Témoignage de l’adjudant Laurent KAISER, commandant de la Maison de la Prévention et de Protection des Familles du Finistère (29)
Le 25 décembre 2022 – Dans le cadre de l’interview de Dorothée CLOÎTRE à Beauvau, Référente nationale violences intrafamiliales pour la gendarmerie, le témoignage de l’adjudant Laurent KAISER, commandant de la Maison de la Prévention et de Protection des Familles du Finistère depuis avril 2021 est fort instructif.
Une date de publication choisie, jour de Noël, la volonté de soutenir les victimes de violences intrafamiliales, les femmes et leurs enfants, les hommes aussi certes moins nombreux et dont on ne parle probablement pas assez, les victimes de violences sexuelles et sexistes.
Les types de violences sont physiques, et aussi psychologiques. Bien souvent insidieuses, l’entourage ne prend pas acte ou se voile la face. De fait, je m’adresse aujourd’hui aux victimes et à leur entourage, famille, amis, relations de travail, voisins, commerçants … Observez, analysez et réagissez de manière posée et constructive pour la victime. Nous avons aujourd’hui tous les outils pour alerter et de manière anonyme.
Je me permets de m’exprimer sur ce sujet pour vivre l’expérience d’accompagner des victimes depuis des décennies.
Je cède la place à l’adjudant Laurent KAISER que je remercie pour son engagement, et son équipe.
LA PREVENTION
Quels sont les dangers auxquels vous sensibilisez les enfants ?
Actuellement au sein de la M2PF 29, nous sensibilisons les enfants aux usages numériques à risque ainsi qu’aux thématiques des violences sexuelles et sexistes, intrafamiliales et du consentement.
De quelle manière sensibilisez-vous les enfants à ces dangers les plus graves ?
Les usages numériques regroupent les problématiques dues aux réseaux sociaux comme le cyberharcèlement mais aussi les ” nudes “, les menaces, les violences sexuelles et sexistes, la discrimination … Nous rencontrons les enfants dès l’école primaire avec un questionnaire citoyenneté qui se déroule sous forme de quizz (une question, trois réponses, choisir la bonne). Le but est d’engager un débat et de faire prendre conscience aux enfants des risques mais aussi l’obligation d’aider un camarade victime. Nous leur donnons un diplôme à la fin de ce questionnaire.
En collège, nous allons au-devant des délégués de classe en les formant pour qu’ils deviennent ambassadeurs citoyens des bonnes pratiques d’internet. Cette formation de deux heures permet de toucher tout un établissement scolaire et de présenter les problématiques dûes aux réseaux sociaux en leur expliquant la notion de porter assistance aux élèves victimes.
De plus nous utilisons le jeu Gend’Net Game (jeu de l’oie version web) qui nous permet, d’une façon ludique, d’apporter des conseils sur les usages numériques (nous sommes arrivés 5ème au prix de la Prévention).
Nous intervenons également auprès des IME (Institut Médico Éducatif) pour rencontrer des jeunes en situation de handicap.
Nous évoquons les différentes formes de violences sexistes et sexuelles, du consentement ainsi que les violences intrafamiliales auprès des élèves. Les objectifs sont qu’ils doivent être sensibilisés à ce type de violences et qu’ils puissent les détecter mais aussi parler s’ils sont victimes ou s’ils connaissent une victime. Nous travaillons en co-animation avec les associations comme le CIDFF du Finistère ou l’UAPED de Brest.
Nous utilisons un jeu sur le consentement. Il regroupe des cartes avec des scénettes qui apportent une réflexion de groupe et une prise de conscience.
Quelles sont vos difficultés ?
Les difficultés que nous rencontrons est lorsque nous faisons des réunions avec les parents d’élèves au sein des établissements scolaires. Nous voyons les parents qui connaissent les problématiques des usages numériques mais n’arrivons pas à toucher ceux qui ne les connaissent pas.
L’ACCUEIL ET L’ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES
Comment vous assurez-vous d’un accueil adapté ?
Nous avons plusieurs types d’accueils pour les victimes.
Tout d’abord les locaux de la M2PF où se trouve une salle Mélanie. C’est dans ces locaux que nous recevons également les associations qui suivent les mineurs (notamment ceux placés en foyer) ainsi que les familles en difficultés.
Nous sommes facilitateurs de dépôt de plainte c’est à dire que lorsqu’une association (CIDFF par exemple) nous contacte pour nous annoncer qu’une victime désire déposer plainte, nous prenons attache avec la brigade locale afin de prendre un ” rendez-vous ” et de préparer la venue de la victime. Lorsque la victime se présente à l’unité, elle décline son identité et est reçue sans exposer sa problématique devant toutes les personnes présentes à l’accueil. L’accueil est de ce fait bienveillant.
De plus, j’ai créé un guide d’accueil pour les enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme et victimes de violences sexuelles et de maltraitance. Ce guide a pour objectif de pouvoir entendre ces mineurs. Nous avons pour projet une diffusion nationale. Il a été validé par des neuropsychologues, pédopsychiatres, psychologues, association de parents d’enfants autistes, juge des enfants, gendarmerie du Finistère, Institut du Travail Éducatif et Social.
Avec quels partenaires locaux travaillez-vous pour mieux accompagner les victimes ?
Nous travaillons avec les ISG, les associations d’aides aux victimes (CIDFF, Lanterne Violette, AAVIF …), les Institutions (gendarmerie, conseil départemental avec la protection de l’enfance, Éducation Nationale, ministère de la Justice …). Nous organisons des rencontres au sein des communautés de communes du Finistère afin que chaque acteur et Institution puissent se connaître pour prendre en charge une victime de manière linéaire.
Actuellement nous créons en partenariat avec l’UAPED, médecin scolaire, conseil départemental, CNFPJ … un flyer sur la révélation d’un mineur auprès d’un professionnel. Le but est que le professionnel sache comment faire et réagir lorsque le mineur confie être victime.
Je fait partie d’un COPIL violences psychologiques faites aux enfants. Initiée par une juge des enfants du TJ de Brest le but est d’organiser une journée de formation à destination de plus de 200 professionnels du Finistère Nord.
LE SUIVI DES VICTIMES
Prenez-vous attache avec les victimes une fois le travail d’enquête et d’orientation effectué ?
Nous effectuons un suivi en prenant attache avec la victime ou l’association qui nous a sollicités pour le dépôt de plainte.
Avez-vous des retours de certaines victimes ?
Nous avons des retours de certaines victimes qui apprécient ce rôle de facilitateur de dépôt de plainte. J’ai également eu des retour d’un enfant de quatre ans que j’ai entendu comme victime de maltraitance et qui était très fier de m’avoir parlé. Une autre petite de six ans qui pour me remercier de l’avoir écoutée m’a fait un dessin que j’ai accroché dans mon bureau.
J’effectue beaucoup d’auditions d’enfants de moins de dix ans. Il est important d’être formé pour que l’audition soit la moins traumatisante possible pour la victime.
Un remerciement appuyé pour votre témoignage.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » Nicolas Boileau.
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