Interview de Alexandra Authier, Chef du secteur Sécurité de l’Espace Européen au SGAE

#SGAE #Europe

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C’est une belle personne que Miss Konfidentielle souhaite mettre à l’honneur. Aux abords discrets et humbles, Alexandra Authier, Chef du secteur Sécurité de l’Espace Européen au SGAE, suit un parcours de battante qui ne peut laisser indifférent.

Bonjour Alexandra,

Avant de débuter l’interview, il serait intéressant que vous précisiez aux lecteurs ce qu’est le SGAE. 

Bonjour Miss Konfidentielle. Je vous remercie de me donner l’opportunité de présenter le secrétariat Général des Affaires Européennes. Il est localisé au 68, rue de Bellechasse à Paris, à proximité immédiate du Premier ministre, sous l’autorité duquel il est placé et agit depuis 1948, tout en se conformant aux orientations définies par le Président de la République (le meilleur exemple en est le désormais fameux « Discours de la Sorbonne », rebaptisé « L’Europe qui protège » pour faire court, celui que le Président de la République a prononcé le 26 septembre 2017 à la Sorbonne).

Je vais essayer de le présenter de la façon la plus didactique possible pour vos lecteurs. Le SGAE couvre l’ensemble des domaines définis par le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à l’exception de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) qui est de la compétence du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, pour autant que cette politique ne fasse pas appel à des instruments communautaires.

Le SGAE agit en étroite liaison avec la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, chargée de défendre les positions françaises dans les négociations communautaires au sein des institutions.

Sa mission de coordination interministérielle sur les dossiers européens s’étend à tous les domaines couverts par le traité sur l’Union européenne, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le traité Euratom.

En résumé, le SGAE est la voix quotidienne de la France auprès des institutions européennes.

Parmi ses multiples missions, sachez qu’il coordonne aussi le suivi de la présence française au sein des institutions européennes, qui est l’un de nos vecteurs d’influence.

Mais épargnons vos lecteurs à ce stade. Je vous propose de les inviter à visiter le site Internet du SGAE, sur lequel figure une vidéo très sympathique tournée à l’occasion des 70 ans de l’institution en 2018.

Quelle est votre mission au sein du SGAE ? 

Valérie, là encore, je vais essayer d’être la plus simple possible. 

Je suis à la tête du secteur en charge des questions européennes de sécurité (dit « SEC »). C’est un secteur dont la charge de travail a augmenté de manière exceptionnelle depuis les attentats de 2015. Avec un lieutenant-colonel de gendarmerie et assistés d’un officier de police, d’un capitaine de gendarmerie, d’un attaché principal, d’un agent des douanes et d’un responsable administratif (et d’un ou deux étudiants stagiaires), nous élaborons les positions relatives à la sécurité de l’espace européen (lutte contre les différentes menaces, la radicalisation), à la criminalité (organisée, liées aux stupéfiants, à la fraude documentaire, au trafic d’œuvres d’art, à la criminalité environnementale etc), à la coopération policière et douanière, aux échanges d’informations entre Etats Membres (sous le contrôle des règles de protection des données, le fameux RGPD).

En outre, nous nous assurons de la bonne mise en œuvre des normes de l’Espace Schengen qui implique la disparition des contrôles frontaliers entre les membres de l’espace Schengen et un renforcement des contrôles frontaliers entre les membres de l’espace Schengen et ceux qui n’en sont pas membres.

Ce travail se fait, sous la supervision de notre SG adjoint en charge des questions de Justice et d’affaires Intérieures (JAI), souvent en lien avec d’autres secteurs du SGAE, et naturellement en étroite collaboration avec nos homologues de la Représentation Permanente de Bruxelles, avec l’aide des ministères, des services concernés, que je salue, s’ils nous lisent, et sont arbitrés et validés le cas échéant au plus haut niveau.

Notre feuille de route est le Discours de la Sorbonne, auquel je faisais allusion au début de notre échange. Cependant les sujets peuvent évoluer très vite et sont dictés généralement par l’actualité.

Vos lecteurs auront le sentiment qu’il s’agit de sujets abstraits, loin de leurs préoccupations de tous les jours. Pourtant je garde constamment à l’esprit que ce qu’il se décide au niveau européen impactera certainement nos polices dans leur travail quotidien, ce qui suppose une grande attention et une grande vigilance dans la négociation des textes.

Cela suppose de la polyvalence, de la disponibilité, de l’implication, sans oublier une très bonne maîtrise de l’anglais. Mais aussi du sang-froid, de la diplomatie et une certaine habileté à nouer des compromis. Et de travailler dans une bonne ambiance car les journées sont bien remplies !

Félicitations pour ce poste. Vous avez débuté votre carrière au commissariat de Strasbourg, je me trompe ? 

Valérie, je vous remercie pour vos félicitations, mon parcours étant encore loin d’être celui de plus glorieux aînés. J’ai effectivement exercé mon premier poste au Commissariat Central de Strasbourg en en qualité d’adjointe au chef du service de sécurité de proximité, avec 600 personnes à commander, de 2004 à 2006, puis j’ai pris la tête du service de la Sûreté Urbaine du Commissariat Central d’Argenteuil, en charge de l’investigation, avec 48 enquêteurs. De 2008 à 2013, j’ai été conseillère technique en charge des questions d’ordre public et de renseignement auprès du Directeur Général de la Police Nationale, pour ensuite occuper un poste plus confidentiel pendant 4 ans. En juin 2017, j’ai choisi de me mettre à disposition pour occuper le poste de chef du secteur SEC au SGAE.

Est-ce plus difficile en tant que femme d’évoluer dans votre domaine somme toute très masculin ? 

Valérie, c’est une très bonne question, que l’on me pose souvent par ailleurs. Les femmes sont aujourd’hui nombreuses dans la Police Nationale et au Ministère de l’Intérieur, et souvent à des postes à très hautes responsabilités. Nos pionnières nous ont ouvert la voie ces 40 dernières années, ce qui explique qu’il ne m’a pas été difficile, à titre personnel, de m’intégrer dans cet environnement. En revanche, je suis très attachée à la politesse et au respect de la courtoisie due à la qualité de femme, au-delà de son grade, de son statut ou de son âge. Jacques Gandouin, éminent spécialiste du protocole et des usages (je vous en conseille la lecture, c’est savoureux et plein d’humour à chaque édition), rappelle dans son dernier ouvrage qu’ « Il serait souhaitable que chacun de nous ait constamment à l’esprit les remarques de La Bruyère : « Il est vrai que les manières polies donnent court au mérite et le rendent agréable, et qu’il faut avoir de bien éminentes qualités pour se soutenir sans la politesse » ». Cela fait réfléchir, non ? (rires).

Saviez-vous dès l’Université que vous vous dirigeriez vers une carrière dans la Police nationale ? Et que vous iriez dans la direction que vous suivez actuellement ? 

Valérie, pour être sincère avec vous, non. Après un bac très littéraire et artistique, J’ai effectué des études de droit international et européen et de droit pénal, ce qui m’a plu au point de passer par l’Institut de Criminologie de Paris. Je me suis demandée comment exercer et allier ce goût pour ces matières et j’ai finalement opté pour la police. J’ai passé les concours de commissaire et d’officier la même année et j’ai été admise à la prestigieuse Ecole Nationale Supérieure de Polie de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or en septembre 2002, en qualité d’élève commissaire. Je précise que j’ai baigné depuis toute petite dans le milieu de la police, notamment judiciaire, mon père ayant exercé l’ensemble de sa carrière au célèbre 36 Quai des Orfèvres. Cette enfance un peu particulière m’a sans aucun doute influencée avec le recul, grâce à une meilleure appréhension qu’attendu d’un univers qui ne m’étais pas si inconnu finalement.

Valérie, si vous le permettez, notre entretien est pour moi l’occasion de passer un message qui me tient à cœur : Je suis aujourd’hui très fière d’exercer ce magnifique métier, aux côtés de commissaires tout autant dévoués à leur vocation, mais aussi d’officiers, de brigadiers, de gardiens, et d’adjoints de sécurité qui mettent quotidiennement leurs devoirs envers la population avant leurs propres intérêts, voire leur propre vie. D’où je suis, loin de l’opérationnel, je pense tous les jours à eux et les soutiens totalement en ces moments difficiles pour notre profession.

Une citation vous tient à coeur. Votre fil rouge qui vous accompagne depuis toujours..

«Des choses décidées, du courage, et mettre toute son âme ». Je suis tombée en arrêt devant cette citation dans l’ultime salle de la grande rétrospective “Théodore Chassériau (1819-1856), Un autre romantisme” au Grand Palais à Paris qui ‘est tenue 2002. Ce peintre génial, élève du célèbre Ingres, était doté d’un immense talent et l’ami des plus grands de l’époque : Alexis de Tocqueville, Gustave Moreau,Théophile Gautier, etc. Il décéda à 37 ans, en pleine gloire, et avec encore de nombreux chefs d’œuvre à nous offrir. Et pourtant tout indiquait de sa vie, de ses lettres, de son œuvre monumentale, que c’était un homme consciencieux, simple, et modeste. Cette ultime citation m’a marquée immédiatement et elle me suit depuis tous les jours, surtout devant des choix importants. 

Un grand remerciement pour cette rencontre Alexandra, qui s’est déroulée en toute confiance. Je vous souhaite le meilleur en matière d’évolution de carrière. Vous avez tous les atouts pour avancer, même si il n’est pas toujours facile d’être une femme !


Précisions :

SGAE

Initiative pour l’Europe : discours de Emmanuel Macron pour une Europe souveraine unie démocratique

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