Interview de Caroline MOUGNAUD, commissaire de police et cheffe de moncommissariat.fr

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Le 07 juillet 2022 – L’hiver dernier je partageais mon expérience avec la plateforme moncommissariat.fr en live sur LinkedIn Il était formulé sur la plateforme Je suis victime, Je signale, Je m’informe. Facile d’accès, pratique, je signalais un cas de violence intrafamiliale en cours. 20 minutes plus tard, délai raisonnable compte-tenu de mon descriptif de la situation, 3 policiers sont arrivés chez moi recueillir des informations, sont allés à la l’adresse indiquée puis sont revenus. J’ai remercié les policiers. Depuis la venue des policiers, le papa est beaucoup plus calme, signe que la visite des policiers a eu son effet. Ma conclusion était que tout signalement peut être utile au bien-être d’une famille, d’une maman et des enfants. Pour cela il faut oser. Le signalement est anonyme, alors il n’y a pas à hésiter.

Pour mieux comprendre l’historique, le fonctionnement et découvrir les projets de mon commissariat.fr, il était pertinent de rencontrer sur site l’équipe.
C’est au commissariat de Guyancourt que j’ai rencontré Caroline MOUGNAUD, commissaire de police et cheffe de moncommissariat.fr et son équipe. Un accueil souriant bien agréable !

Caroline MOUGNAUD, commissaire de police et cheffe de moncommissariat.fr, son équipe et Miss Konfidentielle © Valérie Desforges

Bonjour Caroline,

Racontez-nous la création et l’évolution de moncommissariat.fr

J’ai plusieurs casquettes au sein de moncommissariat.fr qui résument un petit peu l’organisation du service, sachant que le service moncommissariat.fr a été créé en juin 2020.
On fête ainsi nos deux ans d’existence, et en deux ans, on a construit énormément de choses.

On est né à l’occasion de la crise du Covid-19 et suite au premier confinement où cela a accéléré le processus qui consiste à offrir un moyen de contact supplémentaire à la population, qu’elle soit victime ou qu’elle ait besoin d’informations sur la thématique de la sécurité. Pendant le confinement, rappelez-vous, les gens s’étaient tournés vers les lignes 17, les lignes d’urgence et avaient complètement saturé ces lignes.

On a utilisé le tchat mis en place pendant le Covid pour le transformer en un tchat généraliste. C’est la plateforme d’accueil basée à Bordeaux qui gère.

Le système a évolué depuis et fonctionne aujourd’hui 7/7 et 24/24 avec 34 policiers hommes et femmes qui répondent avec la précision que tous les sujets d’urgence doivent rester par préférence sur les appels 17.

Est née de tout cela une réflexion globale de « Comment accueillir les internautes, les victimes pour les prendre en compte ? ». Le tchat était la réponse, un système de messagerie instantané qui peut orienter l’internaute soit vers un téléservice, sur une démarche faite en ligne et le ministère de l’Intérieur en propose un certain nombre, soit pour l’orienter vers un service de police ou de gendarmerie en l’accompagnant afin de préparer sa démarche.

Aujourd’hui, moncommissariat.fr c’est deux plateformes de tchat ouvertes 7/7 et 24/24, celle de Bordeaux que nous venons d’évoquer, qui est généraliste et celle de Guyancourt où nous sommes aujourd’hui, qui est vraiment spécialisée dans les sujets de violences sexuelles et sexistes avec une organisation de 30 policiers hommes et femmes et une particularité, nous avons une psychologue qui est affectée au service pour à la fois aider les policiers dans le cadre de la formation continue et également les internautes pour atteindre notre objectif principal qui est la libération de la parole de la victime. C’est vraiment l’axe sur lequel on travaille et sur lequel on prend le temps qu’il faut.
Tout se fait en ligne avec les internautes pour les amener à réaliser qu’elles sont victimes, que les faits qu’elles vivent ne sont pas normaux et qu’il y a des moyens de les aider à s’en sortir, que ce soit l’orientation psychologique ou l’orientation sur un service d’enquêtes.
On les accompagne jusqu’à la prise en charge finale du service territorial compétent.

Ces deux plateformes viennent en accompagnement d’un site internet qui a d’abord été une page moncommissariat.fr mise en ligne en juillet 2020.

De juillet 2020 jusqu’à fin mars 2022, on a travaillé au sein d’une équipe projet. C’est la troisième casquette que je porte, pour construire un site internet. Il est sorti dans sa version définitive le 28 mars dernier, pour véritablement accompagner l’internaute sur la thématique de la sécurité.

L’idée est vraiment d’accueillir sur moncommissariat.fr sur les trois items identifiés : Je suis victime, Je signale, Je m’informe.

Lorsqu’on les a mis en ligne en juillet 2020, l’idée était de renverser la communication avec la population et de renforcer le lien police-population en gommant notre langage institutionnel pour s’adapter finalement au langage des internautes qui viennent sur le site pour des problèmes de sécurité. Donc sortir du langage institutionnel pour être compris de tous. C’était notre premier objectif.

On a mis deux ans à construire le site en recensant tous les téléservices proposés, en allant dans les accueils et les centres d’appel 17 pour voir ce que l’on pouvait capter, ce qui n’était pas urgent pour construire, orienter finalement le site. C’est de cette manière qu’a évolué le site.

On est allé aussi travailler avec toutes les directions de la police, la PP (Préfecture de police), la PJ (Police judiciaire), la PAF (Police aux frontières) … pour savoir quels partenariats on pouvait construire et comment on pouvait présenter au mieux tous les téléservices auprès des usagers. C’est un énorme travail.

On sait qu’un usager qui est bien pris en compte sera déjà satisfait. Si l’usager est ensuite bien orienté, la problématique sera plus facile à traiter dans nos systèmes parce qu’elle collera à nos problématiques métier.

Ensuite, on est allé jusqu’à construire le site avec des utilisateurs finaux. C’est-à-dire que l’on a constitué des équipes, on a recruté soit via le tchat soit via des appels à la presse, des non policiers pour leur dire « Quels sont vos besoins ? » « Quelles sont vos attentes ? ».
Et nous on va construire l’outil qui y répond aux besoins. Le site sert le métier, il sert avant tout l’usager.

On a fait des ateliers de recueils de besoins, on a fait des ateliers de co-conception et on s’est fait accompagner par des sociétés dont c’est le métier. On a fait avec eux les prototypes des maquettes du site, que l’on a fait ensuite tester à un autre panel de non policiers pour en arriver au site tel qu’il est mis en ligne aujourd’hui.

L’idée est d’avoir ce parcours usagers Je suis victime, Je signale, Je m’informe qui en 5 clics permet d’orienter vers plus d’une centaine d’orientations finales donc une vision assez globale.

Moncommissariat.fr permet à l’usager d’accéder directement aux démarches en ligne.
L’usager accède directement à la liste des commissariats et gendarmeries avec les coordonnées. On travaille actuellement sur cette partie pour la faire évoluer.
L’usager peut trouver des fiches pratiques qui lui seront utiles. On parlait des violences sexuelles et sexistes, il existe par exemple, une fiche sur « Comment se passe un dépôt de plainte ».

Prendre connaissance de la fiche permet à la victime de mieux appréhender le sujet.
Elle sera plus à l’aise le jour où elle ira franchir la porte d’un commissariat ou viendra sur le tchat faire son signalement de savoir comment cela va se passer et comment va se passer la procédure.

L’accès au tchat est essentiel et présent sur toutes les pages du site. On est vraiment dans l’idée d’accompagner l’usager de bout en bout sur le site.

Cela serait parlant d’évoquer les chiffres clés de moncommissariat.fr

La plateforme généraliste traite environ 400 conversations par jour, juste via le site internet. 1/3 de ces conversations ont lieu la nuit.

Nous avons eu des pics à plus de 2000 tchats en une journée, cela dépend de l’actualité.

Ce qui est très important pour nous, c’est que nous prenons en compte les internautes en moins de 2 minutes.

La plateforme traite également les signalements de trafics de stupéfiants et nous en avons reçus plus de 10 000 l’année dernière.

Quels sont vos liens avec les magistrats ?

Nous sommes en contact avec des magistrats dans le cadre de formations des opérateurs et aussi pour aller présenter les plateformes, les dispositifs.

J’étais cette année à l’ENM, l’Ecole nationale de la magistrature, à une formation avec des magistrats et pas que. Il y avait aussi des policiers et des gendarmes sur la thématique de la prise en charge des victimes.

Au quotidien nous ne sommes pas en contact avec les magistrats car nous ne traitons pas les procédures : nous envoyons les signalements dans les services d’enquêtes territorialement compétent qui prennent le relai : c’est un travail d’équipe.

Avez-vous déjà été sollicitée par l’Education nationale pour sensibiliser, informer les jeunes à l’existence de la plateforme moncommissariat.fr ?

On ne va pas forcément présenter à l’école parce que la plateforme est nationale.
Cela deviendrait vite compliqué si toutes les écoles nous sollicitaient directement.

Nous participons à toutes les conférences zonales sur les VIF, violences intrafamiliales, et alimentons les effectifs de proximité pour qu’ils puissent relayer l’information.

En effet, dans tous les commissariats de police il y a des chargés de communication et des référents spécialisés dans le domaine de la drogue, le domaine de la sûreté, qui sont amenés à intervenir dans les établissements scolaires. Nous tchattons avec des mineurs victimes, ou qui souhaitent simplement s’informer : il faut les inciter à parler avec des adultes de leurs difficultés.

Que souhaitez-vous partager sur votre parcours professionnel ?

Je suis rentrée comme commissaire de police en 1998.

Pour la petite anecdote, nous sommes aujourd’hui au commissariat de Guyancourt, et j’ai fait la fac qui est juste en face. Je suis Yvelinoise.

Cela me fait toujours drôle de revenir ici (sourire). J’ai toujours plaisir à venir, le commissariat existe aujourd’hui tel qu’il était à l’époque. Cela commence à dater (sourire).

Après mes études de droit, ici puis à Paris Assas, j’ai eu le concours externe de commissaire de Police, je suis partie à l’Ecole Nationale Supérieure de la Police et ensuite je n’ai fait que de la sécurité publique, du commissariat. C’est véritablement ma vocation, ce qui me motive et c’est ce qui donne du sens aussi à mon engagement vers le public.

En sortie d’école, j’avais choisi le département 93, la Seine-Saint-Denis, où j’ai fait plusieurs postes.

J’ai aussi un parcours atypique parce que je me suis arrêtée quelques années pour des choix familiaux. Je pense qu’il faut savoir combiner sa vie professionnelle et sa vie personnelle. J’ai aussi mis à profit ce temps pour me former à d’autres compétences comme la gestion de projet, la communication, le numérique.

Je suis revenue de ma disponibilité pour monter le poste que j’exerce aujourd’hui à Bordeaux. Le projet de développer moncommissariat.fr m’a emballé, j’ai tout de suite eu plein d’idées et on a construit une belle équipe en 2 ans.

On est parti de rien, c’est une nouvelle expérience. Une expérience qui humainement et techniquement est extrêmement enrichissante. C’était un challenge énorme, mais chargé du sens de service public qui nous anime au quotidien en tant que policier. Inventer une nouvelle proximité avec la population en utilisant les nouvelles technologies de l’information, donner accès à des informations personnalisées, rendre les usagers plus autonomes dans leurs démarches, et donner à chacun de nos agents les moyens de délivrer un service de qualité, tels sont nos nouveaux défis, au cœur de notre relation à l’usager.

Et on a encore plein de projets pour l’avenir ! Nous travaillons actuellement au développement d’un dispositif de prise de rendez-vous en ligne pour déposer une plainte ou une main-courante, qui devrait être disponible d’ici l’automne, ainsi que d’autres dispositifs…

Avec plusieurs casquettes au sein de moncommissariat.fr, vous restent-ils des espaces pour les loisirs ?

Mon centre d’intérêt essentiel est la montagne.
Je suis une amoureuse de la montagne et de la nature.

La montagne est un endroit où j’aime aller pour me ressourcer c’est-à-dire qu’il y a une sérénité qui me plaît.

Je suis une pure citadine mais cette communion avec la nature est essentielle pour moi.
Pour le lieu, j’ai un attachement pour les Pyrénées l’été et l’hiver avec une préférence pour la randonnée, la balade, la cueillette des champignons en famille.

Après je fais beaucoup de choses, je suis un peu hyperactive.

J’adore lire. Je lis de tout, j’aime bien les romans policiers.

Je conseille un des derniers livres que j’ai lu qui s’appelle Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin. Il n’est pas très gai, il est sur une thématique familiale assez difficile mais qui est particulièrement bien écrit.

Je suis sportive.

Je fais du footing par défaut lorsque j’ai peu de temps, cela me permet de me défouler. Mais je ne suis pas une coureuse de nature.

J’aime faire de l’aquabike, de l’aquagym. Cela me détend. C’est sympa.

– Avez-vous des souvenirs de voyages ?

J’ai eu la chance de beaucoup voyager.

Je parle au passé parce qu’avec les 2 années de Covid, on n’en a pas fait beaucoup.

Mais j’ai une sensibilité particulière pour l’Afrique où j’ai rencontré mon mari (sourire), qui est pourtant d’ici. C’est le hasard des rencontres et on y va assez régulièrement.

© Photo prise en Afrique par Caroline MOUGNAUD

Si j’avais un voyage à faire sur un autre continent, je serais attirée par un continent que je connais peu et ce serait l’Amérique du Sud et plus précisément le Pérou.

Toutes les cultures sont intéressantes parce que ce sont des découvertes, le contact humain est toujours différent et tellement enrichissant.

– Un dernier mot avant de nous quitter ?

Pour moi la police nationale est une vraie famille dans laquelle je peux exercer sous différents métiers ma vocation de servir les autres et les protéger.

Un remerciement Caroline pour votre plein engagement dans ce projet essentiel à la protection des plus fragiles. 

👮‍♂️Une dédicace personnelle à tous les policiers de France en ce jeudi 07 juillet, Journée de la Police nationale. Tous ensemble, rendons hommage à celles et ceux qui nous protègent au quotidien 🤝

 


Note importante

Il est strictement interdit de reproduire l’interview et d’utiliser les photos qui appartiennent à son propriétaire.

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