Addictions – Les nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS)

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Tout professionnel du secteur social et médico-social doit être prêt à accompagner les personnes rencontrant des difficultés liées à une consommation de substances psychoactives licites ou illicites et/ou à un usage de jeux (argent et de hasard, vidéo). A cet effet, la Haute Autorité de santé publie aujourd’hui des recommandations pour aider les professionnels de ces structures à entreprendre une démarche de prévention des addictions et de réduction des risques et des dommages. Elles sont déclinées pour le secteur du handicap, des personnes âgées, de l’inclusion sociale et de la protection de l’enfance.

La HAS travaille depuis plusieurs années sur la question des addictions en établissements et services du secteur social et médico-social (ESSMS). Elle a déjà publié des travaux à destination des Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) et des Centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) dans l’objectif d’améliorer l’accompagnement des personnes ayant des troubles de l’usage quels que soient leur âge, leur degré d’autonomie ou la consommation en cause.

Dans les recommandations publiées ce jour, l’enjeu est de donner des repères aux professionnels des ESSMS non spécialisés en addictologie, qui peuvent se sentir démunis. Tous ces professionnels sont – ou ont été – confrontés aux usages de substances psychoactives, en particulier parce que les personnes accompagnées présentent divers facteurs de risque : isolement, précarité, maltraitance, parcours migratoire, perte d’autonomie, etc.

Dans ces recommandations, la HAS détaille comment entreprendre une démarche de prévention des addictions et de réduction des risques et des dommages au sein des ESSMS. Avec un document par secteur d’activité, ces travaux proposent une démarche commune – qui privilégie un encadrement et un accompagnement des consommations et des usages par rapport à des interdictions et des sanctions – et prennent en compte les spécificités des secteurs du handicap, des personnes âgées, de l’inclusion sociale et de la protection de l’enfance.

Faire de la gestion des addictions un axe du projet de la structure

Il est recommandé que la structure, portée par la direction, s’engage dans une démarche pérenne de prévention, de repérage des addictions et de réduction des dommages. Cette question peut constituer un volet à part entière du projet d’établissement ou de service. L’enjeu est de mobiliser l’équipe pluridisciplinaire dans une démarche efficace en répondant aux questionnements suivants : comment aborder la question des addictions avec les personnes concernées ? Comment réagir face aux comportements addictifs et quelles actions enclencher ? Comment gérer la cohabitation entre personnes consommatrices et non consommatrices ? Comment trouver un équilibre entre droits des personnes et devoir de protection ? La démarche passe également par la co-élaboration de règles claires et partagées concernant les consommations, s’appuyant sur le cadre législatif et réglementaire.

Prévenir l’entrée et l’installation dans les conduites addictives

Les ESSMS ont un rôle à jouer dans le champ de la prévention. Il est important que ces structures proposent un cadre d’accompagnement protecteur, propice au développement de relations de confiance et de dialogue apaisés entre les personnes et les professionnels. Un tel lien rend plus efficaces les actions de prévention. Cette prévention peut se faire via une mise à disposition de documentation ciblée et par la création d’actions collectives et participatives de sensibilisation.

Quand l’addiction est déjà là : accompagner et réduire les risques et les dommages

La démarche commence par le repérage d’éventuelles addictions chez les personnes accompagnées par les ESSMS. La HAS recommande d’aborder cette question dès le départ en veillant à l’installation d’un climat de confiance.

Une fois les comportements addictifs repérés, l’équipe de professionnels peut organiser un temps individuel d’échange avec la personne pour ouvrir le dialogue et définir avec elle, en respectant ses choix, les objectifs de l’accompagnement dans le cadre du volet santé du projet personnalisé.  Que la personne souhaite ou non entrer dans une démarche de changement et de réduction de l’addiction, il est nécessaire de mettre en place une sécurisation des consommations plutôt qu’une interdiction.

Tout au long de l’accompagnement, l’équipe pluridisciplinaire ainsi que l’entourage de la personne doivent être vigilants aux signes qui peuvent être des indices d’une augmentation de la consommation.

Pour tous types d’établissements et services confondus, la démarche est commune et six leviers principaux sont identifiés. Il s’agit tout d’abord d’engager la structure dans la prévention, le repérage et l’accompagnement des conduites addictives, tout en proposant un cadre d’accompagnement protecteur. Les professionnels repèrent et co-évaluent les conduites addictives afin de co-définir un accompagnement adapté aux besoins et aux souhaits de chaque personne. Des actions sont alors mises en œuvre dans la structure à partir des besoins repérés dans les projets personnalisés d’accompagnement. Enfin, il est important de suivre la mise en œuvre des accompagnements, notamment en gérant les situations problématiques, et d’agir auprès de l’entourage lorsqu’il est présent. La HAS a par ailleurs décliné ce travail pour chacun des quatre secteurs en tenant compte des spécificités du public accueilli. De manière pratique, elle identifie les structures ressources et fournit des exemples concrets et adaptés de pratiques déjà existantes en France.

Les spécificités de ces recommandations pour chacun des 4 secteurs

  • En protection de l’enfance, prévenir l’entrée dans les conduites addictives et accompagner les jeunes présentant des troubles de l’usage

Même si les données globales manquent sur le niveau de prévalence des conduites addictives chez les enfants, adolescents et jeunes mineurs accompagnés par la protection de l’enfance, cette population est particulièrement exposée aux conduites addictives, plus que la population générale de cette classe d’âge. Les études locales disponibles montrent que les conduites addictives se concentrent sur l’alcool, le tabac et le cannabis, plus que sur les autres substances psychoactives (ecstasy, cocaïne par exemple). Un des enjeux, pour le secteur de la protection de l’enfance, est la prévention des addictions. Pour être efficaces, il est recommandé aux professionnels de prendre en considération les spécificités de ce jeune public et le rôle de l’entourage, dont l’implication peut s’avérer déterminante. Ils doivent également renforcer leurs compétences psychosociales avec un enjeu d’adaptation des outils au profil des enfants et des jeunes.

La consommation de tabac ne doit pas être banalisée, et encore moins être utilisée comme levier de la relation professionnel-jeune. Au tabac, peuvent s’ajouter l’alcool mais aussi des substances psychoactives illicites : le cannabis de manière régulière et parfois des drogues de synthèse comme l’ecstasy. Il est recommandé aux professionnels de prendre en compte les facteurs de risques qui exposent les jeunes à une initiation précoce à la consommation de ces substances : maltraitance, modèle des parents, de l’entourage familial et amical, etc. Les professionnels doivent chercher à limiter les conséquences de ces conduites addictives en trouvant un équilibre entre écoute, sanction et gestion des événements problématiques.

  • Accompagner les personnes en situation de handicap en s’appuyant sur l’entourage

Des études ont mis en évidence une consommation de tabac, d’alcool, de médicaments et de substances psychoactives illicites plus fréquente chez les personnes en situation de handicap que dans le reste de la population française. Cependant, ces conduites addictives sont très variables selon les l’âge des personnes et la situation de handicap. En conséquence, l’accompagnement proposé sera lui aussi différent d’une personne à une autre, notamment concernant les outils d’évaluation et de prévention qui nécessitent d’être adaptés aux difficultés des personnes. Là aussi, le rôle de la famille et de l’entourage est déterminant.

  • Accompagner les personnes âgées

La HAS dédie un volet de recommandations à l’accompagnement des conduites addictives des personnes âgées. Celles qui sont accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) peuvent présenter des facteurs de risque dus à leur âge et à des polypathologies. Au sein de cette population, les addictions concernent en majorité des produits légaux tels que l’alcool, les médicaments psychotropes (benzodiazépines) et le tabac.

Pour un accompagnement efficace, il est recommandé aux professionnels d’adapter les modalités d’évaluation et les outils utilisés à l’âge des personnes, et notamment à leurs particularités sensorielles et cognitives. De plus, comme pour chaque public d’ESSMS, l’accompagnement doit au maximum impliquer l’entourage quand il est présent.

  • Accompagner les usagers du secteur de l’inclusion sociale en sortant de l’interdiction de consommation des produits licites

D’après les études existantes sur le sujet, les personnes vivant à la rue ont plus fréquemment des consommations à risque par rapport à la population générale. Ceci s’explique par la complexité de leurs situations et de leurs parcours de vie. En effet, les personnes en grande précarité accompagnées par un établissement ou un service de l’inclusion sociale cumulent souvent des facteurs de risque individuels (évènements de vie, âge de début de consommation…) et des facteurs de risque environnementaux (pauvreté, isolement…).

Comme dans tout ESSMS accueillant des adultes, la HAS recommande aux structures du secteur de l’inclusion sociale de lever l’interdiction des produits licites. Pour la consommation d’alcool, les structures peuvent décliner plusieurs types de méthodologies relative à l’accueil et à l’accompagnement des consommations. Lors de ses travaux sur ces recommandations, des expériences locales ont été identifiées par la HAS au sein de structures qui ont mis en place des actions allant de la délivrance d’alcool à la cogestion des consommations. Ceci favorise une consommation encadrée plutôt que cachée, et permet de limiter les évènements d’hyperconsommation et leurs conséquences : rupture de dialogue, bagarres, etc. La HAS propose également des recommandations visant à accompagner les professionnels dans cet important changement de posture et de pratiques.

Le site de la Haute Autorité de Santé.

 

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