DNRED – Cérémonie d’attribution de la médaille d’honneur des douanes à Yann BRUN
Attachée à soutenir des belles figures de nos institutions, je vous invite à prendre connaissance de l’actualité de Yann BRUN.
Bonjour Yann,
Nous sommes le mardi 05 septembre 2023 dans le bâtiment de la DNRED. Que se passe-il ?
Nous sommes ici à la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) à l’occasion de la cérémonie d’attribution de ma médaille d’honneur des douanes. C’est un grand honneur pour moi que de recevoir cette distinction de la main de Madame Laurence Larhant, Directrice des enquêtes douanières (DED). C’est également une grande fierté et une véritable reconnaissance car la médaille d’honneur des douanes n’est décernée « à titre exceptionnel » qu’à des personnalités extérieures ayant rendu des services signalés à l’administration des douanes.
Seul, on ne fait rien. C’est pourquoi cette cérémonie est l’occasion de célébrer non pas qu’une personne, mais un collectif, une histoire commune. Il y a des hommes et des femmes qui ont contribué et contribuent quotidiennement à la protection du patrimoine culturel en France et à l’étranger. Je ne peux tous les citer ici, ils se reconnaîtront. Il y a bien évidemment, les agents du ministère de la Culture (archéologues, conservateurs, archivistes, juristes, mes collègues conseillers sûreté et sécurité…), le ministère de l’intérieur (police, gendarmerie…), la justice, l’armée, les affaires étrangères, les chercheurs, les universitaires et les professionnels du monde de l’art ainsi que les organisations telles que l’UNESCO, UNIDROIT, l’ICOM… mais également les douaniers, en particulier ceux de la DNRED. C’est moins connu et pourtant cela fait partie de leurs missions de protection du patrimoine ; en effet, les biens culturels et trésors nationaux font l’objet de vols, de destructions, de trafics illicites et de pillages, notamment sur les sites archéologiques en France et à l’étranger, ainsi que dans les zones de crise et de conflits armés, du fait de leur intérêt patrimonial et/ou leur valeur pécuniaire, susceptibles de constituer un vecteur de fraude ou une source de blanchiment de capitaux, voire de financement d’actions terroristes.
Le dispositif de lutte contre le financement de la criminalité organisée et du terrorisme a d’ailleurs fait l’objet d’un renforcement significatif depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
Quels faits marquants ont conduit à la remise de votre médaille ?
Le premier et le plus important pour moi est un événement survenu en février 2012, qui a fait faire un bond en avant dans la lutte contre le pillage archéologique en France, et qui fait également que nous sommes là puisque c’est ma première coopération avec la douane.
Je parle de l’affaire du viticulteur pilleur qui est la plus forte condamnation à ce jour d’un pilleur terrestre d’objets archéologiques trouvés illicitement en France, à l’aide notamment de détecteurs de métaux.
Elle fait suite à un contrôle inopiné de la brigade de surveillance intérieure de la douane de Melun, les objets saisis furent expertisés par Bertrand Triboulot, archéologue au Service régional d’archéologie SRA d’Île-de-France, et l’enquête a été menée conjointement par le Groupement d’intervention régional de Seine et Marne (GIR 77) avec le contrôleur principal Emmanuel Champeau qui représentait la douane et bien sûr le Major de gendarmerie Michel Baumert, qui était le directeur d’enquête. Cette affaire n’aurait pu aboutir sans l’aide et l’appui de Madame Caroline Goudounèche, à l’époque Substitute du Procureur de la République au TGI de Meaux, qui a permis la condamnation le 8 août 2014 du viticulteur pilleur à une amende de 197 235€, à un emprisonnement de 6 mois avec sursis et la restitution des 2 300 objets archéologiques au bénéfice de l’Etat et à 3 500€ pour sa femme (peines confirmées en cassation le 22 novembre 2011). Cette affaire m’a permis de participer activement à la mise en place de procédures et protocoles de coopération interservices (culture, police, gendarmerie, douane et justice) et de tisser un maillage territorial opérationnel en France et à l’international.
Cette affaire est emblématique car c’est aussi une rencontre entre des institutions mais surtout entre des personnes. Cela a été aussi pour nous la découverte de la puissance et de l’efficacité des pouvoirs de la douane, notamment dans la lutte contre le pillage archéologique.
Cela a été le début de nombreuses affaires qui ont fait la une des médias (près de 38 000 biens culturels ont été saisis par la douane en 2022 contre 6 377 en 2021, soit presque six fois plus). Je ne citerai que la plus importante, qui est toujours en cours, celle du pilleur lorrain, avec la saisie en 2020 par la douane, suite notamment à une enquête de la DNRED, avec l’appui du service régional de l’archéologie du Grand Est, de plus de 27 400 biens culturels saisis pillés en France à l’aide de détecteurs de métaux (d’une valeur estimée à 772 685 €).
Toutes ces actions judiciaires m’ont amené à élaborer, à organiser et à animer des cycles de formation sur la lutte contre le pillage archéologique, destinée aux archéologues en poste, dans laquelle la douane a été mise au premier plan des intervenants, mais aussi auprès des archivistes sur la prévention des vols et la sûreté des archives (DGPA, INP, Ecole du Louvre, ENSSIB…), auprès des services d’enquêtes (police et gendarmerie) avec l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), des magistrats avec l’ENM, des professionnels de la sécurité et de la sûreté, notamment avec l’IHEMI et l’Agora des directeurs sécurité, et auprès du monde académique, notamment au travers de cours en master 2 pour les universités de Paris Dauphine, Paris Nanterre, Paris Saclay, Lyon 3, Tours, Poitiers, ICP, etc.) ou à l’international pour l’UNESCO et pour l’Université de Senghor.
Sans oublier des actions de sensibilisation pour le grand public et le jeune public, avec les SRA et l’INRAP. Citons de nouveau 2 événements important : l’organisation avec Xavier Delestre et Vincent Michel en octobre 2022 au musée d’Histoire de la Ville de Marseille du colloque internationale « Agir ensemble contre le pillage archéologique et le trafic des antiquités » ainsi que l’exposition au musée d’Histoire de Marseille « Trésors coupables », avec Fabrice Denise son directeur. Elle est accessible à Marseille jusqu’au 12 novembre. Vous pourrez y voir plus de 800 objets confisqués par la justice, dont la plupart saisis par la douane.
Post remise de médaille
Comment vous sentez-vous sur l’instant ?
Une intense émotion et une grande joie. Malgré le chemin parcouru, avec de nombreuses embûches, cette distinction constitue pour moi un immense honneur et aussi un encouragement à poursuivre cette aventure et cet engagement, avec force, empathie et détermination, commencés il y a près de trente-trois ans, au bénéfice de la sécurité des personnes, de la protection du patrimoine culturel, et depuis 2011 à la prévention et à la lutte contre le pillage archéologique et le trafic illicite de biens culturels.
Je ressens une fierté toute particulière car cette récompense est une marque d’honneur et de confiance de celle qui incarne au plus haut point le sens public. Les mots « Honneur et dévouement », inscrits sur le revers de la médaille, me touchent particulièrement car ils correspondent aux valeurs pour lesquelles je me suis engagé en 1990 au service de l’intérêt général.
J’espère honorer en cela l’héritage des douaniers, qui ont si discrètement fait le choix de sacrifier leur intérêt personnel par dévouement au bien commun.
Avez-vous des remerciements à formuler ?
Mes premières pensées émues et mes remerciements les plus sincères vont à mes parents qui m’ont inculqué les valeurs du travail, de l’honnêteté, du respect et de la fidélité. Puis tout naturellement à ma famille, à mes 3 filles, Noëline, Camille et Florine, et bien évidemment à mon épouse Sandrine qui me porte, me supporte et sans laquelle cet engagement prégnant ne pourrait exister.
La vie est faite de rencontres qui vous changent la vie et vous font progresser humainement et professionnellement.
Ne pouvant citer ici toutes les personnes, je remercierais donc toutes celles et ceux qui ont à un moment ou à un autre joué un rôle important dans ma vie, qui ont contribué à mon histoire, m’ont accompagné, suivi et guidé : mon collègue le commandant de police Guy Tubiana, conseiller sûreté des musées de France, les archéologues (Michel L’hour, Bertrand Triboulot, Xavier Delestre, Dominique Garcia, Vincent Michel), le Major Michel Baumert, le contrôleur principal des douanes Emmanuel Champeau, le gendarme Alexandre Dumont-Castells, le brigadier-chef Bernard Renard, mais aussi les magistrats sans oublier bien évidemment les agents de la direction générale du patrimoine et de l’architecture, les conservateurs, les archivistes et les personnels des services régionaux de l’archéologie et de l’INRAP, le milieu de l’art, le monde académique et les professionnels de l’accueil et de la surveillance de la sûreté, de la sécurité privée et publique (Stéphanie Combaret, Bruno Cordeaux, Agnès Faravel-Cordeaux, Jan Boersma, Laurent Régniau), de la sécurité des systèmes d’information et du secret de la défense nationale (SGDSN, ANSSI, etc.), notamment les responsables et membres de l’Agora des directeurs sécurité (Virginie Cadieu, Camille Broussouloux, Gwénolé Abgrall, David Toubalem), l’IHEMI (le département Intelligence et sécurité économiques et son ancien chef le Colonel Christophe Torrisi, le département Sécurité et Justice) et tout particulièrement mes camarades de la 23ème session nationale Protection des entreprises et intelligence économique…
Enfin mes remerciements vont à l’ensemble des agents de la douane, et tout particulièrement à l’ensemble des enquêteurs et enquêtrices du pôle « biens culturels » de la direction des enquêtes douanières (que je remercie sincèrement et en particulier l’un d’entre eux qui se reconnaîtra), qui œuvrent au quotidien avec efficacité à la protection du patrimoine culturel et un grand merci à vous Miss Konfidentielle, de m’avoir permis de partager ce petit moment avec vos lecteurs.
Une cérémonie chargée d’émotion pour Yann BRUN entouré de soutiens dans son parcours. Un beau moment.
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