maximum à 1,2%. Il s’agit principalementd’échantillons à inhaler (herbe, résine, pollen et E-liquide). Ces échantillons proviennent de toutes filières d’achat : de la boutique CBD à la pharmacie d’officine, en passant par les bureaux de tabac. Sur les deux périodes étudiées, la part d’échantillons de CBD présentant un taux de Δ9-THC au-delà de 0,3% tend à augmenter : en 2022, 8% parmi les 65 échantillons comparés à 2023, 14,5% parmi les 158 échantillons.

2. Concernant les taux de CBD : inadéquation entre l’étiquetage des échantillons de CBD et la composition réelle retrouvée. Il faut noter que seul un échantillon sur deux présente un étiquetage de la composition. Parmi les échantillons qui ont un étiquetage, seuls 19% ont un taux réel correspondant à celui annoncé (marge d’erreur de 20%). Dans la majorité des produits, la concentration en CBD est inférieure à celle indiquée (69%). Le taux médian de CBD est faible et se situe autour de 4% avec un taux maximum retrouvé à 90%. Pour 4 échantillons, le CBD est retrouvé sous forme de traces uniquement (Puff/POD/cookies) et reflète des pratiques commerciales abusives (arnaques).

Produits issus de pharmacies d’officine : Sur un effectif très faible de 10 échantillons (huiles de CBD principalement), un échantillon sur 10 a un taux de THC > 0,3% et peut être considéré comme relevant de la législation pénale des stupéfiants. Les taux de CBD sont quant à eux comparables à ceux indiqués sur l’étiquetage dans un cas sur deux seulement.

3. Concernant les cannabinoïdes d’hémisynthèse (HHC, Δ8-THC, HHC et H4-CBD) : les analyses révèlent la présence de ces nouveaux cannabinoïdes dans 5,4% des échantillons (12/223) alors même qu’ils n’étaient pas mentionnés sur l’étiquetage. Dans ce contexte, le consommateur se retrouve à utiliser une substance psychoactive à son insu. C’est sur la seconde période d’achat de notre étude (2023) qu’ils sont plus particulièrement retrouvés.

ANALYSES TOXICOLOGIQUES A LA RECHERCHE DE TOUTES AUTRES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES

Les échantillons de CBD achetés dans l’étude ne contiennent aucune autre substance psychoactive : ni médicaments, ni drogues traditionnelles, ni nouvelles substances psychoactives, ni produits de coupe.

Le panel d’échantillons de cette étude ne peut être considéré comme représentatif et il est possible que des produits CBD non pharmaceutiques vendus en France contiennent des substances psychoactives inattendues.

Le panel d’échantillons de cette étude ne peut être considéré comme représentatif
et il est possible que des produits CBD non pharmaceutiques vendus en France
contiennent des substances psychoactives inattendues.

L‘ESSENTIEL A RETENIR

Dans la grande majorité des échantillons analysés, le « CBD non pharmaceutique » ne relève pas de la législation pénale des stupéfiants (THC < 0,3 %). Cependant cette étude met en évidence des défauts de qualité des produits CBD avec des concentrations inférieures, supérieures ou non précisées jusqu’à l’arnaque et ce pour toutes filières d’approvisionnement confondues et pour toutes formes de produit.

Depuis 2023, on constate que le marché du CBD peut être une porte d’entrée détournée pour les néocannabinoïdes. Ces produits pour certains non encore réglementés ont des propriétés psychoactives et des effets souvent mal connus mais parfois graves comme l’a montré le HHC. Cette entrée des néocannabinoïdes dans le marché du CBD et à l’insu des consommateurs est un phénomène à surveiller au vu des risques sanitaires potentiels.

Le CBD est une substance psychoactive qui n’est pas inerte pharmacologiquement. Sa consommation peut induire de la somnolence et des troubles de la vigilance. Chez l’Homme, des interactions entre le CBD et un certain nombre de médicaments ont été mises en évidence. La prise de CBD de manière concomitante avec des médicaments nécessite un avis médical en raison du risque de perte d’efficacité des traitements médicamenteux des patients ou de la majoration des effets indésirables.L’autorisation de la mise sur le marché de l’Epidyolex (100 mg/mL) interroge sur l’absence d’une dose d’exonération pour ces produits non pharmaceutiques à l’image de la mélatonine.

A la différence des médicaments à base de cannabis médical disponibles en France dans le cadre de l’expérimentation pilotée par l’ANSM, le commerce du CBD non pharmaceutique s’inscrit dans une règlementation complexe, différente selon les catégories de produits (alimentaires, cosmétiques, vapotage…) et ne fait l’objet que de peu de contrôle de mise sur le marché. Il devrait répondre aux mêmes exigences que le CBD pharmaceutique, avec une production contrôlée et des normes qualités.

Propositions d’encadrement du marché des produits CBD :

  • ✓  Protection de la santé des populations :
    o Campagned’informationetdepréventionsurl’usagedescannabinoïdes
    o Affichageclairdesréflexesdesécurité: «Usageinterditaumoinsde18ans »,« Ne pas laisser à la portée des enfants », « Interdit pour la femme enceinte/allaitante »
  • ✓  Renforcement de la sécurité des produits : normes et contrôles qualités, régime d’autorisation préalable à la mise sur le marché, obligation d’étiquetage précisant à la fois la composition et les modes d’utilisation, les mises en garde et les précautions d’emploi
  • ✓  Réduction des usages : restriction de la publicité à l’instar des produits du tabac (packaging neutre avec messages clés), régulation de la densité des points de vente ; formation des revendeurs au bon usage et à la réduction des risques
  • ✓  Sensibilisation à la déclaration des effets indésirables et l’analyses de produits douteux
  • ✓  A l’instar de la mélatonine, déterminer une dose d’exonération ou une dose journalière maximale de CBD, à partir d’un cadre réglementaire adapté à chaque catégorie de produits.

Plus de précisons sur la MILDECA.

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