Interview de Judith Lossmann, une femme atypique à découvrir
Judith, nous nous connaissons depuis quelques années évoluant toutes deux dans le secteur du Tourisme, notamment. Nos lecteurs seront surpris en découvrant toutes vos facettes ! Vos qualités ? Vous avez la “forme” et plus rare… le “fond”.
Judith, pouvez-vous vous présenter ?
Je crois que je tiens mon sacré caractère de mon lieu de naissance : l’Alsace. Une réputation de forte personnalité ces Alsaciens. Alors, les Alsaciennes je vous laisse imaginer ! Je suis née à Mulhouse. J’ai grandi en Bourgogne à Dijon où j’ai fait mes études. Réellement mes études… Quand j’étais gamine, il était impossible pour mes professeurs de me canaliser. Je papillonnais disaient-ils ! En fait, je m’ennuyais. D’après mon homéopathe je suis un zèbre. Vous savez ces adultes un peu bizarres, au parcours professionnel atypique, parce qu’enfants ils n’ont pas été détectés comme intellectuellement précoces. Ça semble prétentieux mais ça a surtout bien flingué ma vie professionnelle. J’aimais tout. Je m’intéressais à tout. Le lundi, je voulais être chimiste (la boîte de jeux Le Petit Chimiste y est pour beaucoup !). Le mardi architecte. Le mercredi professeur de littérature. Le jeudi vétérinaire. Le vendredi exobiologiste. Le samedi romancière. Le dimanche journaliste… ou avocate. Que ce fut difficile de choisir. Finalement après des études de lettres, de cinéma et une formation adéquate, je suis devenue journaliste. Quand on est curieuse de tout, c’est le plus beau des métiers !
Quel parcours professionnel avez-vous suivi ?
Je n’ai pas tout de suite travaillé pour le tourisme. J’ai d’abord travaillé pour des magazines comme VSD, le Figaro Magazine sur des sujets très axés entertainment. Je voyageais un peu pour mon boulot. J’allais à l’autre bout du monde tester des parcs d’attractions : Disney, Universal Studio. Et aussi d’immenses resorts. Je travaillais avec un confrère sur la réalisation de reportages sur des personnalités étonnantes comme Christine Desroches-Noblecourt, cette égyptologue qui a déplacé pierre par pierre les temples de Ramsès et Nefertari à Abou Simbel pour les sauver de la noyade. La vie incroyable de cette femme m’a donnée envie d’écrire sa biographie que j’ai proposée à l’époque chez Denoël, sans succès. Puis, avec mes études de cinéma, j’ai décidé d’écrire le film de son épopée. Mais aucune production française n’en a voulu à l’époque. Trop cher ! Dommage… mais la vertu de ce travail fut de mettre mon clavier d’ordinateur au profit du cinéma. Je suis devenue scénariste. J’ai travaillé plusieurs années en France avant de partir vivre à San Francisco, au plus près de Pixar, basé juste en face dans la Bay.
C’est en rentrant de Californie en 2002 que j’ai décidé de monter un magazine gratuit. Aux USA, ils étaient légions et la presse gratuite commençait tout juste à pointer le bout de son nez en France. C’était tendance. J’ai plongé. C’était parti. Au début La Vie Est Belle était distribué en print à 80.000 exemplaires dans l’Ouest parisien. La petite page mensuelle consacrée à une destination a pris de plus en plus d’ampleur. Sont par la suite arrivés tablettes et smartphones… j’ai opté pour un magazine dématérialisé mais toujours conforme aux habitudes de lecture avec des titres, des accroches, des encadrés, des légendes. Bref, un véritable magazine à lire sur écrans. Un format FSE™ pour Feuilletable-Sur-Écrans ! Au plus fort de sa diffusion, je l’envoyais à 90.000 personnes. Environ 80 pages par numéro, toutes dédiées aux voyages, à l’art de vivre, à la culture.
Quelles sont les 5 destinations qui vous ont le plus touchées et pour quelles raisons ?
Quelle question difficile ! Les raisons d’aimer une destination sont tellement nombreuses et différentes. On peut aimer un lieu pour sa beauté, son caractère, sa plénitude, les gens qui y vivent, ce que l’on y mange, la lumière, les animaux, la végétation, la culture, les croyances… Mais voyons ! Je me restructure et je réponds… San Francisco, la baie, la Californie arrivent en tête… J’ai tellement aimé cette ville et dans cette ville. Les San Franciscains disent “Quand vous êtes à San Francisco, vous n’êtes pas aux USA, vous n’êtes pas en Californie, vous êtes dans un autre monde.” Ce fut exactement cela. Un autre monde. Une population curieuse et prête à s’engager dans des voies nouvelles. Aussi une ville magnifique, tellement photogénique, pleine de surprises, où l’on découvrait l’océan entre deux immeubles au sommet d’une colline, où le moindre des espaces verts était investi par les voisins pour le transformer. L’océan, le Golden Gate Bridge, les brumes, le vent, les voiliers dans la Bay et ces incroyables “Painting Laddies”, les maisons en bois. Référence à Maxime Leforestier et à sa “Maison Bleue” sans doute !
Le Zimbabwe. Je me souviens de ce voyage dès que je vois du jaune. Ce fut un voyage jaune. Comme la savane. Comme la couleur des fourrures des lions et lionnes. Jaune comme le soleil omniprésent. Jaune comme les cases en paille disséminées au bord des routes. Au Zimbabwe, on se lève avec les premiers rayons de lumière, au son des rugissements et des barrissements des animaux venus dans la nuit repérer votre présence à travers la toile des lodges. Et puis, il y a ce magnifique cérémonial de l’eau… Pour les éléphants et pour le autres animaux. Mais voir arriver en troupeaux, d’un pas nonchalant et pourtant rapide, ces énormes pachydermes, la trompe levée et les petits accrochés à la queue de leur mère, vous fichent une sacrée claque dans la figure sur la beauté du monde. Et se pose la question, comment peut-on accepter que cet Éden finisse un jour ? Et comment sera le monde quand les mamans montreront la photo d’un ours blanc, d’un éléphant ou d’un lion sur l’écran d’une tablette tactile ? Est-ce qu’il sera mieux le monde ? L’homme ne sait pas partager sa place avec les autres habitants de la planète. Personnellement, je connais la réponse !
Les Florida Keys bien sûr. Pour des raisons purement existentielles. L’art de vivre aux Keys. Mamamia ! Les Keys, quel bonheur ! Une maison, un ponton, un bateau, des couleurs partout, une mer étale et turquoise, des fruits de mer et des poissons dans les assiettes, des requins et des dauphins dans les profondeurs transparentes. Certes, il fait chaud, très chaud. Mais le petit déjeuner au Blue Heaven à l’ombre des palmiers vaut tous les détours en Caraïbes.
La France évidemment a toutes mes faveurs. Comment résister à un pays qui cumule tous les superlatifs ? Nos mers sont magnifiques. Nos montagnes belles à pleurer. Les campagnes verdoyantes. Les villes sont entretenues, attractives, bourrées d’Histoire et de culture. Les savoir-faire en régions sont innombrables et séculaires. Difficile de résister aux trésors de la France. Ceux-là plus tous les trésors immatériels de ce pays gâté par la nature.
Dans la catégorie destination naturaliste, je pourrais vous parler des Açores… Quel meilleur endroit pour faire du whales-watching. Ma première fois aux Açores fut transcendée par la vision de deux énormes baleines bleues qui m’ont fait l’honneur de glisser sous notre bateau. Les larmes aux yeux, je les ai remerciées en silence de cette rencontre. Idem au Nouveau-Brunswick que j’ai tellement aimé. Cette terre moitié française, moitie anglaise, glaciale en hiver, tiède en été, où les pâturages sont immenses, l’océan omniprésent. Et où l’on mange du homard du matin au soir … Cette terre tout en discrétion et en bonheur simple.
Vous m’avez demandé cinq destinations. Je vous avais prévenue que la question était épineuse. Je me rends compte que plus proche de nous, j’aurais pu vous faire 10 pages sur l’Irlande, autant sur le Portugal et l’Italie. Ou encore les pays Baltes. Les pays d’Europe de l’Est. Bon… arrêtez-moi !
Aujourd’hui, où en êtes-vous exactement ?
En voilà une belle question. J’ai expérimenté un magazine gratuit avec La Vie Est Belle magazine, encore de la gratuité avec le site et le FSE™ La Vie Est Belle Voyages. Je l’avoue, après 15 ans de travail acharné, j’ai atteint les limites de la gratuité. Je pourrais en faire des conférences sur le sujet. Avec internet, on s’attend à de la gratuité mais en fait, elle bousille tout. Force est de reconnaître que ce modèle est contreproductif et qu’il handicape à la fois la pérennité de l’entreprise, la qualité de nos reportages et surtout notre capacité de développement et d’innovation. Mais j’ai beaucoup appris de ce modèle…
Je suis une très modeste éditrice/journaliste/photographe indépendante. Je fais tout avec les moyens du bord… n’empêche (sourires), je prépare le lancement d’un nouveau magazine papier. Un mook (contraction de magazine et book), dédié aux voyages et diffusé en kiosques et librairies à 40.000 exemplaires. Son nom : Une Année De Voyages. Son slogan : Des voyages testés. Des idées pour partir toute l’année. Tout est dit ! Nous lançons avec Caroline, ma stagiaire “préférée” qui m’assiste au quotidien (un grand merci à elle), la commercialisation auprès de tous les concernés ce lundi 22 janvier 2018. Et nous lançons aussi une campagne de crowdfunding sur Ulule.com. Croisons les doigts !
Je vous sais sensible à la cause animale, pouvez-vous nous en parler ?
J’adorerais être un voyageur du temps et remonter à l’aube de notre ère. Regarder la nature s’en donner à cœur joie. Voir des animaux vivre dans leurs environnements. Je suis tellement désolée de constater, jour après jour, ce que les êtres humains font subir aux animaux et aux végétaux. Je ne comprendrai jamais comment ça fonctionne dans la tête de gens. Comment ne comprennent-ils pas que cette Terre, notre Terre est un tout petit appartement ? Un miracle de la vie ? J’aimerais que l’on puisse avoir des contacts avec d’autres civilisations… ils nous enverraient des films et des photos et nous verrions à quel point notre “planète bleue” est unique, riche, merveilleuse.
Parfois, quand je joue au jeu “Si tu gagnes au loto qu’est-ce que tu fais”… je liste toutes mes envies. La première de toutes serait d’acheter des milliers d’hectares partout dans le monde et de créer des sanctuaires pour la vie. Celle des Êtres animaux et des Êtres végétaux. Sans eux, l’homme ne sera plus rien.
Avez-vous des passions, des hobbies qui vous animent ?
Oui… des tonnes : je peins, je marche, je photographie mais il me faut choisir. Je suis surtout une lectrice assidue et j’aime écrire. Toute ma vie professionnelle s’est articulée autour de l’écriture. Du journalisme au scénario en passant par la publicité. Récemment, j’ai lancé un nouveau concept la LittéroThérapie / La BiblioThérapie. Avec le second, je reçois des “clients” et donne des conseils de lectures en adéquation avec leurs situations de malaise et leurs besoins de découverte.
Avec la LittéroThérapie, c’est plus complexe. J’aide les gens à écrire sur les thématiques de leur choix. Ils veulent témoigner, raconter, partager, s’alléger, se livrer, transmettre… À la fin du parcours, ils repartent avec leur livre bien à eux. Je ne saurai vous exprimer le bonheur que j’ai à accompagner mes “clients” dans cette démarche qui trouve des prolongements inattendus. Que de belles choses ! Dans le même ordre d’idée, je suis aussi coach en écriture… Tout cela pour me conduire un jour, je l’espère, à finir l’un des nombreux romans entamés et jamais finis qui n’attendent que moi pour sortir du tiroir.
Une conclusion ?
La vie ne m’a pas fait de cadeau. Heureusement ! J’ai tellement appris. Ma philosophie de vie tient en quelques lignes. D’abord :
1/ ne jamais oublier que nous sommes mortels. Quand on sait que l’on meurt, on va à l’essentiel et l’on gomme le superflu, les détails inutiles.
2/ aimer ce que l’on fait. Quoique l’on fasse, le faire sans arrière-pensée avec amour et le faire bien. Du mieux que l’on peut !
3/ Être content de ce que l’on a. S’en féliciter.
4/ Faire la liste de ses envies et la lire à haute voix, il paraît que celle-ci “monte” plus vite vers les bonnes volontés de l’univers (certains les appellent anges… LOL !)
5/ Prendre soin de ceux que l’on aime. De ceux qui nous sont essentiels. Et j’entends par là, tous ceux sans lesquels notre vie serait plus difficile : notre famille, nos amis humains, nos amis animaux, nos amis plantes.
6/ protéger la planète. Coûte que coûte, rabâcher le message qu’elle est notre bien commun et qu’elle est tout simplement merveilleuse et d’une immense beauté.
7/ Sourire. Pardonner. Vivre !
Et je finis cette interview avec le verbe vivre.
Quelques semaines après son départ définitif dans les étoiles, je pense à un père idéal (le mien étant absent depuis toujours) et fantasmé dirait certainement Héloïse, qui vient de mourir. Jean d’Ormesson. J’aimais l’homme plus que l’auteur. Je n’oublierai jamais le vif éclat de ses yeux et la brillance de son esprit. Ce fut mon plus gros chagrin 2017 mais je dirai malgré tout que mon année fut belle !
Quel bel interview et joli témoignage de vie. Pétillant, touchant, passionné. Je connais Judith Lossmann la professionnelle, son écriture vive et exigeante et son goût pour l’image.
Grâce à ce mots, je comprends mieux de quoi Judith se nourrit.
Bravo à Valérie Desforges d’avoir su la faire se raconter.
Béatrice