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Francis Joyon pulvérise le Trophée Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Le maxi trimaran IDEC SPORT de Francis Joyon s’est adjugé en seulement 40 jours le Trophée Jules Verne, tour du monde à la voile, en équipage et sans escale. Retour en texte et en images sur les coulisses de l’exploit !  

Francis Joyon, Sébastien Audigane, Bernard Stamm, Gwénolé Gahinet, Alex Pella et Clément Surtel sont bien aujourd’hui les navigateurs à la voile les plus rapides de tous les temps autour de la planète. Les six hommes ont franchi la ligne d’arrivée le jeudi 26 janvier 2017 à 8 heures et 49 minutes heure française et ont bouclé les 22 461 milles du parcours théorique en 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes, à la vitesse moyenne sur la route de 22,84 nœuds. En réalité, ils ont parcouru 26 412 milles sur le fond, à la moyenne de 26,85 nœuds et pulvérisent le précédent record détenu par Loïck Peyron et l’équipage du maxi trimaran Banque Populaire V de 4 jours, 14 heures, 12 minutes et 23 secondes. Cet équipage réduit pour un si grand bateau de 31,50 m de longueur, s’est octroyé chemin faisant pas moins de 6 records ou temps de passage intermédiaires : à Leeuwin, Tasmanie, Antiméridien, Horn, Equateur et Ouessant. L’exploit est considérable, et l’analyse détaillée des performances quotidiennes fait ressortir d’étonnants faits d’armes, comme cette 14e journée de mer à 894 milles parcourus à 37,3 nœuds de moyenne, ces 8 journées à plus de 800 milles, et ces 7 à plus de 700. A bord d’un maxi multicoque conçu en 2005 pour un équipage d’une douzaine d’hommes, Francis, Clément, Alex, Seb, Gwéno et Bernard ont, au-delà de la performance, raconté avec une désarmante simplicité une extraordinaire et joyeuse aventure de marins complices.

Première tentative avortée  

« Nous sommes partis le 16 décembre dernier dans la plus grande incertitude » a avoué au moment du départ le benjamin du bord Gwénolé Gahinet. Après une première tentative avortée quelques jours auparavant, Francis Joyon et ses hommes repartaient le 16 décembre 2016 avec une confiance mesurée en l’issue de leur expédition, confrontés à de nombreuses interrogations quant à l‘évolution des grands systèmes météos en Atlantique Sud. Comme à leur habitude, ils s’élançaient pourtant sans retenue et se montraient rapidement à leur avantage, portant dès le 5e jour de course leur avance sur le chrono référence à plus de 210 milles. Mais le pot au noir*, décidément très remonté contre le maxi trimaran rouge et gris, douchait vite l’euphorie naissante en infligeant un impitoyable traitement à base d’orages, de vents tourbillonnants et de calmes plats. A 6,4 nœuds de moyenne le 21 décembre, IDEC SPORT signait la pire journée de sa tentative, ne progressant que de 186 milles en 24 heures. Son retard sur le précédent record explosait, pour atteindre au 11e jour de course, à l’entrée des 40e Rugissants, les 755 miles. C’est avec ce déficit à l’esprit, que l’équipe de Francis Joyon allait signer l’une des plus impressionnantes pages de l’histoire des grands records océaniques.

L’exploit des mers du sud

Lent à l’équateur, le trimaran géant, tout en mangeant son pain noir, était parvenu à se glisser intelligemment en bordure des calmes de l’anticyclone de Saint Hélène, coupant au plus court au cœur de l’Atlantique Sud pour attraper au vol une dépression australe puissante et virulente Joyon et ses marins allaient se cramponner avec une rare assiduité à cette dépression abordée idéalement par sa face nord-est. Leur entêtement à ne jamais se laisser dépasser par le fort flux de nord-ouest portait rapidement ses fruits, et durant les 11 jours suivants, le bateau n’allait que très occasionnellement progresser à moins de 30 nœuds de moyenne horaire. Avec des pointes enregistrées à plus de 44 nœuds, la bande à Joyon traçait un sillon unique et exceptionnel, au cœur des inhospitalières mers du Grand Sud. A telle enseigne qu’ils saluèrent Bonne Espérance puis Leeuwin, deux des trois grands caps de ce Trophée Jules Verne à 4 jours et 9 heures d’intervalle. L’avance sur le tenant du titre était, le 4 janvier dernier, portée à une journée et demie au passage sous la Tasmanie. Un internaute australien avisé s’est exclamé alors : « Deux jours pour traverser l’Australie! On ne peut même pas faire cela en voiture! » Un peu plus d’une semaine plus tard, Alex, Seb, Gwéno, Francis, Bernard et Clément rajoutaient un nouveau chapitre à leur impressionnante série de passages du Cap Horn. L’ancien détenteur du tire, Banque Populaire V était alors relégué à 4 jours et 6 heures du tableau arrière d’IDEC SPORT…

Houle désordonnée et pot au noir 

Si Loïck Peyron avait, début 2012, connu une remontée de l’Atlantique Sud extrêmement favorable, les hommes de Francis Joyon se voyaient confrontés à un enchainement contrasté de phénomènes météos. Passées les îles Malouines, c’est une dépression très virulente surgit des côtes argentines qui infligeait au skipper normand et à son équipe de navigateurs chevronnés un traitement sévère à base de houle désordonnée et souvent contraire. Les marins du bord s’employaient à trouver le bon compromis entre préservation du voilier, et impérieuse nécessité de gagner rapidement vers le nord. Trois routes s’offraient ensuite à eux pour traverser au large du sud Brésilien ces zones peu ventées dites de transition. Entre quête du vent loin à l’est, et des allures de près le long des côtes Brésiliennes, Joyon, toujours soutenu par la pertinence des analyses de son routeur à terre Marcel van Triest, choisissait une voie médiane cap au nord. Une option  qui lui permettait, passé le cap Frio, de toucher dans des temps qualifiés de « corrects » les alizés de sud-est. Restait une nouvelle fois, la quatrième en moins de deux mois, à affronter le pot au noir. Fidèle à ses (mauvaises) habitudes, celui-ci, à la vue du grand trimaran, choisissait de s’alanguir sous la forme d’une énorme bulle totalement déventée. Une nouvelle fois, les analyses de Francis et de Marcel s’accordaient pour jouer les extérieurs et les extrêmes. Elles poussèrent loin dans l’ouest et le nord de Fortaleza (Brésil) le choix d’entrée dans l’hémisphère nord. Pari gagnant. « Nous n’avons jamais été arrêtés! » pouvait s’exclamer Joyon en touchant les alizés de nord-est.

Les six fantastiques !

En adonnant progressivement à la latitude des îles du Cap Vert, les alizés offraient à la formule 1 des mers une force de vents parfaite pour foncer vers le sud Açorien. Les marins renouaient, malgré leur vigilance permanente, avec les très hautes vitesses, 30 nœuds et plus, pour dessiner une impressionnante parabole transatlantique depuis le nord este brésilien. Après avoir amarré sur les quais de Brest  son maxi-trimaran au terme d’une circumnavigation expresse de 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes, Francis Joyon a en compagnie de ces cinq compagnons, révélé une partie des secrets de ce fantastique exploit. « À bord, je voulais que la mayonnaise prenne. C’est primordial qu’il y ait une vraie cohésion d’équipage et du bonheur à naviguer ensemble. J’ai donc privilégié le facteur humain. Nous avons fonctionné avec une bonne cohésion à bord d’un bateau sans hiérarchie. Chacun était responsable de lui-même. Chacun a disputé ce Trophée Jules Verne pour lui-même et nous avons tous donné le meilleur de nous-mêmes. Les 40 jours ne constituaient pas un objectif au départ, ce n’était pas imaginable. Battre le record d’une minute représentait déjà un exploit formidable »  a révélé avec la grande modestie qui le caractérise Francis Joyon à son arrivée à Brest. Chapeau les artistes !

David Raynal avec le service de presse d’IDEC SPORT

*Pot au noir : zone de convergence intertropicale caractérisée par des vents calmes ou faibles. 

Pour en savoir plus : http://www.idecsport-sailing.com 

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