Interview de Joël SCHERER, officier de liaison pour la direction de la gendarmerie auprès de la direction du Tour de France

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Le 01 juillet 2022 – Jour J ! Le Tour de France 2022 débute à Copenhague, Danemark, pour ensuite rayonner dans nos belles régions de France. Une magnifique occasion de (re)découvrir nos territoires mis à l’honneur en suivant les étapes via les medias et bien mieux en se déplaçant pour aller à la rencontre des coureurs cyclistes, des locaux et touristes, des caravanes. Une caravane bien connue de tous, celle de la gendarmerie qui participe historiquement et grandement à la sécurité du Tour de France. Miss Konfidentielle s’est entretenue en amont de la course à la Direction générale de Gendarmerie nationale avec Joël SCHERER, officier de liaison pour la direction de la gendarmerie auprès de la direction du Tour de France, afin d’en apprendre davantage. Un accueil convivial à la DGGN, comme toujours.

Joël SCHERER assure l’interface entre les 12 000 gendarmes qui sont engagés cette année sur le Tour de France et l’organisation du Tour Amaury Sport Organisation pour que la Grande Boucle se passe dans les meilleures conditions et que la sécurité soit la plus efficace possible.

Bonjour Joël,

Quel est le dispositif du Tour de France 2022 ?

Sur le Tour de France 2022, on a 12 000 gendarmes engagés. La clef de voûte du dispositif reste tout de même le dispositif local de sécurité, c’est-à-dire les groupements de gendarmerie qui sont traversés tout au long de ces 18/21 étapes (3 étapes sont organisées au Danemark).

Cette année, ce seront 27 groupements qui seront traversés puisque le Tour part d’abord du Danemark. Les 3 premières étapes se dérouleront au Danemark et ensuite on rentre par le nord de la France à Dunkerque et on déroule les 17 étapes suivantes avec des incursions en Suisse et en Belgique.

Sur le Tour de France (TDF), il y a ces 12 000 gendarmes et aussi 280 permanents qui m’accompagnent puisque je suis au-devant de la course à environ 5 minutes du 1er coureur. Les 280 permanents m’accompagnent pour sécuriser l’ensemble des étapes.
Les plus importants sont les anges bleus de l’escadron motos de la Garde Républicaine, sans qui rien ne serait possible puisqu’ils sécurisent à la fois l’échelon caravane et l’échelon course.
L’échelon caravane c’est d’abord 140 véhicules d’une caravane publicitaire. 2 heures après le départ de la caravane, part la course cycliste qui elle aussi est sécurisée par l’escadron motos. Donc sans les anges bleus, rien ne serait possible. Il y a aussi un élément de cet escadron qui arme le centre de coordination du Tour de France qui est tous les jours installé sur le site d’arrivée. Ce centre de coordination est dirigé par le sous-préfet du Tour de France qui est désigné chaque année (Loïc GROSSE, en 2022) par le ministère de l’Intérieur. Le sous-préfet coordonne l’action de la gendarmerie, de la police et de la sécurité civile, puisque nous ne sommes pas seuls sur le Tour. C’est la gendarmerie qui engage le plus de personnels sur le Tour de France puisque c’est 90% du tracé en France qui nous impacte.

On a tous les jours deux équipes de Rexpemo qui détectent les explosifs sur les personnes en mouvement qui convergent vers les installations du TDF.

Rexpemo signifie Recherche d’explosifs sur personnes en mouvement.

C’est en fait 2 équipes cynophiles qui sont sur le site, départ et arrivée, et qui sont appuyées par des gendarmes du peloton d’intervention de la Garde Républicaine. Tout cela a été mis en place en réaction aux attentats de 2016, à Nice. On est vraiment monté en puissance depuis.
Le centre de coordination a été mis en place la même année.

Dans le même ordre d’idée, le GIGN nous accompagne avec une composante terrestre et une composante aérienne. Vous le verrez tous les jours si vous levez la tête. Un hélicoptère de la gendarmerie suit le Tour avec des gendarmes du GIGN de manière à faire face à une éventuelle attaque terroriste.

Nous accompagne également et je viendrai sur son enjeu majeur, c’est l’enjeu de la sécurité routière. On a chaque année des petits accidents avec des enfants qui traversent la route, échappent à la vigilance de leurs parents et qui sont percutés par la caravane pour aller ramasser des goodies.

La gendarmerie met en 2de place l’échelon caravane parce que la 1ère position est réservée aux partenaires officiels. La 2ème position a 4 véhicules qui circulent et qui dispensent des messages de sécurité pour rappeler aux spectateurs les fondamentaux en la matière et pour éviter une collision avec une personne voire même avec des animaux de compagnie.

Ils sont mis en place par le SIRPA de la gendarmerie qui les sélectionne. S’agissant de militaires de la gendarmerie, ils constituent également des primo-intervenants. Ils sont en tenue dans un véhicule en mesure d’intervenir s’ils étaient témoins d’un acte délictueux sur le Tour de France. Cette année ils seront 12, il y a des hommes et des femmes et sont dirigés par un officier de gendarmerie qui encadre le dispositif et avec qui je suis en contact permanent puisqu’il constitue pour moi, je dirais, un éclaireur sur le Tour. Il passe environ 2 heures avant mon passage.

Sur le Tour, on engage aussi un escadron de gendarmerie mobile depuis 2019 dédié à la sécurisation des zones de départ et arrivée en secteur gendarmerie.
On met chaque jour sur le départ et l’arrivée en zone gendarmerie des gendarmes mobiles. Cette année ce sera l’escadron de DOLE qui réalisera cette mission.

Ils sécurisent les infrastructures du Tour : le podium signature, le village du Tour, le fond de ligne … Vous les voyez à la télévision lorsque les coureurs sont au départ et lorsqu’ils approchent l’arrivée du Tour.

L’OCLAESP nous suit tous les jours pour la lutte contre le dopage. L’OCLASEP signifie Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, il est un service de police judiciaire de la Gendarmerie nationale.

Les équipes sont présentes et discrètes. Elles sont en mesure d’appuyer les unités de recherche qui seraient amenées à diligenter des enquêtes relatives en matière de dopage.

Je pense avoir fait le tour du dispositif qui m’accompagne et comme je vous le disais tout à l’heure, le gros du dispositif ce sont les groupements qui sont concernés. Ils fournissent le plus gros de la troupe puisque leur grande mission est la mission de jalonnement en bord de la route qui sécurise et qui assure la privatisation du parcours. Ils sont quasiment à chaque intersection pour garantir un parcours parfaitement hermétique.
Ce dispositif est également renforcé sur certaines étapes par des compagnies d’élèves-gendarmes qui apportent une bouffée d’oxygène aux groupements. Ils viennent des écoles qui sont implantées à proximité de l’itinéraire du Tour.

Cette année encore, nous engageons l’unité opérationnelle franco-allemande qui s’appelle l’UOFA en gendarmerie. L’UOFA signifie Unité Opérationnelle Franco-Allemande. Elle vient dans la région Grand-Est, plus particulièrement, parce que les étapes sont plutôt fréquentées par des spectateurs allemands. Une des étapes à enjeu est celle du 14 juillet avec l’arrivée des cyclistes à l’Alpe d’Huez. Les virages de ce parcours sont généralement fréquentés par des danois et des hollandais. La police danoise et la police hollandaise seront également présentes à nos côtés en tenue pour montrer aux ressortissants danois et hollandais que s’ils dépassent la ligne, ils pourront aussi avoir des ennuis dans leur pays.

Trois questions pour aller plus loin

1° Quel est le premier socle de l’équipe du Tour de France 2022 ?

Dans l’équipe proche, il y a le capitaine PRUNET et le major Vandenbogaerde.

Le capitaine Jean-François PRUNET est en charge des 40 militaires qui composent l’escadron motos de la Garde Républicaine. Il est mon référent au quotidien, il est au plus près de la course. Il coordonne l’action de ses 33 motocyclistes qui accompagnent la Grande Boucle.

Dans ce dispositif, il y a aussi un responsable de l’échelon course qui est le major Vandenbogaerde qui pour moi est aussi un point clef du dispositif au quotidien. C’est lui qui coordonne la sécurisation de la course cycliste. Je travaille beaucoup avec lui en amont du Tour pour la préparation.

Ces deux personnes ont un rôle majeur sur le bon déroulement du Tour de France.

Le major Vandenbogaerde a fait une dizaine d’éditions donc il connaît parfaitement les rouages et les arcanes du Tour de France. C’est toujours précieux pour moi de connaître aussi un peu ce qui a été fait dans le passé et d’en tirer les enseignements.

2° Comment se passent les relations avec le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme ?

Ce que je dis toujours à Christian Prudhomme est qu’il est toujours confortable et agréable de travailler avec lui et ses équipes. Je le pense sincèrement et c’est parce qu’ils travaillent de manière un peu militaire. D’ailleurs Christian Prudhomme me disait il y a peu de temps que l’organisation a précisément été mise en place par un militaire. Donc je comprends mieux (sourire).

On travaille en amont du Tour de France ensemble. On est allé par exemple ensemble à l’Alpe d’Huez afin de s’organiser de manière à ce que le jour de l’arrivée, les coureurs arrivent sans encombre.

ASO travaille depuis des décennies sur le Tour, donc ils connaissent les rouages par cœur.

3° Des réservistes de la gendarmerie sont-ils présents sur le Tour de France 2022 ?

Oui, bien sûr. Cette année, il y a 5 000 réservistes mis en place sur le Tour de France.

Les groupements locaux font appel à eux.

Les réservistes n’accompagnent pas le Tour, ils ont une mission ponctuelle à chaque étape.

Le tracé du Tour sort en octobre, donc dès octobre je commence à travailler avec les groupements afin de faire des reconnaissances, de dimensionner les forces.

L’engagement des réservistes se fait en lien avec le CRG, Commandement des réserves de la gendarmerie.

Quels sont les marqueurs de votre parcours professionnel ?

Je suis rentré en gendarmerie en 1992 en Alsace, au service national qui était à l’époque obligatoire. J’ai servi près de chez moi parce que j’en ai eu l’opportunité.

Je suis passionné de motos, j’ai toujours rêvé d’être motocycliste en gendarmerie. A l’issue de mon service national qui m’a bien plu, j’ai décidé de rejoindre la gendarmerie en intégrant l’école des sous-officiers de Chaumont.

J’ai servi durant 4 ans dans le Puy-de-Dôme, qui est aussi une terre de vélo.

Ensuite j’ai regagné mon Alsace natale afin de préparer le concours et d’intégrer l’EOGN, Ecole des officiers de la gendarmerie nationale, en 2001.

Je quittais l’EOGN diplômé en 2003 et j’ai été affecté à la compagnie de gendarmerie de Strasbourg.

En 2006, je rejoins la compagnie de gendarmerie de Thionville où j’ai servi 4 ans.
A l’issue de ces 4 ans, en 2010, j’ai pris le commandement de l’escadron départemental de sécurité routière de la Moselle, en tant que motocycliste cette fois. J’y ai servi 5 ans.

Ensuite, j’ai repris le même poste à Marseille où j’ai commandé l’EDSR, Escadron départemental de sécurité routière, des Bouches-du-Rhône.

Pour ensuite rejoindre en 2019 la DGGN, Direction générale de la gendarmerie nationale, où je suis chef de la section des flux routiers et ferroviaires au sein du bureau de la sécurité des mobilités.
Je ne fais pas que le Tour de France, j’ai aussi d’autres missions, dont d’autres courses cyclistes et la doctrine en matière de sécurité des mobilités.

En 2019, je découvrais avec mon prédécesseur les 6 étapes du Tour de France pour comprendre le fonctionnement et depuis 2020 je coordonne le dispositif permanent de sécurisation de la gendarmerie qui accompagne la Grande Boucle. La préparation de cette belle épreuve est chronophage mais très intéressante.

Avez-vous d’autres centres d’intérêt ?

J’aime la lecture et je lis de tout.
J’aime les romans policiers.
Récemment, j’ai lu un auteur islandais qui s’appelle Arnaldur Indriðason, je vous le recommande.

Dans le registre des classiques, j’aime bien Honoré de Balzac.

J’ai fait du vélo lorsque j’étais jeune (rire). Maintenant c’est plutôt la course à pied.

J’ai fait le dernier marathon de Paris organisé par ASO. On l’a fait en équipe gendarmerie et on l’a terminé (sourire).

La course à pied est simple à mettre en œuvre. On met ses baskets, et on part courir.
On n’a pas besoin d’un terrain vaste et puis cela fait du bien.

Lorsque l’on est toute la journée au bureau, il faut trouver un exutoire.

J’aime bien voyager. Dans les belles destinations j’ai bien aimé les Antilles, par exemple.

Le Tour de France me fait voyager de fait (sourire) puisque j’accompagne le Tour en régions. On se rend compte que la France est très belle.
Cette année le départ est au Danemark et je serai sur place pour coordonner le dispositif français et assurer l’interface avec la police danoise. Le fonctionnement sera le même en Suisse et en Belgique.

L’année prochaine, le départ sera en Espagne !

Pleine réussite Joël et surtout prenez plaisir ! Le Tour de France a cette belle qualité de fédérer les français et aussi les français avec les forces de sécurité telles que la gendarmerie et la police ; les forces de secours, je pense avant tout aux pompiers. 

Une dédicace à Jennifer FRALIN et Samantha VERMEERE en charge de la communication du Tour de France que j’ai eu le plaisir d’interviewer récemment à Satory.

Pour suivre le Tour de France directement sur le site internet officiel.

Interview de Joël SCHERER, officier de liaison pour la direction de la gendarmerie auprès de la direction du Tour de France © Valérie Desforges

Note importante

Il est strictement interdit de reproduire l’interview et d’utiliser les photos qui appartiennent à son propriétaire.

 

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