Interview de David Galtier, général d’armée 2S

12 octobre 2020 – Miss Konfidentielle poursuit ses interviews de grandes figures de la gendarmerie nationale. Un honneur qu’elle partage avec vous. David Galtier, général d’armée 2S, s’exprime avec recul sur sa carrière, raconte ses actualités et projets, s’épanche un peu sur sa vie personnelle tout en respectant ses valeurs. Connu pour son franc-parler, vous êtes invités à découvrir l’homme qui ne manque pas de piment !

Bonjour David,

En toute sincérité et au risque de paraître vieux jeu, je préfère « Bonjour général » car c’est mon titre et grade et j’y suis attaché, comme un docteur ou un avocat peuvent l’être aux leurs.

Cela dit, si la ligne éditoriale doit montrer une certaine liberté, allons-y pour David mais surtout pas monsieur !

Vous avez réalisé un parcours très “honorable” au sein de la gendarmerie nationale. Avec le recul, quels sont vos satisfactions et vos regrets ?

Ma première impression, sans prétention, est que mon parcours n’est pas très « honorable » mais « très beau ».

Il n’y a que deux généraux d’armée en gendarmerie et lorsqu’on atteint ce grade, il est légitime d’en être fier et de défendre les fonctions qu’il recouvre : soit directeur général de la gendarmerie, soit inspecteur général des armées et de la gendarmerie.
Si je ne vous le disais pas, mon ami l’ancien grand chancelier, le général d’armée JL GEORGELIN, me le reprocherait et il aurait raison !

J’ai noté en lisant les interviews de mes camarades qu’il y avait toujours une question sur les motivations ou l’origine de la carrière. Je regrette de ne pas commencer par cela car si je n’explique pas d’où je viens, on ne comprendra pas le moteur de mon action et de ma carrière…

Aucun militaire ou fonctionnaire parmi mes parents et grand-parents. Je suis né à Marseille dans les quartiers Nord et j’ai passé mon enfance aux HLM des Olives (13013). J’ai eu la chance, grâce à l’école et à mes parents, de basculer du bon côté de la route quand d’autres sont restés du mauvais. La vocation m’est venue tardivement en découvrant les armées au collège militaire d’Aix-en-Provence puis la gendarmerie à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, grâce à mon instructeur, le « capitaine Philippe CHEVILLARD ».

  • Mes satisfactions ?

J’ai tout aimé de ma carrière militaire mais s’il faut ne retenir que quelques étapes, je dirais :

Le commandement de la compagnie de gendarmerie départementale de Montpellier, en qualité de jeune capitaine (29 ans). A la tête d’une unité de près de 250 gendarmes à l’époque qui constataient plus de 11 000 crimes et délits par an. J’y ai appris mon métier, avec des sous-officiers exceptionnels qui m’ont aidé dès mon arrivée. Avec eux, j’ai conduit mes premières enquêtes criminelles, dirigé ma première garde à vue, trois semaines après ma prise de fonction, dans une affaire de meurtre sur le parking d’une discothèque. Merci notamment au chef ECHENE de la brigade de recherches, à l’adjudant TRIVALDO de la section de recherches de Montpellier de m’avoir fait confiance, tout comme aux magistrats du parquet et je pense à Madame Marie-Elisabeth Bancal, premier substitut à l’époque au TGI de Montpellier. La dominante en police judiciaire de mon parcours professionnel vient de là.

SDPJ 2009 Affaire Valentin © SIRPA

Cet intérêt pour la PJ me conduira à être le second sous-directeur de la PJ pour la gendarmerie, après mon ami le général de corps d’armée 2S Serge CAILLET.

De 2007 à 2010, j’ai vécu une expérience extraordinaire à la tête de cette sous-direction de l’arme (une des branches de la direction des opérations et de l’emploi, elle-même pilier de la DGGN avec les ressources humaines et les soutiens-finances.

La montée en puissance d’une structure constitue toujours un défi passionnant. A ce poste, j’ai pu suivre et coordonner un grand nombre d’enquêtes judiciaires. Celle qui m’a le plus marqué reste l’affaire du petit Valentin dans l’Ain et je renvoie le lecteur à la dernière émission réalisée avec M. JA RICHARD sur RTL.

Un troisième poste, s’il fallait n’en garder qu’un dernier, celui de commandant de la zone de gendarmerie Sud (PACA, Occitane et Corse), d’une richesse exceptionnelle. 4 ans, 7 mois et 9 jours de pur bonheur.

Germanwings © Sirpa

Parmi tant d’autres dossiers, je retiendrai une affaire terrible à gérer, la catastrophe de la Germanwings : 149 victimes et un meurtrier en la personne du co-pilote de l’avion, aéronef précipité sur les montagnes des Alpes de Haute-Provence un matin de mars 2015. Tous les moyens de la gendarmerie ou presque ont été mobilisés à cette occasion pour réaliser cette gestion de crise dans les meilleures conditions et parvenir à établir la vérité au service de la justice et en l’honneur des victimes et de leurs familles. Les éloges prononcées par Mme Angela MERKEL (chancelière allemande), M. RAROY (PM espagnol) et François HOLLANDE (alors PR) à l’endroit de la gendarmerie pour sa participation à cette gestion de la catastrophe sont encore présents dans ma mémoire.

  • Mes regrets ?

Le peu de temps consacré à ma famille, notamment à ma femme et mes deux filles.
Ma femme est le rocher du couple. Avec 18 déménagements elle a su garder le cap.
Mes deux filles ont réussi les concours des grandes écoles. Aujourd’hui, elles ont des postes à responsabilité. Ornella, l’aînée, travaille au sein d’une grande entreprise événementielle dans le Sud. Valérie, la cadette, évolue dans le secteur des cosmétiques et du bien-être à Marseille. Je suis fier d’elles.

Les erreurs que j’ai pu commettre en gestion, notamment lorsque j’ai dirigé le bureau des personnels officiers en charge de la mobilité et de l’avancement de tous mes camarades. A ce poste, nous exerçons une grande responsabilité car nous proposons au décideur des choix de parcours qui sont autant de choix de vie pour nos officiers. Fort heureusement, nous exerçons ces fonctions sous une forme collégiale qui limite les erreurs mais j’ai conscience d’avoir pesé sur les destins de mes camarades, je l’espère en bien le plus souvent.

Etre parti trop tôt ! Quitter ses fonctions à 60 ans, lorsque la santé est au rendez-vous et les compétences à leur plus haut niveau, me laisse le sentiment d‘un énorme gâchis. Alors que tous mes homologues de la police et d’autres administrations comme les douanes ou le fisc, préfets et magistrats avec lesquels j’ai travaillé étaient encore en fonction pour plusieurs années à des postes de responsabilité, j’ai dû ranger ma tenue ainsi que tous les militaires de ma classe d’âge au moment où nous pouvions sans doute apporter encore beaucoup. Je l’ai dit aux décideurs qui m’ont reçu à mon départ mais cette règle qui vaut pour les militaires devra changer avec le temps.

Quelle a été la suite de votre parcours ?

Je voulais fuir Paris après plus de 20 ans cumulés de service en région IDF sur l’ensemble de la carrière, ce qui constitue un exploit pour un Marseillais. Mais tel un aimant, la capitale rappelle à elle les responsables quels qu’ils soient. Public ou privé, on n’y coupe pas. 

Même en faisant du conseil stratégique (micro-entreprise montée grâce aux conseils éclairés de la mission de reconversion des officiers généraux), j’ai été appelé à faire de nombreux allers-retours entre la cité phocéenne où j’ai dû m’établir et la capitale. Mes bases familiales à Menton et en Italie sont un peu loin de l’axe stratégique PLM pour faire du conseil aux entreprises et j’avais noué des relations fortes à Marseille, ma ville de coeur et de naissance.

Je me suis donc beaucoup déplacé en 2019 et cette vie d’auto-entrepreneur avait son charme mais il manquait l’essentiel, un projet porteur et l’éternel désir de servir quelque chose de plus grand.

© David Galtier à Marseille

C’est à Marseille encore que je l’ai trouvé en la personne de Martine VASSAL (président du Conseil départemental et de la Métropole AMP) qui m’a demandé de réfléchir à un projet d’avenir sur la métropole Aix-Marseille-Provence, au côté de 450 experts de tout horizon.

J’ai piloté pendant plusieurs mois les réflexions de l’une des cinq grandes commissions en charge de ce projet d’avenir, travaillant en particulier pour ma part sur les questions de mobilité et de sécurité. Les conclusions ont été présentées en septembre 2019 et ont été bien accueillies.

A partir de là, une autre aventure a commencé, plus politique, mais c’est une autre histoire.

De tempérament dynamique, vous avez certainement des perspectives…

Les perspectives sont nombreuses car, au-delà de mes engagements et responsabilités politiques, j’ai décidé de donner suite à plusieurs projets qui me tenaient à coeur.

Avec Aix-Marseille Université et son Président Eric BERTON ainsi que les professeurs Mossadek TALBY et Ludovic ESCOUBAS, nous avons élaboré un doctorat défense et sécurité intérieure à dominante scientifique qui accueillera en octobre 2020 ses premiers candidats.

J’aurai aussi l’occasion grâce au Master 2 de Sciences-Po Aix géostratégie, défense et sécurité, sur proposition du professeur Walter BRUYERE-OSELLS, d’enseigner à des étudiants.

Robert HOSSEIN © David Galtier

Enfin, je pourrai oeuvrer à la promotion d’un spectacle musical historique, co-écrit avec mon ami René BALDACCINI (PDG de StarMédias et neveu du sculpteur César) sur les conseils précieux de M. Robert HOSSEIN : Marianne !
Une histoire de France visitée à travers les yeux de notre égérie qui commence non pas à la Révolution française mais bien avec la naissance du Royaume de France jusqu’à nos jours.
Spectacle qui se veut pédagogique et doit donner à nos jeunes l’envie de découvrir l’histoire de France et les valeurs qui fondent notre Nation à travers de grands personnages.

A ce propos, j’ai chanté au concert de l’orchestre symphonique de la garde républicaine et du chœur de l’armée française à Mont-de-Marsan. Un souvenir inoubliable !

Place à votre actualité littéraire « mon combat contre le crime »

Je fais actuellement la promotion du livre co-écrit avec Jean-Michel VERNE : « Mon combat contre le crime ». 25 affaires criminelles sensibles et pour beaucoup très médiatisées que j’ai eu l’occasion de suivre pendant mes 40 années de carrière.

Il me fallait rendre hommage à ces enquêteurs OPJ et APJ de la gendarmerie, souvent critiqués et insuffisamment mis en valeur à mon sens. Il me fallait replacer les victimes au centre des dossiers, quand beaucoup attachent du prix à comprendre les ressorts du criminel et à expliquer l’inexcusable.

Je place la mission de police judiciaire au coeur de l’activité de la gendarmerie nationale car je sais qu’elle est le moteur de l’action du quotidien des gendarmes sur le terrain. La finalité de tout gendarme est d’arrêter le voleur, le violeur, le criminel ; c’est aussi la motivation de tous ceux qui veulent rejoindre notre belle institution.

Il semblerait que d’autres passions vous animent…

Elles se découvrent à travers mes activités en cours et à venir.

La musique car j’ai la chance de jouer un peu du piano et de pouvoir écrire des textes de chansons (une quarantaine de titres enregistrés à la SACEM). Telle que « Travail de mémoire ». Titre en hommage à Simone Veil.

Le sport avec la pratique du jogging (jusqu’à annulation des principales courses cette année comme les Gendarmes et les Voleurs de Temps dans le Limousin ou encore le célèbre Marseille-Cassis. Mais cela reviendra encore plus fort !). Le sport encore avec la natation mais ma fille Valérie m’a dépassé car elle a participé cette année au Défi de Monte-Cristo alors que je ne m’y suis jamais risqué…

Le foot enfin car on ne peut pas naître et vivre à Marseille sans suivre passionnément l’OM. Ce club, c’est comme la ville ; il ne laisse personne indifférent : on adore ou on déteste. Moi je reste fan !

Au-delà, mon amour des régions françaises et italiennes me conduira sur les routes. L’Italie c’est aussi une partie de mes racines (grand-père) et de ma belle-famille. J’ai le bonheur de parler la langue de Dante et je ne m’en prive pas. J’avoue aussi avoir un faible pour la cuisine italienne…

Le temps passe vite ! Un dernier mot avant de nous quitter ?

Même si ma carrière a été riche, je doute encore et je reste toujours prudent dans les conseils que je peux donner aux plus jeunes et aux messages à transmettre.

Je voudrais simplement dire, aujourd’hui, que face aux menaces nombreuses qui pèsent sur notre société, la peur est toujours mauvaise conseillère. Les équilibres sont précaires et la déstabilisation d’un pays, fût-il une grande démocratie, est toujours possible.

La vie militaire m’a appris que la cohésion, la fraternité, le dépassement de soi, permettent de remporter les victoires. S’enterrer et attendre (se confiner ?) face à la menace ne sert en définitive pas à grand-chose.

Le courage et la dignité de nos anciens leur ont fait surmonter les plus grands dangers ; soyons leurs héritiers !

Deux citations ont souvent guidé mes choix et résumé mon engagement.
Celle du maréchal LYAUTEY « la joie de l’âme est dans l’action » m’a toujours poussé à aller de l’avant.
Celle du général LASALLE , mon parrain de promotion à Saint-Cyr : « je le ferai avec plaisir parce que c’est difficile » m’a fait garder le moral et le sourire dans les tempêtes.

Une interview sous le signe de la décontraction, du sens de la répartie, et même du rire. Miss Konfidentielle remercie le général David GALTIER pour ce moment de partage si rafraichissant !

David Galtier, auteur de ” Mon combat contre le crime ” avec Jean-Michel Verne – Robert Laffont © SIRPA

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