Interview – Damien Bonnard, profession : acteur

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Damien Bonnard est un acteur, un vrai. Tout d’abord parce qu’il est surprenant. Jamais là où on l’attend, toujours audacieux, capable d’enchainer en toute crédibilité des rôles aussi divers que scénariste au chômage père célibataire à la recherche d’un loup dans Rester Vertical d’Alain Garaudie, que barman faussement céliqueutard victime d’harcèlement dans C’est qui cette fille de Nathan Silver, que policier amoureux transi et protecteur d’Adèle Haenel dans En liberté de Pierre Salvadori.  Ensuite parce ce qu’il est créatif, ne s’interdit rien du moment qu’il a envie de se glisser dans la peau d’un personnage ou dans l’univers d’un réalisateur. Est-ce parce qu’il a vécu 1001 vies qu’il est capable d’incarner 1001 personnages ? De films en films sa technique de jeu s’enrichit, il est inclassable. Du travail, du travail et encore du travail semble être son leitmotiv.  

Et les résultats sont là : actuellement en tournage sur le dernier film de Roman Polanski consacré à l’affaire Dreyfus, bientôt chez Dominique Moll, Anne Fontaine et Wes Anderson (après avoir joué l’année dernière pour Xavier Nolan dans Dunkerque). Pas mal pour quelqu’un qui a commencé sa carrière après 30 ans, sans connections dans le milieu du cinéma. Nous l’avons rencontré pour une interview passionnante.

Votre vie est très riche. Vous avez pratiqué de nombreux métiers, vécu de nombreuses expériences. Par exemple très jeune vous avez fait les Beaux-arts en France puis en Belgique. Pouvez-vous nous en parler ? Maintenant que vous êtes devenu acteur, vous intéressez-vous toujours à l’art contemporain ? Pratiquez-vous toujours une activité plastique, allez-vous à des expositions ? 

Malheureusement je manque parfois de temps pour me rendre aux expositions mais je me soigne ! Indépendamment de mon métier, j’habite Paris et je manquais vraiment de temps comme le Parisien que je suis devenu c’est-à-dire que je ne profitais pas de toute l’offre culturelle à ma portée. Parce que je me laissais emporter par le tourbillon de la vie parisienne et repoussait le moment de prendre le temps. Je me suis rendu compte qu’il fallait effectivement que j’ai davantage de rigueur pour aller à davantage d’expositions. C’est pourquoi je me suis organisé pour fréquenter davantage d’artistes, y compris en dehors du cinéma. Je suis entré aux Beaux-arts à la sortie de l’adolescence et quand je me suis lancé dans le cinéma il m’a fallu ensuite environ 10 ans pour digérer cette expérience car j’étais trop jeune. J’en suis sorti à l’âge où normalement on y rentre. 

L’enseignement des Beaux-arts m’a procuré une ouverture sur le monde, redonné du sens à ma vie à l’époque où je me cherchais, c’est un endroit où tu peux faire des rencontres influentes pour ta carrière mais surtout pour ta vie personnelle. J’ai même été l’assistant de la peintre Marthe Wéry, j’ai beaucoup appris pendant cette période.  

Lorsque j’ai décidé de devenir acteur, je me suis vraiment focalisé sur cette envie de faire du cinéma donc j’ai mis toute mon énergie sur le désir de devenir acteur mais je n’oublie pas l’art contemporain. 

J’ai arrêté de produire des œuvres d’art par contre. Auparavant, je faisais de la peinture plutôt abstraite. Je composais des créations in-situ, des assemblages où l’écriture avait une large place. J’aimais légender et que le texte rende réaliste ce qui de prime abord paraissait totalement abstrait. Cela permettait de parler autrement de la réalité et d’expliciter ma démarche à l’aide des textes. Le texte rendait réaliste ce qui paraissait abstrait et mes textes ont même faillis être publiés. J’ai refusé je ne sais pas pourquoi. 

C’était amusant cette période. Je faisais des performances, des sculptures sur lesquelles j’intervenais.  J’étais plutôt proche de l’abstraction et l’écriture était une manière de parler de la réalité. C’était des questionnements du monde qui m’entourait. 

Actuellement je fréquente beaucoup des galeries d’art c’est quelque chose dont j’ai besoin la contemplation est quelque chose d’important, à revaloriser dans notre société. Notre époque à tendance à aller toujours plus vite et à négliger la contemplation et pourtant ralentir, prendre le temps de regarder c’est essentiel.

Est-ce un film qui vous a donné envie d’être acteur ? Quel est le film qui vous a le plus ému ? Vous ne pouvez en citer qu’un seul.

Il y a bien évidemment beaucoup de films que je pourrais citer concernant les films qui m’ont ému mais pour répondre à votre première question c’est une pièce de théâtre Mesure pour mesure de William Shakespeare qui m’a donné envie de faire ce métier. Les acteurs avaient l’air heureux, j’ai eu envie de vivre un mode de vie qui me rendrait heureux moi aussi. 

J’ai pris des cours, fait un stage avec Ariane Mnouchkine. Je me suis donné les moyens de réaliser mon désir en apprenant et travaillant. J’ai dépassé ma peur car être sur une scène de théâtre c’est être sans filet de sécurité. Mais c’est une sensation également super agréable, la temporalité sur scène est tellement différente de celle de la vie ou de celle du cinéma, tout est plus dense, c’est de l’adrénaline pure. J’aimerai actuellement jouer au théâtre à condition que le projet soit bon dans sa forme et dans son fond. C’est une question de moment, de metteur en scène, d’écriture. Je recherche un projet qui me donnera vraiment envie de m’investir. 

Concernant le film qui m’a marqué, j’adore les films et j’aimerai en citer plusieurs. Puisque je dois en choisir un seul je dirais Amadeus de Milos Forman. C’est un film que j’ai vu enfant et qui gamin me faisait du bien. C’est vraiment un film qui m’a marqué. J’ai envie également de citer Under the skin avec Scarlett Johansson. C’est un film d’anticipation, il parle du réel avec décalage. Il traite de la difficulté de trouver sa place sur Terre.

Est-ce qu’il y a un rôle que vous rêvez d’incarner ? Souhaiteriez-vous tourner avec des acteurs, des réalisateurs en particulier ?

Je n’ai aucun apriori. Je suis ouvert. J’ai envie de tout incarner. Je préfère que les réalisateurs pensent à moi et me propose des choses. En parallèle je m’intéresse aux projets de réalisateurs qui m’intéressent. De même je ne cours pas pour tourner avec un acteur en particulier. Ce qui compte c’est le film. C’est pourquoi ce n’est pas l’épaisseur du rôle qui compte. Ce qui compte c’est l’histoire racontée, filmée, bien davantage que la partition personnelle. Le cinéma c’est un travail d’équipe. Je fais de magnifiques rencontres au fil des opportunités. Je me laisse surprendre. Je n’ai pas peur de l’aventure, de la rencontre, du travail. J’aime découvrir des univers et rencontrer des gens.

Votre pluralité de rôles parlons-en justement. Dans quels rôles êtes-vous le plus à l’aise ? Quelle est la définition du métier d’acteur (s’il y en a une) ? 

Mes rôles sont des choix harmonieux pour moi. Il n’existe pas une seule définition du métier d’acteur, il y a autant de définitions que de gens qui exercent ce métier. Etre acteur c’est ce qui me rend heureux. C’est du travail, des rencontres, des apprentissages. Je me sens à l’aise dans mes rôles car je les choisis et je les assume. 

Damien Bonnard dans “C’est qui cette fille?” de Nathan Silver

Avez-vous une anecdote de tournage à nous révéler ?

J’en ai beaucoup, je vais vous raconter une anecdote sur un tournage avec Bertrand Blier. C’était un de mes premiers tournages et je devais jouer avec Jean Dujardin et Anne Alvaro. Le film s’intitulait Le bruit des glaçons. Bertrand Blier-Jean Dujardin : quand tu débutes c’est un peu impressionnant quand même. Le premier jour de tournage je devais rentrer dans une pièce pour tuer Jean Dujardin et Anne Alvaro. Je dis une phrase et Bertrand Blier dit : « Coupez ! Mais tu vas jouer comme ça tout le temps ? » J’étais mortifié. Et puis Bertrand Blier a juste dit : « Non, non c’était très bien je déconne on reprend », c’était une façon tacite de me rassurer et de me détendre. Ça a marché, je me suis vraiment détendu, j’étais super à l’aise sur la suite du tournage dont je garde d’ailleurs un excellent souvenir.

Très sympathique. Justement, parlez-nous de votre tournage actuel avec Polanski…

Je joue le rôle de Jean Alfred Desvernine, qui a œuvré avec l’équipe de Picart à innocenter Alfred Dreyfus. Le film est basé du point de vue de la société civile. Je joue avec Jean Dujardin qui incarne le général Picart dans ce film réalisé par Roman Polanski. Le scénario a été écrit par Roman Polanski d’après l’ouvrage « D » de Robert Harris qui a également participé au scénario. 

C’est ma deuxième collaboration avec Polanski, la première fois je devais jouer un ingénieur du son blasé et muet dans D’après une histoire vraie, le film qu’il a tourné d’après le roman de Delphine De Vigan. 

C’était vraiment un rôle de composition car j’étais tout sauf blasé de tourner avec Polanski ! J’étais ravi de tourner avec lui ! Un de mes films fétiches, liés à mon enfance c’est quand même Le bal des vampires ! Et je garde un souvenir ému d’adolescent, quand vers 12 ans, avec ma mère on a visité le bateau qui a été utilisé dans son film Pirates. Je ne savais pas à l’époque que c’était le bateau du film et que j’allais devenir acteur et travailler avec lui.

Cette deuxième collaboration est plus consistante que la première et j’en suis enchanté. Il a une direction d’acteurs incroyable. Roman Polanski est un acteur lui aussi donc il connait beaucoup de choses concernant les acteurs, il propose des choses toujours très justes. Tourner avec lui est une vraie valeur ajoutée, notamment par sa précision, son souci du détail, son perfectionnisme, cela enrichit le jeu des acteurs. Tourner avec lui c’est un plaisir évident. Une vraie joie. Comme c’est la 2e fois que je collabore avec lui, j’ai ressenti une vraie continuité dans le travail.  

Etes-vous conscient de votre charisme, de votre séduction ?

Depuis le film En liberté de Pierre Salvadori beaucoup de gens me reconnaissent dans la rue, viennent me saluer et c’est plutôt sympathique. Dans En Liberté mon rôle de Louis, le collègue intègre, amoureux et protecteur d’Yvonne fait du bien. Il dispose d’un capital sympathie important.

Grâce à ce rôle beaucoup de gens me reconnaisse dans la rue.

En liberté a amorcé pour moi une nouvelle popularité, je suis plus visible, je réalise que ce rôle est un virage, des réalisateurs font appel à moi. C’est un emploi dans lequel on ne m’attendait pas car ma filmographie est plus dramatique. J’ai pu exprimer d’autres choses.

Que faites-vous quand vous ne tournez pas ?

En ce moment je tourne beaucoup donc tout est autour de mon métier ! Quand je ne tourne pas je prépare mes prochains rôles, je regarde des films, j’assiste à des concerts, je vais dans des galeries. Ces derniers temps je travaille beaucoup donc je fais des recherches liées à mes rôles, je me renseigne au maximum, j’apprends. 

Je manque de temps pour lire des ouvrages car je n’ai pas de coupure longue. Mais je ne me plains pas. J’arrive à me ménager des temps personnels.

Quels sont vos projets ?

Je joue dans plusieurs court-métrages.

Je joue aussi dans un film de Dominique Moll qui sort en janvier2019. Je joue aussi dans le long métrage de Ladjly Les misérables adapté de son court, qui sort en janvier 2019 également. J’ai joué aussi dans un film d’Anne Fontaine qui sort en février 2019. J’ai interprété des frères jumeaux.

Et je vais à nouveau travailler avec Nathan Silver, ce talentueux réalisateur américain que j’adore !

J’ai d’autres projets à venir dont je parlerai le temps venu. 

A bientôt !

Et le voilà déjà parti pour un autre rendez-vous sur son scooter…Damien Bonnard, un acteur à suivre, dont il faut (re)voir les films passés et à venir. 

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