Interview de la commissaire générale Rachel COSTARD, cheffe de la « mission sport » de la Police nationale

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C’est avec joie que je rencontre aujourd’hui la commissaire générale Rachel COSTARD, cheffe de la « mission sport » de la Police nationale à deux pas de Bercy Village. Nous sommes à l’immeuble Lumière, lieu de mon précédent interview avec David Preud’homme. L’opportunité de comprendre ce qu’est la « mission sport » et ses enjeux, notamment à l’approche de la Coupe du Monde de Rugby 2023 et des Jeux Olympiques et paralympiques 2024. L’occasion aussi de découvrir la personnalité solaire de Rachel COSTARD et son parcours de battante !

Bonjour Rachel,
tu es en charge de la
« mission sport » de la Police nationale qui fête son 1er anniversaire. Félicitations ! Peux-tu nous préciser ce qu’est la « mission sport » ?

Bonjour,

La « mission sport » de la Police nationale est une petite nouvelle dans le paysage Police nationale.
Elle fête son 1er anniversaire le 1er juin 2023 !

La « mission sport » s’inscrit dans la ligne droite de grands événements à venir que sont la Coupe du Monde de Rugby 2023 et les Jeux Olympiques et paralympiques 2024. Elle s’inscrit aussi dans un contexte sociétal de violence physique et psychique sur les forces de l’ordre assez prégnant. Enfin, la « mission sport » de la Police nationale est née d’un rapport commandé fin 2021 par notre Directeur général Frédéric VEAUX à Jean-Marie SALANOVA. Le Directeur général souhaitait, par ce rapport, faire le point sur le sport dans la police.

La conclusion de ce rapport extrêmement fourni montre que nous avons une grande marge d’amélioration dans plusieurs domaines.

– Celui des sportifs de haut niveau en premier lieu.
Le dispositif précédent n’avait pas choisi entre le sportif et le policier c’est-à-dire qu’il obligeait les sportifs de haut niveau à suivre une scolarité de 4 ou 12 mois pour devenir policier adjoint ou gardien de la paix. Une scolarité parfois dissuasive pour le très haut niveau avec des exigences en termes d’entrainement extrêmement fortes.
Par ailleurs, les sportifs étaient peu connus et répartis dans des directions différentes, avec en conséquence un manque de pilotage. Les personnes qui en avaient la charge ne sont pas en cause, il s’agit juste d’une volonté politique de nos hautes instances qui ne considérait pas ce sujet comme une priorité.
A l’approche des JO 2024, la police a souhaité apporter une contribution substantielle pour aider les athlètes français à performer en leur offrant une sécurité financière mais aussi des perspectives et une véritable communauté. Par ailleurs, ils représentent pour nous de formidables ambassadeurs. Il a donc fallu réinventer un dispositif permettant de faciliter l’embauche de vrais potentiels sportifs qui partageaient nos valeurs, mais aussi une architecture permettant de les piloter.

– Le second point à améliorer est celui de la condition physique et opérationnelle des agents policiers.

Dans un contexte toujours plus violent sur la voie publique, des équipements de plus en plus lourds, une exigence de la population pour le professionnalisme des agents et des media peu complaisants, la condition physique apparait plus que jamais indispensable pour nos policiers.
Or, les textes sont flous, difficiles à comprendre, les disciplines restreintes. Le sport sur les heures de service (2 h minimum hebdomadaire, sous réserve de contraintes opérationnelles) est rarement fait et il est complètement entre les mains des chefs de service. Si le chef de service et plus globalement la hiérarchie intermédiaire est convaincue des vertus du sport pour l’opérationnalité des agents, les textes lui permettront de le faire, s’il ne l’est pas, les textes permettent que rien ne soit fait. Dans un contexte avec de plus en plus de sollicitations, il n’est pas toujours évident de tout mener de front. De fait, le sport est souvent mis en balance avec les équipes sur le terrain, et donc fatalement mis de côté.

– Troisième point à améliorer : faire en sorte que tous nos agents et pas seulement nos policiers pratiquent le sport pour se sentir mieux dans leur tête et dans leur corps, pour prévenir leur santé.

Jusque-là, seule la FSPN (Fédération sportive de la Police nationale) permettait une telle pratique pour tous au sein de notre maison. Les associations affiliées maillent les territoires et leurs bénévoles permettent au sport de vivre au sein des unités de police. Cette ambition devra passer par la question des infrastructures, par un changement d’état d’esprit aussi, par un travail de collaboration avec les partenaires que sont la médecine de prévention ou encore les mutuelles, par une cartographie des compétences existantes en matière sportive dans toute la France.
Aujourd’hui, tous les agents de la Police nationale se sentent concernés par ce qui se passe autour de l’institution, le stress généré, le sentiment d’appartenance fait que chacun, quel que soit son statut s’identifie aux critiques qui peuvent être formulées contre l’institution, sans compter les moments douloureux qui viennent endeuiller la Police nationale. Et quelque part, cette violence environnante, physique ou médiatique impose que l’on prenne soin de nos agents.

La conclusion de ce rapport a été aussi de se dire que le sport est présent partout mais il est diffus.
Si la police souhaite avoir une réelle ambition en la matière, elle ne peut faire l’économie de la création d’une mission spécialement dédiée avec à sa tête quelqu’un de transversal, avec un parcours suffisamment transversal pour être en capacité d’avancer et de faire levier.

Oui le sport peut préserver la santé, oui le sport peut aider à la gestion du stress, oui le sport peut faire de la cohésion et oui le sport peut permettre de se sentir mieux dans sa tête et dans son corps. Le sport peut aussi créer un lien de cohésion entre les agents de tous grades de manière à faire corps tous ensemble. Je pense que le sport a vraiment ces vertus.

Aujourd’hui, la convention de la Police nationale prévoit le recrutement de sportifs de haut niveau, de contractuels de la police nationale, que nous avons décidé d’ouvrir à tous types de sport. Il nous semblait important que tous les jeunes, quel que soit le sport pratiqué, y compris le breakdance ou la natation synchronisée puisse se projeter dans le métier de policier. Nous avons en Police nationale un véritable enjeu d’image que n’ont peut-être pas nos collègues des armées ou de la gendarmerie nationale.
La convention prévoit le suivi par ces contractuels des quatre semaines de réserve opérationnelle sauf bien entendu pour nos athlètes qui souffrent d’un handicap, qui eux, s’inscrivent dans la réserve citoyenne. Il est important qu’ils s’acculturent au mieux à l’institution.

Signature entre le DGPN, Frédéric VEAUX et l’agence nationale du sport, le 18 novembre 2022, lors de la nouvelle convention pour le recrutement des sportifs de haut niveau dans la police, en présence de Rachel COSTARD © SICoP

Aujourd’hui avec les sportifs de haut niveau qui étaient déjà dans nos rangs :  policiers adjoints ou gardien de la paix et les nouveaux contractuels, nous avons au total un collectif de 66 athlètes représentant 23 fédérations.
Ils ont eu l’occasion de se rencontrer lors de semaines de formation ou de journées de cohésion, et j’avoue que le résultat est au-delà de mes espérances. Ils ont vraiment réussi à donner corps à l’« Équipe Police Nationale ». On les sent plutôt fiers, motivés à représenter l’institution dans toute sa diversité, dans toute sa mixité et toutes ses valeurs avec une composition de 1/3 de femmes et de 2/3 d’hommes. A l’image de la représentation des effectifs de police en France, alors qu’on ne l’avait pas spécialement envisagé lors de notre recrutement. Les voir tous réunis à l’INSEP lors de la présentation au ministre le 20 avril dernier, avec un grand sourire, était assez génial.

Certains ne connaissaient pas du tout notre monde, ils le découvrent et le trouvent super enthousiasmant. Je pense qu’ils n’avaient pas idée de la richesse et de la diversité de nos métiers.

La « mission sport » à travers l’« Équipe Police Nationale » et les sportifs, et l’aide déterminante du SICoP, commence a accéder à une belle visibilité sur les réseaux sociaux et ce n’est pas fini ! Des exemples : Instagram de la Police nationale, podcast Reda flic et champion, C l’hebdo, Sportmag

Tu es bien entourée dans ta mission. Souhaites-tu développer davantage ?

Je pense aux nouveaux contractuels et aussi à l’Agence nationale du Sport, notamment Maguy NESTORET ; les miliaires du CNSD ; Stéphane FOLCHER et son équipe ; la direction centrale du recrutement et de la formation, laquelle au niveau central ou de l’Ile-de-France nous a aidés à monter ces sessions spécifiques de formation pour nos sportifs ; et bien entendu toutes les équipes de la DRCPN qui m’ont accompagnée à la mise en place de ce nouveau dispositif. Enfin, et bien sûr, rien de tout cela ne serait possible si nous n’étions pas relayés et soutenus par le directeur général de la Police nationale Frédéric VEAUX.

Le commandant BRIAND, ancien athlète de haut niveau en kayak, que tu as croisé tout à l’heure et qui est à la tête du pôle haut niveau a été extrêmement précieux à l’avancée rapide de ce projet.

Globalement sur ce sujet, on a vraiment progressé et on est arrivé à ce à quoi on voulait arriver même si rien n’est terminé puisque maintenant il nous faut des médailles ! (Rires) Ce qui est certain en tous cas est que nos sportifs ont les meilleures conditions aujourd’hui pour y parvenir.

Dans la « mission sport », nous avons deux autres grands chantiers : le sport opérationnel et le Sport pour tous. Comme tu l’as compris, je ne travaille pas seule et j’ai à mes côtés une petite équipe de 5 personnes (bientôt 6 j’espère) qui m’aide et constitue les deux pôles de la mission : l’un consacré au haut niveau et l’autre au sport santé/cohésion. Sur ces deux chantiers, nous allons avoir besoin d’avancer collectivement. Mais au préalable, il nous faut faire un état des lieux le plus précis et objectif possible sur la pratique physique et sportive de nos agents, sur leurs motivations, sur la fréquence, sur les points bloquants… Voilà pourquoi est sorti au début de cette semaine un questionnaire large à destination de tous les agents composant la police nationale, la préfecture de police et la DGSI, réalisé en lien avec IPSOS et travaillé avec l’ensemble de nos partenaires habituels que sont la FSPN, les mutuelles, les médecines statutaires et de prévention, les organisations syndicales etc. sur la pratique physique et sportive des agents dans et en dehors du travail.
Grâce à ce questionnaire dont les résultats devraient arriver fin juin début juillet, nous allons pouvoir avancer sur les sujets touchant à la bonne condition physique et opérationnelle des policiers, avancer sur ce que collectivement nous attendons de nos policiers dans un contexte toujours plus compliqué en termes d’engagement physique,  travailler aussi sur les infrastructures, inventer sans doute une nouvelle architecture permettant de développer la pratique physique au plus grand nombre, en coopération étroite avec la FSPN qui maille déjà tout le territoire. Beaucoup de questions auxquelles il semble aujourd’hui important de répondre collectivement et d’impliquer l’ensemble des acteurs.

Un vaste chantier s’il en est… vertigineux mais passionnant et à mon sens profondément structurant pour la police nationale.

Quelles ont été tes motivations à pourvoir le poste de chef de la « mission sport » ?

Il y avait d’abord une envie personnelle de changer de poste alors que j’étais directrice territoriale adjointe de Paris à la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), donc en charge des commissariats parisiens.

Certainement une volonté d’avoir aussi plus d’initiative et de latitude pour créer.
Lorsque l’on est dans une grosse machine comme la préfecture de police de Paris, on peut avoir des idées mais il est plus difficile de faire bouger les lignes. La machine fonctionne mais elle est lourde. Ma plus-value est forcément plus limitée je pense.

J’aime mon métier, profondément, mais après avoir été très longtemps dans des services de sécurité publique au sein de la préfecture de police à la DPUP et à la DSPAP, j’avais envie de me mettre au service de l’institution différemment, d’embrasser plus large, et pour tout dire, j’étais depuis longtemps convaincue des vertus du sport en général. Je trouvais que c’était un formidable challenge.

Et lorsque j’ai vu ce poste à pourvoir complètement différent de ce que j’avais fait jusqu’à présent, j’y ai vu un creuset fort de notre maison, à savoir le sport. Et comme on manquait d’ambition sur le sujet sport, j’ai vu une très belle opportunité à la fois de changer de porte en répondant à la fois aux aspirations de l’institution et des miennes, celle de déployer mes ailes.

En début d’année, par exemple, j’étais avec Hugo Blanjoue, un de nos sportifs spécialisés en enduro, à une manche de Coupe du monde à San Remo en Italie.

Rachel Costard et Hugo Blanjoue, sportif spécialisé en enduro, à une manche de Coupe du monde à San Remo en Italie © SICoP

Pourquoi ton profil a-t-il été retenu ?

Vraisemblablement parce que j’ai un parcours assez diversifié avec à la fois de la sécurité publique dans les commissariats chics du 8ème arrondissement ou plus difficiles comme le 18ème arrondissement ou le 20ème.

J’ai exercé dans des services spécialisés de la DSPAP au sein de la compagnie de sécurisation et aux réseaux ferrés, et finalement pris la tête de deux commissariats parisiens : le 14 et le 17.

J’ai ensuite fait un écart, une infidélité dans ce parcours de sécurité publique et de préfecture de police pendant 4 ans en prenant la tête de la direction zonale du recrutement et de la formation d’Ile-de-France. Ce qui m’a permis de sortir du périmètre de la préfecture de police et de me rendre compte de tout ce qui existait en dehors de ce périmètre, cela m’a permis d’être en contact avec toutes les DISAS, de mieux cerner les problématiques de recrutement et de formation. Pour ensuite revenir dans ma maison d’origine en tant qu’adjointe au directeur territorial de Paris à la DSPAP.

Je pense que ce parcours à la DGPN et à la préfecture de police, en sécurité publique et sur des fonctions supports, mon expérience, mon dynamisme, et évidemment ma passion pour le sport ont été des éléments favorables. Je pense que le Directeur général recherchait un candidat avec une ambition pour la matière et qui saurait tirer la machine. J’ai eu la chance de pouvoir correspondre à ce profil.

Aujourd’hui je peux dire que j’ai été choisie pour prendre la tête de la « mission sport » pour mon plus grand bonheur parce que c’est quand même assez sympa comme mission. Un peu vertigineux aussi parce que l’on part d’une page blanche même si des choses existent. Il faut les remettre dans l’ordre et puis ordonner les chantiers. J’ai la chance d’avoir été très aidée par la MAC (Mission d’appui et de conseil de l’IGPN).

Je n’ai pas réinventé l’eau chaude, je me suis appuyée sur ce qui fonctionnait déjà chez les militaires en l’adaptant à nos contraintes. Nos amis militaires ont été extrêmement aidants. Et grâce à eux et avec l’aide de l’ANS (Agence Nationale du Sport) nous avons modifié la convention et procédé très rapidement à une campagne de recrutement et de sélection.

As-tu des messages à adresser aujourd’hui ?

Le message que je souhaite adresser est à deux niveaux.

En interne, il s’adresse avant tout aux cadres de la Police nationale. Et il est clairement de dire « Revenons à nos fondamentaux. Le sport doit être non seulement un outil pour être opérationnel mais c’est avant tout un formidable moyen pour préserver la santé physique et psychique de nos personnels. Le sport doit être considéré comme un atout. Il va servir les policiers à être meilleurs en management et à être plus opérationnels. A tout policier, je souhaite leur transmettre les vertus du sport pour leur propre santé, qu’ils prennent soin d’eux ».

A l’extérieur, je souhaiterais adresser un message à tous les jeunes sportifs, je leur dirais : « Quel que soit le sport que vous pratiquez, si vous aimez les métiers d’action vous avez toute votre place dans la Police nationale, et si vous partagez nos valeurs : l’humain, l’idée d’engagement et de collectif, de dépassement de soi et celui de servir, si vous avez le sens du service, vous avez toute votre place dans la police. »

Regardez le dernier spot de recrutement de la PN sur Instagram, c’est très parlant.

Un souvenir de l’été dernier sur le Recrut’Tour au Tour de France.

Rachel Costard, 4 sportifs et Raid Aventure au Recrut’Tour, Tour de France 2022 © SICoP

Peux-tu partager avec nous tes autres passions ?

Alors, lorsque j’étais jeune j’ai beaucoup pratiqué l’athlétisme en compétition, l’équitation en loisirs et plus tard le volley-ball en compétition. Aujourd’hui je suis beaucoup plus éclectique.

Je cours, je fais du Pilates, je boxe un peu, je fais du vélo et mes collaboratrices ont même réussi à me trainer à l’aqua palmes, moi qui ne suis pourtant pas fan de la piscine. Je dois même reconnaitre que cela m’a fait beaucoup de bien… Comme quoi…
En fait j’essaie tous les sports parce que j’ai besoin à un moment d’avoir un corps qui bouge, de me confronter à mes limites et aussi de me vider la tête, de reposer mon cerveau. J’aime partager, rigoler cela fait partie aussi du sport.

Et puis j’adore manger, manger français, italien, asiatique ou autre… là encore, je suis assez éclectique du moment que les produits sont bons. Je suis extrêmement sensible aux goûts et aux odeurs. J’ai l’impression que plus je vieillis et plus mon palais devient exigeant, même pour les choses les plus simples. Je prends un plaisir immense à manger. Je trouve que cela fait partie d’un tout, du bien-être.

J’adore voyager, j’ai fait tous les continents mais l’Afrique est sans doute mon meilleur souvenir même si cette fois, ce n’est pas pour la gastronomie… L’ancrage à la terre, à la nature y est très fort et cela me plait beaucoup. J’ai besoin de nature pour me ressourcer.

Et puis mon autre passion : ma famille.
J’ai un mari et deux garçons cela fait beaucoup de testostérone à la maison … mais il faut s’y faire ! Alors on court un peu ensemble. Ils voudraient me faire faire du foot mais je ne suis pas très foot. On fait un peu de tennis en famille et je leur fais quelques séances de boxe.

Depuis que je suis sur la « mission sport », ils trouvent leur maman plus épanouie et c’est plutôt une bonne chose.

 

Un remerciement Rachel pour ce moment agréable et instructif. Je partage pleinement la vision de la nécessité du sport au bon équilibre psychologique et physique des policiers et même plus loin de tout à chacun.
Je souhaite un plein recrutement et un vif succès aux sportifs de haut niveau de la Police nationale lors de la Coupe du Monde de Rugby 2023 et des Jeux Olympiques et paralympiques 2024. En attendant, il est l’heure de déjeuner !


Note importante : il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’interview.

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