Interview de Anne Souvira, commissaire divisionnaire et chargée de mission 
cybercriminalité, cabinet du Préfet de Police de Paris

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20 juillet 2020 – Miss Konfidentielle soucieuse des dangers qu’implique l’explosion du numérique dans notre vie professionnelle et personnelle a longuement interviewé Anne Souvira. La maison police lui a permis de bien connaître la psychologie humaine et d’acquérir des compétences techniques pointues en matière de cybercriminalité et cybersécurité. Des atouts essentiels à la bonne conduite de sa carrière.

Bonjour Anne,

Vous décidez d’intégrer la Police comme Inspecteur de Police en 1982. Peu de femmes encore étaient dans la police à cette époque. 

  • Pourquoi ce choix ?

Je vais vous surprendre, c’est en jouant au tennis à l’Université avec un flic ! Un concours de circonstance qui m’a poussé à faire ce choix, en répondant à la question « Pourquoi ne passerais-tu pas le concours d’Inspecteur ? ». Même si je ne pense pas que cela soit vraiment du hasard… Cela devait sans doute correspondre à ma nature.

Lorsque j’ai choisi d’intégrer l’école d’Inspecteur, mon père m’a dit « C’est quand même pas palpitant » mais lorsque j’ai réussi le concours de commissaire 7 ans après, alors là il a été fier et content. A vrai dire, il y avait des militaires dans ma famille mais la Police était une inconnue. 

  • Serait-il lié à votre éducation première ?

Mon père sur proposition de ma mère a choisi de m’inscrire comme mes sœurs aux Maisons d’Education de la Légion d’Honneur de Saint-Germain-en-Laye et Saint-Denis, ce qui était permis grâce aux grands-parents décorés de la Légion d’Honneur pour leurs faits d’arme et parce qu’une grand tante y avait été. 

Grâce à cette école publique créée par Napoléon Ier, j’ai pu apprendre l’autonomie et le goût de l’ordre et de la discipline.

L’autonomie pour les filles, c’était bien. On nous demandait de faire une carrière honorable, tout en nous mariant et ayant des enfants. Cette autonomie je l’ai prise et conservée toute ma vie. Ce qui fait que je ne dois rien à personne, hormis à mes parents et ceux qui m’aiment !

J’aimais aller à l’école. J’ai appris aussi les valeurs de la République tout en grandissant dans un milieu plutôt favorisé et porteur de valeurs fortes.

Vous savez, la vie en société impose de respecter des valeurs pour que tout se passe bien. Le vivre ensemble, le savoir être… La première chose que l’on apprenait à l’école élémentaire était de dire « Bonjour » à la dame de service comme à la maîtresse. Et bien après 38 années passées dans la police, je peux vous dire que cela n’est plus pareil ! Les générations sont passées et comme tout le monde, je constate une certaine baisse du niveau général de civilité des français. Il est temps de réfléchir le Monde à venir. Apprendre les uns des autres. Laisser l’individualisme forcené à tous les niveaux pour servir l’intérêt général.

  • Quelles études supérieures avez-vous suivi ?

J’ai commencé par un bac de lettres puis une maîtrise Sciences économiques et gestion des entreprises à l’Université Panthéon-Sorbonne à Paris obtenue en 1981. J’ai passé le concours de l’ENSIPN en 1982. Des années plus tard, en même temps que mon mari, j’ai passé le concours de l’ENSP de Lyon. C’était en 1990.

Donc, je n’ai pas fait “mon Droit” au sens classique et j’ai dû acquérir en autodidacte ces connaissances, appréciant particulièrement le droit administratif comme la procédure et le droit pénal que je pratiquais. Finalement, j’aurais aussi aimé être diplômée en Droit, mais cela ne m’a pas empêchée de devenir une Zidane de la procédure (rire). Cela a été une vraie passion que j’ai aimé transmettre.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours dans la police ?

J’avais envie d’avoir un métier autonome dans la police avec des compétences techniques.

Je dirais que c’était plutôt sympa avant d’être commissaire avec des collègues sympa qui m’ont beaucoup appris et sans sentiment d’être une des rares filles. Mais il faut dire qu’on se faisait respecter et qu’on ne s’est jamais crêpé le chignon ! Nous étions très amies et elles étaient également d’un très bon niveau et solidaires. Après, cela a été plus difficile car plus seule face au travail.

Lorsque j’étais commissaire du quartier Gros Caillou du 7ème arrondissement, poste choisi à ma sortie d’école, j’ai vécu des moments marquants comme celui d’apposer les scellés sur le cercueil du Président François Mitterrand. J’avais l’impression de participer à un petit bout de l’Histoire de France en mettant le nom de mon beau-père sur le papier dans sa chaussette avec l’échantillon du flacon des soins.

Un jour un garde detenu vient me chercher car un GAV embêtait sans arrêt sa collègue. Je descends de mon bureau pour aller mettre bon ordre quand je découvre qu’il s’agit d’un de mes interpellés 8 ans auparavant… Un incendiaire de crèches de Noël, mon premier “crâne”, qui m’avait valu le surnom de SICLI après celui affectueux de Calamity Jane, et surtout donné un travail énorme pour le loger dans un hôtel de la rue des vinaigriers dans le 10ème arrondissement. Il a repassé un sale quart d’heure à quelques années d’intervalle. Je lui rappelai, sa maladie alléguée de Dupuytren et l’affaire des crèches lui assénant qu’il n’avait vraiment pas de chance de retomber sur moi ! Cela mit fin aux ennuis de la gardienne en tous cas..Qui sait si Jamais deux sans trois. (rire).

J’ai eu la chance dès cette époque de tisser des liens avec les huissiers, les professeurs d’Université de Droit, les magistrats, avocats… et d’avoir ainsi une vision plus globale de ce domaine juridique interdépendant et rarement concurrent. Plus tard cela m’a conduit à intervenir lors de conférences personnelles ou de tables rondes avec eux. Il est très intéressant d’échanger, d’apprendre toujours et surtout de transmettre car comme disent les américains « on ne tapisse pas son cercueil avec ses dollars ». C’est pourquoi je continue mes interventions auprès de l’Ecole de formation du Barreau et les Universités de Montpellier et de Paris. J’ai dû hélas cesser celle du Maine car le temps n’est pas étirable.

J’ai aussi appris que dans la vie, il y a des gens qui donnent de leur personne dans le travail et d’autres pas mais subsistent uniquement les belles rencontres, les belles personnes. Celles surtout de fonctionnaires, qui ne comptent pas leur temps, parfois malgré leur propre vie difficile, qui sont réactifs et répondent présents. J’ai beaucoup d’amitiés et d’affection pour eux. Ils se reconnaitront s’ils lisent ces lignes.

  • Il serait instructif de découvrir les étapes qui ont jalonné votre évolution

La première date marquante est bien sûr celle de 1982. Celle d’inspecteur de police à Paris comme évoqué ensemble, puis l’ENSP à Lyon avec mon mari, premier couple à y entrer marié, parmi tous ceux qui s’y sont formés (rire).

De 1992 à 1997, j’étais donc Chef du commissariat du quartier Gros Caillou dans le 7ème à Paris. Une petite équipe à 15 environ, occupée largement entre les plaintes en tous genres, les affaires d’interpellations de la nuit, l’ivresse qui œuvrait en police judiciaire de proximité dirait-on et en police administrative notamment à surveiller les aliénés, une noble tâche bien méconnue et très utile à la cité.

Les commissaires adressaient, directement à l’époque, les aliénés à l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de Police s’ils constataient que la personne était dangereuse pour elle-même et pour autrui. C’est une responsabilité sérieuse que je ne prenais pas à la légère sachant l’imprévisibilité de ces malades qui parfois intégraient enfin un parcours de soins, ce qui n’aurait pas été possible autrement. Parfois ils ne faisaient pas l’objet de placement d’office par les médecins et il m’est arrivé par deux fois que deux ressortent et mettent le feu à leur domicile dans la foulée. La médecine n’est pas une science exacte dans ce domaine qui est particulièrement intéressant mais très difficile.

Un fonctionnaire un jour avait terminé le rapport sur ceux qu’il surveillait sur son secteur par une partie « Ils nous ont quittés » destinée à ceux qui avaient changé de domicile, cela m’avait bien fait rire mais il est revenu à une formule plus administrative.

Une anecdote sur une victime qui devint une amie et qui le jour de la permanence de Noël vient se plaindre d’une publicité mensongère par un grand traiteur qui distribue des fromages sous son nom mais ne sont pas affinés dans ses caves comme promu… L’affaire fit grand bruit dans le milieu des commerçants et le traiteur fût condamné malgré son appréciation au tribunal… même que ce n’était pas une petite commissaire et fromagère qui allaient etc… 

Cette expérience avec de jeunes fonctionnaires à qui on n’avait pas tant de temps à consacrer était humainement agréable en dépit des exigences qui les ont conduits à de belles carrières et j’en suis bien fière.

La députée-maire du 7ème, Madame Martine Aurillac, ne manquait aucune séance à l’Assemblée nationale et considérait les Policiers tant de sécurité Publique que de Police judiciaire comme des intervenants dans la cité que nous étions. Elle ne manquait jamais de m’inviter aux rendez-vous institutionnels. C’était une belle personne comme les adjoints avec lesquels nous travaillions.

Ensuite, j’ai été recrutée, parce qu’il fallait un commissaire connaissant bien la procédure, comme adjoint du 4èmeCabinet de délégation judiciaire (la BRDP aujourd’hui) spécialisé dans les contentieux des discriminations, de la presse, des libertés publiques et des professions judiciaires de 1997 à 2000. « Minutes » disparu depuis, titrait « la Police de la pensée a encore frappé ! ». On surveillait de près les publications avec le parquet de Paris et les publications étrangères interdites comme La cohue de 40 de Léon Degrelle ou Mein Kampf dont aucune liste est jamais parue. On se cultivait dans des domaines qu’on ne soupçonnait pas, en tout cas pour moi…

Puis adjoint de la BRDA brigade de répression de la délinquance astucieuse et ses multiples escrocs… Beaucoup de travail, des affaires très importantes au sens d’opérations à 26 perquisitions concomitantes, un ancien secrétaire d’Etat en garde à vue qui me disait « C’est avec une personne comme vous que j’aurais dû travailler » !!! Cela avait l’air d’être un compliment. Et des collaborateurs d’un excellent niveau toujours au top dont certains m’auront suivie dans plusieurs services et pour lesquels je suis particulièrement reconnaissante. Pour leur personnalité, leur qualité de travail et… m’avoir supportée aussi. (rire)

Chef de la Brigade d’Enquêtes sur les atteintes aux personnes (BEAP) de la préfecture de Police en 2003 et 2004 juste avant la réforme des affaires économiques et financières.
Les identifications de cadavres et la recherche des personnes disparues, 2000 par an à l’époque sur Paris et la petite couronne.
Avec un nouveau texte du code de procédure pénale qui facilitait les investigations et permettait d’en retrouver parfois plus vite avant qu’elles ne mettent fin à leurs jours. Mais ce n’était pas toujours ce succès et ne pas réussir dans ce domaine était une blessure pas seulement pour les familles…
La compétence sur les curriculum vitæ des criminels, comme violeurs de tournantes par exemple était marquante particulièrement; mais il y avait aussi la permanence pour les catastrophes pouvant survenir et ainsi j’ai connu la prise en charge des familles des victimes de l’accident d’avion parti de Charm el-Cheikh durant les vacances de janvier 2004 puis en mai l’accident de l’écroulement de Roissy dont il a fallu rechercher les causes. Ce dossier était une épreuve inconnue et la discipline de la procédure et des collaborateurs a été déterminante dans le management de ce dossier.
Le droit pénal du travail constituait un stock de dossiers difficile à réduire, les entraves aux comités d’entreprise, au droit syndical etc… étaient durement poursuivies.

Un autre type de dossier emblématique de ce service, en pleine importation du conflit israélo-palestinien. Des franco-israéliens recevaient une cartouche de 22 LR insérée sur un carton avec la mention « la prochaine n’arrivera pas par la poste ». En faisant reprendre ce dossier comportant nombre de plaintes, on découvre un élément laissé de côté : une adresse mail, ce qui à l’époque n’était guère fréquent ! Elle nous a menés à la famille et à ses armes etc…Un franco-israélien pas d’accord avec ceux qui étaient pour un règlement du conflit…  

La réforme des affaires économiques et financières en 2004 m’a fait quitter ce service qui fusionnait avec un autre et si j’ai regretté le contentieux la nouveauté de mon nouveau poste ne m’a pas laissée me retourner.

Chef du Groupe Régional d’Intervention du Val-de-Marne (GIR 94) de la préfecture de Police à Créteil en 2004 pour lutter contre l’économie souterraine, dénommé aujourd’hui Groupe interministériel de recherches, cela me rapprochait de mes études premières et nous avions déjà pris la mesure de l’importance de la lutte contre l’économie souterraine à la préfecture de Police qui rassemblait 4 GIR ! Le travail dissimulé dans les boutiques, les stupéfiants dans les cités qui rendaient l’économie réelle anticoncurrentielle et développaient le blanchiment, sont toujours d’actualité. Une équipe pluridisciplinaire et un travail interministériel sous le co-pilotage du préfet et du procureur de la République fonctionnaient très bien. On avait une idée par cité des familles à problèmes et cela aidait les services de Police Judiciaire, classiques grâce aux renseignements généraux, à l’époque, qui connaissaient la sociologie des cités et permettaient d’identifier les signes de radicalisation, de quêtes pour construire des mosquées, aussi un travail éclectique avec la CPAM, la CAF etc…

C’est en 2008 que l’on me propose de rejoindre le Château des Rentiers comme Chef de la BEFTI aujourd’hui dénommée BLCC. J’ai accepté ce poste de Chef de la Brigade d’Enquêtes sur les Fraudes aux Technologies de l’Information de la Préfecture de Police, et je suis devenue addict au cyber !

Je dois dire que ce poste ne m’avait jamais traversé la tête et que j’ai eu peu de temps pour donner ma réponse à un directeur et ami. J’étais plutôt en quête de partir en détachement dans le privé à cette époque. Mais cela ne s’est pas fait et j’ai compensé finalement en rencontrant nombre de chefs d’entreprises et de DSI ou RSSI d’’entreprises pour diffuser la bonne parole de la cybersécurité. Etre acteur de sa propre cybersécurité c’est assurer celle des autres pour les particuliers et les entreprises ! Une bonne hygiène informatique c’est comme l’hygiène des CHSCT en droit pénal du travail…

Le rôle de la BEFTI/ BLCC est de lutter contre la cybercriminalité, les infractions de la Loi Godfrain, piratages complexes, entraves par chiffrement de données, extorsion de fonds liés, et contrefaçon de bases de données ou l’extraction de données, le téléchargement illégal et la piraterie audiovisuelle. Elle assiste les services de la préfecture de Police pour extraire, analyser les supports numériques, remis ou saisis en perquisitions avec l’identité judiciaire pour certains aspects de la téléphonie. Le bilan c’est que je n’y connaissais rien en arrivant. J’ai beaucoup écouté mes collaborateurs sachants. J’ai ingéré et digéré assez vite la matière puis j’ai porté l’importance de ce service au moment même où se développait la cybercriminalité. Moi qui n’avais pas voulu rester travailler chez IBM j’ai fini tout de même dans l’informatique… J’ai commencé la vraie modernisation de la préfecture de Police dans ce domaine au moment même où la France était le premier pays à être audité par l’Union Européenne sur sa lutte contre la cybercriminalité. Tout cela m’a conduite en raison de l’expertise acquise à être recrutée au Cabinet du préfet de Police.

Depuis le 1er mars 2015, vous êtes chargée de mission cybercriminalité au cabinet du Préfet de Police de Paris.

  • Quelle est votre mission 

Porte d’entrée interne et externe à la préfecture de Police dans la lutte contre la cybercriminalité, il me faut cartographier les emplois et l’activité de nos spécialistes cyber pour rendre les services aux victimes, leur procurer les outils d’investigations judiciaires, organiser un dispositif pour rationaliser l’allocation des hommes et les moyens qui sont contraints. 

  • … et ses enjeux ?

Le développement de l’équipement de la population et des entreprises en moyens numériques de tous types réseaux, infrastructures et matériels numériques caméra, téléphonie GPS et bientôt les véhicules connectés et tous les objets connectés à venir, comme le défi de la 5G, nécessitent que les services de Police soient en capacité de répondre aux demandes judiciaires, soient extrêmement bien formés mais aussi maîtrisent les matériels et anticipent le futur en fréquentant le monde des industriels par exemple.

  • Avez-vous de belles réussites et des actualités à partager ?

Ma participation Intuitu personæ au groupe de travail présidé par le procureur général Marc Robert en 2013 qui a permis par les préconisations de son rapport « Protégeons l’Internaute » d’avancer sur certaines questions juridiques intégrées au code de procédure pénale notamment sur la compétence territoriale.

Donner le goût de la cyber attitude pour se protéger et protéger les autres, la préfecture de Police a su comme à l’habitude être le fer de lance d’un sujet qui restait dans le microcosme et elle participe pleinement à l’écosystème d’aujourd’hui. Elle est reconnue depuis 1994, date de création du SEFTI ancêtre de la BEFTI, premier service créé en France pour lutter contre la Cybercriminalité.

Son implication pour un Internet plus sûr, dans diverses associations au titre de la prévention telles que SIGNAL-SPAM, POINT de CONTACT pour les signalements de contenus illicites sur internet.

L’accueil des nouveaux magistrats référents du cyber et les excellentes relations d’échange et de travail avec eux, et notamment aujourd’hui avec la chef de la Section J3 du parquet du Tribunal Judiciaire, s’est poursuivi tout comme les relations avec l’OCLCTIC ou le C3N de la gendarmerie dans les échanges opérationnels, chacun ayant son territoire et sa spécificité.

La participation aux think-tanks tels que le CLUSIF, le CESIN permet d’échanger sur l’état de la menace en temps réel, la lutte contre les cybermenaces au ministère de l’Intérieur étant animée par la DMISC dont le délégué, vient d’être nommé.  

Il faut convaincre les particuliers comme les entreprises que la cybersécurité n’est pas un coût mais un investissement. Le risque est trop élevé à ignorer ce précepte quand on voit le coût par entreprise de la cybercriminalité.

D’autres activités professionnelles vous occupent depuis fort longtemps.

Absolument.

Après avoir été 8 ans un jury exigeant pour la qualification des Officiers de Police Judiciaire et transmis à mes collaborateurs ce que je savais, je poursuis mon rôle d’enseignement et de conférencier en Droit pénal et procédure pénale à l’Université dans des DU et Master. J’ai enseigné ou été conférencier dans les Universités du Maine, de Montpellier, à Dauphine et Paris Panthéon ASSAS La Sorbonne. Pour l’ENM, l’EFB et à l’INHESJ. Le confinement a permis en 2020 en distanciel, de servir l’Université de Montpellier et l’Ecole de Formation du Barreau de Paris.

Etre conférencier en cybersécurité et cybercriminalité c’est remplir l’objectif d’évangéliser des entreprises et autres organisations.

J’ai publié par ailleurs des articles dans les revues du CDSE, de la gendarmerie nationale, la Lettre de l’INHESJ, celle du GRASCO, et dans le Lamy online.

En prenant de la hauteur, que pensez-vous de l’évolution de la maison Police ?

Pour moi j’ai toujours pensé que la Police représentait le père, l’autorité, l’interdit et qu’elle a des difficultés car depuis 1968 « Il est interdit d’interdire ». Cela s’est beaucoup ancré dans les esprits et je crois nous a fait beaucoup de mal !

La Police devient un bouc émissaire car elle représente le dernier rempart de tout ce qui n’a pas marché et les frustrations non digérées s’expriment sur elle.

Je ne pense pas que la police doive être à l’image de la Société. Celle-ci attend mieux que ce qu’elle est. Voyez que l’affaire est compliquée. On réclame de l’Ordre mais on récuse les Forces de l’Ordre et on les accuse…Et lorsque c’est à juste titre, on ne voit que cela alors même que quantitativement c’est infime, comme dans la vie on généralise et cela ne sert pas la société. 

Parler surtout de la Police c’est ne pas parler des vrais problèmes de la Société. Et ceux-là ne sont pas dûs à la Police qui doit tenir les principes de la République, dans toutes ses dimensions. 

Le développement des réseaux sociaux ne contribue pas à l’apaisement au motif d’une liberté d’expression qui oublie qu’elle est limitée par la Constitution et donc le code pénal ! L’information, surtout quand elle est mauvaise, se répand comme une trainée de poudre avec l’Internet et les GAFAM et les USA devront finir par en tenir compte, pour construire une liberté d’expression responsable dans le monde entier. On n’est plus au temps du cercle des 40 chariots, l’information fait 40 000km autour du monde à la vitesse de la lumière !

La France (ou les français) est devenue trop individualiste. L’intérêt général de la cité n’est plus ni compris ni recherché. Or, la somme des intérêts individuels n’est pas l’intérêt général chacun individuellement doit concourir au collectif et il en retirera du bien. Mais il faut reconstruire cette façon de voir. C’est toujours Antigone contre Créon…

En ce qui concerne l’Europe dans le domaine de la coopération judiciaire, on veut bien poursuivre l’objectif pour lutter contre la cybercriminalité mais on n’arrive pas à se mettre d’accord sur les moyens à employer. C’est la quadrature d’un cercle dont les e-criminels profitent, la France est en première ligne mais n’est pas assez entendue car elle poursuit l’objectif de protéger les victimes et en veut les moyens pour attraper les criminels. Or la preuve numérique est toujours transfrontalière et presque toujours chez les opérateurs US alors on continue de bagarrer tous les jours comme les autres ministères et on fait de la régulation avec les GAFAM en essayant de dépasser leurs limites pour les faire avancer.

Je vous avoue ne pas être très optimiste car on avance vraiment à petits pas malgré Christchurch et beaucoup d’autres faits terroristes terribles.

Un message complémentaire à faire passer ?

J’ai un message en effet. Je pense que la France donne la chance à tout le monde.

Aussi est-il essentiel d’avoir une vision globale afin de mieux construire notre Histoire. Savoir d’où on vient, où on est et où on veut aller. Mais choisir une ligne droite et s’y tenir. 

L’ensemble de votre vie est-elle consacrée au travail ?

J’ai toujours été très investie dans mon travail. Ce qui ne me permet que peu de temps pour de réels loisirs. 

Je préfère juste me changer les esprits en regardant le foot que je suis depuis mes copains à l’Université (si vous vouliez en avoir il fallait regarder les matches ! De bons moments passés), le tour de France et les courses à la télévision.

J’aime aller sur les champs de course, surtout pour les gris (rire). J’aime l’univers du cheval. L’équitation a longtemps été ma passion. Monter à cheval me manque mais les os n’aiment plus trop cela.

J’aime passer du temps simplement avec mon mari, un grand Policier qui lui aussi a beaucoup fait pour le Ministère de l’Intérieur et qui est écrivain, mon fils qui va devenir avocat et son frère entrepreneur dans l’événementiel, tout jeune papa.

Un grand remerciement pour notre conversation à bâtons rompus privilégiée et passionnante. Elle a permis aussi de découvrir que les routes de chacune se sont probablement croisées au Touquet, notamment au centre équestre ! Comme quoi, il n’y a pas de hasard…


Miss Konfidentielle a réalisé et publié l’interview pendant la période estivale. A l’occasion de la rentrée, Anne Souvira souhaite aborder un sujet qui lui tient particulièrement à coeur : l’emploi des femmes par leur formation visant à combler la pénurie de main-d’œuvre des métiers de l’informatique.

Etant précisé que je n’ai jamais fait partie des suffragettes ou des féministes mais que j’ai toujours été consciente et persuadée de l’évidence d’avoir accès aux mêmes professions, sauf exception, à la reconnaissance des moyens intellectuels et parfois physiques sans distinction de genre; L’égalité en droit, écrite dans la constitution mais pas vraiment encore effective…Je n’aborderai pas le plafond de verre et la parité cette dernière m’apparaissant toutefois comme un passage obligé pour faire bouger les lignes.

Le domaine de la cybersécurité est un bel exemple de ce retard, à tel point que Nacira Salvan, RSSI et présidente du CEFCYS (cercle des femmes de la cybersécurité) écrit un livre au titre parlant « Je ne porte pas de sweat à capuche, pourtant je travaille dans la cybersécurité ». Oui, l’informatique à tout niveau s’adresse également aux filles. Les métiers de la cybersécurité, sont très nombreux et les opportunités d’emplois bien rémunérées. Mais ils sont encore trop méconnus pour les filles car peu expliqués dans le cursus scolaire et pas assez valorisés auprès d’elles. En effet, elles sont toujours – stéréotypes obligent – censées être plutôt littéraires qu’ingénieures ou techniciennes….Cela a longtemps été vrai pour les métiers prétendus d’hommes tels que policiers, pompiers, militaires, qui ont eu du mal à passer à une ouverture d’esprit sur autre chose que la force physique !

Dans la première moitié du 20ème siècle, on parlait de doctoresses pour les femmes médecins voilà qui est significatif.

Aujourd’hui, il est impérieux de faire prendre conscience des stéréotypes que l’on porte afin de lutter, oui c’est difficile, pour s’en débarrasser. En effet, seuls les prescripteurs – parents, professeurs, porteurs de l’autorité en général – par les appréciations qu’ils donnent seront à même de ne pas reproduire les réflexions, « c’est pas un métier pour les filles » etc… Il faut promouvoir auprès des lycéens aussi, l’intérêt de ces métiers qui nécessitent parfois un niveau de math et physique, pour coder ou faire de la cryptographie etc… Mais pas toujours ! Beaucoup d’autres métiers très intéressants, demandent des Sherlock Holmes en lecture de traces informatiques pour découvrir, tels des agents de police technique et scientifique, ce qui se passe (surveillance) ou s’est passé dans les réseaux, afin de découvrir quand l’attaque a eu lieu et qui l’a menée. On peut multiplier à l’envi la liste des métiers de la cybersécurité dont voici un exemple de cartographie trouvée sur Twitter

Pour finir une anecdote.

Chaque année lors du Forum des métiers, et au moment où les 1ères doivent, déjà !, construire leur projet d’avenir, je suis invitée par un grand Lycée public parisien à promouvoir la bonne parole à la fois sur des investigations informatiques dans la Police et de la prévention de la cybermalveillance.

Je viens avec de nombreux flyers et autres goodies très appréciés…. que je ne donne que lorsque l’on m’a écoutée jusqu’au bout.

La première fois, seule une poignée d’élèves s’étaient présentés dont un qui voulait savoir si on attrapait vraiment les hackers, dont il avait bien le look d’ailleurs…

Il faut dire que l’on m’avait donné une table à côté des forces spéciales de l’armée et toutes les autres professions militaires…

J’ai demandé à être avec les quelques informaticiens l’année d’après, et là je leur ai, depuis plusieurs années brulé la politesse ! Et les filles ne demandent plus si c’est pour elles, elles viennent en groupes. Les garçons demandent s’il faut être fort en math ? Pourquoi pas en thème ! Autre temps autres mœurs. Tout cela doit changer, ces métiers d’investigateurs dans les traces numériques dans le secteur public ou privé, sont en tensions. Pour les développeurs codeurs également, et les entreprises font appels à des étrangers ce qui est pour le moins un pari, à l’heure de la souveraineté.

La moitié de la main d’œuvre est féminine, en France. Dans le monde sur 1000 personnes, 504 sont des hommes (50,4 %) et 496, des femmes (49,6 %). On ne peut combler la pénurie dans ces métiers sans passer par l’ouverture aux filles, quitte à aménager le temps de travail etc… Le télétravail se prête bien à la plupart de ces métiers. 80 000 postes étaient vacants fin 2019 dans la cybersécurité en France. En 2022, c’est 400 000 postes de cyber sécurité manquants en Europe !

Les stéréotypes, les a priori, les préjugés, dans toute matière il faut donc réfléchir à s’en défaire.

Car c’est bien l’orientation, la formation, la valorisation des emplois auprès des femmes également qui pourra faire progresser l’économie. Les entreprises ne peuvent pas se développer faute de main-d’oeuvre, il faut en avoir conscience.

Il y a du chemin à faire au profit tant des administrations que du secteur privé qui ont les mêmes besoins en ressources humaines.

Une lecture instructive sur l’ouverture du baccalauréat aux filles au début du 20ème siècle !


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1 commentaire
  1. DESSERT Adien dit

    Excellente approche de la cybercriminalité qu´il faut combattre avec nos partenaires européens et nous limiter l´influence des USA et de la Chine dans le domaine du contrôle des données

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