Interview de la générale Anne Fougerat
La générale Anne Fougerat, secrétaire générale de la garde nationale et secrétaire générale du conseil supérieur de la réserve militaire a accepté de répondre à l’interview de Miss Konfidentielle. Un superbe exemple de femme qui assure deux fonctions avec succès hors sa force armée d’appartenance, la gendarmerie nationale, tout en restant humble.
Bonjour générale,
Avant de découvrir votre évolution et les fonctions que vous exercez aujourd’hui au sein de la gendarmerie nationale, pouvez-vous nous préciser votre parcours étudiant quelque peu atypique ?
Je suis née dans les Hauts-de-Seine, j’y ai résidé et suivi toute ma scolarité dans un établissement privé à Neuilly. J’ai ensuite choisi d’étudier le droit pour pouvoir présenter notamment le concours des commissaires de police. Très rapidement, j’ai constaté que cette formation universitaire ne me convenait pas. Après avoir été accompagnée, encadrée durant de longues années, je me retrouvais perdue dans des amphithéâtres dont les bancs se vidaient au fil des semaines. Je souhaitais exercer un métier en lien avec la sécurité publique. J’ai finalement choisi de rentrer dans la vie active et d’intégrer la gendarmerie nationale comme sous-officier. A la question que vous me posez, « pourquoi la gendarmerie ? », je réponds avec humour et transparence, « parce que je n’ai pas choisi la police ». En réalité, ce qui a fait pencher la balance du côté de la gendarmerie a été le choix du statut militaire qui me convenait sans doute plus que celui de fonctionnaire de police. Je n’ai aucun regret et je suis pleinement consciente de tout ce que m’a apporté la gendarmerie. Elle offre la possibilité à certains de ses personnels particulièrement motivés d’exercer des responsabilités de plus en plus importantes au fil de leur carrière alors même qu’ils ont démarré au plus bas niveau de la hiérarchie militaire.
Quelle a été votre ascension au sein de la gendarmerie nationale ?
J’ai commencé ma carrière en gendarmerie comme élève-gendarme fin 1986. Je n’étais pas issue d’une famille de militaires. Les seuls militaires que j’avais pu rencontrer avant mon incorporation l’avaient été à l’occasion de périodes d’intérim alors que j’étais étudiante au sein d’une entreprise de défense. C’est au travers d’ailleurs du témoignage de l’un de ses cadres, un ancien gendarme, que j’ai découvert cette institution.
Les premiers jours de formation ont été éprouvants car en profond décalage avec mon environnement habituel de vie : j’étais sortie de ma zone de confort. La suite de ma carrière a été une succession de choix : choix d’être maintenu à l’école de gendarmerie de Montluçon en qualité de cadre formateur à l’issue de ma formation initiale, choix de passer le concours d’entrée à l’école de formation des officiers de la gendarmerie nationale, choix de servir en gendarmerie mobile en qualité de commandant de peloton parce que je n’avais pas pu le faire comme gendarme, choix de me présenter au concours de l’école de guerre pour prétendre à nouveau exercer des commandements opérationnels plutôt que de me voir orientée vers des postes d’état-major. Je suis une femme qui s’exprime sans doute beaucoup mieux sur le terrain car j’y suis plus à l’aise. J’aime le contact humain avec ceux qui évoluent dans mon environnement au quotidien. Ce qui me motive et me permet de m’exprimer pleinement sont les défis à relever. Je pense être plus intéressée par ce qui est compliqué que par ce qui est trop simple, plus épanouie dans l’adversité et là j’ai eu toutes les occasions de pouvoir m’exprimer pleinement dans ces commandements opérationnels qui pour moi ont été finalement plus simples à vivre que certaines autres périodes de ma carrière.
En août 2018, vous êtes nommée secrétaire générale de la garde nationale et secrétaire générale du conseil supérieur de la réserve militaire. Quelles sont vos missions ?
J’ai été nommée en août 2018 secrétaire générale de la garde nationale et secrétaire générale du conseil supérieur de la réserve militaire, deux fonctions exercées durant deux ans par le général de division Gaëtan de Raucourt de l’Armée de terre. Au moment de la création de la garde nationale en octobre 2016, en réponse à la période des attentats que venait de traverser la France, le principe d’une alternance dans ce poste entre un officier général issu du pilier « armées » et un issu du pilier « intérieur » avait été validé.
La garde nationale regroupe aujourd’hui l’ensemble des réservistes opérationnels du ministère des armées, de la gendarmerie nationale et de la police nationale soit près de 76 000 réservistes. Ils sont tous volontaires et ils s’engagent à contribuer aux missions des forces armées ou de sécurité intérieure en moyenne 32 jours par an, Ils sont anciens militaires du service actif, anciens appelés ou directement issus du civil. Ils s’engagent en parallèle de leurs vies personnelle, professionnelle ou étudiante. Ils prennent part à des missions opérationnelles au même titre que leurs camarades d’active et sont le plus souvent intégrés directement au sein des unités. Rien ne les différentie des militaires d’active si ce n’est qu’ils exercent leur activité seulement quelques jours par an.
Le conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) mis en place en 1999 est une instance de réflexion et de consultation des réservistes, à la fois opérationnels et citoyens de défense et de sécurité qui appartiennent aux armées et à la gendarmerie nationale. Il est également chargé de certaines missions au titre des politiques des réserves et du développement du lien armées-Nation.
Les réservistes citoyens de défense et de sécurité sont des bénévoles du service public qui apportent un renfort aux forces armées majoritairement dans le cadre du rayonnement ou au titre d’une expertise spécifique.
Vous avez de belles actualités, et pas des moindres !
Nous avons fêté il y a quelques jours les 3 ans de la garde nationale. Cet événement s’est déroulé à l’Ecole militaire autour d’un « live experience game » sur ce site exceptionnel en plein cœur de Paris. 600 personnes ont été accueillies durant la journée et ont pu découvrir ce qu’était un réserviste, son parcours, ses motivations en termes d’engagement et les soutiens dont il bénéficie pour vivre pleinement cet engagement. De nombreux responsables, collaborateurs des entreprises partenaires de la défense étaient présents. A cette occasion a été ouverte la période des journées nationales des réservistes JNR2019. Ces JNR2019 seront clôturées le 12 novembre par une cérémonie du ravivage de la Flamme à l’Arc de Triomphe.
Cette période de l’année est l’occasion de valoriser l’engagement des 76 000 réservistes opérationnels regroupés sous le label « garde nationale ». Issus à 70% de la société civile, ces hommes et ces femmes ont choisi de s’engager pour contribuer directement à la sécurité et à la défense des français. Ils le font le plus souvent sur leur temps personnel, parfois professionnel, souvent au détriment de leur vie de famille. Ils exercent pour la moitié d’entre eux une activité professionnelle et ont besoin à ce titre du soutien de leurs employeurs pour s’engager. Nous avons cette année voulu mettre en lumière cette relation partenariale forte entre le monde de l’entreprise et la garde nationale, remercier tous ceux qui s’engagent pour leurs salariés, agents ou étudiants en signant des conventions qui visent à faciliter leurs activités dans la réserve. Nous avons aussi souhaité donner la parole à des représentants du secteur privé pour qu’ils témoignent de l’engagement qui est le leur.
Avec de telles responsabilités, comment gérez-vous l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?
Je suis convaincue que l’on ne peut avancer sereinement sur un plan professionnel ou personnel qu’à la seule condition de trouver le point de juste équilibre entre les deux. Si l’un prend le pas sur l’autre, le déséquilibre s’instaure et la rupture peut être brutale. Les événements de la vie qui s’imposent à nous sont parfois suffisants pour créer des perturbations. Il convient de ne pas en ajouter.
Mon équilibre, je le trouve actuellement lorsque je quitte la région parisienne pour me ressourcer dans un environnement beaucoup plus paisible et « nature » que celui de la capitale. J’apprécie de me promener en forêt, sur les bords de Loire voire en bord de mer avec mes deux chiens qui sont d’ailleurs très peu disciplinés. J’adore bricoler, jardiner, peindre, redonner vie à des meubles ou objets anciens, des activités simples mais essentielles. Je ne dispose pas de suffisamment de temps pour m’y consacrer et je le regrette. C’est pour cette raison que je suis certaine que le jour où j’aurais à cesser mon activité professionnelle, je saurais parfaitement retrouver une autre forme d’équilibre.
Mon équilibre c’est aussi celui de ma famille, de mes filles, de ceux qui me sont proches. Je suis sans nul doute beaucoup plus perméable à ce qui les touche qu’à ce qui me concerne directement. Sans doute est-ce normal ?
Je suis attachée à un certain nombre de valeurs qui n’ont d’ailleurs que très peu évolué au fil des années. Elles m’ont été transmises par ceux qui ont contribué à me construire, à me guider, membres de ma famille ou enseignants. Je n’y ai jamais renoncé, Certains qui ont été proches de moi sur un plan professionnel m’ont souvent entendu dire « on ne lâche rien ». S’ils lisent ce témoignage, ils souriront sans doute. Je crois qu’en toutes circonstances, il faut rester fidèle à ses valeurs et surtout très naturel et transparent. Cela rend le quotidien plus facile.
Avant de nous quitter, une citation vous vient-elle à l’esprit ? Qui vous ressemble et vous motive au quotidien ?
« On ne réussit qu’à force de patience et de persévérance » Bernard Fontenelle.
Mais je crois qu’en réalité, la patience n’est pas une de mes qualités.
Un grand remerciement générale pour votre disponibilité et votre spontanéité.
Intéressant.
Très intéressant.
Bonne interview, de la part des deux.