« Dictionnaire des francophones » Hassane Kouyaté, Yvan Amar, Thierry Auzer témoignent

Miss Konfidentielle est sensible à la francophonie. Et vous ? Trois acteurs phares de la scène culturelle de la francophonie reviennent sur l’originalité de la démarche du « Dictionnaire des francophones ». Le lancement du Dictionnaire des francophones, le 16 mars 2021, a été l’un temps fort de l’édition 2021 de la Semaine de la langue française et de la francophonie. Unanimement saluée, cette formidable aventure collaborative, riche de 500 000 mots, a vocation à refléter la richesse et la vitalité des lexiques français à travers le monde. « Notre langue est un bien précieux, mais vulnérable, a assuré à cette occasion la ministre de la Culture, il revient à tous les francophones de la protéger, de la faire vivre ». 


Hassane Kouyaté, metteur en scène, directeur des Francophonies –  Des écritures à la scène

 « Le Dictionnaire des francophones, qui consacre la richesse de la langue française dans le monde, a quelque chose de passionnant et de jouissif », constate, enthousiaste, le metteur en scène Hassane Kouyaté, qui dirige l’un des trois pôles francophones en France, les Francophonies – Des écritures à la scène. Il souligne également l’un de ses apports principaux : l’élargissement du spectre linguistique. « L’enrichissement de la langue française est divers et multiple, or tout ce qui est essentiel a été pris en compte : la langue est parlée par toutes les générations, sur tous les continents, elle concerne toutes les cultures et ce dictionnaire rayonne partout. On trouve des mots venus d’Asie, d’Afrique, d’Amérique, du Moyen-Orient… Il témoigne de l’universalité de la langue française et des langues francophones ».
De quoi envisager l’avenir avec sérénité, alors ? « La langue française, c’est 300 millions de locutrices et locuteurs à travers le monde. Elle est en mouvement en raison de la diversité des endroits où elle est parlée mais aussi de la jeunesse qui l’utilise. De ce point de vue, la facilité d’accès au dictionnaire via le numérique est aussi un élément important ». De fait, depuis sa place d’observateur privilégié, Hassane Kouyaté voit vivre la langue française au quotidien : « L’écriture théâtrale – mais c’est vrai aussi des écritures poétique et romanesque – apporte beaucoup à la richesse et à l’évolution de la langue française. Quand on reçoit les manuscrits des pièces, on découvre tous les jours de nouvelles expressions et de nouveaux mots. Il y a une inventivité extraordinaire qui naît des situations théâtrales écrites, or celles-ci ne sont que le reflet de nos vies et de nos cultures, au Québec, au Congo, au Liban… ». 

 

Yvan Amar, producteur et animateur des émissions sur RFI « La danse des mots » et « Les mots de l’actualité »

Yvan Amar, le « Monsieur langue française » de Radio France Internationale (RFI), producteur et animateur de deux émissions sur cette antenne, « La danse des mots » et « Les mots de l’actualité », ne tarit pas d’éloges au sujet du Dictionnaire des francophones. « Premier bon point, dit-il, ce n’est pas un dictionnaire de la langue française mais un dictionnaire des francophones, ce qui signifie qu’il met en avant les usagers et non la langue, qui est un concept abstrait. Ensuite, il est collaboratif, ce qui veut dire qu’il est actualisé en permanence, mais également numérique, il utilise donc des technologies modernes tout en étant extrêmement simple d’usage. Enfin, il fait appel à la francophonie, et non à une langue centralisée, à un français de France qui dicterait la norme. Cela signifie que l’on a des mots qui sont en usage en France, en Afrique, au Québec, en Nouvelle- Zélande, en Haïti… ».
On ne s’étonne donc pas qu’il en ait déjà fait un grand usage pour son propre plaisir… « J’ai regardé des mots que je connais, en Afrique notamment. Comme le mot « ziboulateur », qui désigne un décapsuleur pour ouvrir une bière. Outre sa signification, le dictionnaire donne des repères géographiques, qui permettent d’identifier sa – ou ses – provenance. C’est un dictionnaire savant mais d’un savoir particulier : il ne dit pas qu’un mot avait telle signification, il y a cent ans ; l’important, c’est de savoir ce que le mot signifie aujourd’hui ».Selon l’homme de radio, il ne manque en vérité que le son pour que le dictionnaire des francophones soit parfait… « Il serait relativement aisé d’en faire un volet sonore en demandant aux contributeurs de prononcer un mot ou une expression pour constituer des archives sonores du « français francophone » de 2021. Je suis naturellement très attaché à la chair orale de la langue. Une langue commence toujours par se parler et s’entendre. Il me semble qu’il faut faire droit à ce côté oral, à cette matérialité de la langue ».

 

Thierry Auzer, directeur du théâtre des Asphodèles, initiateur de la Caravane des dix motsMême enthousiasme chez Thierry Auzer, le fondateur de la « Caravane des dix mots », projet artistique et audiovisuel international sur le partage de la langue française, qui rappelle que cette « superbe idée » est en gestation depuis longtemps. « Il y a quatre ans, aux côtés notamment du lexicographe Noé Gasparini, qui est très impliqué dans ce Dictionnaire des francophones, nous avons eu l’idée de repenser dix mots. Nous étions accompagnés de huit linguistes qui venaient de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Québec… À la fin de cette journée de travail, nous avons comparé deux versions de chaque définition : celle de Wikipédia et celle qu’on aurait pu mettre en ligne si on en avait eu un espace pour le faire. Cela donnait le vertige… L’idée géniale du Dictionnaire des francophones, c’est de repenser la façon dont on voit le monde ».Quels sont concrètement les points forts de ce dictionnaire ? « Mettre en pratique un outil qui se fonde sur le rêve de Léopold Sédar Senghor », répond-il immédiatement, à savoir « un outil du XXIe siècle qui rassemble tous les locuteurs de français dans le monde ». « Cela ouvre des portes extraordinaires, ajoute-t-il. Il n’y a plus de discrimination sociale si ce n’est bien sûr qu’il faut être connecté. Chacun va pouvoir apporter sa pierre à l’édifice ».Lorsque la Caravane des dix mots a été lancée en 2003, Thierry Auzer a écrit cette phrase, devenue le leitmotiv du projet : Aller à la pêche au sens des mots, au-delà de leur propre définition, afin de montrer la richesse et la diversité que tout être humain porte en lui. « Le Dictionnaire des francophones est l’une des plus belles réponses que l’on peut apporter à cette phrase » se réjouit-il aujourd’hui. « La langue française est un réservoir incroyable d’émancipation. La chance de la francophonie par rapport à d’autres aires linguistiques, c’est que chaque territoire lui a donné sa résonance culturelle, son environnement ». Thierry Auzer n’a qu’un seul vœu : que l’on parle encore davantage du Dictionnaire des francophones. Inutile de dire qu’il en est déjà un des plus fervents ambassadeurs : il organise à Lyon, du 26 au 30 mai, la première biennale des langues ; une occasion rêvée, de présenter le Dictionnaire des francophones.

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