Quid de l’euthanasie en France et en Europe

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Le débat sur la fin de vie est loin d’être une spécificité française. Dans les autres Etats membres de l’Union européenne, l’euthanasie constitue aussi une importante question de société. Avec des lois très variées, allant d’une autorisation totale à sa criminalisation en toute circonstance.

Alors qu’en France une convention nationale sur la fin de vie a rendu ses conclusions début avril 2023, plusieurs pays, comme les Pays-Bas et la Belgique, ont légalisé l’euthanasie active depuis plus de vingt ans.

L’Union européenne s’implique généralement peu dans les questions de société telles que l’euthanasie et l’avortement. Certains Etats font pourtant pression sur le Parlement européen pour le pousser à adopter une position politique.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), quant à elle, s’est prononcée pour la première fois sur une législation qui autorise l’euthanasie dans un arrêt du 4 octobre 2022, Mortier c/ Belgique. Dans cette affaire, le bras judiciaire du Conseil de l’Europe considère que la législation belge sur l’euthanasie ne viole pas le droit à la vie (article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme). Elle ne reconnaît pas pour autant un droit à l’euthanasie et laisse donc chaque Etat libre d’y recourir ou non. Cependant, si un pays fait le choix d’y recourir, alors la Cour impose des garanties pour éviter les abus. En assurant par exemple le respect du droit à la vie privée. En l’espèce, le contrôle a posteriori de l’euthanasie pratiquée en Belgique était défaillant, d’où une violation de la Convention.

Pays qui ont légalisé l’euthanasie active

L’euthanasie active désigne le fait d’abréger intentionnellement les souffrances d’une personne. Un médecin ou un tiers va par exemple injecter une substance entraînant directement la mort du patient.

Les Pays-Bas sont le premier pays du monde à avoir légalisé l’euthanasie. La loi, votée en 2001, pose six conditions pour que l’acte réalisé par le médecin soit légal. Le patient doit, notamment, faire la demande lui-même et la matérialiser par écrit. Il doit souffrir en raison d’une cause médicale, ce qui exclut les personnes en bonne santé. Le médecin n’est pas obligé de coopérer à l’euthanasie. En avril 2023, les Pays-Bas ont franchi une nouvelle étape en autorisant l’euthanasie pour les enfants de moins de 12 ans qui souffrent de maladies incurables induisant une mort prochaine inévitable.

La Belgique est venue encadrer la pratique de l’euthanasie par une loi entrée en vigueur le 22 septembre 2002. De manière unique, le droit belge autorise et encadre depuis 2014 l’euthanasie des mineurs dans une situation médicale sans issue. Pour les majeurs comme pour les mineurs, le médecin doit s’assurer que le patient est doté de la capacité de discernement lors de sa demande et qu’il souffre d’une pathologie grave et incurable.

Au Luxembourg, l’euthanasie est autorisée depuis 2009. Celle-ci n’est permise que pour les majeurs dans une situation médicale sans issue.

L’Espagne est devenue le 25 juin 2021 le sixième pays du monde à légaliser l’euthanasie. Le patient doit être majeur, avoir la nationalité espagnole ou résider en Espagne depuis plus de 12 mois, et doit souffrir d’une maladie grave et incurable.

A noter qu’au Portugal, une première loi sur l’euthanasie a été approuvée au Parlement, le 29 janvier 2021. La Cour constitutionnelle, saisie par le président de la République conservateur Marcelo de Sousa, l’a censurée considérant qu’elle utilisait des “concepts excessivement imprécis”. En novembre 2021, un deuxième texte a été voté puis de nouveau censuré. Le Parlement portugais a approuvé le 9 juin 2022 de manière générale la dépénalisation de l’euthanasie. Mais le président n’a pas écarté la possibilité de présenter un nouveau veto.

Pays autorisant l’euthanasie passive

L’euthanasie passive ou indirecte se produit lorsque l’équipe médicale en charge du patient décide de ne pas prendre des mesures pour prolonger la vie. La mort peut survenir par l’administration de médicaments analgésiques ou après le débranchement d’un respirateur.

Assimilée à un homicide en France, l’euthanasie active y est interdite. La loi Leonetti de 2005 autorise cependant un patient, lorsqu’il juge que le traitement qui lui est administré relève d’une “obstination déraisonnable”, à refuser ledit traitement, quand bien même ce refus l’expose à mourir. La législation offre cette faculté aux équipes médicales pour les patients ne pouvant plus exprimer leur volonté lorsque la poursuite des traitements n’a plus de sens sur le plan médical. La loi Claeys-Leonetti, votée en 2016, donne la possibilité de formuler des “directives anticipées” ou de demander une sédation profonde jusqu’au décès. Dans un avis publié le 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ouvre la voie à une légalisation du suicide assisté, à condition de développer les soins palliatifs et l’accès à la sédation profonde. Le comité évoque la possibilité d’un accès légal à l’euthanasie destiné seulement aux personnes qui ne sont physiquement plus aptes au suicide assisté, sous la condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme. Lancée en décembre 2022, une convention citoyenne sur la fin de vie a eu lieu dans le pays. Son but : faire évoluer le débat, à la fois sur la sédation, l’aide assisté au suicide et l’euthanasie active. Les 180 citoyens tirés au sort ont débattu pendant 27 jours, aboutissant le 2 avril dernier à 65 propositions qui soulignent notamment l’inégal accès à l’accompagnement de la fin de vie et l’absence de réponses satisfaisantes pour les situations particulières.

Dans certains pays européens, la jurisprudence a permis de faire évoluer la législation sur l’euthanasie, comme en Autriche, en Allemagne et en Italie.

En Autriche, depuis le 1er janvier 2022, l’assistance au suicide est dépénalisée. Le 23 octobre 2021, le gouvernement autrichien s’est mis d’accord sur une nouvelle réglementation légale de l’euthanasie en passant par la mise en place d’un testament de vie. Celle-ci se limite aux personnes gravement malades et en phase terminale, les mineurs étant exclus de la réglementation. Les soins palliatifs doivent être développés et une préparation létale spécifique doit être disponible dans les pharmacies.

En Allemagne, en février 2020, la Cour de Karlsruhe a annulé l’interdiction de l’assistance au suicide votée par le Bundestag en 2015 et a précisé que les personnes avaient le droit de mourir de manière autonome, même avec l’aide de tiers. L’euthanasie active reste interdite et poursuivie en vertu de l’article 216 du code pénal allemand, mais l’euthanasie passive est quant à elle autorisée. Le Parlement allemand a récemment lancé plusieurs consultations et doit prochainement débattre des possibilités de réforme de l’euthanasie.

En Italie, la Cour constitutionnelle a ouvert en 2019 la possibilité de demander le suicide médicalement assisté. Quatre conditions sont requises : la personne qui le demande doit être pleinement capable de comprendre, doit être atteinte d’une pathologie irréversible entraînant de graves souffrances physiques ou psychiques, et doit survivre grâce à un traitement de maintien en vie. L’euthanasie active est toujours considérée comme un crime et relève des hypothèses prévues et punies par l’article 579 (meurtre de la personne consentante) ou l’article 580 (incitation ou aide au suicide) du code pénal.

Au Danemark, l’euthanasie active et le suicide assisté sont condamnés. Plusieurs textes évoquent pourtant l’euthanasie sans la nommer, cela dans le but de limiter l’acharnement thérapeutique. Ainsi, un médecin peut s’abstenir de soigner un patient dont la mort est inévitable. Un malade peut aussi rédiger un testament de vie dans lequel il exprime son refus de tout traitement médical dans certaines circonstances.

L’euthanasie n’est pas un acte légal en Finlande. Une initiative citoyenne visant à autoriser l’euthanasie a été rejetée par le Parlement en mai 2018. Un groupe de travail a été établi dans l’objectif de rechercher une meilleure qualité de soins palliatifs. La Suède et l’Estonie ont une position similaire et autorisent l’arrêt d’un traitement de survie, comme l’arrêt d’un ventilateur ou l’interruption de l’alimentation, lorsque le patient en fait la demande. Même chose en Croatie où l’euthanasie passive est autorisée si elle est pratiquée en ne traitant pas, en éteignant l’appareil médical, en arrêtant la thérapie et en laissant le patient mourir.

En Grèce, la volonté du patient de refuser et d’interrompre un traitement à tout moment est pleinement reconnue. La loi tolère l’euthanasie passive qui présuppose le consentement du patient et la survenue physique de la mort comme une certitude. Situation analogue en Hongrie où la loi ne reconnaît actuellement que l’euthanasie passive. Les patients ont le droit de refuser un traitement lorsque la maladie entraînera la mort à brève échéance. Un comité médical doit toutefois se prononcer sur la recevabilité de la demande.

La Slovaquie permet elle aussi l’euthanasie passive, à condition que le patient ait fait part de son consentement libre et éclairé. Législation similaire en Slovénie, où le patient a le droit de faire tout ce qui est possible pour éliminer ou atténuer sa douleur et les autres souffrances liées à sa maladie. Il a également le droit de se voir éviter toute douleur inutile et toute souffrance liée à une intervention médicale au cours de ses soins médicaux.

Pays qui interdisent l’euthanasie

Enfin, l’assistance au suicide, ou suicide médicalement assisté, désigne le fait de se donner la mort avec l’aide d’une personne qui fournit un moyen pour ce faire. Le moyen doit toutefois être pris par la personne malade elle-même, sinon il s’agit d’une euthanasie active.

Dans neuf pays européens, comme en Bulgarie, l’euthanasie ou l’aide au suicide n’est envisagée que sous le prisme pénal. Le code pénal bulgare prévoit ainsi une peine allant jusqu’à six ans de prison pour quiconque aide ou incite une autre personne à se suicider.

A Chypre, l’euthanasie est qualifiée de complicité dans le suicide d’une autre personne et est passible d’un emprisonnement de dix ans. Il s’agit de l’une des législations les plus fermes sur le sujet, avec Malte où la peine d’emprisonnement peut aller jusqu’à douze ans pour quiconque incite une personne à se suicider ou l’aide à le faire.

L’euthanasie est aussi illégale et pénalisée, parfois très sévèrement, en Pologne, en Irlande, en République tchèque, en Roumanie, en Lettonie et en Lituanie.

L’euthanasie ailleurs en Europe

En Suisse, l’euthanasie active est punissable en vertu du code pénal, selon les cas. L’euthanasie passive est admise dans la mesure où elle n’est pas expressément réglée par la loi. L’assistance au suicide est quant à elle pleinement autorisée. Trois conditions sont posées pour pouvoir y recourir : le patient doit être doté de la capacité de discernement, il doit s’administrer lui-même la dose létale et, enfin, le médecin ne doit pas être poussé par un mobile égoïste. En pratique, le suicide assisté s’opère en Suisse par le biais d’associations.

Au Royaume-Uni, selon les circonstances, l’euthanasie est considérée comme un homicide involontaire ou un meurtre. La peine maximale est la prison à vie. L’assistance au suicide est également illégale et est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans. Le pays privilégie le développement des soins de fin de vie personnalisés et de haute qualité pour aider les patients à vivre aussi bien que possible jusqu’à leur mort.

La Norvège interdit également l’euthanasie et l’aide au suicide. En revanche, un patient a le droit de refuser de recevoir un traitement de prolongation de la vie, lorsque le traitement n’est pas administré dans la perspective d’une guérison ou d’un rétablissement, mais n’est qu’une extension d’un processus de mort en cours.

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