Interview de Jean-Luc Monteil, Vice-Président du MEDEF national

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Le 13 février 2021 – Miss Konfidentielle met en lumière Jean-Luc Monteil, une personnalité rencontrée au siège du MEDEF. C’est en toute décontraction que nous avons échangé sur sa personnalité, son parcours qui ne manque pas de rebondissements, ses actualités tant professionnelles que personnelles. Sans oublier ses points de vue de vice-président du Medef national qui ne manqueront pas de vous intéresser.

Bonjour Jean-Luc,

La question peut sembler indiscrète. Pour autant, elle n’est pas anodine. Qui se cache réellement derrière l’homme institutionnel ?

(Rire). J’ai grandi dans une famille avec un papa et une maman très occupés.
Ils étaient tous deux commerçants, et il est certain que la valeur travail a toujours eu du sens à leurs yeux.

Avec ma soeur, nous avons profité de notre liberté et il est vrai que je brillais rarement avec de bonnes notes à l’école ! Je préférais jouer au foot et au rugby… ce qui m’a valu de redoubler la classe de 6ème et au moment où je pouvais redoubler ma 5ème, mes parents m’ont dit « Mon garçon, nous allons changer les choses » et ils ont décidé de m’envoyer en pension à La Motte-du-Caire. Là j’ai rapidement appris que dans la vie il est important de savoir s’imposer pour se faire respecter car les élèves étaient autant, voire plus indisciplinés que moi. Dans l’écosystème de la pension, il n’y avait pas de demi-mesure, ce qui n’était évidemment pas toujours simple. Heureusement pour moi, la pension était mixte et au grand air (sourire). Ce fut mon premier apprentissage marquant.

Le collège se terminait en fin de 3ème. De là je suis parti pour décrocher un CAP BEP de restauration-hôtellerie à GAP qui s’est bien passé tant avec mes collègues qu’avec les professionnels. J’ai appris à être libre économiquement en gagnant de l’argent dans les brasseries à Manosque très jeune. A cette époque, j’ai rencontré un professeur d’œnologie qui m’a encouragé dans cette voie car selon lui j’étais doué.

A suivi le Bac Technique Hôtelier à Thonon-les-Bains en Haute-Savoie, période pendant laquelle j’ai découvert une certaine facilité à entreprendre, à gérer tous les extras pour l’école Hôtelière. Je me souviens avoir beaucoup travaillé, notamment en apprenant le monde du vin avec des spécialistes… et bien vécu aussi.

J’ai passé le concours de sommelier de France (Savoie, Haute Savoie, Isère, Canton de Genève) à deux reprises et suis arrivé en finale les deux fois. La première fois en tant qu’élève. La 2nde fois lors de mon premier job chez Carrefour.

Instructif ! Merci pour votre franchise bien agréable relative à votre jeunesse.
Nous poursuivons avec votre carrière professionnelle…

Comment cela s’est-il passé chez Carrefour ?

J’avais été chassé en tant qu’acheteur de vin spiritueux à l’âge de 18 ans. Cadre, je travaillais de 5h du matin à 22h pendant 2 ans. C’était passionnant. J’ai vécu à 100 à l’heure puis j’ai démissionné car l’approche du groupe ne me convenait plus.

Puis vous êtes devenu formateur de cavistes chez Nicolas.

Absolument. Une période de travail et aussi de soirées quotidiennes parisiennes au point que l’armée a été salvatrice ! Avec un général que j’ai beaucoup apprécié. Il fallait que je me calme.
Le groupe Nicolas m’avait pressenti pour ouvrir leur réseau de magasins au Royaume-Uni pendant que je faisais l’armée mais la vie en a été autrement puisque ma maman m’a demandé d’aider l’entreprise familiale en difficulté. J’ai accepté de la rejoindre ainsi que mon papa dans le sud de la France à Manosque. J’ai naturellement respecté le contrat et lorsque l’entreprise est devenue saine et rentable je l’ai vendu.

Vous n’auriez pas aimé racheter l’entreprise familiale ?

Pas du tout !
Par contre, j’ai tiré quelques enseignements de cette période et en particulier que certains partenaires de l’entreprise étaient peu à l’écoute, manquaient de professionnalisme et d’offres de services. C’est ainsi que j’ai rejoint le groupe Gan (départements 04 et 05) sur les sujets de financement et d’assurances. Je me trouvais bien payé pour ce que je faisais mais pensais que mon métier était censé être celui de servir les intérêts de mes clients. C’est de là que j’ai créé un cabinet en vue d’accompagner les clients sur des thématiques précises.

S’agit-il de la création de la Compagnie Financière Colbert ?

Tout à fait. La Compagnie Financière Colbert est née à Manosque et s’est développée à Digne-les-Bains et Sisteron. J’ai commencé seul. En 2021 la Compagnie compte 16 salariés avec le même métier et la même philosophie.
Au début de cette activité je me suis rendu compte que l’environnement était très changeant donc je suis allé préparer un MBA en gestion de patrimoine à KEDGE Business School que j’ai obtenu en deux ans. Puis j’ai fait un DESS à l’université d’Aix de finance et économie. Quelques années plus tard, je me suis rendu à la Mecque… L’Université Clermont Auvergne (UCA) afin de suivre la formation de DES gestion du patrimoine. Ces diplômes ont été très importants pour accompagner efficacement mes clients.

Puis vous avez créé et développé la société Ed’En Industries ?

Nous avions développé un brevet européen destiné au VTT, « le bike up ».
Cette expérience m’a permis de visiter les massifs français, italiens, suisses… Au bout de quelques années de voyages très agréables, on s’est rendu compte que la société n’était pas assez rentable alors nous avons arrêté cette aventure entrepreneuriale.

J’ai alors décidé de me concentrer sur le développement de la compagnie financière Colbert en lançant le courtage en crédit ce qui a permis le lancement de la franchise monmeilleurbanquier.com, entreprise qui accompagnent les particuliers dans la recherche de financement.
En 2021 nous sommes dans le top 10 des franchises au niveau national avec plus de 40 franchisés en France.

Trois années plus tard, j’ai lancé l’entreprise Terres et Constructions qui vise à construire des maisons individuelles notamment en Outre-mer.

J’ai également repris des entreprises en difficulté dont un hôtel aux portes d’ITER ; j’ai accompagné des jeunes journalistes aussi pour qu’ils acquièrent les bons réflexes par la reprise de deux titres de la presse écrite…

Et puis… le grand wouahh qui va changer votre vie

C’est exactement cela. Alors que je visitais une ferme avec mon épouse dans la région viticole de Haute-Provence, j’ai fait un grand Waouh !! Cette ferme est devenue le Domaine des Bergeries de Haute Provence qui produit des AOP et IGP d’huile d’olive BIO et de vins Bio également que vous avez récemment mis en lumière sur Miss Konfidentielle et je vous en remercie.

J’ai beaucoup parlé du monde de l’entreprise depuis le début de notre échange.
Je suis tout autant attaché à la nature que je trouve belle ! A mon sens, il faut en prendre soin, préserver les écosystèmes, développer le bio, être collectivement plus responsables… Il est important d’être ancré dans les réalités du quotidien et la terre est une réalité.

C’est ainsi que je préfère travailler avec des gens qui ont un bon esprit que des gens qui n’ont que des résultats.

En local, j’ai été président de la jeune chambre économique, élu à la CCI 04, Président fondateur d’un club de créateurs d’entreprises, Président du patronat pour les Alpes-de-Haute-Provence, Président d’un service de santé au travail, Président du Medef Provence-Alpes-Côte d’Azur…

Parlez-nous de vos missions au sein du MEDEF

Je me suis de plus en plus investi au sein du Medef et à ce titre j’ai siégé aux côtés de Pierre Gattaz à Paris.
Lorsque Geoffroy Roux de Bézieux a été élu, il m’a demandé de le rejoindre afin de m’occuper des adhérents en National.

Jean-Luc Monteil et Geoffroy Roux de Bézieux © Jean-Luc Monteil

En janvier 2020, je suis nommé vice-président Medef national en charge des adhérents et codirige le comité Outre-mer, métropole, régions….

Concrètement, je dirige les plénières, j’anime le réseau et l’assemblée mensuelle du Medef, je siège au comité exécutif…

N’est-ce pas trop de missions à gérer ?

Tout est lié vous savez, j’ai un rôle de coordinateur et c’est très bien.

Le moteur de tout cela c’est « Faire et Transmettre ».
Ce qui me plaît, c’est construire en équipe, entreprendre.
Entreprendre est un espace d’expression sans équivalent pour moi et il est vrai que cela me passionne autant quand cela se passe bien… que moins bien. L’adaptation est essentielle.

Pour les lecteurs qui connaissent peu le Medef, quelles sont les informations à retenir ?

Au Medef même des personnes comme moi qui n’ont pas fait que de grandes écoles ou dirigent de grands groupes ont la possibilité de grandir au sein de l’association.
80 % de nos adhérents sont des entrepreneurs qui ont moins de 20 salariés et si nous avons autant de petites structures c’est qu’elles obtiennent les services qu’elles attendent.
Le Medef national compte 200 salariés.
On traite de tous les sujets tels que l’environnement, l’Europe, le sport… à la demande des adhérents.
En parlant de sport, Geoffroy Roux de Bézieux comme Patrick Martin Pdt Délégué, ont joué au rugby aussi et nous savons très bien qu’il faut des gros devant et des plus légers derrière. Nous donc besoin de tous !

Avez-vous déjà organisé des tournois de rugby au sein du Medef ?

Pas encore ! C’est une bonne idée lorsque la Covid-19 sera passée … (sourire).

Le Medef est un interlocuteur régulier du gouvernement…

Absolument. Et nous avons souvent le choix entre deux alternatives de communication : la boxe ou le judo. La boxe qui consiste à « cogner », « crier fort ». Le judo qui demande d’utiliser l’énergie de l’autre », il s’agit d’un sport de contact. Au Medef, nous pratiquons plutôt le judo car plus utile pour nos adhérents. Je pense que nous sommes des gaulois réfractaires et lorsqu’il faut faire, on s’aperçoit qu’il y a peu de gens qui ont la capacité et le courage de faire. Je ne suis ni de droite ni de gauche, simplement respectueux à l’égard des personnes qui cherchent à solutionner des problèmes et permettre à notre pays de garder des entrepreneurs motivés et innovants.

Au Medef on préfère avancer, échanger avec les membres du gouvernement en B2B plutôt que de s’affronter au regard de tous. Ce n’est bon pour personne, on peut avoir des convictions et les faire progresser !
Je pense que le gouvernement actuel ne peut être tenu responsable de tous nos maux, même ceux qui ont été initiés par les gouvernements précédents.
Sur le plan sanitaire, on s’en remet aux scientifiques. Sur le plan économique, on parle beaucoup des aides faites aux entreprises. Elles répondent à la détresse de certains et c’est aussi une aubaine pour d’autres. Ces aides ne couvrent pas tous les besoins et on constate partout en France des entreprises qui s’étiolent. Or un tissu économique qui s’affaiblit, c’est un pays qui s’affaiblit.

Je pense que nous nous dirigeons vers un pays très endetté, des acteurs économiques disparus, un marché de l’Europe en difficulté… comme après une guerre. Il nous faudra remonter les manches afin que la France soit belle non pas pour son passé mais aussi pour son avenir !

Qu’entendez-vous par l’expression « Il nous faut remonter les manches » ?

Être un pays juste qui a la capacité d’aider ceux qui sont vraiment en difficulté.
Parfois certaines personnes profitent du système et ce tant chez les patrons que chez les salariés.
Je pense que notre proche actualité imposera un moment de vérité.
Pour cela nous devons, en tant que citoyens, nous prendre davantage par la main.
Savoir donner avant de recevoir tout comme en agriculture… On récolte après avoir semé et pris soin de la terre. Il est temps de revenir aux adages paysans, sinon cela sera le chaos.

Les conséquences de la crise nous ramènerons peut-être davantage au sens des choses.
Autrement dit, si j’ai des droits ouverts c’est que j’ai travaillé pour obtenir ces droits. Beaucoup ont perdu cette notion. Je pense que nous pourrons nous en sortir que si nous jouons plus collectif.

Cette crise sanitaire va générer la disparition de pans économiques et il est certain que nous ne ferons pas marche arrière. Ce sera alors au monde politique et économique de s’adapter.
Tous les métiers qui s’éloigneront de la réactivité seront condamnés et ce sera l’émergence de nouveaux métiers, de nouvelles entreprises.
Ce cycle est naturel sauf que désormais il s’accélère et on voit bien que le citoyen vit une rupture.
Nous sommes rentrés dans un monde différent. On veut du prix, une meilleure relation à l’environnement… tout autant de sujets qui ne sont plus souhaités mais exigés le plus souvent.
Les entreprises de demain seront celles qui auront compris ces changements.

J’ai vu la grande distribution provoquer la désertification des centres-villes. Aujourd’hui la grande distribution boxe avec Amazon, Cdiscount…

Pourquoi êtes-vous si peu visible dans les médias ?

Je préfère la lumière qui éclaire à celle qui brille, tout simplement.

Mon job c’est gérer et animer l’interne, participer à certaines négociations nationales, accompagner les entreprises dans leur transformation.

Nous allons bientôt nous quitter… Comment occupez-vous vos moments de tranquillité ?

J’adore bouquiner le week-end au Domaine des Bergeries lorsque je ne taille pas une haie un jour de pleine lune (rire) ! Les amateurs de jardinage me comprendront.

Le domaine des Bergeries sur Miss Konfidentielle © Jean-Luc Monteil

J’ai la chance d’avoir une famille formidable autour de mes filles et mon exceptionnelle épouse avec qui je partage ma vie et que je remercie ici pour me donner la possibilité d’entreprendre.

Je pense que chacun de nous a des capacités à développer. Tout comme les leaders politiques. On attend qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes au Pays comme le font les entraîneurs sportifs pour leur équipe. Espérons que la crise que nous traversons soit un révélateur pour nous tous.


Notes importantes

Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges, auteur de l’interview, avant de reproduire tout ou partie de son contenu sur un autre media.

Il est obligatoire de respecter les légendes ainsi que les copyrights des photos © Jean-Luc Monteil excepté la photo en Une de l’interview © Thibaut VERGOZ

1 commentaire
  1. VALLE Gérard dit

    Bien, voilà une interview intéressante…..

    Merci Valérie et un grand merci à vous, Monsieur Jean-Luc MONTEIL.

    Je viens simplement vous dire que votre parcours professionnel m’inspire….. simplement parce que moi aussi, j’ai débuté par un lycée hôtelier, en CAP – BEP, pour y apprendre la cuisine, la pâtisserie, le service en salle, le métier de sommelier, etc.

    Une vraie école de la vie….. (ah… les torpilleurs, les “pianos”, les “… de poule”, les roux blancs, etc. que de souvenirs mémorables….).

    J’ai ensuite dérivé vers la viticulture, l’oenologie….. et puis, et bien…. Monsieur MONTEIL, je dois l’avouer…. j’ai mal “tourné”…. moi….. ! Tout est de la faute de la moustache que je portais fièrement, à 19 ans, pour me vieillir….. (je l’avoue aussi…).

    La moustache étant l’un des apanages du pandore…. vous devinez la suite…. ! Misskonfidentielle vous en dira d’avantage….. (euh…. pas trop, hein ?)

    Bref, “circulez, y’a rien à voir….” allez, allez, pas d’discussion, allez, allez….. j’connais l’métier…. ” !!

    Je viens vous encourager M. MONTEIL et vous féliciter, très simplement, car un pays sans entreprises, sans PME, TPME, artisanat, etc., est difficilement “durable”…..

    Le tissu social y est directement lié…. “allez, allez, faut des métiers…… allez, allez”….. faut du boulot….. allez, allez… !

    Alors, pour en finir, entre la poire et le fromage, j’ai envie de vous dire, pour vous encourager :

    “allez, allez, oeuvrez, oeuvrez….. M. MONTEIL, oeuvrez, oeuvrez…….. allez, allez….. vous connaissez l’métier”….. !

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