Interview de Thomas Fressin, personnalité passionnée et atypique de la Gendarmerie Nationale
Vous avez certainement noté que Miss Konfidentielle s’intéresse à des personnes aux parcours atypiques. Le Commandant Thomas Fressin est impressionnant. Il a cette soif d’apprendre… et aussi de transmettre ses connaissances liées au numérique et à l’histoire.
Bonjour Thomas,
Votre cursus d’étudiant a débuté en 2002 au Lycée Militaire de Saint-Cyr-l’Ecole et n’est toujours pas terminé en 2019. D’où vient cette soif d’apprendre ? Et quelles ont été les étapes ?
Avec le recul, même si je n’y ai fait qu’une seule année, je peux affirmer que le Lycée Militaire de Saint-Cyr-l’Ecole m’a transformé et a fait de moi l’homme que je suis devenu aujourd’hui. Les valeurs qui m’y ont été transmises, comme la camaraderie, le dépassement de soi, le désir d’expériences nouvelles et la soif d’apprendre, ont marqué ma jeunesse. Après cette riche et intense expérience, n’ayant pu rejoindre une grande école militaire, j’ai fait le choix de devenir réserviste opérationnel et d’avoir une poursuite d’études pluridisciplinaires.
Avec la naissance d’internet, de ses technologies et de ses usages, je me suis alors intéressé à l’informatique et aux sciences de l’information. Ma scolarité s’est alors effectuée dans ces disciplines à l’Université de Marne-la-Vallée, où j’ai poursuivi mes études jusqu’en Master recherche “ingénierie de l’information, de la décision et de la connaissance”.
Souhaitant voir du pays, j’ai également pu faire un séjour international de plusieurs mois au Québec, au CEGEP de Sainte-Foy, où j’ai découvert en la « Nouvelle France » une magnifique province, un cadre de vie fort appréciable et un système éducatif bien différent du nôtre.
Depuis 2016, vous réalisez des études doctorales en histoire moderne à l’Université Côte d’Azur. Est-ce l’aboutissement de vos études ?
Passionné depuis l’âge de quinze ans par l’histoire et les traditions de l’archerie traditionnelle, j’ai effectivement entrepris de me lancer en 2016 dans une thèse s’intéressant aux « compagnies de chevaliers des nobles jeux de l’arc, de l’arbalète et de l’arquebuse » sous l’Ancien Régime. Pour vulgariser, il s’agissait d’une forme de sociabilité qui était, dans de nombreuses villes du Royaume de France, tout à la fois une confrérie, un club de tir et une compagnie militaire effectuant des missions de parade et d’honneur, à l’instar de la garde républicaine de nos jours. Peu abordé dans l’historiographie, ce sujet, qui me passionne, se trouve être à cheval sur l’histoire militaire, l’histoire des sociabilités, l’histoire urbaine et l’histoire des jeux.
Depuis trois ans, j’apprends tellement grâce à mon travail doctoral et les rencontres que j’effectue, que je ne regrette (presque) pas toutes les heures que je passe dessus… n’hésitez pas à suivre le compte twitter @theseDHistoire pour suivre l’actualité de cette thèse.
Est-ce que ma thèse sera l’aboutissement de mes études ? Sans doute pas. J’ai en effet déjà en tête plusieurs idées de projets à mener. Ceci étant, je suis conscient que je n’ai pas assez de temps devant moi pour toutes les accomplir. Ainsi, à mes heures perdues, je continuerai simplement à m’investir dans les « humanités numériques » et je m’intéresserai également à l’histoire de la Maréchaussée sous l’Ancien Régime, domaine trop peu étudié jusqu’alors.
Ceci étant, tout dépendra des opportunités que j’aurai également d’ici là… Nous verrons bien ce que me réservera l’avenir.
Vous êtes un étudiant insatiable ! Parallèlement, vous avancez rapidement professionnellement dès 2005. Quelles ont été vos expériences marquantes ?
Dès mon année de Licence, j’ai fait le choix de poursuivre mes études en apprentissage. Je regrette pas ce choix ! Il m’a permis de me forger une première expérience professionnelle solide en intelligence économique, au sein des groupes Caisse des dépôts et SNCF.
Ceci étant, mon expérience professionnelle marquante fut sans aucun doute mes trois années passées au sein du groupe Thales. Immergé dans le milieu du développement informatique mêlé aux sciences du langage, cela m’a permis de découvrir les humanités numériques et de faire le choix de basculer d’un emploi fonctionnel à un emploi technique. Ainsi, après mes postes d’administrateur de veille, de consultant et de chef de projet, j’ai pu devenir, de façon autodidacte, ingénieur R&D en webmining.
En parallèle, depuis 2008, je me suis investi dans le milieu de l’enseignement supérieur, en devenant vacataire au sein d’écoles (UTT, EOGN) et de plusieurs universités (Science Po, Paris II, Paris V, Marne-la-Vallée, Créteil, Montpellier, …). Ce qui m’a permis de continuellement me remettre en question en étant au contact d’étudiants curieux et à la recherche des dernières innovations en informatique.
Depuis 2017, vous avez fait le choix d’intégrer la Gendarmerie. Expliquez-nous…
Suite à mes expériences dans le « privé », j’ai compris en 2013 que j’avais une vocation pour le service public. J’ai d’abord intégré le Ministère de l’Intérieur pour travailleur sur des problématiques de datamining, puis j’ai rejoint la Bibliothèque Nationale de France sur le dépôt légal de l’internet. En 2017, après 13 ans de réserve opérationnelle au sein de l’Armée de terre puis de la Gendarmerie, une opportunité s’est présentée à moi : intégrer la gendarmerie, comme officier commissionné, pour y occuper un emploi de spécialiste à caractère scientifique et technique, en étant affecté au Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN).
Si j’ai accepté cette « commission », c’est pour remplir différents rôles complémentaire : chef du pôle recherche et relations académiques du CREOGN, community manager du CREOGN, collaborateur au MBAsp Management de la sécurité de l’EOGN, point de contact national du projet de recherche européen ILEAnet, mais également coordinateur du pôle académique de l’Observatoire national des sciences et technologies de la sécurité (ONSTS). Bref, une diversité de missions qui font que je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
Avez-vous des actualités que vous souhaitez partager avec les lecteurs ?
Je vais partager ici deux actualités avec vous. La première est d’avoir l’opportunité d’être installé, à la rentrée, comme Maître de conférences associé en informatique à l’Université Pars-Est Marne-la-Vallée. Ce poste va ainsi me permettre de continuer à suivre mon leitmotiv : apprendre, chercher, découvrir et transmettre !
L’autre actualité sera ma soutenance de ma thèse d’histoire, prévue pour le premier semestre 2020. Je n’ai donc plus que quelques mois pour me préparer à finaliser ce grand projet personnel, avec l’aide bienveillante de mes co-directeurs de thèse.
Votre adage est « Pour réussir, il ne faut pas avoir le même regard que les autres ». Plus précisément….
Je pense que le monde est toujours à la recherche d’Hommes à la vision différente, au regard nouveau et aux propositions originales. Même la Gendarmerie Nationale, honorable institution de plusieurs siècles, cherche à se renouveler, Chose qui me convient parfaitement.
En effet, dans ma vie professionnelle et extra-professionnelle, j’ai toujours cherché à avoir un regard différent, tout en cherchant à acquérir des compétences et des expériences « hors normes ». Cette posture m’a jusqu’alors toujours permis de conserver une certaine autonomie d’action et liberté de parole. C’est, je crois, ce qui me convient parfaitement et ce que j’ai toujours recherché dans mes postes successifs.
A vous écouter, vous voyez votre vie professionnelle comme une passion. Qu’est-ce qui vous anime par ailleurs ?
Ma vie professionnelle au sein de la Gendarmerie est avant tout une chance pour moi ! La chance de pouvoir « servir » la France sous les drapeaux. La chance de la servir dans une magnifique institution, riche d’une grande histoire. La chance d’être l’un des rares traits d’union entre cette institution et le milieu académique. La chance de m’immerger dans des projets de recherche multi et pluridisciplinaires. La chance de rencontrer et de côtoyer de nombreux universitaires nationaux et internationaux. La chance de participer à la valorisation et à l’accroissement du nombre de gendarmes docteurs. Etc etc.
Bref, une chance dans laquelle je m’investis effectivement de façon assez passionnelle. Ceci étant, je me fixe une seule grande limite : ne pas sacrifier ma vie de famille, à laquelle je veille et je tiens. Après, clairement, comme les journées ne font que vingt-quatre heures, j’ai dû faire quelques choix. Par exemple, j’ai abandonné mes anciennes activités sportives, comme le tir à l’arc et le kyudo (tir à l’arc japonais). Je m’y remettrai lors de mes vieux jours…
Avec votre agenda plein rempli, Miss Konfidentielle vous remercie d’avoir accepté cette interview agréable, pleine de passions. Et belle réussite pour votre soutenance de doctorat d’histoire !