Interview du GCA Laurent Lherbette, Général commandant les forces aériennes CFA et la zone de défense et sécurité Sud Ouest OGZDS

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L’entretien se déroule à l’Hôtel du Quartier Général de Bordeaux, le lieu de travail et de résidence de l’officier général commandant la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest. Je suis avec le général Laurent LHERBETTE élevé, le 1er septembre 2021, au rang de général de corps aérien et de Commandant des forces aériennes (CFA).

L’interview s’inscrit dans le cadre de mon séjour à l’Hôtel du Quartier Général de quatre jours et fait suite à ma visite du général Laurent Lherbette le 18 juin 2021 au Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) sur la base aérienne 942 Lyon Mont-Verdun, puis de ma visite le 14 juillet 2021 aux Invalides après le défilé militaire des Champs-Élysées. J’avais publié une interview historique.

Le 9 janvier 2023, nous participons au colloque annuel de l’armée de l’Air et de l’Espace à l’École militaire. Le thème est Du ciel à l’espace, nouveaux enjeux opérationnels à très haute altitude en la présence du général d’armée aérienne Stéphane MILLE, CEMAAE, du général de division aérienne Stéphane DUPONT, Directeur du Centre d’études stratégiques aérospatiales, de hautes autorités militaires et civiles, réservistes citoyens, industriels, académiques.

« Bonjour général, nous sommes installés dans votre bureau à l’Hôtel du Quartier Général de Bordeaux. Le bâtiment est historique, à quel titre ? »

Sur le plan historique, le bâtiment a toujours appartenu au ministère des Armées et fut construit à la fin du XIXème siècle pour accueillir un officier et son état-major, officier général qui commandait la 18ème région militaire. En effet, après la défaite de 1870 et le rapport Bouchard qui s’en suivit, les armées sont réorganisées, notamment autour d’une structure territoriale forte.

Mais ce bâtiment a une histoire avec un grand H. Vous le savez, le gouvernement français a pris l’habitude de se replier sur Bordeaux lorsque cela va mal à Paris. En 1940, le gouvernement français est à Bordeaux pour la troisième fois. Le gouvernement est alors dans la résidence qu’occupe aujourd’hui le préfet de zone de défense, deux cents mètres plus haut dans la rue.
Le général de Gaulle appelé comme sous-secrétaire d’État à la Défense nationale et à la guerre dans le gouvernement Paul Reynaud, a été missionné pour évaluer la vision du Royaume uni, et en particulier de Winston Churchill quant à la poursuite du combat. De Gaulle part deux fois en Angleterre et rentre la seconde fois le 16 juin 40. Lorsqu’il se pose sur la base aérienne 106 de Mérignac et rejoint Bordeaux, il apprend que le gouvernement a démissionné, emporté par le clan des « défaitistes » et que le Maréchal Pétain prend les commandes pour débuter immédiatement les termes d’un armistice.
Il faut rappeler que la France vit une période fortement tourmentée. Les Allemands avançant très rapidement, il faut prendre des décisions cruciales vis-à-vis de la poursuite de la guerre, ou pas.
De Gaulle apprenant cela, alors que Churchill est prêt à poursuivre la guerre avec la France en unissant les empires coloniaux des deux pays, vient ici dans ce bureau pour parler à Paul Raynaud. Il lui annoncera qu’il repart en Angleterre pour poursuivre la lutte. Paul Raynaud lui donnera 100 000 francs et le lendemain, le 17 juin 1940, le général de Gaulle retournera à Londres laissant femme et enfants en France. Le 18 juin, il lancera son appel.

Quand je présente ce lieu, ce bureau, j’ai l’habitude de dire que c’est le point zéro de la France libre.

Mémoire au général de Gaulle à l’entrée de l’Hôtel du Quartier Général de Bordeaux © Armée de l’Air et de l’Espace

« Vous êtes l’Officier général de la zone de défense sud-ouest et le Commandant des forces aériennes (CFA) de l’armée de l’air et de l’espace depuis le 1er septembre 2021. Quelles sont vos missions ? »

 En rejoignant Bordeaux en septembre 21, je me voyais confier deux missions, l’une comme représentant du Chef d’Etat-Major des armées en Nouvelle Aquitaine auprès de la chaîne préfectorale et je suis également le commandant de la place militaire de Bordeaux, et l’autre, pour l’Armée de l’air et de l’espace, comme commandant des forces aériennes au niveau national en charge de la préparation au combat des personnels et matériels de l’AAE.

En tant qu’officier général de zone de défense pour la Nouvelle-Aquitaine, je suis responsable de l’engagement des moyens militaires en Nouvelle-Aquitaine, qu’ils appartiennent à l’armée de terre, à la marine nationale ou à l’armée de l’air et de l’espace.

Il y a 7 zones de défense et de sécurité en France, une seule n’est pas commandée par un officier général de l’armée de Terre, il s’agit de la Nouvelle-Aquitaine qui a été confiée à un officier général de l’armée de l’Air et de l’Espace en 2011. C’est la singularité de la Nouvelle-Aquitaine.

1 – En tant qu’OGZDS, j’ai une mission interarmées opérationnelle.

Les armées ne sont pas un service déconcentré de l’Etat, elles restent toujours sous le commandement du CEMA, et de facto du Président de la République. Aussi, quand le Préfet a besoin de faire appel aux armées en Nouvelle Aquitaine, il passe par moi. Nous le verrons cet après-midi avec l’exercice « SUDOUEX » à la caserne Xaintrailles, exercice qui nous permet d’évaluer nos aptitudes et nos capacités à réagir à une éventuelle sollicitation préfectorale. Dans tous les cas, nous agirons sous réquisition de Préfet, réquisition qui respecte un certain nombre de règles garantissant aux armées de ne pas fragiliser leur mission première : défendre le pays en cas de guerre, et participer aux opérations en cours. En cas de crise (ex. : catastrophe naturelle, accident industriel, pollution de plage, etc.) le Préfet peut faire appel aux armées si ces besoins sont indisponibles, insuffisants, inadaptés ou inexistants, cette règle porte le nom des 4 I.

Étienne GUYOT, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la zone de défense et de sécurité du Sud-Ouest, préfet de la Gironde © Armée de l’Air et de l’Espace

Notre structure de commandement est organisée en miroir de celle de la chaîne préfectorale. Il y a le niveau central à Paris, le niveau zonal avec le préfet zone de défense et l’officier général zone de défense, et le niveau départemental avec le délégué militaire départemental et le préfet de département. Les délégués militaires départementaux sont les terminaisons nerveuses en local de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD). Ce sont eux qui portent auprès des préfets de départements les questions, les orientations.
La chaîne est simple à souhait et c’est déjà une force.

Le scenario de l’exercice « SUDOUEX » en mars 2023 rassemblait les délégations militaires départementales (DMD) de Corrèze, Gironde, Lot-et-Garonne, Haute-Vienne, et des acteurs des préfectures concernées. L’objectif de l’exercice était d’entraîner les acteurs de la chaine OTIAD (organisation territoriale interarmées de défense) à interagir en milieu interministériel et interarmées dans le cadre d’une gestion de crise majeure en s’appuyant sur un évènement de catastrophe naturelle © Armée de l’Air et de l’Espace

C’est aussi le volet Sentinelle ?

En ce qui concerne SENTINELLE, les moyens militaires sont engagés sur le théâtre national pour faire de la lutte antiterroriste. Effectivement, cette opération en Nouvelle Aquitaine est conduite par mon état-major et par subsidiarité, les délégués militaires départementaux.

Au-delà de SENTINELLE, les armées étaient également présentes lors de l’opération RESILIENCE en contribuant notamment à la vaccination de la population contre le COVID19. Un pôle militaire de vaccinations a été ouvert à la demande du Préfet sur la commune de Mérignac et a effectué près de 120 000 injections en 6 mois, ce qui fut conséquent.

Tout se fait au travers de l’OTIAD du ministère des Armées que l’officier de zone de défense incarne au niveau régional. L’enjeu est de parvenir à développer et entretenir un dialogue civilo-militaire de grande qualité avec les partenaires la chaîne préfectorale. J’y veille personnellement.

2 – Comme OGZDS, j’ai une mission interarmées de rayonnement et une mission à l’égard de la Jeunesse.

La mission de rayonnement est de faire que les armées en Nouvelle-Aquitaine soient reconnues pour ce qu’elles font et mieux connues pour ce qu’elles sont.

Les sondages réalisés prouvent que 85 à 90% des Français sont satisfaits de l’action de leurs armées. Ils reconnaissent donc ce que l’on fait. En revanche, lorsque l’on discute avec eux, ils nous méconnaissent. Pourquoi ? Les armées sont un peu moins visibles, elles sont surtout engagées en opérations extérieures (OPEX). D’où la nécessité de travailler leur rayonnement afin de renforcer le lien entre les armées et la nation.

Il ne s’agit pas de rayonner dans les cercles des élus ou de certains industriels qui présentent déjà une appétence pour les armées, c’est avant tout d’atteindre aussi d’autres cercles.

A Bordeaux, je travaille beaucoup à mieux faire connaître les armées dans le monde local de la justice, de la santé, du sport, de la culture, du vin. Nous capitalisons sur l’existence de peintres militaires comme les peintres de l’Air et de l’Espace, de formations musicales comme la musique des Forces Aériennes, nous échangeons avec l’ARS, le Samu, le groupe hospitalier Pellegrin au profit du Service de Santé des Armées… l’enjeu est de créer du lien et permettre aux armées de « (re) trouver leur place au cœur de la Cité ».

Oeuvre d’un peintre de l’Air dans le bureau du général Laurent Lherbette, Hôtel du Quartier Général de Bordeaux © Armée de l’Air et de l’Espace

La mission pour la jeunesse est de concourir au développement de l’esprit de défense.

Certains me disent que je suis là pour recruter. Et bien non, je ne vois pas ma mission de cette manière. Comme je l’ai dit précédemment, les armées ont besoin d’être reconnues et comprises par notre population. Cela passe par un partage de valeurs, une approche consensuelle de l’esprit de défense avec les jeunes notamment. Et si cela permet de recruter, c’est que nous avons bien fait notre travail.

Nous opérons avec l’Éducation nationale et l’IHEDN – Institut des Hautes Études de la Défense Nationale – au travers du Trinôme Académique, cénacle crée il y a presque 40 ans. Il est bien ancré dans le paysage et c’est à lui que l’on doit de très belles réalisations, très positives pour les jeunes du collège jusqu’au lycée. Ce sont, par exemple, les classes de défense et de sécurité globale, les rallyes citoyens… A Bordeaux les rallyes citoyens durent 3 jours. Ce sont des moments formidables organisés autour de 14 ateliers. Si les armées y sont présentes, elles côtoient aussi les représentations du département, de la police, de la justice, de la santé, un pôle mémoriel… Ce rallye réalisé avec l’Éducation nationale est remarquable et je salue l’engagement des professeurs et cadres qui s’y impliquent et sans lesquels, rien ne se ferait. Nous avons donc une multitude d’actions menées par ce trinôme académique. Et l’OGZDS doit aller au-delà.

Pourquoi ?
Je pense qu’il ne faut surtout pas couper le lien ainsi tissé avec la jeunesse, après le Bac. Il est important de l’entretenir. Pour cela, nous avons mis en place cette année ce qu’on appelle « Les Cafés stratégiques » (idée reprise de Rennes); c’est une rencontre tous les deux mois à l’Université de Bordeaux sur un thème Défense, avec des étudiants intéressés. Là, ils bénéficient de 30 minutes de présentation par un intervenant, comme un spécialiste de l’Ukraine ou un spécialiste de la cyber. A l’issue, jeu de questions-réponses avec les étudiants, puis échange direct durant une pause repas offert par l’OGZDS. Nous constatons un vrai succès. Ainsi, nous parvenons à entretenir ce continuum collège – lycée – université, sachant que je dois aussi aller voir les entreprises.

Pourquoi ?
Les trentenaires et les quadras sont dans le milieu professionnel, il est plus difficile de conserver un lien avec eux, et de contribuer à renforcer l’esprit de défense.

Pour revenir aux jeunes, beaucoup aspirent à pouvoir rentrer en contact avec l’armée. Et le SNU, Service National Universel, c’est aujourd’hui 15 jours de stage de cohésion et c’est ensuite une mission d’intérêt général (MIG) pour les volontaires. Cette mission d’intérêt général rencontre un vrai succès et les candidats sont plus nombreux que le nombre de places offertes. A ce titre, l’intérêt pour les MIG militaires ne se dément pas, et là aussi, nous peinons à satisfaire tous les volontaires. Nous avons donc le devoir pour ceux qui sont intéressés mais pas retenus, de pouvoir les appuyer dans leur souhait.

Rencontre du GCA Laurent Lherbette avec les étudiants en université Nouvelle-Aquitaine © Armée de l’Air et de l’Espace

Par ailleurs, nous avons également des échanges avec la Justice, cela nous ouvre des portes sur un vivier de jeunes dont les parcours sont difficiles voire chaotiques. Dans ce cadre, les armées mettent en œuvre des outils performants qui ont déjà fait leur preuve comme le SMV par exemple, le service volontaire militaire, qui a plus de 85% de succès. Les EPIDE, – établissements pour l’insertion dans l’emploi des jeunes de 17 à 25 ans qui ne relèvent plus du ministère des armées mais de celui de l’éducation nationale – avec qui j’entretiens d’excellents rapports, et qui concourent pour quelques jeunes, à ouvrir la porte des armées.

Revenons à la zone de défense SUD-OUEST.  

J’ai un avantage en Nouvelle-Aquitaine. Je n’interagis qu’avec un seul préfet de zone de défense car zone administrative et zone de défense se confondent. J’ai des camarades qui interagissent avec plusieurs préfets ce qui démultiplie les processus.

En Nouvelle-Aquitaine, Ce sont 37000 militaires et agents du ministère des Armées dont à peu près 5000 réservistes, avec une parité entre l’armée de l’Air et de l’espace et l’armée de Terre (un peu plus de 11000 personnes pour chaque armée). La marine est très peu représentée.
Il y a environ 300 marins entre ceux opérant dans les sémaphores et ceux travaillant dans des état-major interarmées et interservices comme la DMAé – Direction de la Maintenance Aéronautique, et la DGA – Direction générale de l’Armement bien ancrée dans la région.

Des outils industriels étatiques sont bien implantés en Gironde, comme le SIAé – Service Industriel de l’Aéronautique,qui relève de l’AAE et dispose d’ateliers de l’autre côté de la Garonne, à Floirac, en charge de l’entretien de quasiment tous nos moteurs d’avions et hélicoptères. C’est un pôle important.

Dans les détails, le Sud-Ouest est aussi très orienté forces spéciales et formation. Ainsi, toutes les forces spéciales de l’armée de Terre stationnent dans la région, comme l’escadron d’hélicoptère de l’AAE dédié aux FS, S’agissant la formation, 6 écoles y sont implantées : les écoles de formation des sous-officiers de l’armée de l’Air à Rochefort et de l’armée de Terre à Saint-Maixent, l’école des techniciens de l’AAE à Saintes qui accueille ceux que nous appelons affectueusement les Arpettes, des jeunes que l’on accueillent à 16 ans et qui passent pour la plupart leur Bac ou leur BTS avant de rejoindre ensuite Rochefort et passer sous-officiers. Ce sont aussi la base de Cognac avec la formation des pilotes de chasse, Dax et sa formation initiale de tous les pilotes d’hélicoptères militaires et enfin Pau et son école des troupes aéroportées (ETAP).

La ZDS-SO comptent également des grandes entités conventionnelles. Je pense à la 9e Brigade d’Infanterie de la Marine (BIMa), dont l’état-major est à Poitiers avec sous son commandement le 1er régiment d’infanterie de chars de marine, le RICM, le plus décoré de France, le 126e régiment d’infanterie (126eRI) à Brive dit « Les Bisons », le 48e régiment de transmission à Agen dit « Les Léopards d’Aquitaine », ou encore 5ème régiment d’hélicoptères de combat, le 5e RHC à Pau…

S’agissant de l’AAE, la base aérienne 118 Mont-de-Marsan accueille tous des rafales à vocation conventionnelle, et la base aérienne 709 Cognac-Châteaubernard, entre des drone REAPER notamment. Un mot sur la BA 709, nous sommes en semaine « BASEX ». Vous aurez l’occasion demain de découvrir sur site l’exercice réalisé dans le cadre de la préparation aux opérations.

Photo prise lors de la semaine de l’exercice « BASEX » (mars 2023) à la BA 709 avec le GCA Laurent Lherbette et Miss Konfidentielle © Armée de l’Air et de l’Espace

Plus globalement, l’ensemble des entités du Ministère des Armées sont représentées en Nouvelle Aquitaine.  Cinq milliards d’euros y sont investis auprès des industriels, les militaires et agents du ministère y représentent un peu plus d’1 milliard d’euros par an en termes de masse salariale. Un site militaire comme la base aérienne de Mont-de-Marsan ce sont annuellement 20 millions d’euros injectés dans l’économie locale. L’empreinte économique est de facto très importante. En Gironde, il y a plus de 9000 personnels civils et militaires.

Au titre de cette mission interarmées, j’ai avec moi, un adjoint de l’armée de Terre qui supervise au quotidien le volet opérations de mes responsabilités. La répartition des tâches entre nous est logique, naturelle et fluide, elle ne nous pose aucun problème. Confiance et estime animent notre relation, que je considère comme particulièrement efficace et fiable.

Lors des feux de forêt hors norme de l’été dernier, nous avons opéré ensemble, avec la préfète de zone défense, en pleine complémentarité.

3 – Si je suis OGZDS-SO, j’ai aussi une responsabilité propre au profit de l’Armée de l’Air et de l’Espace (AAE), en tant que commandant les forces aériennes (CFA) de l’AAE.

La mission première des Armées est d’être toujours au rendez-vous des opérations.

Aussi, l’AAE s’emploie régulièrement à s’adapter aux évolutions de son environnement. Dans ce cadre, elle a engagé une reconfiguration de son organisation, un plan nommé ALTAIR lancé le 25 mars 2022. L’objectif est de clarifier notamment les processus en en confiant le pilotage à des acteurs uniques et clairement identifiés. Par exemple, le pilotage du maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique sera repris « exclusivement » par l’état-major de l’AAE.

Pourquoi ?
Aujourd’hui, la DMaé est à la manœuvre pour élaborer, passer et piloter les contrats de maintenance avec les industriels. A ce titre, c’est elle qui « discute » de la mise en œuvre des contrats verticalisés (voulus par le ministère précédent) avec l’industriel retenu en prime. La coordination entre la DMAé et l’AAE se fait désormais à Paris et non à Bordeaux. De fait, que le CFA ne soit plus le primus inter pares dans ce domaine est assez logique.

De même, j’ai précisé que ma mission est de préparer personnel et matériel au combat. Se préparer au combat c’est une chose, il faut aussi préparer les aviateurs et aviatrices aux opérations ce qui demande une expertise particulière. L’expert des opérations est le CDAOA, commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes. De fait toute la responsabilité de la préparation opérationnelle lui a été confiée et le CFA s’est vu écarté de cette mission.

Cette reconfiguration se veut également une source de gain en vitesse de prise de décision. A ce titre, la suppression d’un niveau décisionnel, celui du CFA, va dans ce sens. Cette manœuvre conduit de facto à rendre autonomes les brigades qui constituent encore aujourd’hui le CFA, notamment les brigades de l’aviation de combat, de l’aviation d’assaut projection et des forces spéciales AIR. Celles-ci seront dès l’été 2023, raccrochées directement au major-général de l’armée de l’Air et de l’espace.

Mais si le CFA est amené à disparaître dans quelques mois, il sera remplacé par un commandement à caractère territorial pour combler des manques qui pesaient sur le fonctionnement de l’AAE depuis la suppression des régions aériennes il y a une quinzaine d’années. Ce commandement se concentrera sur 3 missions essentielles :

1° La mission de protection des bases aériennes, mission opérationnelle qui relève à ce jour du CDAOA. Cette dimension opérationnelle sera une nouveauté pour nous à Bordeaux. A gros trait, le CDAOA « commandera la manœuvre dans la 3D » et Bordeaux « celle dans la 2D » sur le territoire.

On décentralise si je comprends bien ? Oui d’une certaine façon mais pas tant que cela. Bordeaux disposera d’une antenne à Paris afin d’être au plus près des centres opérationnels. En outre, nous nous voyons confier la mise en œuvre de la politique de défense – sécurité de l’armée de l’AAE sur l’ensemble du territoire.

2° La mission cruciale d’appui au fonctionnement des bases aériennes

Pourquoi ? Nos commandants de base doivent faire face à des dossiers de plus en plus complexes impliquant de nombreux acteurs dont certains ne relèvent pas de l’AAE et sont de niveau supérieurs Aussi, ils doivent pouvoir disposer d’un relais fort capable d‘engager des discussions-négociations avec les niveaux intermédiaires des directions et services interarmées. Cette capacité nous faisait défaut et obérait parfois la prise en compte au juste niveau de sujets majeurs pour l’activité opérationnelle de l’AAE. Ce commandement territorial jouera un rôle de « grand frère » pour toutes les bases aériennes. J’avais encore des échanges ce matin avec des commandants de base, et je sens qu’ils en ont besoin.

3° Une troisième mission mais à plusieurs facettes. S’agissant du MCO aéronautique, nous conserverons le volet logistique et supply-chain et pas simplement pour les moyens aériens mais pour tous les moyens de l’armée de l’Air.

Nous continuerons d’appuyer le fonctionnement administratif d’une très grande partie des unités de l’AAE. A titre d’exemple, nos brigades autonomes ne seront pas dotées des outils dit de commandement (bureau RH, chancellerie, finances, infrastructures, COM…) faute de RH suffisante. Ainsi, tout cela restera à Bordeaux et demeurera au sein du commandement territorial. Dans les faits, nous allons conserver la mise en oeuvre de ces processus de fonctionnement mais n’en serons plus les pilotes.

Si aujourd’hui, en tant que GCFA, j’ai encore 23000 personnes qui sont directement sous mes ordres, à partir du 1erseptembre 2023, 11000 personnes dépendront dans leur travail quotidien du commandement à venir, et 8000 lui répondront directement. Nous sommes là dans l’innovation en termes de chaîne de commandement.

Voilà mon activité depuis un an et demi. Je suis aidé en cela par deux équipes et heureusement car je ne dispose que de 5 jours par semaine or je veux pouvoir me consacrer 5 jours au GCFA et 5 jours à l’OGZDS-SO, de facto mes équipes doivent pouvoir résoudre l’équation 5+5=7 jours !

Comment vous organisez-vous dans votre travail au quotidien ? Je travaille dans ce bureau au HQG plutôt la nuit et le week-end. Dans la semaine c’est plus rare parce que je suis souvent à mon bureau sur la base aérienne de Mérignac, et en déplacements sur Paris, sur les bases aériennes … et naturellement en Nouvelle-Aquitaine.

Vous vivez à l’Hôtel du Quartier Général, quel est votre retour d’expérience ?

J’ai la chance d’être logé dans cette magnifique bâtisse. Il y a un espace de vie privée qui est mis à disposition de ma famille moyennant un loyer. C’est unique, nous sommes très bien situés au cœur de à Bordeaux. Mais je pense que ma femme en profite plus que moi !

Quels lieux appréciez-vous à Bordeaux et sa région ? Je vais vous répondre comme le font beaucoup de bordelais : le bassin d’Arcachon qui est un lieu un peu particulier. Hors saison estivale, l’endroit est très reposant, dépaysant et sympathique. « On y vit bien, on y mange bien ». Après j’ai découvert le Périgord, le Pays basque. La région est très belle, nous sommes proches de l’Espagne, de la montagne. Sinon Bordeaux est une ville qui vit beaucoup, qui même si elle se développe très rapidement, reste encore à taille humaine. La ville est agréable à vivre, la proximité de la mer et de la montagne est bien agréable. C’est une réponse toute simple mais quelquefois il n’y a pas à aller chercher plus loin. On a de belles conditions de vie dès lors que l’on a le temps d’en profiter.

« Comment envisagez-vous le 14 juillet 2023 ? »

Ce qui est assez exceptionnel, c’est que lorsqu’on est dans une grande métropole comme Bordeaux ou Marseille, il y a un défilé militaire, une cérémonie militaire placée sous la présidence de l’officier général de zone de défense. Cela sera une cérémonie militaire en présence des très hautes autorités de la région et de la métropole. Les Bordelais y sont attachés, cela aura lieu sur la Place des Quinconces, l’une des principales places du centre-ville de Bordeaux. La cérémonie militaire sera simple avec la remise des décorations suivie du défilé militaire des nombreuses sections qui représenteront la plupart des unités militaires de Nouvelle Aquitaine.

Ce sera est aussi pour moi l’occasion de recevoir les autorités locales au HQG, dans un lieu d’Histoire. Un moment républicain. Le préfet vient, le maire de Bordeaux, le président de région, le président de Bordeaux métropole seront aussi représentés. Cet évènement permettra aux Armées de rayonner, cette mission essentielle dont nous avons parlé.

Un remerciement appuyé général pour l’interview réalisée dans votre bureau au HQG de Bordeaux et le séjour qui permet de partager au plus grand nombre votre métier de l’intérieur et qui participe à mieux comprendre l’armée de l’Air de l’Espace. Je vous souhaite une belle cérémonie de 14 juillet à Bordeaux.

Une dédicace aux équipes de communication qui ont fait de ce séjour une perfection. Une dédicace spéciale au lieutenant-colonel Sophie Caussel.

Photo prise dans le bureau du GCA Laurent Lherbette (HQG Bordeaux) avec Miss Konfidentielle © Armée de l’Air et de l’Espace

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