Interview de Isabelle SANTIAGO, Députée (PS) du Val-de-Marne et Vice-Présidente de la Commission de la Défense

Le 08 février 2022 – Les élections présidentielles approchent alors Miss Konfidentielle s’intéresse au monde de la politique. L’image que nous en avons n’est pas toujours flatteuse, pour de bonnes et de mauvaises raisons mais une chose est sûre, il existe des personnalités qui gagnent à être connues pour ce qu’elles sont et ce qu’elles font. Peu importe le parti politique. Isabelle SANTIAGO, Députée (PS) du Val-de-Marne et Vice-Présidente de la Commission de la Défense, illustre ces propos. Nous avons pris le temps de faire connaissance, d’échanger sur des sujets avant de débuter l’interview dans un salon cosy de la brasserie Le Bourbon bien connu des députés. Le regard pétillant, le sourire naturel, la gestuelle décontractée, le verbe direct et bienveillant ont été les premières impressions. Place maintenant à l’interview.

Bonjour Isabelle,
Comment êtes-vous venue à la politique ?

J’ai grandi dans un territoire ancré à gauche, une ville socialiste depuis 1965 à Alfortville. Ma famille s’y est installée à cette époque et depuis je réside dans ma commune de cœur.

A l’âge où la conscience politique n’est pas encore construite, lorsque nous sommes des enfants, j’étais déjà sans le savoir proche des socialistes par des familles engagées au parti socialiste dont certains vont devenir des proches du Président François MITTERRAND, comme Pierre TOURLIER qui va l’accompagner tout au long de sa vie. Donc oui, aussi loin que je me souvienne, j’ai grandie dans la famille socialiste.

En 1981, parmi les anecdotes et souvenirs, la fête à Alfortville sur la place de la Mairie et par la suite le chien Nil (sourire), le labrador du Président qui venait de temps en temps avec Pierre TOURLIER à Alfortville, lorsque nous étions adolescents cela avait une certaine influence. L’Elysée nous paraissait proche de nos vies par l’influence des personnes engagées auprès du Président et du Parti socialiste dans nos vies.

Pierre TOURLIER et Isabelle SANTIAGO © Isabelle Santiago

En 1985, j’adhère au PS en 1985 à 20 ans et n’ai jamais quitté le bateau même lors des tempêtes, c’est mon attachement, mes valeurs, mais cela ne veut pas dire que je ne souhaite pas participer à son évolution comme sociale-démocrate.

Le regard sur notre histoire nous construit, et je n’oublie jamais, je sais d’où je viens !

J’ai appris très jeune à regarder les inégalités de départ et ai souhaité très vite participer à les corriger.

Cela fait partie de mon engagement militant. Je porte l’idée que lutter contre les inégalités de destin permet une réelle égalité des chances et qu’il faut avoir de l’ambition pour nos enfants et notre jeunesse, les citoyens de demain. Le militantisme à 20 ans m’a beaucoup appris et depuis 2001 dans l’action comme élue locale.

J’aime à dire que je porte des politiques publiques parce que ce réel, je le traduis dans la vie des citoyens par des services publics ou des actions qui participent à l’intérêt général comme les avancées pour l’enfance la plus fragile comme l’enfance en danger.

En ma qualité d’élue locale, j’ai toujours eu à cœur d’œuvrer pour ma ville en synergie et aux cotés des Maires et collègues de la Municipalité tant sur la commune en qualité d’adjoint au Maire, qu’au département en qualité de Conseillère départementale durant 10 ans, Vice-Présidente chargée de l’enfance en danger. Porter des politiques publiques c’est avoir une mission d’intérêt général et préparer l’avenir.

Quel est votre parcours politique tout en précisant des faits
qui appuient votre propos ?

En 2001, suite à l’élection municipale de mars 2001, je deviens adjointe au maire et durant 20 ans j’occupe différentes fonctions sur ce très beau mandat au service des habitants.

En 2011, je me présente pour la première fois au scrutin uninominal aux élections cantonales, je suis élue Conseillère générale du canton sud d’Alfortville. Au sein de l’exécutif départemental du Val de marne, je prends les fonctions de vice-Présidente chargée de la Prévention et Protection de l’enfance et de la Prévention spécialisée. Les politiques en faveur de l’enfance en danger étaient une zone d’ombre et peu connues, j’ai pris la mesure de la fonction confiée dès le premier jour, avec une affaire grave qui a marqué ma détermination à faire changer ce service public trop fermé et cloisonné. Il n’y a pas plus belle mission que porter une vision d’avenir pour les enfants et faire bouger les lignes, ce que je me suis attachée à faire depuis 2011.

En 2011, il y avait 5 000 enfants en mesure de protection de l’enfance et 6 000 en IP (Informations Préoccupantes). La partie visible. Mais il y a aussi la partie invisible. De fait, on est sur des violences intrafamiliales, des carences éducatives, des événements comme des accidents de la vie qui peuvent tout faire basculer pour un enfant.
Déterminée, je ne cède jamais sur mes combats en faveur des enfants les plus fragiles dont le repérage dès le plus jeune âge est à mes yeux, essentiel. Je porte une vision globale de l’enfance et garde toujours à l’esprit que demain ils seront des adultes.

J’ai vu évoluer les situations des jeunes dont la montée des situations de prostitutions chez les mineurs que nous avons pris très au sérieux dès le début.  Nous avons beaucoup travaillé sur ces questions et observé chez les jeunes des parcours de ruptures, des traumatismes, des violences sexuelles dans l’enfance ainsi qu’un parcours chaotique entre la famille et les décisions de l’institution judiciaire qui n’a pas permis de sécuriser le parcours de ces jeunes filles et ces jeunes hommes.

Aujourd’hui la prise en charge des jeunes au sein de l’ASE doit continuer à évoluer. J’ai participé à ce changement sur le département en rénovant les structures d’accueil jusque là inadaptées à l’évolution des jeunes. Nous avons donc lancé une réforme profonde et installé des « maisons de type familiales » sur le thème de la psychoéducation. Ce modèle vient du Québec, où je me suis rendue afin d’y être sensibilisée et formée.

Aujourd’hui, nous avons 6 foyers dans le Val-de-Marne qui comprennent notamment une salle ZEN afin de permettre au jeune de lâcher prise, de dormir. C’est après ces deux étapes, qu’il pourra commencer à travailler.
La salle ZEN a des couleurs et une musique douce, des coussins, parfumée d’huiles essentielles, parfois à son arrivée,  un enfant peut dormir toute une journée, tant il est épuisé. Notre souhait est de respecter le rythme de l’enfant. (Copyright des photos : © Isabelle Santiago)

Les métiers de l’humain, du lien du champ médico-social sont à bout de souffle !

Nous le disons depuis longtemps, mais la crise sanitaire a aggravé et révélé au grand public l’état déplorable de ce secteur ! Il reste beaucoup à faire pour l’enfance en danger, le handicap, les personnes âgées.

Il faut revaloriser ces métiers, assurer une meilleure formation, remettre l’humain au cœur de notre pacte républicain et des moyens, surtout des moyens !

Avec la crise sanitaire, nous savons l’immensité des besoins, notamment dans les hôpitaux.

Mais le champ médicosocial a été le grand oublié du Ségur de la Santé !

La situation de l’hôpital a été certes, prise en compte avec le Ségur de la santé mais les inégalités sont majeures entre les différents secteurs du sanitaire dont le médico-social et les pistes d’évolution restent très nombreuses pour une meilleure reconnaissance de tout le personnel soignant.

Nous ne sommes pas nombreux à l’Assemblée nationale à bien connaître ses sujets, d’ailleurs, je l’ai dit à l’Assemblée lors de l’étude de la loi sur la lutte contre les violences faites aux enfants. A l’Assemblée nationale, dans les combats que je mène, je porte cette vision de l’intérêt général afin de rassembler les députés de progrès, je m’investis dans ce sens, lorsque cela est possible pour faire avancer la cause des enfants et jeunes majeurs.

Aujourd’hui, par exemple, 42% des enfants accueillis en protection de l’enfance sont porteurs de handicap, pourtant  les décisions de justice de placement ne sont souvent pas adaptées aux besoins de l’enfant.

Adrien TAQUET, secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, est venu rencontrer ces enfants dans le Val de Marne lors de ses premiers déplacements en tant que ministre en 2019. Nous avons pu aborder les questions sur l’enfance en danger et le manque de prise en charge et d’accompagnement pour les enfants porteurs de handicap.

J’ai ensuite monté des structures comme la Maison de l’adolescent, la Maison maternelle, la maison pour les femmes victimes de violences, la maison pour les jeunes femmes qui ont des grossesses très jeunes.

Je travaille également depuis 4 ans à la création d’une unité au sein de l’hôpital de Créteil pour les enfants victimes de violence. Le projet est long car le maillage est grand (police, justice), mais ces beaux projets avancent et l’inauguration est prévue bientôt.

Je tiens à remercier Laure BECCUAU, qui alors Procureure de Créteil a fait de son axe majeur le traitement des VIF (violences intrafamiliales) et de la prostitution des mineurs. Un immense travail a été réalisé !

Je pense que nous devrions travailler tous ensemble, avoir un meilleur maillage afin d’avancer plus vite et mieux dans l’intérêt des projets que nous portons qui visent à l’intérêt général. Le travail doit être commun et global !

Un élément primordial : « Le temps de l’enfant n’est pas celui de l’adulte. »

On ne peut pas se permettre d’avoir un travail sur ce temps long. Il nous faut un ministère de pleine existence sur ces sujets, nous donner les moyens pour que tout fonctionne, au plus vite !

L’école est le lieu primordial où il est possible de repérer les enfants en difficulté et mettre les moyens pour pouvoir les accompagner. Les tous petits sont prioritaires et aujourd’hui il n’y a pas de mutualisation du savoir pour les aider à bien grandir.

Pour terminer, je dirais qu’en France, nous manquons d’ambition et d’innovation pour nos enfants et notre jeunesse. Il faudrait transformer avec audace et s’inspirer de plusieurs pédagogies comme le développement de la confiance en soi, de l’art de l’oralité. Mais aussi les ouvrir au monde : découverte de l’entreprise pour appréhender les métiers, les différents parcours… Beaucoup pourrait être apporté aux enfants et jeunes, riches de tellement de talents ! Valoriser les talents et aider sur les fragilités, voilà un challenge essentiel !

De l’ambition et de la persévérance, j’en ai et je l’ai prouvé avec fierté avec le dépôt de ma proposition de loi visant à lutter contre les violences sexuelles faites aux mineurs. Cette proposition de loi a d’ailleurs été votée en février 2021 en première lecture à l’unanimité, historique ! Le gouvernement a d’ailleurs repris ces axes dans la proposition de loi Billon votée en mars, le principal étant que la cause des victimes puisse progresser et je suis fière d’avoir pu y participer.

Vous êtes Vice-Présidente à la Commission de la Défense à l’Assemblée nationale.
Quel est le contexte ? Vos missions ?

Lorsque je suis arrivée à l’Assemblée nationale en octobre 2020, j’ai été placée à la Commission de la Défense.

Malgré mon profil plutôt social, je me suis tout de suite intéressée, en toute humilité, à la géopolitique et aux nombreux enjeux et crises actuels qui découlent des questions de défense. Les sujets abordés sont variés et permettent une réelle ouverture sur le monde qui nous entoure tout en gardant en tête les nombreux éléments à prendre en compte pour toute prise de décision.

J’ai pu m’investir rapidement dans cette commission par des missions d’information :

Dès mon arrivée, il m’a été proposé une mission afin d’établir un rapport avec un autre député. Cette mission a duré 6 mois, une chance exceptionnelle pour en comprendre tous les enjeux.

Ce 1er rapport concernait la transition écologique des armées et donc plusieurs domaines comme les énergies ou la biodiversité.

Pour l’établir, j’ai été amenée à effectuer de nombreuses auditions et des déplacements dont certains auprès de militaires avec lesquels j’apprends énormément. Ce rapport a été très enrichissant et nous a permis de penser l’avenir de nos armées, ses besoins, ses possibles et ses adaptations nécessaires face aux défis de demain.

2021, Isabelle SANTIAGO en déplacement lors de l’élaboration du rapport d’information sur la transition écologique des Armées © Isabelle Santiago

Au-delà des crises actuelles, les armées et les militaires sont tournés vers les problématiques du futur.

Nous avons d’ailleurs pu présenter ce rapport à la Ministre des Armées qui commence à reprendre certaines de nos propositions.

Le second rapport concernait le Plan Famille des armées : quel bilan et quelle stratégie à venir pour nos militaires ?
Avec des épouses qui sont dans la vie active, des enfants en scolarité et les papas qui peuvent changer d’affectation tous les deux ans, cela n’est pas toujours facile et un accompagnement clair et efficace doit leur être proposé.

Malgré mon arrivée en fin de mandat, je prends conscience que j’ai beaucoup appris sur les sujets de la Défense et les enjeux internationaux, plus encore avec l’honneur d’être vice-présidente de cette commission.

Vous connaissez l’ADN du media, nous terminons sur une note plus personnelle.

Tout à fait (sourire).
Ce qui m’anime en premier c’est ma famille et depuis 2021 mes deux petits-enfants. J’ai la chance d’être « Nona ». Mes amis ont une place importante dans cette vision de la famille élargie et recomposée, ils sont une famille.

Une vie active et passionnante mais qui nécessite de prendre le temps du repos pour se ressourcer. Voyager en famille profiter des rencontres et des paysages lors des voyages qui au fils des années peuvent être proches comme éloignés. Je voyage aussi en Californie pleine d’énergie et très inspirante mais je m’y sens comme chez moi depuis plusieurs années, ma nièce y vit d’ailleurs depuis longtemps !

Je suis une éternelle débutante à la pratique du Yoga. C’est un temps bénéfique pour me ressourcer que je m’accorde dans mon activité politique et j’aime le côté spirituel du Yoga, un retour aux sources.

Les lectures sont en lien avec mes engagements et souvent mes projets (rapports divers, livres édités par des connaissances, psychologie, développement de l’enfant, les neurosciences, la politique -et cela ne manque pas de livres-, l’histoire…). Elles nourrissent ma réflexion. Et lorsque je pars en vacances, je prends au moins un roman (auteurs classiques, prix littéraires, ou recommandé par la famille et les amis, …) pour me changer totalement les idées !

Un moment bien sympathique Isabelle. Nous avons eu le plaisir de nous croiser depuis à La Fabrique Défense, alors que vous étiez aux côtés de Madame Anne HIDALGO, candidate PS aux élections présidentielles 2022.

Anne HIDALGO et Isabelle SANTIAGO à La Fabrique Défense, à la Villette 2022 © Valérie Desforges

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1 commentaire
  1. Marie Derain dit

    Isabelle une femme engagée, une compagnonne de combats fidèle au service de l’enfance une compagnonne de combats

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