Interview de Stéphanie Le Gagne : de la DICOM, SIDPC, Beauvau .. à Saint-Martin, Saint-Barthélemy

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12 mars 2019 – Miss Konfidentielle a le plaisir d’interviewer Madame Stéphanie Le Gagne, Chef de l’unité de communication de crise au Ministère de l’Intérieur (DICOM – SGDSN – CIC IPCR – CCN – Union Européenne) de 2016 à 2018. Depuis 2019, Chef du service des sécurités, adjoint du directeur de cabinet à la préfecture de Saint-Martin et de Saint- Barthélemy.

Madame Stéphanie Le Gagne, bonjour.

Afin de mieux vous connaître. Pouvez-vous nous parler de votre jeunesse ?

Je suis l’aînée d’une famille monoparentale d’origine plutôt modeste. Ma mère a élevé seule quatre enfants. Elle nous a transmis son amour inconditionnel pour la liberté. C’est notre force aujourd’hui.
J’ai appris à lire très tôt. J’ai toujours été une grande curieuse. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai adoré l’école, les « bouquins chiants » et la politique. Avec mes amis nous passions notre temps à refaire le monde… Et ça n’a pas vraiment changé !

Dans mon parcours scolaire, j’ai eu la grande chance de rencontrer les bonnes personnes aux bons moments. Un professeur de lettres au lycée, Monsieur Perret, m’a vraiment accompagnée et fait découvrir un tas d’auteurs incroyables. Je lui dois mon premier Lautréamont et mon premier Racine.

J’ai passé un Bac Littéraire puis tenté une fac de droit international… mais c’était vraiment pas fait pour moi. Je suis donc revenue à mes premiers amours et j’ai obtenu une licence de lettres modernes. La vie étant pleine de surprises, j’ai repris des études plus tard et je suis maintenant titulaire d’un Master 2 de communication publique et politique en France et en Europe. Et je pense sérieusement à faire un doctorat un de ces jours… quand j’aurai le temps (rires).

À la suite de vos études, vous avez débuté votre carrière. Était-ce bien dans le privé ?

J’ai en effet commencé ma vie professionnelle dans le privé, à des postes de marketing. J’ai travaillé pendant près de dix ans pour de grands groupes de la vente par correspondance avant de rejoindre une maison d’éditions juridiques de renom en tant que conceptrice rédactrice. Ce sont de belles expériences qui m’ont aidée à comprendre que j’avais besoin de donner du sens à mon travail, ou plutôt au temps de travail que je voulais donner.

Un jour, sur un salon, je me suis plainte auprès d’un grand élu du fait de vendre des livres auxquels je ne comprenais rien, de leur manque de sens. Il m’a répondu « alors viens travailler pour nous et l’intérêt général ». Et il avait raison ! C’est ce qui m’a poussée à remettre les compteurs à zéro, à reprendre des études et à débuter une carrière dans le secteur public.

Après le privé, vous rejoignez le public.

J’ai intégré la DICOM des ministères sociaux après la campagne de 2012. J’ai adoré ce poste, en lien avec les différentes directions, les différents cabinets ministériels, l’Élysée… j’ai réalisé que c’était mon élément !
C’est à ce moment que j’ai décidé de passer le concours des IRA et de devenir fonctionnaire d’État. Et voilà comment je suis arrivée en Corse, à l’IRA de Bastia. Une année marquante, qui m’a permis de faire des rencontres incroyables, de vrais amis, des expériences professionnelles passionnantes. Mais aussi le moment de faire le point sur soi, sur qui l’on devient et ce que l’on veut être, ce vers quoi on tend. J’ai aussi découvert qu’en plus d’être une amoureuse du désert, j’avais une âme insulaire !

Un bon classement de sortie m’a permis de choisir le poste que je voulais, dans un cabinet de Préfet de département, auprès d’un chef de service aux compétences archi reconnues : adjointe au chef de SIDPC du GardJe ne connaissais pas du tout la ville de Nîmes, le département, la région. En toute honnêteté ça n’a pas été un coup de foudre, malgré l’Antiquité et les paysages fabuleux. Ce territoire j’ai appris à l’aimer, à l’accepter. Et à présent, c’est une réelle partie de moi. Professionnellement, ça a été tellement enrichissant, formateur. Le SIDPC est un service exigeant qui demande une vraie culture du risque, des connaissances techniques et juri- diques assez pointues, de réelles facilités de rédaction et d’adaptation. Mais aussi une créativité à toute épreuve. J’ai découvert tout cet univers avec des équipes au top : Chef (il restera toujours le chef quoiqu’il en dise, mon papa d’administration), Christelle, Laurianne, Stéphanie, Anne, Nesrine et Carl aussi… et tous les agents de la préfecture ! Si Paris n’était pas venu me chercher, je n’en serais pas partie si rapidement.

Une invitation à rejoindre Beauvau !

Oui Paris, Beauvau, la maison ! Je suis un ovni au sein du ministère de l’intérieur. Je suis une gestionnaire de crise et une communicante publique et politique. Le poste de chef de l’unité de communication de crise était une évidence en quelque sorte. Et une opportunité incroyable, on va pas se mentir.

Avec les équipes, nous avons eu à faire face à des événements marquants, parfois avec un impact émotionnel très fort. Quand on touche à l’intégrité du territoire national, à la sécurité de chacun… ce n’est pas anodin. Ce sont des missions qui nous changent, profondément, en tant qu’individu.

J’ai eu la chance de faire partie d’une équipe très soudée, une famille, avec de réels coups de foudres amicaux. Partager des expériences aussi fortes crée des liens hors normes. Parmi toutes les crises sur lesquelles j’ai travaillé, il y a eu le cyclone IRMA qui a ravagé Saint-Martin et Saint-Barthélemy en septembre 2017. Quand l’occasion de rejoindre les équipes de ces territoires s’est présentée je me suis dit que c’était encore un coup du destin (rires).

Aujourd’hui, vous êtes en missions à Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Venir à Saint-Martin et Saint-Barthélemy n’a pas été un choix facile. L’insularité me manquait, enfin la mer surtout. Mais, j’adorais ma vie parisienne, j’y avais tous mes amis, mes proches. J’avais aussi de belles opportunités de carrière. J’ai longuement réfléchi, beaucoup consulté. Et puis l’enthousiasme et le goût du challenge ont pris le dessus. Je ne regrette pas un millième de seconde mon choix. J’ai le sentiment d’être là où je dois être.

Participer à la reconstruction d’un territoire, à la mise en œuvre d’une nouvelle préfecture, cela est unique dans une carrière administrative. J’occupe le poste de chef des sécurités et d’adjointe du Directeur des services du cabinet. Mais mes missions vont bien au-delà de l’aspect sécuritaire, gestion de crise et accompagnement des élus dans la mise en œuvre des politiques publiques. Comme nous sommes une équipe restreinte, nous sommes sur tous les fronts : protocole, urbanisme, environnement, lutte contre les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes, habitat insalubre, relance économique, cohésion sociale… Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas !

Les DOM TOM sont peu souvent mis en avant dans les medias en métropole. 
Comment définiriez-vous Saint-Martin, Saint- Barthélemy à nos lecteurs ?

Oui c’est vrai. On a parfois l’impression d’un « loin des yeux loin du cœur ». On s’aperçoit aussi que la métropole ne connaît pas ou mal les Outre-mers et les conditions de vie sur chacun des territoires. On ne peut pas comparer La Réunion et Mayotte, La Guyane et la Polynésie… Chaque territoire a ses spécificités et ses problématiques.

Il n’y a que 270 kilomètres entre la Guadeloupe et Saint-Martin et pourtant tout les différencie ! On classe régulièrement les îles de Saint-Martin et de Saint Barthélemy dans la zone Antilles. Pourtant l’île de Saint- Martin occupe une position centrale au cœur de la mer des Caraïbes, à mi-distance entre Porto Rico et la Guadeloupe et constitue pour la France, le point le plus avancé des côtes américaines. L’influence américaine y est d’ailleurs très marquée. Saint-Barth n’est qu’à une vingtaine de kilomètres et pourtant à une heure de bateau…

De même on associe toujours Saint-Martin et Saint Barthélemy, alors qu’elles sont si différentes !

Alors oui, elles ont toutes deux des paysages à couper le souffle, des plages paradisiaques… mais là où Saint-Barth a fait le choix de résidences privées luxueuses et d’exception, Saint-Martin est restée plus sauvage et animée. A Saint-Martin il y a encore la forêt verdoyante, les ti’cases colorées, les lolos et de vrais restaurants gastronomiques (il y a même un bouchon lyonnais !).

Ce contraste est encore plus marqué lorsque l’on compare les deux parties de l’île : la française très naturelle et l’hollandaise (Sint-Marteen) bétonnée. Ce qui est vraiment étonnant sur Saint-Martin c’est l’absence de feux tricolores, de voie rapide… Ici, il n’y a qu’une seule route, avec une seule voie, la RN7, et une courtoisie au volant que je n’ai pas connu ailleurs, et certainement pas en métropole !

Quelles sont vos passions, causes que vous défendez ?

Je ne défends pas vraiment de cause… ou plutôt je les défends toutes. J’aime l’engagement public et politique et j’aime croire en des êtres humains que je trouve être des personnes « de bien » avec de vrais projets pour la collectivité, avec qui je partage des valeurs. Ce qui me motive, c’est l’égalité des chances. C’est sans doute pour cette raison que j’aime autant la politique !

Cela dit, j’ai une passion dévorante pour les auteurs. J’adore les livres et le monde de l’édition. Cette façon que chacun des auteurs a de se dévoiler dans un texte, d’utiliser des sons, des rythmes, des images. Se retrouver dans les mots d’un autre est l’expérience la plus intime qu’on puisse imaginer. Je suis comme tout le monde, j’ai mon auteur « jumeau », mes auteurs de prédilection.

Quelle est votre philosophie de vie ?

Je suis une instinctive… et je m’efforce de toujours faire confiance. De rester ouverte aux surprises !

Un grand remerciement à vous pour cet échange bien sympathique. Je vous souhaite une pleine réussite dans vos missions à la préfecture de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy !

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