Interview de Pascale Vanneaux « une femme discrète et d’exception »

Le 16 octobre 2021 – Miss Konfidentielle prépare avec Pascale Vanneaux l’interview depuis plusieurs mois afin de vous offrir un joli cadeau, celui d’un parcours de « femme discrète et d’exception ». Pascale Vanneaux est conseiller MÉDICRIME du Ministre de la Santé, consul honoraire et ensuite consul émérite et conseiller spécial de la brigade de répression MÉDICRIME – haut commandement de la Gendarmerie Guinée. Au-delà de ses fonctions, vous prendrez plaisir à découvrir ses superbes qualités humaines ainsi que l’histoire incroyable de la Guinée contée en toute spontanéité. 

Bonjour Pascale,

A vous connaître, votre parcours est plein de rebondissements passionnants !
Tout a commencé en France…

Je suis originaire de Lyon. Une ville que j’aime, comme bien d’autres villes car je suis bien partout. Notamment en Afrique et surtout en Guinée où je vais depuis 20 ans parce que j’y ai créé l’ONG « France Guinée Coopération » en 1999. J’ai eu la chance de passer les différents régimes car je travaille pour tous les guinéens. Je me sens pratiquement chez moi dans ce pays.

Cet amour pour la Guinée est irrationnel car je n’avais pas d’attache au départ.
Le lien que je vois est celui de l’école catholique de mes enfants. J’étais devenue amie avec le père spiritain qui cherchait une journaliste pour couvrir l’événement « La marche annuelle catholique de Boffa ». J’ai aussitôt répondu : Je pars ! Et c’est ainsi que je suis partie. Sur place, j’ai eu un coup de cœur pour ce pays si différent des autres pays africains.

Comme je voulais aider le pays, j’ai cherché à titre personnel quels étaient leurs besoins.
Le 1^er axe souhaité par le gouvernement guinéen (rapport de commission mixte) était l’aide à la mise en place d’un corps de sapeurs-pompiers à Conakry Je vous avoue avoir remué ciel et terre pour récupérer du matériel réformé en très bon état et réaliser ce projet. Et j’ai réussi !

La sécurité des biens et des personnes est un des rôles régaliens de l’Etat et c’est ainsi que j’ai commencé à travailler pour le ministère de la Sécurité et de la Protection Civile de Guinée en 2000.

Sachant que vous avez beaucoup œuvré pour la République de Guinée, pouvez-vous partager avec nous les plus grands « marqueurs » ?

• Je commencerai par ma rencontre avec l’ambassadeur André Lewin en 2001.

André Lewin a été le premier ambassadeur de France en Guinée. Il a été porte-parole des Nations-Unies et a été le premier à normaliser les relations diplomatiques entre la France et la Guinée.

André Lewin a été mon maître et il nous a quittés en 2012. Il a été présent à toutes les journées médicales. Lorsqu’il arrivait à Conakry, il était littéralement happé par les guinéens qui avaient pour lui une telle estime qu’il ne cessait de multiplier les rencontres. Je tiens à lui rendre hommage aujourd’hui et saluer sa compagne Catherine Clément.

Je vous ai évoqué la création et le développement du corps de sapeurs-pompiers en lien avec la santé de la population guinéenne.

• Il m’est venue spontanément une idée complémentaire en 2002 soumise au ministère de la Santé de la République de Guinée, celle de créer les journées médicales « Guinée-Région Rhône-Alpes ».

Une année plus tard débutaient les premières journées médicales. Une trentaine de français et plus de 300 guinéens étaient présents.

Autant vous dire que j’étais très motivée. Le gouvernement guinéen souhaitait tellement que les premières journées se fassent qu’il l’a financé à hauteur de moitié, comme les journées qui ont suivies. L’autre moitié était financée par les partenaires.

Les journées médicales ont eu lieu à 7 reprises et le Président de la République de Guinée Alpha Condé les a institutionnalisés en 2013. Il s’agit d’un véritable lieu d’échange d’expériences entre les médecins français qui viennent de toute la France ainsi que des médecins de la sous-région. Nous sommes tous motivés pour préparer la 8^ème édition.

Lors des journées médicales, un intervenant du ministère des Affaires Etrangères a évoqué les sujets relatifs au trafic international des faux médicaments qui m’ont tout de suite intéressée.

Le pionnier sur cette thématique est le Professeur Marc Gentilini à travers la Fondation Chirac dont il est le délégué général. En effet le Président Chirac a lancé l’appel de Cotonou en octobre 2009, introduction d’une campagne de mobilisation de sa Fondation contre les médicaments contrefaits et falsifiés.

Avec le ministre de la Santé et l’inspecteur Général, sur ordre de mission de la Présidence, nous sommes allés en octobre 2012 signer pour la République de Guinée la Convention MÉDICRIME au Conseil de l’Europe à Strasbourg (47 Etats membres).

Je tiens à remercier très chaleureusement Monsieur Bernard Marquet, député monégasque, qui était membre de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et qui m’a ouvert les portes du Conseil de l’Europe.

La Guinée a été le Premier Pays à avoir signé la convention MÉDICRIME (2012) et le 5ème à l’avoir ratifié (2015). La Convention est donc rentrée en vigueur au 1er janvier 2016 grâce à la Guinée (en effet 5 ratifications étant nécessaires).

• C’est ainsi que j’ai été nommée conseiller MÉDICRIME au ministère de la Santé de la République de Guinée.

Grâce à la Convention MÉDICRIME, a été mis en place un instrument juridique contraignant dans le domaine du droit pénal en criminalisant la contrefaçon mais aussi la fabrication et la distribution de produits médicaux mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité.

La Convention MÉDICRIME est un traité de droit pénal spécialement élaboré pour protéger la santé publique, criminaliser et sanctionner toutes les activités liées à la contrefaçon de médicaments et produits pharmaceutiques … A l’heure actuelle, seuls 3 pays africains ont ratifié, 5 autres ont signé.

En janvier 2020, la Fondation Brazzaville a organisé à Lome (Togo) un sommet des chefs d’Etats sur le trafic des faux médicaments.

• Je souhaite revenir sur mon premier marqueur évoqué en début d’entretien. Celui de la création en 1999 par mes soins de l’association « Action France Guinée ». 

J’avais été aidée par le conseil général du Rhône, de la Drome, de l’Ain. 

L’association France Guinée Coopération a pour objet la recherche et la promotion de tous les moyens et actions propres à venir en aide à la populations africaine dans le cadre des actions de santé, des actions d’éducations, des actions économiques.

Des actions ont été menées avec le cabinet du Président en 2004. En effet j’ai eu la chance de pouvoir procéder à une remise de 500 ordinateurs pour la presse privée, la presse publique, des ministères, des écoles, des associations en partenariat avec le cabinet particulier de chef de l’Etat Lansana Conte.

J’ai acheminé beaucoup de livres scolaires pour les différentes écoles, des livres pour les bibliothèques, une ambulance maritime pour que les femmes insulaires puissent venir accoucher à Conakry, j’ai fait fabriquer des tricycles pour les handicapés …

L’histoire de la Guinée est absolument incroyable,
cela serait formidable que vous nous la contiez

Comme un pays différent de tous les autres pays africains de par son histoire, un pays qui regorge de gens brillants, très accueillants, un pays qui n’a pas encore eu la chance de briller au sein de la sous- région mais à la vue des récents événements, c’est-à-dire le coup d’Etat militaire, un vent de renouveau et de liberté souffle sur la Guinée. On assiste à des scènes de liesse populaire à travers le pays. Il faut souhaiter que ce soit le signe d’un nouveau départ pour ce pays appelé « la perle du Sud » au temps des colonies.

Le premier empire noir de l’Afrique occidentale connu fut l’empire du Ghana auquel succéda l’empire du Mandingue. C’est en 1235 que Soundiata Keita conquit les royaumes de la région qu’il unifia pour former l’empire Mandingue. Ses frontières actuelles se situent sur les pays du Mali, de la Mauritanie, de la Guinée, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, du Niger et du Sénégal.

La République de Guinée est appelée Guinée Conakry afin de la différencier de la Guinée Bissau et de la Guinée Equatoriale. Pays francophone de l’Afrique de l’Ouest d’environ 14 millions d’habitants majoritairement musulmans et d’une superficie d’environ la moitié de la France, il est bordé de 300 km de côtes le long de l’océan atlantique et de frontières avec le Sénégal, le Mali, la Sierra Leone, le Libéria, la Côte d’Ivoire.

C’est le premier pays de l’Afrique française subsaharienne à accéder à l’indépendance le 2 octobre 1958. En effet, la Guinée est la seule colonie à refuser par referendum d’entrer dans la communauté française. La phrase célèbre de Sekou Toure à Charles de Gaulle « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage » est devenue légendaire. Le Général de Gaulle furieux quitta la tribune en laissant son képi. Les conséquences du retrait de la France sont rapidement visibles. La France évacue tous ses ressortissants et abandonne l’Etat à son sort.

En 1965, c’est la rupture du dialogue diplomatique entre les deux pays et c’est le monde soviétique qui comble le départ des français.

La reprise des relations s’amorce sous Pompidou puis de façon plus importante sous Giscard d’Estaing en ouvrant une Ambassade. A l’origine de cette réconciliation : André Lewin. Nommé représentant personnel du Secrétaire Général de l’ONU il a été envoyé en Guinée avec pour mission de sortir des geôles de Sékou Toure un maximum de personnes emprisonnées. Après de longs mois de négociations, son action a permis la libération d’une cinquantaine de prisonniers politiques et du coup a enclenché la normalisation des relations entre la Guinée et la France conduisant le Président Giscard d’Estaing à nommer André Lewin Ambassadeur fin 1975.

En 1984 Sekou Toure meurt à l’extérieur du pays et l’armée prend le pouvoir avec à sa tête le Général Lansana Conte qui restera Président jusqu’à sa mort le 22 décembre 2008. Ce Président libéral et nationaliste instaure le multipartisme. Il y a en 2007 une crise politique majeure. La grève générale de 2007 qui commence le 10 janvier.
Les syndicats, partis, et les coalitions d’opposition ont demandé la démission du président l’accusant d’avoir mal géré l’économie et d’avoir abusé de son autorité.
Une sanglante répression fait des dizaines de mort et une centaine de blessés, un vent de révolte souffle sur la Guinée. La situation économique et sociale se dégradent. Des milliers de travailleurs descendent dans la rue. Depuis des mois, la population manifeste pour protester contre la vie chère, la misère et la corruption. Le 25 février, le président Lansana Conté accepte sous la pression de la CEDEAO le remplacement du Premier ministre Eugène Camara par une personnalité choisie sur une liste de cinq candidats désignés par les syndicats et la société civile. La grève générale est suspendue. Le 26, Lansana Kouyaté est nommé Premier ministre.
Le président Lansana Conte meurt le 22 décembre 2008.

Quelques heures après le décès du Président Lansana Conte, un capitaine de l’armée s’impose comme le nouvel homme fort du pays afin d’assurer la transition qui conduira à des élections. Le Capitaine Dadis Camara affirme que l’armée a voulu éviter que le pays ne « bascule dans la guerre ethnique » et va mener le pays a des élections libres et transparentes d’ici fin 2010. Dans le cadre de la transition, Moussa Dadis Camara accapare le pouvoir exécutif entre ses mains. Il gouverne par décrets et ordonnances. La transition subit des blocages importants : mi-septembre 2009, il n’y a toujours pas de Premier ministre de transition, de gouvernement de transition, de Parlement de transition ou de Conseil national de transition (CNT). MDC prend le peuple à témoin, révoque ses collaborateurs sur le champ, insulte son premier Ministre et les images passent à la télévision d’Etat. La raison en est sa méconnaissance de l’expérience politique et son incompétence à gouverner. Les exactions à l’encontre des populations civiles et des hommes d’affaires se sont intensifiées en 2009. L’insécurité est partout. Les forces vives de la nation décident d’organiser un grand meeting pacifique le 28 septembre 2009. Une répression armée sanglante est menée à l’encontre de toutes les personnes réunies pacifiquement au stade pour un meeting. Des personnes sont tuées par balle à bout portant, d’autres égorgées, plus d’une centaine de femmes sont violées…De nombreuses sanctions sont prises à l’encontre de la Guinée. Le 3 décembre 2009, des tensions montent au sein de la junte, une commission d’enquête des Nations Unies est à Conakry afin de situer les responsabilités du massacre survenu le 28 septembre. Des divergences éclatent entre Dadis Camara et son aide de camp, ce dernier lui tire une balle dans la tête.

Dadis Camara est évacué pour se faire soigner à l’extérieur. Le ministre de la Défense, le Général Sekouba Konate assurent l’interim. Il organise l’élection présidentielle en 2010. Le Président Alpha Conde connu comme un ancien opposant historique est élu. La première alternance politique en Guinée depuis l’indépendance devient réelle. Dans son premier discours, il indique vouloir être le « Mandela de la Guinée », réunir tous les fils du pays, œuvrer pour la cohésion sociale et l’unité nationale. La Guinée a dû faire face entre mars 2014 et décembre 2015, à la maladie à virus Ebola (MVE). Ebola a tué plus de 11 500 personnes en Guinée. Cette épidémie a « traumatisé la société guinéenne ».

Alpha Conde est réélu en 2015 pour un second mandat après un vote émaillé de violences et de fraudes massives. Régulièrement, les opposants dénoncent la dégradation du tissu social, les valeurs morales réduites en poussières, le clientélisme, la confiscation par le pouvoir de l’administration publique au service d’un clan, la mauvaise gouvernance. La Guinée, deuxième producteur mondial de bauxite, reste un pays très pauvre, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d’un euro par jour selon l’ONU.
Alpha Conde décide en 2019 de modifier la Constitution pour se présenter à un troisième mandat ce qui provoque de vives tensions. Des dizaines d’opposants sont emprisonnés. Il essaye de briser l’opposition. En octobre 2020, malgré des mois de contestations sanglantes, il est réélu au lendemain d’un scrutin contesté. De nombreux affrontements éclatent, les forces de sécurité tirent sur la foule, des morts et de nombreux blessés sont à déplorer …les opposants sont emprisonnés.

Le 5 septembre 2021, un putsch de l’unité des forces spéciales de l’armée guinéenne s’empare du pouvoir et capture alpha Conde. Le CNRD (Comité National du Rassemblement et du Développement) prend le pouvoir, c’est une véritable liesse populaire dans le pays.

Dès que j’ai connu ce pays je l’ai aimé, un pays tellement différent des autre pays africains, je suis passionnée par ce pays depuis 20 ans, j’apprends beaucoup au contact des guinéens et j’y ai beaucoup d’amis. En travaillant ensemble nous arrivons à réaliser de belles actions pour les populations. Ce pays apprend l’humilité car rien n’est jamais acquis. C’est un pays de paradoxes ou tout peut changer du jour au lendemain. Je suis admirative quand je vois la capacité de résilience des guinéens.

Miss Konfidentielle vous invite à conclure avec une citation qui vous ressemble

« La grandeur d’un métier est avant tout d’unir les hommes ; il n’est qu’un luxe véritable et c’est celui des relations humaines » Antoine de Saint-Exupéry

Un honneur Pascale d’avoir partagé ces moments précieux, d’apprendre à vos côtés.
Un remerciement double, celui de proposer aux lecteurs de lire l’article La Convention MÉDICRIME du Conseil de l’Europe ainsi que d’avoir travaillé ensemble sur l’interview.

A très bientôt à Conakry !

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Note importante

Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges avant de reproduire sur un autre support tout ou partie du contenu de l’interview

Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Pascale Vanneaux avant de reproduire sur un autre support
une ou des photos publiées dans l’interview.