Interview du général Charles-Antoine THOMAS, commandant la Garde républicaine

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A J-2 du défilé du 14 juillet 2023 sur les Champs-Elysées, Paris 🇫🇷 Je vous invite dans le quartier des Célestins situé à 2 pas de la place de la Bastille et nous sommes en compagnie du général Charles-Antoine THOMAS, commandant la Garde républicaine.

L’honneur d’interviewer le général dans son bureau puis celui d’être guidée dans le musée de la Garde républicaine et l’Écurie de l’État-major. Une rencontre dynamique, sincère et passionnante !

Général Charles-Antoine THOMAS, commandant la Garde républicaine et Miss Konfidentielle @ ADC Fabrice Bourdeau_Garde républicaine

Bonjour général,

Nous sommes dans votre bureau aux Célestins. Avant de parler de vous, pouvez-vous présenter la Garde Républicaine ?

C’est une question intéressante parce que bien souvent on croit la connaître car on la voit tous les jours mais en fait on ne la connaît pas si bien que cela.

La Garde républicaine est une très vieille institution qui a été créée en 1802 par Bonaparte alors Premier consul et qui était déjà composée à l’époque d’environ 3000 hommes, format qu’elle a encore aujourd’hui.

La Garde républicaine a été construite comme étant une force combattante composée de vétérans parce que à l’époque il fallait avoir 4 ou 5 campagnes à son actif pour pouvoir intégrer le régiment d’infanterie ou le régiment de dragons de la Garde.

Sa mission à l’époque était de protéger Paris contre un éventuel envahisseur et aussi de maintenir l’ordre public à l’intérieur de Paris. Elle ne faisait donc pas de mission protocolaire.

Ce format de la Garde républicaine de Paris (GRP) a perduré tout le long du XIXème siècle sous diverses dénominations.
Elle s’appellera Garde civique pendant la Révolution française de 1848 ce qui laisse déjà entrevoir l’évolution de ses missions dans un aspect de protection des lieux constitutionnels, des lieux dévolus aux enceintes sacrées de la République.
Son âge d’or sera sous le Second Empire où elle aura les uniformes qu’elle porte encore aujourd’hui.
Elle sera intégrée par la suite à la Gendarmerie nationale.

La Garde républicaine a une histoire parallèle à celle de la Gendarmerie nationale.

La IIIème République verra la Garde républicaine dans son format quasi actuel et c’est surtout la Première Guerre mondiale qui fera d’elle une unité emblématique puisque sur les 3000 gardes, 1000 seront volontaires pour aller au combat, plus de 200 gardes tomberont au champ d’honneur ce qui sera le plus fort taux de perte de l’armée française pour une unité, et 174 seront nommés officiers à titre exceptionnel. C’est la plus grande promotion d’officiers de l’histoire de la gendarmerie.

La Garde républicaine a véritablement une histoire à part.

Une histoire qui est intimement liée à la ville de Paris, soulignée par sa dénomination initiale de Garde républicaine de Paris.
A partir de 1978 on perd le mot de Paris puisqu’un maire est désormais élu à Paris, c’est une évolution sémantique mais également politique.
La dernière grande évolution a été décidée par le président Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il décide de diviser le régiment d’infanterie en deux régiments d’infanterie distincts, le 1er et le 2ème.
Aujourd’hui, nous avons donc trois régiments : deux régiments d’infanterie et un régiment de cavalerie, les maisons militaires et les orchestres.

Il est à noter que sur nos emblèmes et nos étendards, nous n’avons pas les mêmes batailles que la Gendarmerie nationale (GN). Les gardes républicains sont illustrés en 1807 à DANTZIG (Pologne), en 1807 à FRIEDLAND (Russie), en 1808 à ALCOLEA (Espagne), en 1812 à BURGOS (Espagne).

Donc la Garde républicaine a une histoire parallèle à celle de la Gendarmerie nationale, c’est cela qui est intéressant et qui en fait une unité d’élite à part.

Vous êtes commandant la Garde républicaine. Comment définir vos missions ?

Il est très intéressant de parler de mission à la Garde républicaine parce que souvent on se méprend quant à sa finalité.

On voit dans la Garde républicaine un côté protocole, un côté cheval, un côté préservation des arts, de l’orchestre ou de l’artisanat. Ce qui est vrai, cela fait partie de nos missions.

Mais notre principale mission, il faut bien le comprendre est ailleurs. Nous sommes des unités opérationnelles chargées de la protection de la défense de sites institutionnels et constitutionnels qui sont le cœur sacré de la démocratie. C’est-à-dire le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le conseil constitutionnel et à partir de cet été l’autorité judiciaire.

Force d’essence constitutionnelle, nous sommes placés sous réquisition permanente des présidents de chambres pour le pouvoir législatif et nous sommes là pour empêcher toute action contre ces enceintes, de protéger la démocratie et de préserver la séparation des pouvoirs et ce, par les armes si c’est nécessaire.

Sécurisation de l’Assemblée Nationale par la Garde républicaine @ ADC Fabrice Bourdeau_Garde républicaine

Une mission à laquelle s’ajoute celle du rayonnement, du protocole d’État. Une dimension artistique et musicale est également très présente car nous avons un orchestre symphonique et le Chœur de l’Armée française.

Mais il faut bien retenir ce qui fait la base de la Garde républicaine : elle est une force combattante de la gendarmerie chargée de protéger par les armes les enceintes sacrées de la République.

Venons à vos actualités. Que pouvez-vous annoncer aux lecteurs ?

L’actualité est en effet très dense.

Le Directeur général de la Gendarmerie nationale, le général d’armée Christian RODRIGUEZ m’a confié une mission, celle de reformater l’outil, de le redurcir au regard du nouveau contexte géopolitique.

Il est évident que la guerre est de retour dans notre monde. Les gardes républicains doivent être en mesure de protéger avec détermination les emprises qui leur sont confiées dans Paris des actes terroristes ou des émeutes insurrectionnelles. Il nous faut des gardes plus robustes, plus aguerris pour faire face efficacement et avec discernement à ces attaques ou ces troubles graves.

Le risque aujourd’hui est la guerre hybride puisque certaines puissances utilisent, manipulent certaines problématiques des pays occidentaux pour fragiliser leur cohésion nationale. Je fais directement référence à l’invasion du Capitole qui sert de siège du Congrès, le pouvoir législatif des États-Unis et qui a été un profond traumatisme pour la démocratie américaine et à travers elle pour l’ensemble des pays démocratiques du monde.
Nous nous entraînons et nous agissons au quotidien pour empêcher toute menace de ce type. C’est fondamental, c’est le pacte républicain qui est en jeu.

L’autre aspect missionnel est sous-tendu par les engagements opérationnels de la gendarmerie. Notre mission est de proposer des capacités de manœuvre supplémentaires au directeur général, notamment en ce qui concerne la lutte anti-drone, les pelotons d’intervention, les tireurs d’élite, les capacités cynophiles-explosifs et nos cavaliers qui sont de plus en plus utilisés pour contrôler les espaces dans la forêt, dans la campagne et autour de sites sensibles.

Nous sommes à J-2 du 14 juillet. Quelle sera l’implication de la Garde républicaine cette année ?

Le 14 juillet est le point d’orgue de l’année.

C’est là où l’on peut voir toutes les unités de la Garde républicaine défiler sur les Champs-Élysées.
Vont être mobilisés pour le 14 juillet la Musique de la Garde républicaine, le 1e Régiment d’infanterie (1e RI), le 2e Régiment d’infanterie (2e RI), le Régiment de cavalerie qui est attendu par les français, les motocyclistes de l’escorte présidentielle. Et puis tous ceux que l’on ne verra pas, les tireurs d’élite sur les toits, les chiens explo, les opérateurs anti-drone de la Section de protection et d’appui drones (SPAD) qui protégeront les espaces mais aussi le soir, au profit de la présidence, le Chœur de l’Armée française et l’orchestre qui réaliseront des prestations.

La garde républicaine au Défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, Paris
Musique de la Garde républicaine à l’Elysée @ ADC Fabrice Bourdeau_Garde républicaine

Les 3000 gardes républicains sont mobilisés sur l’évènement, c’est un gros challenge qui demande beaucoup de préparation et de temps. Les gardes républicains attendent ce moment qui est une forme de reconnaissance, un moment de communion avec le peuple français.

– Le 14 juillet mobilise combien de gardes républicains sur les Champs-Elysées ?

On va considérer que l’on engage 200 cavaliers, 130 gardes républicains à pied, 40 militaires du chœur, 60 musiciens et 30 motocyclistes de la Garde lors du défilé du 14 juillet.

Au total on déploie environ 460 gardes républicains sachant que pendant ce temps les autres missions continuent, la protection de l’Élysée, de Matignon, du Sénat, de l’Assemblée nationale, de la sécurité des casernes…

En lisant votre parcours, je note votre intérêt pour l’international.

Effectivement j’ai eu l’occasion de m’intéresser à ce sujet même si cela n’est pas une dominante de carrière comme l’on dit chez nous Je m’intéresse en effet à l’Europe et au-delà de l’Europe, je m’intéresse aux questions internationales. Au cours de mes études à Science-Po Paris, j’ai eu l’occasion de travailler en Ukraine et en Russie, expérience intéressante au regard de l’actualité.

Lorsque j’ai intégré la Gendarmerie nationale, je me suis porté volontaire pour partir dans le cadre des Nations Unies où j’ai participé durant presque une année comme chef de détachement et assistant spécial de « police commissionner » de la Mission de l’ONU au Congo RDC à la traque de criminels de guerre aux constations des charniers et des génocides notamment dans les Kivus, sans oublier des actions d’évacuation de ressortissants durant les combats de 2004. Cette expérience m’a donné une certaine vision des relations internationales d’un point de vue pratique.

Après mon cursus au sein de Cycle des hautes études européennes de l’ENA, j’ai fait beaucoup de missions à Bruxelles, puis j’ai eu la chance de partir à plusieurs reprises sur la frontière jordano-irakienne et jordano-syrienne dans le cadre d’une mission d’élaboration et de construction d’une stratégie globale politique pour l’Union européenne au profit de la gendarmerie jordanienne.
Sur le plan des relations avec d’autres forces, j’ai beaucoup travaillé également avec le corps des marines des États-Unis avec la construction d’un partenariat qui dure depuis plus de 10 ans.

Mon expérience la plus marquante restera les opérations conduites au Congo dans un environnement très exposé où les gendarmes auront réussi à jeter les bases des actions qui ont conduit à l’arrestation de criminels de guerre et à leur condamnation. Cela restera une grande satisfaction.

Vos missions à l’international sont-elles à l’origine de votre intérêt pour la fonction Ressources Humaines ?

Alors, pas du tout. Cela a été le fruit du hasard !

Lorsque vous sortez de l’École de guerre, on reçoit une nouvelle affectation. J’étais volontaire pour partir en Afghanistan ce à quoi on m’a répondu que j’avais assez voyagé et qu’il fallait que je travaille en administration centrale. Pour moi cela a été les ressources humaines. J’ai pu travailler au côté du général Mazy, directeur des personnels, sur des sujets touchant aux compétences, aux partenariats avec les universités. Cela fut très enrichissant. Après le commandement de mon groupement c’est très logiquement que j’ai rejoint de nouveau la branche RH pour m’occuper des hauts potentiels puis de la transformation des ressources humaines sous l’autorité du général Armando De Oliveira.

Nous avons parlé des dimensions internationales et des ressources humaines qui définissent votre parcours. L’ordre public a-t-il sa place ?

Le rétablissement de l’ordre est je pense une dimension centrale dans mon parcours avec des expériences marquantes dans des zones un peu compliquées que ce soit à l’étranger, en Outre-mer ou en France. J’ai déjà évoqué les expériences au sein de l’ONU avec la gestion de troubles graves, mais c’est également l’engagement sur de nombreuses opérations que ce soit comme commandant d’escadron blindé ou commandant de groupement notamment dans le Val-d’Oise lors des émeutes suivant le décès d’Adama Traoré. J’ai également enseigné cette matière comme instructeur à l’École des Officiers.

Nous allons déjà nous quitter. Comment occupez-vous votre temps libre ?

 Je dois avouer qu’il ne me reste pas beaucoup de temps pour moi. En effet, lorsqu’on a la chance d’être à la tête d’une formation comme la Garde républicaine, on se doit d’être à fond dans son travail, l’inverse serait amoral. Pendant 25 ans j’ai néanmoins été boxeur. Je ne peux plus malheureusement pratiquer cette activité pour des raisons médicales. Néanmoins je me suis remis à l’équitation depuis que j’occupe mes fonctions actuelles et je monte tous les jours, très tôt le matin.

– Quelle boxe pratiquiez-vous ?

J’ai comme tout le monde commencé par la boxe française puis je suis passé à la boxe thaï qui est une excellente école de dépassement de soi.

Un sport qui exige beaucoup de travail et de discipline pour avoir assisté à des combats à Bangkok, veille de l’anniversaire du roi.


Un remerciement général Charles-Antoine THOMAS pour votre accueil fort sympathique comme toujours ! Le prochain rendez-vous est pris, le 14 juillet dès 09h30 sur les Champs-Elysées.


Pour les curieux.
Un focus sur le musée de la Garde républicaine et l’Écurie de l’État-major en présence de Fakir.

  • Le Musée 

Au sein du Quartier des Célestins, dans une écurie centenaire, se profile la salle de traditions, petit musée qui relate l’Histoire de la Garde républicaine, au travers de vitrines mettant en scène ses militaires d’autrefois.

On voit apparaître les prémices d’une Garde républicaine sous le consulat en 1802.

Napoléon décide de créer une unité militaire chargée de la sécurité à Paris : la Garde municipale.

Chargée de maintenir l’ordre au dedans, elle n’a pas été privée de concourir à l’honneur de la patrie en dehors. En effet, elle a été envoyée à Dantzig et Friedland en 1807, à Alcoléa en 1808 et à Burgos en 1812. Ces batailles figurent désormais sur le drapeau et étendard de la Garde républicaine.

Mais son histoire ne s’arrête pas là. En fonction des agitations et insurrections parisiennes, elle s’est vue dissoute, reformée et renommée. Ses missions ont été relativement les mêmes au cours des siècles mais son rattachement à Paris inchangé.

La Garde a vécu ce que Paris a essuyé au fil du temps. De la Monarchie de Juillet au 2nd Empire, de la 2ème République aux différents conflit mondiaux, elle s’est portée volontaire pour protéger sa population, pour protéger son pays. Certains gardes sont même rentrés en résistance afin de combattre l’ennemi, dissimulés derrière leurs missions quotidiennes.

Elle s’est donc impliquée, parfois au péril de sa vie, à la libération de la nation.

La Garde républicaine a également été envoyée sur différents terrains d’opération. Elle est allée faire la guerre en Indochine, ce qui lui a valu une autre inscription à son drapeau et une décoration (croix de guerre TOE), et a également été envoyé maintenir la paix dans le cadre des missions des casques bleus.

De Garde municipale à Gendarmerie royale de Paris, de Garde civique à Garde de Paris, de Garde républicaine de Paris à, tout simplement, Garde républicaine, elle a abandonné le « de Paris » afin de montrer qu’elle est apte à servir, et si besoin est, et comme tous les corps qui l’ont précédé, là où l’appelle le service de la patrie.

Général Charles-Antoine THOMAS, commandant la Garde républicaine et Miss Konfidentielle au musée des Célestins @ ADC Fabrice Bourdeau_Garde républicaine
  • Écurie de l’État-Major

Parmi les nombreuses écuries qui se trouvent au sein du Quartier des Célestins, une se différencie des autres : l’écurie de l’État-Major.

Elle abrite les chevaux du colonel commandant le régiment de cavalerie et de ses adjoints.

Bien que cette écurie se trouve au sein du 1er escadron, les chevaux qui y logent ont une robe bien différente de leurs congénères.

En effet, là où les chevaux du 1er escadron sont alzan, ceux de l’écurie de l’État-Major sont baie et/ou baie brun. Cela est dû au fait qu’il leur est possible de choisir leurs chevaux.

Derrière une porte de cette écurie se trouve, sur un présentoir revêtu d’un tapis de selle au galon doré, la selle d’arme du colonel. Prônant fièrement devant les tableaux sur lesquels sont inscrits tous les noms des différents commandants du régiment de cavalerie, cette selle d’arme devra bientôt laisser sa place à sa successeure : la selle d’arme de la première femme à commander le régiment de cavalerie de la Garde républicaine.

Général Charles-Antoine THOMAS, Miss Konfidentielle et Fakir aux Célestins, Écurie de l’État-Major @ ADC Fabrice Bourdeau_Garde républicaine

Note importante : Il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article (texte, photos)

Un souvenir que je vous partage. J’étais invitée par le général Christophe Abad à suivre les derniers échauffements sur les Champs-Elysées la nuit du 12 au 13 juillet. Une vidéo qui tourne beaucoup sur les réseaux sociaux 😉

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